LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 5123-2, 2° et L. 1233-61 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par jugement du 5 avril 2004, le tribunal de commerce d'Évry a arrêté un plan de redressement de la société General Trailers France, déclarée en redressement judiciaire le 24 novembre 2003, et autorisé le licenciement d'un certain nombre de salariés ; qu'après avoir établi un plan de sauvegarde de l'emploi ensuite complété par un accord d'entreprise, elle a licencié le 16 juin 2004 plusieurs salariés, dont M. X..., salarié protégé pour lequel elle avait obtenu une autorisation administrative de licenciement ; qu'après son licenciement, celui-ci a adhéré à la convention du Fonds national de l'emploi (FNE) conclue entre son employeur et l'État ;
Attendu que pour fixer à une certaine somme la créance de dommages-intérêts pour insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi de M. X... à l'encontre de la société General Trailers France, l'arrêt retient que l'adhésion de l'intéressé à ladite convention ne lui interdit pas de contester la légitimité du licenciement ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'à moins d'établir une fraude de leur employeur ou l'existence d'un vice du consentement, les salariés licenciés pour motif économique, qui ont personnellement adhéré à la convention du FNE passée entre leur employeur et l'État, laquelle compte tenu de leur classement dans la catégorie des salariés non susceptibles d'un reclassement leur assure le versement d'une allocation spéciale jusqu'au jour de leur retraite, ne peuvent remettre en discussion la régularité et la légitimité de la rupture de leur contrat de travail, même dans le cas où la convention leur a été proposée dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi dont ils entendent contester la pertinence, ni en conséquence se prévaloir de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 janvier 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déboute M. X... de sa demande de dommages-intérêts pour insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour l'AGS et l'UNEDIC.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé la créance du salarié à l'encontre de la société General Trailers France une somme de 51. 000 euros à titre de dommages intérêts pour insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi et d'avoir dit que l'AGS devra garantie de la somme allouée à ce titre ;
AUX MOTIFS QUE l'appelant soutient que l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi lui a causé un préjudice dont il est en droit de demander réclamation nonobstant l'autorisation de son licenciement par l'inspection du travail ; … ; que contrairement à ce que soutiennent les intimées, l'adhésion à une convention ASFNE postérieurement au licenciement ne met pas à néant ce dernier ; que le salarié est recevable à en contester la légitimité, peu important que, dans le cadre de la mise en place d'un licenciement collectif, il ait déclaré se porter volontaire pour être intégré à la procédure de licenciement collectif pour bénéficier de l'une ou l'autre de ses mesures, cette manifestation de volonté ayant pour effet de lui interdire, dès lors que la mesure de licenciement est justifiée, de contester la mise en oeuvre des critères de licenciement à son égard mais non de critiquer la mesure même de licenciement, sauf s'il est par ailleurs salarié protégé, et le plan de sauvegarde de l'emploi mis en oeuvre ; … ; que force est de constater sur ces points que :- aucun élément ne permet de retenir que le reclassement interne des salariés ait été envisagé, voire recherché, au sein des sociétés filiales de la société General Trailers France ; … ; que l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi résultait aussi caractérisé par des mesures l'aides limitées ;
ALORS QUE si le préjudice résultant de l'insuffisance d'un plan de sauvegarde de l'emploi pour un salarié protégé dont le licenciement a été autorisé peut être réparé par le versement de dommages intérêts, le salarié protégé qui a adhéré postérieurement à son licenciement à une convention ASFNE lui permettant de recevoir des allocations spéciales destinées à des salariés qui ne sont pas aptes à bénéficier de mesures de reclassement, ne peut se prévaloir d'aucun préjudice résultant de l'insuffisance d'un plan de sauvegarde de l'emploi au regard de mesures de reclassement interne ou externe qui ne pouvaient lui profiter ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 5123-2 2°, L. 1233-61, L. 1233-62 et L. 1335-10 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATI ON (SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé la créance du salarié à l'encontre de la société General Trailers France une somme de 51. 000 euros à titre de dommages intérêts pour insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi et d'avoir dit que l'AGS devra garantie de la somme allouée à ce titre ;
AUX MOTIFS QU'il est constant que la SA General Trailers France était, depuis 2003, filiale à 100 % de la société européenne Boissière, ellemême contrôlée par la société britannique UIST ; qu'outre ses sites de production, elle contrôlait des filiales et en particulier :- la Société Mécanique Bernon (SMB) qui fabriquait essentiellement des essieux pour remorques,- la société General Trailers BV, basée à Leek aux Pays-Bas, qui fabriquait et distribuait des remorques et semi-remorques aux marques du groupe,- la société General Traliers Gmbh, basée à Bergheim en Allemagne, qui commercialisait des remorques et semi-remorques ; … ; qu'en l'espèce, le plan de sauvegarde de l'emploi, intégré à l'accord d'entreprise signé le 19 avril 2004, rappelait que :- la durée hebdomadaire du travail était de 35 heures depuis un accord d'entreprise de février 2000,- les emplois intérimaires avaient été supprimés sauf sur les sites d'Auxerre et d'Henin-Liévin et de certaines succursales où les niveaux de plan de charge ou des demandes de travaux pour le réseau avaient obligé les directions locales à faire appel à des emplois intérimaires,- … ;- en ce qui concerne le reclassement interne, la recherche était menée dans le cadre contraignant de l'entreprise faisant l'objet d'une cession ou de cessions qui ne comportaient pas le maintien de tous les postes existants ni le projet de création de postes nouveaux, les opportunités d'un tel reclassement interne ne pouvant découler que de l'analyse des postes actuellement pourvus par des intérimaires s'il s'avérait que les travaux confiés présentent un caractère durable, le recensement de ces postes démontrant que sur 94 personnes intérimaires réparties sur l'ensemble des sites en janvier 2004, 86 étaient sur des postes production/ réparation et 8 seulement sur des postes liés à l'administration ou au magasinage, une prospection des offres d'emploi était demandée aux sociétés actionnaires en faisant référence aux dispositions légales relatives au groupe d'entreprise, un courrier ayant été adressé début février 2004 et ayant reçu une réponse d'attente de deux des trois sociétés contactées, une relance étant effectuée ; que ce plan prévoyait les mesures suivantes pour faciliter la recherche d'un nouvel emploi et un reclassement externe :- une prospection, courant mars 2004, par un cabinet spécialisé des bassins d'emploi où sont situés les différents établissements de la société GT France afin de présenter début avril 2004 aux salariés figurant dans le plan de licenciement collectif, une information précise sur des postes à pourvoir avant même qu'ils ne soient licenciés, ou, au plus tard, au moment où la mesure de licenciement lui serait notifiée,- la mise en place, ensuite, d'une cellule de reclassement, sur une période plus longue et selon une démarche d'accompagnement individualisée,- …,- une prime de mobilité de 1. 500 euros portée à 3. 000 euros par bénéficiaire sur justificatif du versement de l'aide à la mobilité géographique allouée dans le cadre du PARE anticipé, dans la limite du budget affecté au financement du plan de sauvegarde de l'emploi,- des prises de contact avec les syndicats de la profession et avec des entreprises des différentes régions,- des aides à la formation individuelle, les actions de formation étant dispensées par un organisme de formation pendant la période de préavis selon les ressources collectées par le cabinet sélectionné par la société General Trailers France et les partenaires sociaux,- sous réserve de sa signature et que le taux de contribution patronale au financement soit compatible avec la situation financière de l'entreprise, la conclusion de conventions d'allocations temporaires dégressives pour le salarié retrouvant un emploi moins rémunéré,- une priorité de réembauche pendant douze mois auprès des cessionnaires sous réserve d'en faire la demande dans le délai,- une aide d'ordre administratif à la création d'entreprise avec l'appui de la cellule de reclassement …,- une proposition d'adhésion au PARE anticipé,- une mise en place d'une antenne emploi située à proximité et animée par un cabinet spécialisé … les moyens mis en oeuvre devant aboutir pour chaque personne à une solution identifiée à son reclassement …,- une convention FNE pour les salariés âgés de 56 ans et plus … ; qu'il est constant qu'un accord d'entreprise a, parallèlement été conclu pour « compléter le dispositif du plan de sauvegarde de l'emploi » dont les dispositions étaient annexées et faisaient « partie du texte du présent accord » ; que cet accord disposait :- que le budget affecté au financement du plan de sauvegarde de l'emploi était fixé à 5. 000. 000 euros pour les sociétés General Trailers France et pour sa filiale Société Mécanique de Bernon, également en redressement judiciaire, la mise à disposition de ce budget étant soumise au caractère définitif de l'autorisation du juge-commissaire en date du 26 mars 2004, la ventilation de ce budget entre les deux sociétés devant être faite au prorata du nombre de licenciements prévus dans le cadre du plan de cession des deux sociétés,- que dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi, il était convenu d'attribuer une indemnité additionnelle de licenciement en complément de l'indemnité légale ou conventionnelle selon la disposition la plus favorable, cette indemnité étant calculée à hauteur de 50 % du montant brut de l'indemnité complète pour les salariés ayant une rémunération mensualisée égale ou supérieure à 3. 100 euros bruts et n'étant pas octroyée aux cadres dirigeants et aux salariés remplissant les conditions et se voyant proposer l'adhésion à une convention de pré-retraite AS-FNE … ; que la pertinence du plan de sauvegarde de l'emploi devant s'apprécier en fonction des moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe, non seulement pour faciliter les emplois ou faciliter le reclassement interne des salariés, mais également pour faciliter leur reclassement externe par le biais notamment de la prise en charge de formations, de cellules de reclassement, d'aides à la mobilité, d'aides à la création d'entreprises, et d'aides financières diverses, il y a lieu d'examiner la pertinence du plan litigieux au regard d'une part des possibilités de reclassement au sein des sociétés du groupe permettant la permutation de tout ou partie du personnel et au regard, d'autre part, des moyens financiers du groupe, non limités aux seules sociétés permettant la permutation du personnel, dont l'entreprise qui met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi fait partie ; que force est de constater sur ces points que :- aucun élément ne permet de retenir que le reclassement interne des salariés ait été envisagé, voire recherché, au sein des sociétés filiales de la société General Trailers France, et en particulier de ses trois sociétés étrangères, alors d'une part que leur activité recoupait pour deux d'entre elles, celle de la société-mère, la troisième, qui commercialisait les produits ayant, pour le moins, des postes administratifs susceptibles d'être offerts aux salariés licenciés et que, d'autre part, aucun élément ne permet de retenir, ce qui est contesté, qu'elles auraient elles-mêmes été en situation financière difficile,- alors qu'il n'est pas contredit en cause d'appel, que l'actionnaire de la société General Trailers, la société Européenne Boissière, SEB, ellemême détenue par UIST Asset Management Lmtd Edimbourgh, disposait de moyens financiers conséquents, le plan de sauvegarde de l'emploi ne prévoit que des mesures limitées d'aides, en sus de celles résultant des dispositions légales obligatoires telles que la proposition d'un PARE ou la priorité de réembauche, ces mesures se limitant en définitive :- à une prime de mobilité de 3. 000 euros,- à une aide à la formation pendant les deux mois de préavis, et ce sous conditions de financement et d'inexécution du préavis,- à une allocation temporaire dégressive extrêmement limitée,- à une aide à la création d'entreprise de 1. 500 euros ou 3. 000 euros selon les circonstances,- à la mise en place, pendant 6, 8 ou 10 mois selon la situation des salariés, d'une cellule de reclassement dont la mission était remplie dès lors qu'elle avait proposé deux offres valables d'emploi aux salariés, y compris sous forme de contrat à durée déterminée,- à la conclusion, sous certaines conditions, d'une convention FNE ; que c'est à juste titre que l'appelant soutient que ce plan était, au regard des moyens sus-visés, insuffisant ; qu'il y a lieu d'allouer à l'appelant en réparation du préjudice qu'il a nécessairement subi, la somme de 51. 000 euros et celle de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; … ; que l'AGS CGEA IDF EST devra garantie des dommages intérêts alloués dans la limite du plafond 6 ;
1/ ALORS QUE le plan de reclassement établi dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi doit viser à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité par des mesures de reclassement interne et externe ; que la cour d'appel a constaté que la société General Trailers France avait effectué une recherche de reclassement interne et externe, par le biais de nombreuses mesures, et affecté une somme de 5. 000. 000 euros pour le financement du plan de sauvegarde de l'emploi de la société General Trailers France et de sa filiale SMB également en redressement judiciaire, au prorata du nombre de licenciements ; qu'en retenant l'insuffisance d'un plan de sauvegarde de l'emploi qui respectait les prévisions légales et avait affecté à son financement un budget important compte tenu de la situation financière de la société employeur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles L. 1233-61, L. 1233-62 et L. 1335-10 du code du travail ;
2/ ALORS QUE la recherche de reclassement interne qui s'impose à l'employeur qui procède à un ou plusieurs licenciements pour motif économique, ne peut porter que sur des postes disponibles et compatibles avec les fonctions exercées par les salariés dont le licenciement est envisagé ; que l'AGS avait exposé que les filiales de la société General Trailers France ne pouvaient offrir aucun poste de reclassement, précisant que la société SMB avait fait l'objet d'une procédure collective, que la société allemande comprenait six salariés et effectuait une activité de commercialisation des produits General Trailers qui devait prendre fin du fait de la disparition desdits produits et que la société néerlandaise avait fait l'objet d'une cession pour un euro à un groupe de cadres y travaillant (conclusions d'appel page 3) ; qu'en affirmant que la société employeur avait manqué à son obligation de reclassement interne sans répondre aux conclusions d'appel de l'AGS desquelles il résultait que la situation respective des filiales excluait toute possibilité de reclassement, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
3/ ALORS QUE le code du travail prévoit que la validité du plan de sauvegarde de l'emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou l'unité économique et sociale ou le groupe ; qu'en affirmant que la pertinence du plan litigieux devait être notamment appréciée au regard des moyens financiers du groupe, non limités aux seules sociétés permettant la permutation du personnel, dont l'entreprise qui met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi fait partie, la cour d'appel, qui a retenu une définition extensive du groupe dépourvue de pertinence s'agissant d'apprécier un plan de sauvegarde de l'emploi élaboré dans le cadre des dispositions du code du travail dont la mise en oeuvre retient une définition du groupe restreinte aux sociétés dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, a violé l'article L. 1235-10 du code du travail.