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15/12/2010 | FRANCE | N°09-41892

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 décembre 2010, 09-41892


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé, en qualité d'ouvrier agricole, par la société Clot Dou Baile, exploitant un domaine viticole, selon contrats à durée déterminée, du 1er septembre au 30 novembre 2006 puis du 1er décembre 2006 au 28 février 2007, motivés par un accroissement temporaire d'activité de l'entreprise, le premier du fait des vendanges, le second du fait de la remise en état de la vigne et de la cave ; que M. X... a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en requal

ification de ses contrats à durée déterminée en un contrat de travail à...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé, en qualité d'ouvrier agricole, par la société Clot Dou Baile, exploitant un domaine viticole, selon contrats à durée déterminée, du 1er septembre au 30 novembre 2006 puis du 1er décembre 2006 au 28 février 2007, motivés par un accroissement temporaire d'activité de l'entreprise, le premier du fait des vendanges, le second du fait de la remise en état de la vigne et de la cave ; que M. X... a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en requalification de ses contrats à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires, alors, selon le moyen :

1°/ que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties de sorte que le juge ne peut rejeter la demande du salarié qui, en produisant des attestations, étaye sa réclamation ; qu'en déclarant que les deux témoins se bornaient à évaluer le temps de travail requis par l'exploitation viticole mais n'apportaient aucun élément sur le temps effectif du salarié pour le débouter de sa demande, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

2°/ qu'en déclarant que le salarié n'apportait aucun élément précis sur la répartition dans la semaine des 15 heures supplémentaires réclamées, la cour d'appel a dénaturé la lettre de M. X... à son conseil dans laquelle il précisait avoir travaillé " un minimum de 10 heures par jour, sans compter les week-ends : foires etc. … ", énonciation qui constituait un décompte des heures supplémentaires effectuées et, ainsi, violé l'article 1134 du code civil ;

3°/ que la preuve des heures supplémentaires n'incombe spécialement à aucune des parties et qu'il appartient à l'employeur de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires réalisés par le salarié et à ce dernier d'apporter ceux de nature à étayer sa demande ; qu'en déclarant que les documents produits par M. X... étaient insuffisants à établir l'existence d'heures supplémentaires sans énoncer les éléments produits par l'employeur, la cour d'appel a mis à la charge du seul salarié la preuve de l'exécution d'heures supplémentaires et, ainsi, violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

Mais attendu qu'en cas de litige relatif à l'existence et au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;

Et attendu qu'ayant retenu que les deux attestations produites par le salarié se bornaient à évaluer le temps de travail que requiert en soi l'exploitation du domaine viticole sans apporter d'information directe sur le temps de travail effectif de M. X... durant la période d'exécution de ses contrats, que le fait que neuf vendangeurs soient intervenus sur le domaine durant les vendanges de l'année 2006 rendait plus incertain le contour exact des tâches du salarié durant cette même période et que celui-ci n'apportait aucune précision sur la répartition dans la semaine des 15 heures supplémentaires non rémunérées qu'il invoquait, la cour d'appel a estimé, sans encourir les griefs du moyen, que le salarié n'apportait pas d'éléments pertinents de nature à étayer sa demande de rappel d'heures supplémentaires ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1242-2 et L. 1245-1 du code du travail ;

Attendu que pour rejeter la demande de requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et débouter le salarié de ses diverses demandes d'indemnités, la cour d'appel, après avoir relevé que chacun des deux contrats à durée déterminée est motivé par un accroissement temporaire d'activité, le premier du fait des vendanges, le second du fait de la remise en état de la vigne et de la cave, retient que les activités susvisées, qui ont un caractère saisonnier, ne constituent pas des activités permanentes de l'entreprise, que les deux contrats litigieux entrent dans les prévisions de l'article L. 1242-2 du code du travail, étant observé qu'ils ressortissent à la catégorie des emplois saisonniers plutôt qu'à celle des emplois répondant à un accroissement temporaire d'activité de l'entreprise ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le motif du recours énoncé dans le contrat de travail fixe les limites du litige, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si les tâches confiées au salarié étaient liées, directement ou indirectement, au surcroît temporaire d'activité objet de chacun des contrats, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et débouté le salarié de ses demandes d'indemnité de requalification, d'indemnité de préavis, de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 16 juillet 2008, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la société Clos Dou Baile aux dépens ;

Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Clot Dou Baile à payer à la SCP Delaporte, Briard et Trichet la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir refusé de requalifier les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et, en conséquence, d'avoir débouté M. X...de ses demandes à titre d'indemnité de requalification, de préavis, pour non-respect de la procédure et dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

Aux motifs que " chacun des deux contrats à durée déterminée est motivé par un accroissement temporaire d'activité de l'entreprise, le premier du fait des vendanges, le second du fait de la remise en état de la vigne et de la cave ; que M. X...fait valoir que ces deux activités constituent l'activité normale et permanente de toute entreprise viticole, si bien qu'en l'espèce, la SCEA CLOT DOU BAILE ne pouvait recourir à des contrats à durée déterminée sans violer les dispositions de l'article L. 122-1 (L. 1242-1) du code du travail ; que les activités susvisées, qui ont un caractère saisonnier, ne constituent pas des activités permanentes de l'entreprise ; que les deux contrats litigieux entrent dans les prévisions de l'article L. 122-1-1 (L. 1242-2) du code du travail, étant observé qu'ils ressortissent à la catégorie des emplois saisonniers plutôt qu'à celle des emplois répondant à un accroissement temporaire d'activité de l'entreprise ; que le salarié fait encore valoir que les contrats ne comportaient ni le nom, ni la qualification de la personne remplacée ; que les contrats n'ayant pas été conclus pour le remplacement d'un autre salarié, ils n'avaient pas à comporter les mentions invoquées ; qu'enfin pour requalifier lesdits contrats en un contrat à durée indéterminée, le jugement déféré, dont le salarié demande la confirmation, retient qu'ils ne satisfont pas aux exigences de l'article L. 122-3-19 du code du travail concernant leur durée ; que les contrats en cause, qui ont été conclus par un exploitant viticole durant la période des vendanges et celle qui la suit, consacrée aux travaux de rangement, ne sont pas pour autant des contrats vendanges, tels que prévus par les articles L. 122-3-18 et suivants du code du travail, dès lors qu'ils n'avaient ni pour objet ni pour effet de faire bénéficier le salarié d'un régime dérogatoire à la législation relative aux congés payés et au cumul d'emploi ; qu'il n'y a lieu à requalification ;

Alors, d'une part, que le contrat conclu pour une durée déterminée ne doit pas avoir pour objet de pourvoir un emploi durable de l'entreprise ; qu'en l'espèce, la société Clot Dou Baile, qui exploite un domaine viticole, avait confié au salarié toutes les tâches de l'exploitation et non l'une d'entre elles, précise et temporaire, l'affectant ainsi à son activité normale et permanente ; que dès lors, en déclarant que M. X...avait été lié par des contrats saisonniers n'ayant pas pour objet de pourvoir un emploi permanent, la cour d'appel a violé l'article L. 1242-1 du code du travail ;

Alors, d'autre part, que le caractère saisonnier d'un emploi est attaché à l'exécution de tâches normalement appelées à se renouveler chaque année à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ; qu'en l'espèce, M. X...avait été engagé pour effectuer les tâches habituelles de l'exploitation viticole et non pour une activité ponctuelle se répétant chaque année au cours d'une saison particulière ; qu'en affirmant que les tâches exercées ne relevaient pas de l'activité permanente de l'entreprise sans même les énumérer ni expliquer en quoi elles entraient dans le cadre d'activités saisonnières, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1242-2 du code du travail ;

Alors, enfin, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en l'espèce, les parties avaient conclu deux contrats à durée déterminée successifs pour « surcroît d'activité » ; que dès lors en substituant aux contrats conclus des contrats saisonniers, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X...de sa demande à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires,

Aux motifs que " M. X...soutient qu'il a effectué 15 heures de travail chaque semaine non mentionnées sur ses bulletins de paie ; qu'il produit les attestations de deux anciens employés de la SCEA CLOT DOU BAILE estimant que, pour un seul salarié, il est impossible d'effectuer les travaux nécessaires à l'exploitation du domaine viticole en ne travaillant que 35 heures par semaine ; que les deux attestants se bornent à évaluer le temps de travail que requiert en soi l'exploitation du domaine viticole, sans apporter d'information directe sur le temps de travail effectif de M. X...durant la période d'exécution de ses contrats ; que, le fait que neuf vendangeurs soient intervenus sur le domaine durant les vendanges de l'année 2006, rend plus incertain le contour exact des tâches du salarié durant cette même période ; que celui-ci n'apporte aucune précision sur la répartition dans la semaine des 15 heures supplémentaires non rémunérées qu'il invoque ; qu'enfin, sur une base certes inférieure à celle qu'il revendique, M. X...a été réglé de 13 heures supplémentaires par mois, au taux majoré de 25 %, pendant toute la durée de ses contrats ; que, dès lors, le salarié ne fournit pas d'éléments pertinents de nature à étayer sa demande de rappel des heures supplémentaires » ;

Alors, d'une part, que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties de sorte que le juge ne peut rejeter la demande du salarié qui, en produisant des attestations, étaye sa réclamation ; qu'en déclarant que les deux témoins se bornaient à évaluer le temps de travail requis par l'exploitation viticole mais n'apportaient aucun élément sur le temps effectif du salarié pour le débouter de sa demande, la cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

Alors, d'autre part, qu'en déclarant que le salarié n'apportait aucun élément précis sur la répartition dans la semaine des 15 heures supplémentaires réclamées, la cour d'appel a dénaturé la lettre de M. X...à son conseil (produite aux débats sous le n° 6) dans laquelle il précisait avoir travaillé « un minimum de 10 heures par jour, sans compter les week-ends : foires etc. … », énonciation qui constituait un décompte des heures supplémentaires effectuées et, ainsi, violé l'article 1134 du code civil ;

Alors, enfin, que la preuve des heures supplémentaires n'incombe spécialement à aucune des parties et qu'il appartient à l'employeur de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires réalisés par le salarié et à ce dernier d'apporter ceux de nature à étayer sa demande ; qu'en déclarant que les documents produits par M. X...étaient insuffisants à établir l'existence d'heures supplémentaires sans énoncer les éléments produits par l'employeur, la cour d'appel a mis à la charge du seul salarié la preuve de l'exécution d'heures supplémentaires et, ainsi, violé l'article L. 3171-4 du code du travail


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-41892
Date de la décision : 15/12/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 16 juillet 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 déc. 2010, pourvoi n°09-41892


Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Jacoupy, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.41892
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