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15/12/2010 | FRANCE | N°09-40472

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 décembre 2010, 09-40472


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé en qualité de technicien de production par la société Corpat, entreprise de travail temporaire, aux droits de laquelle se trouve la société CRIT, et a été mis à la disposition de la société L'Oréal pour effectuer vingt-trois missions d'intérim entre le mois de janvier 1998 et le mois d'août 1999 aux motifs de remplacements de salariés absents et d'accroissement temporaire d'activité ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir l

a requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé en qualité de technicien de production par la société Corpat, entreprise de travail temporaire, aux droits de laquelle se trouve la société CRIT, et a été mis à la disposition de la société L'Oréal pour effectuer vingt-trois missions d'intérim entre le mois de janvier 1998 et le mois d'août 1999 aux motifs de remplacements de salariés absents et d'accroissement temporaire d'activité ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée le liant à la société L'Oréal et la condamnation in solidum de cette société et de la société CRIT au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité de requalification, d'indemnités de rupture et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur le moyen unique, en ce qu'il est dirigé contre la société CRIT :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt d'avoir mis hors de cause la société CRIT, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en retenant tour à tour qu'il soutenait que les contrats de mise à disposition avaient été systématiquement renouvelés sans respect du délai de carence et avec utilisation de motifs souvent frauduleux et ajouté que le besoin de main-d'oeuvre de remplacement étant un besoin structurel compte tenu des effectifs de la société L'Oréal, société utilisatrice, cette entreprise ne pouvait affecter un seul salarié en remplacement des absents au moyen de plusieurs contrats à durée déterminée successifs puis que l'exposant ne précisait pas en quoi les motifs du recours à l'emploi temporaire ne seraient pas conformes aux dispositions des articles L. 124-2-1 à L. 124-2-4 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur à la date de conclusion des contrats, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le contrat de travail temporaire, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; qu'ayant relevé qu'il faisait valoir que les motifs de recours au travail temporaire étaient frauduleux et que le besoin de main-d'oeuvre de remplacement étant un besoin structurel compte tenu des effectifs de la société L'Oréal, l'entreprise ne pouvait pas affecter un seul salarié en replacement des absents au moyen de plusieurs contrats à durée déterminés successifs, la cour d'appel qui, pour le débouter de l'ensemble de ses demandes, se borne à relever qu'il ne précisait pas en quoi les motifs du recours au contrat de travail temporaire tels que figurant dans les vingt-trois contrats de mission successifs ne seraient pas conformes aux dispositions des articles L. 124-2-1 à L. 124-2-4 du code du travail, sans nullement rechercher si les contrats de mission temporaire successivement conclus et les mises à disposition effectuées auprès de la société L'Oréal, n'avaient pas eu pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un employé à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 124-2 et suivants du code du travail recodifiés aux articles L. 1251-5 et suivants dudit code ;
3°/ qu'en cas de litige sur le motif du recours au travail temporaire il incombe à l'entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat et du fait que celui-ci n'avait ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice; que pour rejeter l'ensemble de ses demandes, la cour d'appel qui, après avoir retenu qu'il avait fait valoir que les motifs de recours au travail temporaire tels que contenus dans les vingt-trois contrats de mission temporaire étaient souvent frauduleux, et ajouté que le besoin de main-d'oeuvre de remplacement étant un besoin structurel compte tenu des effectifs de la société L'Oréal, l'entreprise ne pouvait pas affecter un seul salarié en remplacement des absents au moyen de plusieurs contrats à durée déterminée successifs, se borne à affirmer qu'il ne préciserait pas en quoi ces motifs ne seraient pas conformes aux dispositions des articles L. 124-2-1 à L. 124-2-4 du code du travail, a inversé la charge de la preuve en violation des articles L. 124-2, et L. 124-2-1 du code du travail recodifiés aux articles L. 1251-5 et suivants dudit code et 1315 du code civil ;
Mais attendu, d'abord, que le salarié de l'entreprise de travail temporaire qui n'est pas partie au contrat de mise à disposition conclu entre cette entreprise et l'entreprise utilisatrice en application des articles L. 1251-42 à L. 1251-44 du code du travail, ne peut invoquer la violation des prescriptions de ces articles pour faire valoir auprès de l'entreprise de travail temporaire les droits afférents à un contrat à durée indéterminée ou obtenir le paiement de dommages-intérêts ;
Attendu, ensuite, que, si les dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail qui sanctionnent l'inobservation par l'entreprise utilisatrice des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, n'excluent pas la possibilité pour le salarié d'agir contre l'entreprise de travail temporaire, ce n'est que lorsque les conditions, à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite, n'ont pas été respectées ;
Et attendu qu' ayant fait ressortir par motifs propres et adoptés qu'aucun manquement par l'entreprise de travail temporaire à l'une ou l'autre des obligations que l'article L. 1251-16 du code du travail met à sa charge, n'était invoqué par le salarié, la cour d'appel a exactement mis la société CRIT hors de cause ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, en ce qu'il est dirigé contre la société L'Oréal :
Vu les articles L. 1251-5 et L. 1251-6 du code du travail ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que la possibilité donnée à l'entreprise utilisatrice de recourir à des missions successives avec le même salarié soit pour remplacer un ou des salariés absents ou dont le contrat de travail est suspendu soit pour faire face à un accroissement temporaire de son activité, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente ; qu'il en résulte que l'entreprise utilisatrice ne peut recourir de façon systématique aux missions d'intérim pour faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre ;
Attendu que pour rejeter la demande en requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée au sein de la société L'Oréal, l'arrêt retient que dans les contrats produits, figure le motif du recours, soit le remplacement pour absence ou suspension, soit l'accroissement temporaire d'activité (lancement nouvelle de la gamme Feria) ; que M. X... ne précise pas en quoi ces motifs ne seraient pas conformes aux dispositions légales ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si, étant engagé dans le cadre de plusieurs missions d'intérim successives pour occuper les mêmes fonctions, qu'il s'agisse des remplacements ou du surcroît d'activité, sur une période de plus de dix-huit mois mois, M. X... n'avait pas en réalité était engagé pour faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de ses demandes à l'égard de la société L'Oréal, l'arrêt rendu le 4 décembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société L'Oréal aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société L'Oréal à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils pour M. X...

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT CONFIRMATIF ATTAQUE D'AVOIR déclaré hors de cause la société CRIT et débouté l'exposant de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... soutient que les contrats ont été systématiquement renouvelés sans respect du délai de carence et avec l'utilisation de motifs souvent frauduleux ; que le besoin de main d'oeuvre de remplacement étant un besoin structurel compte tenu des effectifs de la société L'OREAL, l'entreprise ne pouvait pas affecter un seul salarié en remplacement des absents au moyen de plusieurs contrats à durée déterminée et successifs ; que les intimés répliquent que les délais de carence ont été respectés, que les motifs sont conformes à ceux autorisés par la loi et qu'en tout état de cause, la demande de requalification en contrat à durée indéterminée est mal fondée ; que Monsieur X... a travaillé chez L'OREAL dans le cadre de 23 contrats de missions temporaires conclus avec la société CORPAT SA ELBEUF INTERIM aux droits de laquelle vient la SAS CRIT ; que dans les contrats produits, figure comme motif du recours soit le remplacement pour absence ou suspension (remplacement de personnel en congés payés ou remplacement partiel de personnel en formation ou remplacement partiel de personnel en congés payés, ou remplacement partiel de personnel en déplacement à l'étranger), accroissement temporaire d'activité (lancement nouvelle gamme Feria) ; que Monsieur X... ne précise pas en quoi ces motifs ne seraient conformes aux dispositions des articles L 124-2-1 à L 124-2-4 du Code du travail, dans sa rédaction en vigueur à la date de conclusion des contrats ; qu'à supposer les délais de carence non respectés, la société CRIT fait pertinemment valoir, sans susciter de réplique de la part de Monsieur X... que les dispositions de l'article L 124-7, alinéa 2, qui sanctionnent l'inobservation par l'entreprise utilisatrice des dispositions des articles L 124-2 à L. 124-2-4 du même Code par la requalification du contrat de travail temporaire en contrat à durée indéterminée ne sont pas applicables à la méconnaissance de l'article L 124-7, alinéa 3, relatif au délai de carence ; qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé sauf à rectifier l'erreur matérielle affectant son dispositif ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la COPRAT puis la société EURISTT France dont la CRIT SAS vient successivement aux droits ont pour activité le travail temporaire et le placement ; que l'article L 124-7 du Code du travail en son deuxième alinéa précise : « lorsqu'un utilisateur a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en violation caractérisée des dispositions des articles L 124-2 à L.124-2-4, ce salarié peut faire valoir auprès de l'utilisateur les droits afférents à un contrat à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission » ; qu'en conséquence, la CRIT SAS sera mise hors de cause ; qu'il ne sera pas donné suite à sa demande reconventionnelle ;
ALORS D'UNE PART QU'en retenant tour à tour que l'exposant soutenait que les contrats de mise à disposition avaient été systématiquement renouvelés sans respect du délai de carence et avec utilisation de motifs souvent frauduleux et ajouté que le besoin de main d'oeuvre de remplacement étant un besoin structurel compte tenu des effectifs de la société L'OREAL, société utilisatrice, cette entreprise ne pouvait affecter un seul salarié en remplacement des absents au moyen de plusieurs contrats à durée déterminée successifs (arrêt p. 3, § 1) puis que l'exposant ne précisait pas en quoi les motifs du recours à l'emploi temporaire ne seraient pas conformes aux dispositions des articles L 124-2-1 à L 124-2-4 du Code du travail, dans sa rédaction en vigueur à la date de conclusion des contrats, la Cour d'appel s'est prononcée par des motifs contradictoires en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le contrat de travail temporaire, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; qu'ayant relevé que l'exposant avait fait valoir que les motifs de recours au travail temporaire étaient frauduleux et que le besoin de main d'oeuvre de remplacement étant un besoin structurel compte tenu des effectifs de la société L'OREAL, l'entreprise ne pouvait pas affecter un seul salarié en replacement des absents au moyen de plusieurs contrats à durée déterminés successifs, la Cour d'appel qui, pour débouter l'exposant de l'ensemble de ses demandes, se borne à relever que ce dernier ne préciserait pas en quoi les motifs du recours au contrat de travail temporaire tels que figurant dans les 23 contrats de mission successifs ne seraient pas conformes aux dispositions des articles L 124-2-1 à L 124-2-4 du Code du travail, sans nullement rechercher si les contrats de mission temporaire successivement conclus et les mises à disposition effectuées auprès de la société L'OREAL, n'avaient pas eu pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un employé à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L 124-2 et suivants du Code du travail recodifiés aux articles L 1251-5 et suivants dudit Code ;
ALORS DE TROISIÈME PART QU'en cas de litige sur le motif du recours au travail temporaire il incombe à l'entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat et du fait que celui-ci n'avait ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice; que pour rejeter l'ensemble des demandes de l'exposant, la Cour d'appel qui, après avoir retenu que l'exposant avait fait valoir que les motifs de recours au travail temporaire tels que contenus dans les 23 contrats de mission temporaire étaient souvent frauduleux, et ajouté que le besoin de main d'oeuvre de remplacement étant un besoin structurel compte tenu des effectifs de la société L'OREAL, l'entreprise ne pouvait pas affecter un seul salarié en remplacement des absents au moyen de plusieurs contrats à durée déterminée successifs, se borne à affirmer que l'exposant ne préciserait pas en quoi ces motifs ne seraient pas conformes aux dispositions des articles L 124-2-1 à L 124-2-4 du Code du travail, a inversé la charge de la preuve en violation des articles L 124-2, et L 124-2-1 du Code du travail recodifiés aux articles L 1251-5 et suivants dudit Code et 1315 du Code civil;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-40472
Date de la décision : 15/12/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

ARRET du 04 décembre 2008, Cour d'appel de Paris, 4 décembre 2008, 07/01309

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 décembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 déc. 2010, pourvoi n°09-40472


Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Ancel et Couturier-Heller, SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.40472
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