Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 2
ARRET DU 03 JUILLET 2009
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 07/05795
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Mars 2007 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 06/04120
APPELANT
Monsieur [G] [W]
[Adresse 2]
[Localité 9]
représenté par la SCP AUTIER, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me Lucien FELLI, avocat au barreau de PARIS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2007/11123 du 11/04/2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMES
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ESSONNE
[Adresse 10]
[Localité 8]
défaillante
CLINIQUE DU [13]
[Adresse 6]
[Localité 4]
représentée par la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avoués à la Cour
assistée de Me Nathalie HALBERSTAM, substituant Me Georges HOLLEAUX, avocat au barreau de PARIS, toque D863
-Monsieur [Z] [P]
[Adresse 1]
[Localité 5]
-SOCIETE SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS
[Adresse 7]
[Localité 3]
représentés par la SCP GAULTIER - KISTNER, avoués à la Cour
assistés de Me Clotilde SAINT RAYMOND, du cabinet LECLERE et associés, avocat au barreau de PARIS, toque R75
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 Mai 2009, en audience publique et selon l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Jacques BICHARD, Président
Marguerite-Marie MARION, Conseiller
Domitille DUVAL-ARNOULD, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Tony METAIS
ARRET :
- réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Jacques BICHARD, président et par Tony METAIS, greffier.
*****
Vu l'action en responsabilité intentée par M. [W] à l'encontre du docteur [P], chirurgien urologue ;
Vu l'expertise médicale du 4 novembre 2003 ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris et réalisée par le docteur [N] ;
Vu le jugement rendu le 12 mars 2007 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :
- rejeté les demandes de M. [W]
- rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par la clinique du [13]
- condamné M. [W] à payer à la clinique du [13] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile avec intérêts au taux légal à compter de la décision
- dit la décision commune à la CPAM de l'Essonne
- condamné M. [W] aux dépens recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle ;
Vu l'appel relevé le 29 mars 2007 par M. [W] ;
Vu l'ordonnance sur incident rendue le 14 décembre 2007 par le conseiller de la mise en état de cette Cour qui a :
- débouté M. [W] de sa demande de contre-expertise
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile
- condamné M. [W] aux dépens de l'incident ;
Vu les dernières conclusions de M. [W] du 26 juillet 2007 par lesquelles il demande à la Cour de :
- prendre acte de la demande de contre-expertise
- infirmer le jugement
- dire qu'il est fondé à obtenir la réparation de l'intégralité de son préjudice et que le docteur [P] sera tenu à réparation
- fixer son préjudice comme suit :
ITT 8.142,42 €
IPP 50.000 €
pretium doloris 8.000 €
préjudice sexuel 30.000 €
- condamné solidairement le docteur [P] au paiement de 58.142,42 € au titre du préjudice patrimonial et 38.000 € au titre du préjudice personnel
subsidiairement
- constater le non respect par le docteur [P] de son obligation d'information concernant les risques encourus
- le condamner solidairement avec son assureur au paiement de 50.000 € en réparation de son préjudice relatif à sa perte de chance
- les condamner solidairement au paiement 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions du docteur [P] et de la société Swiss Life Assurances de Biens du 21 janvier 2008 par lesquelles ils demandent à la Cour de confirmer le jugement et :
- constater que le docteur [P] n'a commis aucune faute en lien de causalité directe et certaine avec les préjudices dont se plaint M. [W]
- débouter M. [W] de ses demandes
subsidiairement
- dire que le préjudice de M. [W] est constitué par une très faible perte de chance d'éviter l'intervention litigieuse et ses conséquences
- limiter les préjudices de l'intéressé à 10% des postes suivants :
IPP 10% 5.000 €
pretium doloris 3/7 3.000 €
- débouter M. [W] de ses autres demandes
en tout état de cause
- le condamner à payer à la société Swiss Life Assurances de Biens la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de Ière instance et d'appel ;
Vu les dernières conclusions de la clinique du [Localité 12] du 26 juin 2008 par lesquelles elle demande à la Cour de confirmer le jugement et condamner M. [W] aux entiers dépens ;
Vu l'assignation délivrée à la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne par remise de l'acte à une personne habilitée ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 16 octobre 2008 ;
Vu l'audience de plaidoirie du 13 novembre 2008 en l'absence du conseil de la clinique du [13] ;
Vu la demande de réouverture des débats adressée le 18 novembre 2008 par l'avoué de la clinique du [13] en raison du bulletin de procédure reçu par celui-ci faisant état d'un nouveau calendrier fixant la clôture au 5 mars 2009 et les plaidoiries au 7 mai 2009;
Vu l'arrêt rendu par cette Cour le 23 janvier 2009 qui a :
- ordonné la réouverture des débats
- révoqué l'ordonnance de clôture
- renvoyé l'affaire à la mise en état pour clôture à l'audience du 5 mars 2009
- fixé les plaidoiries le 7 mai 2009 ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 5 mars 2009 ;
SUR CE LA COUR
Considérant qu'en mai 1997, M. [W], âgé de 62 ans, présentant un diabète, des troubles urinaires et sexuels et un adénome de la prostate, a consulté le docteur [P], chirurgien urologue, exerçant à titre libéral à la clinique du [13] ;
Qu'après différents examens, le docteur [P], suspectant un cancer de la prostate, a réalisé le 21 octobre 1997, une résection trans-urétrale de la prostate dont l'analyse n'a pas permis d'identifier la présence d'un adénocarcinome ;
Qu'à l'issue de l'intervention, M. [W] a présenté des difficultés urinaires ; que le docteur [P] a pratiqué un sondage minute ainsi qu'un calibrage ;
Que M. [W] est retourné en Algérie et a consulté un urologue ayant appliqué le même traitement ;
Que M. [W], présentant un dysrurie importante, a ensuite été suivi à l'hôpital de [Localité 11] et a subi trois urétrotomies internes en mars 1998, mars 1999 et octobre 2000 ;
Qu'en janvier 2000, à la suite d'un dosage élevé de PSA et de biopsies, un adécarcinome de la prostate a été mis en évidence et traité par radiothérapie à l'Institut [O] [V]; que M. [W] est actuellement en rémission ;
Que ce dernier, ayant gardé à l'issue de la résection, une sténose urétrale à l'origine de troubles urinaires et sexuels, a sollicité une expertise en référé ;
Que l'expert a retenu :
- que le docteur [P] avait prescrit avant la résection une échographie prostatique, une biopsie de la prostate, un dosage de PSA et une radiographie pulmonaire
- que les actes et traitements médicaux pratiqués étaient pleinement justifiés devant une augmentation du taux de PSA, notée par le praticien, même si le résultat officiel du laboratoire mentionnant ce taux n'était pas en sa possession et que tous les moyens avaient été employés pour mettre en évidence un cancer prostatique, c'est à dire à la fois des biopsies prostatiques écho-guidées ainsi qu'une résection endoscopique
- que devant un taux de PSA à 7mg/ml, il était tout à fait licite d'entreprendre des explorations complémentaires à la recherche d'un cancer de la prostate et que si ce cancer n'avait pas été mis en évidence, l'avenir avait malheureusement donné raison au docteur [P] puisqu'en janvier 2000 devant un dosage de PSA à 21, les biopsies pratiquées avaient mis en évidence un adénocarcinome de la prostate
- que le docteur [P] n'avait pas revu M. [W] lorsqu'il a présenté ces premiers troubles dysuriques à son retour d'Algérie, ce dernier ayant été ensuite traité à l'hôpital de [Localité 11]
- qu'il existait un défaut d'information en ce qui concernait le risque de sténose urétrale dans la mesure où celui-ci n'étant pas important n'avait pas été mentionné par le docteur [P]
- que la sténose urétrale était liée à l'addition de la résection endoscopique de la prostate et d'antécédents d'infections urinaires et que sa pérennité avait été favorisée par la radiothérapie ultérieure ;
Que M. [W] a recherché la responsabilité de la clinique du [13] et du docteur [P] ; que ses demandes ont été rejetées par les premiers juges ;
***
Considérant qu'en cause d'appel, M. [W] soutient que l'intervention pratiquée par le docteur [P] n'était pas nécessaire et a entraîné des conséquences graves, que la preuve que le taux de PSA était avant l'intervention à 7mg/ml n'est pas rapportée, que même en admettant ce taux, une telle augmentation ne pouvait la justifier alors que la biopsie réalisée était normale, qu'un traitement médical aurait suffi, que bien qu'il soit souvent en Algérie, le docteur [P] aurait dû insister pour le revoir lorsqu'il était de retour en France, que ce praticien n'avait pas satisfait à son obligation d'information et avait fait preuve de peu d'attention et d'une extrême négligence ;
Qu'il sollicite à titre subsidiaire, si son préjudice n'était pas intégralement réparé au titre des fautes commises, des dommages et intérêts au titre de la perte de chance subie en lien avec le défaut d'information imputable au docteur [P] en faisant valoir qu'il n'a pas été informé des risques d'éjaculation rétrograde et de sténose urétrale ;
Que le docteur [P] et la société Swiss Life Assurances de Biens soutiennent qu'aucune faute n'a été commise, que M. [W] a accepté en connaissance de cause l'intervention pratiquée et ses risques et ne justifie pas qu'il y aurait renoncé s'il avait connu tous les risques encourus, que celle-ci était justifiée et que le lien de causalité entre la résection et la sténose urétrale est contestable ;
Que la clinique du [13], à l'encontre de laquelle aucune demande n'a été formée par M. [W], conclut à la confirmation du jugement ;
***
Considérant par de justes motifs fondés sur les constatations de l'expert, à l'encontre duquel les critiques de M. [W] ne sont pas justifiées et que les avis des docteurs [R] et et [C] produits par le patient ne suffisent pas à remettre en cause, que les premiers juges ont retenu qu'aucune faute liée à l'indication opératoire ou au suivi post-opératoire n'était établie à l'encontre du docteur [P] ;
Que le fait que le compte-rendu du laboratoire mentionnant le dosage de PSA n'a pas été retrouvé, alors que ce dosage a été consigné sur les notes du praticien et que le résultat noté était compatible avec le dosage ultérieur, outre les avis produits, ne suffit pas à remettre en discussion l'indication opératoire et à caractériser la faute du docteur [P] ; qu'il n'est pas davantage établi qu'un traitement médical aurait dû être envisagé plutôt qu'une résection liée à la suspicion d'un cancer de la prostate ;
Considérant encore que s'il demeure contesté en cause d'appel, que M. [W] aurait été averti des risques d'éjaculation rétrograde lors de la consultation du 16 octobre 1997 et si le docteur [P] ne justifie pas avoir informé ce dernier du risque de sténose urétrale, il n'est pas établi, compte-tenu de l'éventualité d'un cancer de la prostate et du fait que l'intéressé était demandeur d'une intervention en dépit de l'avis de son médecin traitant en Algérie, que dûment informé des risques encourus, il aurait été susceptible d'y renoncer et a en conséquence perdu une chance de ne pas subir les complications présentées qui ne sont, de surcroît, que partiellement liées à la résection pratiquée ;
Que le jugement sera donc confirmé ;
***
Considérant que l'équité ne commande pas d'accueillir les demandes formées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement ;
Y ajoutant :
Rejette les demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne M. [W] aux dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
LE GREFFIER LE PRESIDENT