LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Vu les articles 260 et 270 du code civil ;
Attendu que pour apprécier la demande de prestation compensatoire, le juge se place à la date à laquelle la décision prononçant le divorce prend force de chose jugée ;
Attendu qu'un jugement du 20 mars 2008 a prononcé, sur le fondement des articles 233 et 234 du code civil, le divorce des époux X...-Y..., mariés le 21 août 2004 sous le régime de la séparation de biens, et a condamné M. X... à payer à Mme Y... un capital de 103 750 euros à titre de prestation compensatoire ; que M. X... a interjeté appel de ce jugement en limitant son recours à cette condamnation, que Mme Y... a conclu le 9 décembre 2008 à la confirmation du jugement ;
Attendu que pour débouter Mme Y... de sa demande de prestation compensatoire, l'arrêt attaqué énonce que l'appel formé par M. X... étant expressément limité à la prestation compensatoire, la cour se doit d'évaluer les situations des parties à la date de mars 2008, à laquelle l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire de l'employeur de Mme Y... n'était pas prévisible ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le prononcé du divorce n'est passé en force de chose jugée qu'à la date du dépôt des conclusions de l'intimée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions concernant la prestation compensatoire, l'arrêt rendu le 24 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Tiffreau et Corlay, avocat aux Conseils pour Mme Y...
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit n'y avoir lieu à paiement d'une prestation compensatoire par M. X... à Mme Y...
AUX MOTIFS QUE : «le mariage a duré moins de quatre ans, et au moment du divorce, M. X... était âgé de 51 ans et Mme Y... de 42 ans ; les situations économiques des époux sont les suivantes : M. X... : il a justifié avoir perçu en 2005 (aucun justificatif récent n'a été versé aux débats) un revenu annuel de 118.831, 77 euros mais a déclaré sur sa déclaration sur l'honneur un revenu de 155.833 euros ou 12.986 euros par mois pour 2007 ; que sur cette même attestation, il déclarait un patrimoine de 2.386.817 euros composé pour majeure partie de valeurs mobilières ; qu'il rembourse différents prêts pour un total annuel de 143.326 euros et paie une pension alimentaire pour un enfant d'une précédente union (305 euros) ; Mme Y... : l'appel formé par M. X... étant expressément limité à la prestation compensatoire la Cour se doit d'évaluer les situations des parties à la date de mars 2008, à laquelle l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire de l'employeur de Mme Y... n'était pas un évènement prévisible ; qu'en mars 2008, celle-ci percevait un salaire de 1.909 euros outre des revenus locatifs de 734 euros ; qu'elle a à sa charge un enfant d'une union précédente pour laquelle elle perçoit une contribution de 150 euros ; qu'elle est propriétaire de sa résidence principale, qu'elle estime valoir 200.000 euros, pour laquelle elle rembourse un prêt aux mensualités de 410,24 euros ainsi que d'un immeuble donné en location moyennant le remboursement d'un prêt aux mensualités de 1.113 euros inférieure aux loyers qu'elle en perçoit ; qu'elle prétend avoir à la demande de son époux, démissionné d'un emploi qui lui aurait assuré un salaire de 3.500 euros pour suivre une formation de gestion d'entreprise afin de pouvoir devenir sa collaboratrice ; que toutefois, il ne lui aurait pas offert le poste promis mais un simple emploi de technico commercial dans l'une de ses entreprises dont elle aurait dû démissionner au moment de la rupture ; que cette version de l'histoire professionnelle de Mme Y... est contestée par M. X..., selon lequel elle aurait démissionné en 2003 de son emploi sous la pression de son entreprise puis aurait intégré une autre société avant d'en démissionner pour suivre une formation ;qu'à l'issue de celle-ci, ne trouvant pas de travail, lui-même, bien qu'ayant cessé toute vie commune, l'aurait fait recruter dans une société dans lequel il détient des participations ; qu'à l'examen des pièces versées aux débats, il apparaît d'une part que l'emploi rémunéré 3.500 euros par mois a été quitté en 2003, donc avant le mariage, et surtout que Mme Y... ne démontre par aucune pièce que son changement d'orientation professionnelle ait été le résultat d'un projet commun visant à l'intégrer à l'activité de son époux ; qu'il en résulte que si la disparité des situations économiques est flagrante, au détriment de l'épouse, elle préexistait au mariage, tandis qu'il n'est pas démontré qu'elle ait été accentuée par le mariage ou en raison de la rupture ; que dès lors compte tenu de l'âge auquel les époux se sont mariés, de la durée de leur union et l'évolution de leur carrière professionnelle respectives dès avant leur mariage, il n'y a pas lieu d'accorder à l'épouse une prestation compensatoire et le jugement déféré sera infirmé de ce chef » (arrêt attaqué p. 3 et 4)
ALORS QUE 1°) le montant de la prestation compensatoire est fixé au moment du prononcé du divorce, lequel est acquis en cas d'appel limité à la prestation compensatoire à la date du dépôt des conclusions de l'intimé ; qu'en l'espèce, il résulte de l'exposé des faits, des moyens et des prétentions des parties de l'arrêt attaqué (p.2) que M. X... a interjeté appel limité à la prestation compensatoire du jugement entrepris du 20 mars 2008 qui a prononcé le divorce et que Mme Y... a conclu à la confirmation dudit jugement par conclusions du 9 décembre 2008 , qu'il en résulte que le prononcé du divorce était acquis à la date du 9 décembre 2008 ; qu'en retenant la date du 20 mars 2008 pour évaluer les situations des parties et dire notamment qu'à cette dernière date « l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire n'était pas un évènement prévisible », la Cour d'appel a violé les articles 270 et 271 du Code civil
ALORS QUE 2°) en outre, la prestation compensatoire est destinée à compenser autant qu'il est possible la disparité que la rupture du mariage créé dans les conditions de vie respectives des époux que le juge fixe en tenant compte de leur situation au moment du divorce ; que la Cour d'appel a constaté la disparité des situations économiques au détriment de l'épouse, engendrant nécessairement une disparité dans les conditions de vie ; qu'en déboutant néanmoins Mme Y... de sa demande de prestation compensatoire aux motifs que « la disparité des situations économiques flagrante au détriment de l'épouse, préexistait au mariage et qu'il n'est pas démontré qu'elle ait été accentuée par le mariage ou en raison de la rupture », la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.