LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à Mme Dominique X... de la reprise de l'instance aux lieu et place de Philippe Y..., décédé ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Chambourcy, devenue depuis la société Nestlé produits laitiers frais puis la société Lactalis Nestlé ultrafrais (Lactalis) ; a envisagé en 1997 la fermeture de son établissement de Carbon-Blanc ou sa cession à un autre exploitant, en informant et consultant sur ses projets le comité central d'entreprise, qui a fait appel au concours d'un expert puis donné un avis favorable au projet de cession, ainsi que le comité d'établissement concerné ; que cet établissement a été cédé à la société Carbon-Blanc à compter du 1er janvier 1998, avec un engagement de soutien de l'activité, après la conclusion d'un accord collectif entre la société Chambourcy et des syndicats pour organiser les modalités de reprise du personnel ; que la société cessionnaire a été placée par la suite en redressement judiciaire, le 19 novembre 2001, puis en liquidation judiciaire, le 24 avril 2002 ; que des salariés licenciés ont contesté l'existence d'un transfert d'entreprise entre la société Chambourcy et la société CB et demandé leur réintégration au sein de l'entreprise cédante, outre le paiement de salaires et de dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident des salariés, qui est préalable :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen, qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal de la société Lactalis :
Vu les articles L. 1224-1 du code du travail, 1134 et 1147 du code civil ;
Attendu que, pour condamner la société Lactalis au paiement de dommages-intérêts, la cour d'appel, après avoir relevé que les actes de cession étaient globalement conformes aux informations données aux représentants du personnel et contenues dans le rapport de l'expert mandaté par le comité central d'entreprise, a retenu qu'en donnant des informations tronquées sur la consistance exacte du repreneur et en prenant des engagements financiers qui rendaient difficile la lisibilité d'un avenir à plus de deux ans, la société Chambourcy n'a pas appliqué de bonne foi les règles de transfert des contrats de travail posées par l'article L. 1224-1 du code du travail ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors que la société cédante n'était tenue d'aucune obligation d'information individuelle sur les conditions du transfert à l'égard de chacun des salariés concernés et alors qu'elle n'était pas tenue de soutenir, au-delà des engagements pris à cette fin, l'activité de la société cessionnaire dans l'avenir, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Lactalis au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 6 mai 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Lactalis Nestlé ultrafrais, demanderesse au pourvoi principal
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Lactalis Nestlé Ultra Frais à payer une somme de 30. 000 euros, 20. 000 euros ou 10. 000 euros à chacun des salariés dont la demande a été accueillie ;
AUX MOTIFS QUE le premier courrier adressé aux salariés de l'usine de Carbon Blanc à l'en-tête Nestlé Chambourcy, signé par Monsieur Z..., directeur général en date du 25 novembre 1997 fait part des difficultés à maintenir ouvert le site de fabrication sur Carbon Blanc et des recherches d'un repreneur, le courrier faisant état de ce que des discussions sont en cours avec un éventuel repreneur ; que par courrier en date du 2 janvier 1998 à l'en-tête Nestlé Chambourcy, Monsieur de A..., directeur des ressources humaines annonçait à chaque salarié le transfert de son contrat de travail au sein de la société CB SA à compter du 1er janvier 1998 ; … que l'application de l'article L. 122-12 devenu L. 1224-1 du code du travail pour les contrats conclus entre les salariés et la société Nestlé Produits Laitiers Frais puis entre ces salariés et la société CB SA n'étant pas contestée, il y a lieu de vérifier si d'une part l'entité transférée était un ensemble organisé de personnes et d'éléments permettant de caractériser l'existence d'une activité économique qui poursuit un objectif propre et si d'autre part, à supposer l'existence d'une entité économique indépendante démontrée, il y a bien eu reprise par un nouvel employeur dans des conditions suffisantes de clarté et de transparence, permettant d'exclure l'hypothèse d'une reprise déguisée par une création artificielle de l'ancien employeur ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que le site de production et de distribution de l'usine de Carbon Blanc constituait bien une entité économique autonome susceptible de faire l'objet d'un transfert à un nouvel employeur et le jugement qui a considéré comme réalisée, cette première condition d'application des dispositions législatives sur le transfert des contrats de travail sera confirmé sur ce point ; que pour ce qui est de la réalité du transfert d'activité d'une entreprise et donc des contrats de travail d'une entreprise à un nouvel employeur, les éléments suivants doivent être retenus ; … que sont versés aux débats un document intitulé récapitulatif daté du 22 septembre 1997 comportant des données chiffrées, une note d'information au personnel sur le comité central d'entreprise du 23 septembre 1997 et une note en date du 23 septembre 1997 sur les conséquences sociales du projet de restructuration ; … ; qu'il se déduit de l'ensemble de ces observations que, si la décision prise par la société Chambourcy et le groupe Nestlé pour sauvegarder leur compétitivité, de fermer un site de production et une plate forme de distribution sur Carbon Blanc, dont les résultats étaient performants comme en témoignent les renseignements sur l'intéressement, n'a pas à être appréciée par la cour, en revanche, il lui appartient comme le demandent les appelants de vérifier si le transfert de cette entité économique a été faite dans des conditions exemptes de tout comportement fautif de la part de l'employeur et respectant les droits des salariés concernés ; que comme l'a relevé avec raison le premier juge, il est établi que globalement les actes de cession sont conformes aux informations données telles qu'elles ressortent des procès-verbaux de délibération des instances représentatives du personnel et des informations contenues dans le rapport de l'expert comptable Syndex ; que cependant, il est également établi et d'ailleurs non contesté par l'intimée que la décision de fermeture de Carbon Blanc a été annoncée tardivement puisque les représentants des salariés adressaient un courrier d'alerte à un parlementaire le 2 août 1997 alors qu'il faudra attendre une réunion du comité central d'entreprise en date du 23 septembre pour que la question de la fermeture du site de Carbon Blanc soit officiellement abordée ; que tant en raison de la réaction vive des salariés que des pressions extérieures, il est manifeste que la société qui avait décidé de fermer ce site, a complètement organisé la reprise de ce même site ; que s'il est habituel que pour des raisons évidentes de confidentialité et de discrétion, l'identité du repreneur ne soit dévoilée que tardivement, en l'espèce, le nom de CB SA n'apparaît pour la première fois que dans les travaux de l'expert comptable communiqués le 18 décembre et le nom de Monsieur G... dans le PV de la réunion du comité central d'entreprise en date des 22, 23 et 26 décembre 1997, le transfert des contrats intervenant le 1er janvier suivant ; que s'il n'est pas contesté que la société CB SA a été effectivement créée par la Chambourcy SA, au mois de décembre 1995, dans un but qui n'est pas clairement précisé par la société intimée mais dont le sigle sur lequel aucune explication n'est donnée, n'est probablement pas le fruit du hasard, il n'en demeure pas moins que jusqu'à la cession effective, aucun élément d'information communiquée par la direction ou l'expert comptable ne permet de comprendre que cette structure existait depuis plusieurs années ; que plus encore, les statuts annexés à l'acte de cession pouvaient laisser penser qu'elle venait d'être constituée ; qu'en outre, les actes de cession sont conclus avec le seul Monsieur G... et ce n'est qu'un mois après que les deux administrateurs, cadre dirigeants du groupe Nestlé, Messieurs Z... et B... démissionneront de leur poste ; qu'il sera enfin relevé que la totalité du capital social de la société CB SA, société repreneuse, avait été versé par la société officiellement vendue ; que s'agissant de Monsieur G... qui a été décrit lors des réunions avec les représentants du personnel, comme un professionnel de l'agro-alimentaire, les renseignements le concernant sont demeurés très vagues, la seule information sur son parcours professionnel étant sa qualité de dirigeant de la société Cegop, société de conseil ; qu'il ressort clairement du rapport de l'expert comptable du cabinet Syndex que ce dernier est très réservé sur la pérennité de l'entreprise repreneuse, montrant que les faiblesses que Chambourcy avait mis en avant pour fermer ce site, existent toujours et qu'une fois passée la période sur laquelle Chambourcy s'est engagée à faire fabriquer sa production, l'avenir s'avérait incertain ; qu'en effet, il ressortait clairement des propos tenus par Monsieur G... que celui-ci comptait beaucoup développer la production des marques de distributeurs alors que plusieurs documents produits par la société intimée notaient le recul de ce type de marché ; que l'effet de soutien de Chambourcy devait d'après l'expert se faire sentir jusqu'à fin 1999 et il est à relever que dès 2001, la société a été en difficulté, un jugement ouvrant le redressement judiciaire étant intervenu le 19 novembre 2001 ; qu'enfin, en proposant aux salariés qui le souhaitaient de revenir au sein du groupe Nestlé durant les six premiers mois suivant leur transfert, la société intimée prenait une décision apparemment protectrice des salariés mais laissait entendre par là même qu'elle ne considérait pas que l'entité transférée avait besoin de conserver tout son potentiel de production, alors même que beaucoup de salariés du site de Carbon Blanc avaient une grande expérience et possédaient un savoir-faire reconnu dans plusieurs des procès-verbaux de réunions versés aux débats ; que si, comme l'a relevé exactement le premier juge, les salariés ne peuvent être suivis dans leur demande tendant à faire considérer comme nulle l'opération de transfert de leur contrat de travail et à faire juger qu'en réalité, ils sont restés employés du groupe Nestlé et doivent y être réintégrés, en revanche, c'est à tort que le premier juge a estimé que la société Chambourcy-Nestlé avait parfaitement respecté ses obligations contractuelles ; qu'en effet, si un employeur cédant son entreprise n'a pas une obligation de garantie de succès du nouvel employeur, autre que celle qu'il peut éventuellement contracter volontairement, en l'espèce, la société Chambourcy en donnant des informations tronquées sur la consistance exacte du repreneur et en prenant des engagements financiers tels qu'ils rendaient difficiles la lisibilité d'un avenir à plus de deux ans, n'a pas permis une application de bonne foi des règles de transfert des contrats de travail posés par l'article L. 122-12 devenu L. 1224-1 du code du travail ; que les appelants qui pour la plupart avaient une ancienneté importante, ont subi un préjudice dans la mesure où ils se sont trouvés transférés dans une structure dont les chances de pérennité étaient très obérées par rapport à leur situation antérieure et c'est à tort que le premier juge les a déboutés de leurs demandes de dommages intérêts ;
1/ ALORS QUE subsistent de plein droit entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la survenance d'une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, ou mise en société ; que tel est encore le cas au jour du transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; que le seul constat de la réunion des conditions susvisées emportant transfert des contrats de travail au cessionnaire, toute faute du cédant est alors exclue ; qu'en retenant une faute à l'encontre de la société cédante après avoir constaté qu'il n'était pas sérieusement contesté que le site de production et de distribution de l'usine de Carbon Blanc constituait bien une entité économique autonome susceptible de faire l'objet d'un transfert à un nouvel employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 122-12 du code du travail (devenu L. 1224-1), ensemble la directive 2001/ 23/ CE du 12 mars 2001 ;
2/ ALORS QUE le cédant de mauvaise foi peut se voir reprocher une faute de nature à causer au salarié transféré un préjudice distinct de celui résultant du transfert intervenu en application de l'article L. 122-12 du code du travail (devenu L. 1224-1) dans la seule hypothèse où les conditions légales d'application de l'article L. 122-12 ancien du code du travail n'auraient pas été remplies ; qu'en retenant qu'il n'était pas sérieusement contesté que le site de production et de distribution de l'usine de Carbon Blanc constituait une entité économique autonome susceptible de faire l'objet d'un transfert à un nouvel employeur puis en réparant un préjudice défini comme résultant d'une application des règles de transfert des contrats de travail qui ne serait pas intervenue de bonne foi, sans caractériser aucune méconnaissance des conditions légales d'application de l'article susvisé, la cour d'appel a violé les articles L. 122-12 (devenu L. 1224-1), L. 121-1 (devenu L. 1211-1) et L. 120-4 (devenu L. 1222-1) du code du travail, la directive 2001/ 23/ CE du 12 mars 2001, ensemble les articles 1134 et 1147 du code civil ;
3/ ALORS QUE, à titre subsidiaire, la mise en oeuvre de l'article L. 122-12 du code du travail (devenu L. 1224-1) ne peut être subordonnée à aucune information préalable autre que celle exigée par les dispositions légales à l'égard des institutions représentatives du personnel et imposant notamment à l'employeur d'indiquer les motifs des modifications projetées avant de consulter le comité sur les mesures qui sont envisagées à l'égard des salariés lorsque ces modifications comportent des conséquences pour ceux-ci ; qu'en imputant à la société Chambourcy une faute déduite de la communication d'informations prétendument tronquées sur la consistance exacte du repreneur et de la prise d'engagements financiers tels qu'ils rendaient difficiles la lisibilité d'un avenir à plus de deux ans, la cour d'appel a violé les articles L. 432-1 du code du travail (devenu, L. 2323-19), L. 122-12 (devenu L. 1224-1), L. 121-1 (devenu L. 1211-1) et L. 120-4 (devenu L. 1222-1) du code du travail, la directive 2001/ 23/ CE du 12 mars 2001, ensemble l'article 1134 du code civil ;
4/ ALORS QUE, à titre subsidiaire, une méconnaissance du principe d'exécution de bonne foi des contrats de travail appliquée à l'hypothèse du transfert de contrats de travail présuppose une application irrégulière ou frauduleuse de l'article L. 122-12 du code du travail (devenu L. 1224-1) ; qu'en jugeant que le principe de l'application de bonne foi des règles de transfert des contrats de travail aurait été méconnu, sans constater de fraude ou une quelconque méconnaissances des conditions objectives de mise en oeuvre de l'article susvisé, la cour d'appel a violé les articles L. 122-12 (devenu L. 1224-1), L. 121-1 (devenu L. 1211-1) et L. 120-4 (devenu L. 1222-1) du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;
5/ ALORS QUE, à titre subsidiaire, une éventuelle carence ou une insuffisance de l'information communiquée aux représentants du personnel par le cédant ne peut être à l'origine d'aucun préjudice pour les salariés dont le contrat de travail a été transféré de plein droit au cessionnaire ; qu'en retenant l'existence d'un préjudice qui trouverait son origine dans un transfert vers une structure dont les chances de pérennité seraient obérées par rapport à la situation antérieure des salariés, sans que puisse être établi un lien de causalité entre, d'une part, la faute énoncée, à savoir, le fait de donner des informations tronquées sur la consistance exacte du repreneur et de prendre des engagements financiers tels qu'ils rendaient difficile la lisibilité d'un avenir à plus de deux ans, et, d'autre part, le préjudice réparé, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil ;
6/ ALORS QUE subsidiairement, à supposer que la cour d'appel ait en réalité voulu réparer un préjudice résultant d'une perte de chance, elle ne pouvait le faire qu'en la caractérisant expressément ; qu'en se bornant à accorder aux salariés une indemnisation pour avoir été transférés dans une structure dont les chances de pérennité étaient obérées, la cour d'appel n'a établi aucune perte de chance réelle et sérieuse dont auraient pu se prévaloir les salariés et violé les articles 1134 et 1147 du code civil. Moyen produit par Me Ricard, avocat aux Conseils pour M. D... et les cent quinze autres salariés, demandeurs au pourvoi incident
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les salariés de leurs demandes tendant à leur réintégration au sein de la société Nestlé, à la condamnation de la société Nestlé à verser 75. 000 € de dommages-intérêts, à la condamnation de Nestlé à payer les salaires qu'ils auraient perçus s'ils étaient restés salariés de la date de la fin du contrat jusqu'au prononcé de la décision, à la condamnation de la société Nestlé à payer à titre de dommages-intérêts pour préjudice subi à chacun des salariés la somme perçue au titre de l'indemnité de licenciement à charge pour le représentant de la société CB SA d'agir en remboursement auprès de Nestlé
AUX MOTIFS QUE
Sur le bien-fondé des demandes
Le premier courrier adressé aux salariés de l'usine de Carbon Blanc à l'en-tête de Nestlé Chambourcy, signé par Monsieur Z..., Directeur Général en date du 25 novembre 1997 fait part des difficultés à maintenir ouvert le site de fabrication sur Carbon-Blanc et des recherches d'un repreneur, le courrier faisant état de ce que des discussions sont en cours avec un éventuel repreneur.
Par un courrier en date du 2 janvier 1998 à en-tête de Nestlé Chambourcy, Monsieur de A..., Directeur des Ressources Humaines annonçait à chaque salarié le transfert de son contrat de travail au sein de la société CB SA à compter du ler janvier 1998.
Il ressort des termes même des dispositions de l'article L 122-12 du code du travail devenu l'article L 1224-1, que s'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.
L'application de l'article L 122-12 devenu L 1224-1 du code du travail pour les contrats conclus entre les salariés et la société Nestlé Produits Laitiers frais puis entre ces salariés et la société CB SA n'étant pas contestée, il y a lieu de vérifier si d'une part l'entité transférée était un ensemble organisé de personnes et d'éléments permettant de caractériser l'existence d'une activité économique qui poursuit un objectif propre et si d'autre part, à supposer l'existence d'une entité économique indépendante démontrée, il y a bien eu reprise par un nouvel employeur dans des conditions suffisantes de clarté et de transparence, permettant d'exclure l'hypothèse d'une reprise déguisée par une création artificielle de l'ancien employeur. Il n'est pas sérieusement contesté que le site de production et de distribution de l'usine de Carbon Blanc constituait bien une entité économique autonome susceptible de faire l'objet d'un transfert à un nouvel employeur et le jugement qui a considéré comme réalisée, cette première condition d'application des dispositions législatives sur le transfert des contrats de travail sera confirmé sur ce point.
Pour ce qui est de la réalité du transfert de l'activité d'une entreprise et donc des contrats de travail d'une entreprise à un nouvel employeur, les éléments suivants doivent être retenus :
Il ressort des éléments du dossier que le site de l'entreprise de Carbon Blanc était exploité par la société Chambourcy SA, appartenant au groupe Nestlé et que tant les correspondances adressées aux salariés de Carbon Blanc que les bulletins de paie adressés aux salariés avant le 1er janvier 1998 portaient l'en-tête Nestlé Chambourcy.
Sur les procès-verbaux de délibération du Comité Centrai d'Entreprise et des Comités d'Etablissements
Dans le courant de l'année 1997, la société Chambourcy a fait part de son intention de procéder à la fermeture de l'usine de Carbon Blanc. Les premiers documents de l'année 1997 soit des procès verbaux de réunions du comité central d'entreprise du 5 février et du 6 mars 1997 n'en font nullement état.
A cette époque, la société Chambourcy comprend outre le siège, et des établissements de ventes et de productions, cinq établissements de production, à savoir, Cuincy, dans le Nord, Vallet, en Loire Atlantique, Andrezieux, près de Lyon, Lisieux et enfin Carbon Blanc. Ces cinq sites de production étaient également des lieux de distribution et de conditionnement.
Lors de la réunion du 5 février 1997, deux projets de cession ont été exposés sur des sites de distribution, les repreneurs, Navarro et Hays Fril étaient présentés et le comité d'entreprise faisait usage de son droit d'alerte avec désignation d'un cabinet d'expertise comptable.
Lors de la réunion du 6 mars 1997, l'expert comptable était entendu et le comité s'opposait au projet de transfert sur ces deux entités.
Il ressort du compte rendu de la réunion extraordinaire des délégués du personnel du site de Carbon Blanc en date du 7 août 1997 que pour le mois de septembre 1997, une baisse de production était programmée, en raison de l'échec d'une des actions commerciales prévues pour la rentrée et des mesures de chômage technique étaient mises en place, la production devant se faire sur quatre jours au lieu de cinq.
Dès le 2 août 1997, les représentants des salariés avaient alerté le sénateur maire de Carbon Blanc de rumeurs de fermeture de l'entreprise. Cependant, tant les salariés appelants que la société intimée s'accordent pour dire que l'annonce de la fermeture du site de Carbon Blanc a été faite lors d'une réunion du comité central d'entreprise en date du 23 septembre 1997.
Le PV de cette réunion ne figure pas dans les pièces des dossiers soumis à la Cour mais sont versés un document intitulé récapitulatif daté le 22 septembre 1997 comportant des données chiffrées, une note d'information au personnel sur ce comité central d'entreprise signée de Monsieur
Z...
directeur général de Chambourcy en date du 23 septembre 1997 et, en date du même jour, une note sur les conséquences sociales du projet de restructuration.
Le projet global de restructuration de l'ensemble de la production de Chambourcy s'organisait autour des axes suivants :
- transfert de la production de Carbon Blanc vers d'autres sites, ce qui signifiait l'arrêt de l'usine et du site de distribution correspondant avec comme priorité la recherche d'un repreneur
-une nouvelle organisation de l'usine de Lisieux qui entrainerait la suppression de 50 emplois dont 20 seraient sous-traités et 16 pouvant faire l'objet d'un départ en préretraite
-le transfert de productions de Carbon Blanc vers les autres sites permettant la création de 60 emplois, environ 20 dans les trois autres sites de production, Andrezieux, Vallet et Cuincy.
La note d'information au personnel signée de Monsieur Z... et également en date du 23 septembre 2007, reprend les mêmes informations et insiste également sur les efforts faits pour rechercher un repreneur.
Les 24 et 30 septembre 1997, se tenaient les réunions du comité d'établissement Vente et Distribution. Face aux inquiétudes des représentants des salariés, l'employeur rappelait que deux autres sites étaient en cours de restructuration depuis le début de l'année 1997, l'exigence de ces décisions pour sauvegarder la pérennité de l'entreprise et affirmait " rechercher un partenaire du secteur laitier ". Ainsi la convention collective serait identique à celle de Chambourcy.
Dans le PV de la réunion du 30 septembre 1997, il était donné des explications sur le choix du site de Carbon Blanc dont les résultats n'étaient pas remis en cause :
- site le plus excentré par rapport aux grands axes de consommation et de distribution
-un rayon dispersé dans une région laitière à moindre potentiel, exploitations agricoles mixtes et faible densité kilométrique
-la quasi totalité de la production existant dans d'autres usines
-hypothèse correspondant à l'investissement le moins élevé.
Il était précisé que les recherches d'un repreneur dans le secteur laitier se poursuivaient.
Le 25 septembre 1997, avait lieu une réunion du Comité d'Etablissement exceptionnel du site de Carbon Blanc en raison de mouvements sociaux à l'intérieur de l'entreprise aboutissant à un arrêt de la production. Dans les discussions menées pour résoudre la crise, il était fait état que des contacts avaient été pris avec un repreneur.
Le 30 septembre 1997, le comité d'établissement du site de Carbon Blanc était à nouveau réuni et il était question d'un repreneur dont le nom n'était pas mentionné et de la possibilité de reprise par un ancien cadre de chez Nestlé.
Certains représentants du personnel estimaient qu'un plan social restait indispensable.
Le 21 octobre 1997, se tenait un comité central d'entreprise au cours duquel la direction de la société Chambourcy expliquait un fléchissement de ses résultats et justifiait sa décision de " réduire le nombre d'usines en transférant la production de Carbon Blanc vers les autres sites et en réduisant les structures de Lisieux ".
Les raisons déjà exposées pour le choix de fermer Carbon Blanc étaient redonnées et il était fait une évaluation du coût du transfert des lignes de production vers les autres sites, un investissement de 31 millions de francs étant indispensable pour le transfert de moins de dix lignes de fabrication en y ajoutant 9 millions de dépenses liées à ces investissements.
Le coût lié aux mesures sociales était réservé car dépendant des solutions qui seraient trouvées en matière de reprise.
II était enfin précisé qu'à côté de l'unité de production, la " plate forme d'éclatement ", destinée à planifier, réceptionner et expédier les productions du site de fabrication, était également supprimée.
Etaient rappelées à nouveau, les recherches d'un repreneur et les propositions de reclassement.
Lors de cette réunion, est désigné un cabinet d'expertise comptable, le cabinet Syndex pour analyser le projet de restructuration industrielle et ses conséquences sur l'emploi. Il est précisé que le cabinet Syndex est saisi pour travailler dans le cadre de la consultation du livre IV et du livre III du code du travail.
Rien n'est indiqué sur l'éventuel repreneur.
Le 22 Octobre 1997, lors de la réunion extraordinaire du Comité d'Etablissement Vente Distribution, l'ordre du jour est consacré au projet de fermeture de la plate-forme d'éclatement logistique de Carbon Blanc mais le PV se borne à rappeler la désignation de l'expert comptable ci dessus évoquée.
Le 23 octobre 1997, un comité d'établissement exceptionnel était réuni à nouveau sur le projet de fermeture du site, la décision de fermeture paraissant irrévocable et aucun détail n'étant donné sur une éventuelle reprise.
Le 30 octobre 1997, la réunion du Comité d'Etablissement Vente/ Distribution faisait état du développement du plan social sur deux autres sites, Aix Les Milles et Wissous, en cours depuis le début de l'année.
En outre, il était signalé que l'intéressement sur le site de Carbon Blanc était au maximum ainsi que le site de Vallet, les autres sites de production ayant des résultats moins bons, notamment le site de Cuincy " à suivre de près ".
Le 10 décembre 1997, la direction de Chambourcy convoquait un comité central d'entreprise pour les 22 et 23 décembre aux fins d'entendre l'expert missionné par le comité d'établissement et d'être informé et consulté sur le projet de transfert de l'activité du site de Carbon Blanc.
Il était adressé une note confidentielle aux membres du Comité Central d'Entreprise aux fins d'expliquer les modalités de la reprise du site.
La direction expliquait avoir choisi entre plusieurs repreneurs potentiels, un industriel professionnel de produits frais intéressé par la reprise de l'ensemble industriel et du personnel ; la reprise se ferait à compter du ler janvier 1998 eu égard aux négociations que menait le repreneur avec la grande distribution et il devait être constitué une société anonyme. Le président de cette société était un professionnel de l'ultra frais et il était indiqué qu'en raison des problèmes de concurrence son identité ne pouvait être dévoilée pour le moment. Etaient ensuite détaillées des mesures d'accompagnement par Chambourcy en assurant le même volume de production pendant une durée de quinze mois.
Enfin, les salariés qui le souhaitaient pouvaient être reclassés dans le groupe Nestlé avant le transfert et dans les six mois suivant le transfert.
Les travaux de l'expert comptable ont été transmis au Comité Central d'Entreprise, par courrier du 18 décembre 1997.
- il est expliqué que la société qui exploitera l'usine de Carbon Blanc sera une société anonyme CBSA créée par Chambourcy et dotée par elle d'un capital de l'ordre de 80 millions de francs constituée des actifs suivants : l'outil industriel, les zones de lait attachées à l'usine, les marques Créola, Velours et La Roche aux Fées ainsi que le droit d'utiliser la marque Chambourcy,
cet ensemble étant repris pour 10 millions de francs.
Cinq lignes de productions restaient à Chambourcy qui les transféraient entre le 1er octobre 1998 et le 31 mars 1999.
La partie immobilière devait être apportée à une société immobilière créée par le repreneur qui louera les locaux à la nouvelle entreprise ainsi qu'à Chambourcy restant sur une partie de la plateforme comme distributeur.
Une garantie d'exploitation par Chambourcy était consentie, Chambourcy faisant fabriquer une partie de sa production par le repreneur et rapatriant progressivement ses lignes de production et versant 127 millions de francs Jusqu'au mois de mars 1999, en contrepartie des lignes de fabrication qu'elle conservait.
II était envisagé que 22 salariés ne seraient pas transférés, faisant l'objet d'un départ à la retraite anticipé ou étant reclassés à leur demande dans le groupe Nestlé. L'expert indiquait que cette réduction semblait possible, l'activité prévue pour 1999 étant très inférieure à l'activité actuelle et des postes de structures devant être créés.
Le repreneur bloquait pendant deux ans, une somme de 40 millions de francs correspondant au coût d'un plan social conforme aux normes Nestlé.
Appelé à donner un avis sur la viabilité de la reprise, l'expert comptable indiquait qu'au niveau de la deuxième année de la reprise, le volume d'activité prévu par le repreneur s'avérait très inférieur à celui des années précédentes, les résultats des négociations commerciales du repreneur devant être attendus.
Pour ce qui était des résultats, l'expert indiquait clairement que compte tenu de l'engagement de Chambourcy sur l'année 1998, ce soutien correspondant à 88 % de l'ensemble des charges du repreneur, l'équilibre était assuré pour l'année 1998.
L'expert notait que sur l'année 1999, l'engagement de Chambourcy étant moindre, il y avait un degré d'incertitude très supérieur à celui de l'année précédente.
L'expert relevait qu'il devait être procédé à une réduction des coûts fixes et salariaux en 1999, notamment en raison de certains avantages, comme la suppression de la taxe professionnelle et de la réduction du personnel puisque 22 salariés n'étaient pas transférés. D'après l'expert, ces économies devaient être réinvesties par le repreneur en frais de marketing et de publicité.
Pour ce qui était du financement, il était au moins pour les deux premières années, assuré par Chambourcy et de ce fait, ne devait poser aucune difficulté.
Il concluait son rapport de la manière suivante :
- les raisons pour lesquelles Chambourcy envisageait de se séparer du site de Carbon Blanc demeuraient, même si le repreneur envisageait d'améliorer la collecte du lait et de travailler plus sur le marché espagnol
-si l'année 1998 ne devait poser aucune difficulté en raison du soutien apporté par Chambourcy, l'expert mentionnait : " On peut donc se demander si le niveau d'activité prévu par le repreneur pourra assurer le plein emploi de l'effectif de l'usine en 1999 et si des ajustements même ponctuels pourront être évités au cours de cette année de transition ".
En final de son rapport sur le devenir de Carbon Blanc, l'expert n'écartait nullement l'hypothèse de difficultés sérieuses à partir du début de l'année 2000.
Il sera relevé que sur ce rapport, n'est mentionné aucun nom pour le repreneur.
Du procès-verbal de la réunion du comité central d'entreprise extraordinaire de la société Chambourcy en date des 22, 23 et 26 décembre 1997, il ressort que le repreneur était présenté comme étant Monsieur G... qui indiquait avoir vendu ses sociétés précédentes, insistait sur le fait qu'il faisait un investissement de 50 millions de francs et qu'il mettait beaucoup d'espoir dans le développement des produits MDD, marques de distributeurs. Il déclarait devenir sous peu le PDG de la société CB SA. Monsieur G... restait assez vague sur ses activités personnelles et indiquait avoir six salariés.
Au cours des discussions, il était exposé que la société CB devait être cédée à Monsieur G... et que les actifs devaient être vendus à une autre société. Il était indiqué que l'acte de cession n'était pas encore finalisé.
Dans la suite des discussions, il était indiqué que les salariés pendant les six premiers mois pourraient être mutés dans un autre établissement.
Dans une déclaration annexée à ce PV, Monsieur F..., au nom des salariés de Carbon Blanc exprimait ses regrets de quitter Chambourcy et ses craintes sur l'avenir, partant dans une société créée en partie avec les deniers de Chambourcy, le Comité Central d'Entreprise se prononçait en faveur de ce projet.
Le 26 décembre 1997, était signé un accord entre la direction de Chambourcy et les organisations syndicales sur les modalités de transfert chez le repreneur la société CB SA représentée par son président Monsieur G.... Il était rappelé :
- la constitution d'un fonds bloqué de 40 millions destiné à financer éventuellement les licenciements pour motif économique dans les deux premières années
-la possibilité d'être mutés pour les salariés à l'intérieur du groupe Nestlé pendant une durée de six mois et de revenir chez le repreneur dans un délai de trois mois, les modalités pratiques de déplacement étant précisées
-la mise en place d'un dispositif d'aide à la création d'entreprise.
Cet accord était signé par quatre des cinq syndicats présents dans l'entreprise.
Le 29 décembre 1997, le Comité d'Etablissement de Carbon Blanc a été amené à se prononcer sur le projet de reprise de l'usine.
En présence de Monsieur G..., repreneur et après audition de l'expert comptable missionné par le Comité Central d'Entreprise les détails du transfert étaient redonnés et ce dernier confirmait le fait que des marques étaient transférées et qu'il mettait beaucoup d'espoir dans le développement des MDD (marques de distributeurs).
Le 30 décembre 1997, le Comité d'Etablissement Vente Distribution a été consulté sur le projet concernant Carbon Blanc.
A nouveau, le repreneur n'était présenté que comme Monsieur G... et les mécanismes décrits par le rapport de l'expert comptable étaient repris.
C'est à la suite de ces consultations qu'était adressé le courrier en date du 2 janvier 1998 à chaque salarié de l'usine de Carbon Blanc, organisant le transfert de son contrat de travail.
Sur les documents propres à la reprise du site de Carbon Blanc
-Sur l'origine de la société CB SA, il est établi par les éléments produits au dossier que cette société a été immatriculée le 18 décembre 1995. Son siège social était au même endroit que celui de la société Nestlé Produits Laitiers Frais et que Chambourcy SA.
Elle disposait d'un capital social de 250. 000 francs et avait pour activité, l'achat, la vente, la distribution et la fabrication de toutes sortes de produits alimentaires.
Parmi ses administrateurs figuraient notamment Monsieur Z..., Directeur Général de Chambourcy et Monsieur B..., Directeur des Ressources Humaines de Nestlé.
Il n'est pas contesté par la société intimée que la société CB SA a été à l'époque une création de Chambourcy.
Dans le même laps de temps, était inscrite la société Nestlé Produits Laitiers Frais et était décidé le passage de Chambourcy sous la marque Nestlé.
Il n'est pas contesté non plus par la société intimée que CB SA n'a eu aucune activité jusqu'au mois de janvier 1998.
Par annonce légale dans le journal " Les Echos Judiciaires Girondins'; il est indiqué que la société CB SA, par assemblée générale extraordinaire en date du 5 janvier 1998, a vu son capital porté de 250. 000 francs à 80. 250 000 francs et son siège social fixé à Carbon Blanc.
Le 6 mars 1998, une autre annonce légale faisait part de ce que lors d'une assemblée générale extraordinaire, en date du 11 février 1998, Messieurs Z... et B... avaient démissionné ainsi que Monsieur Figoni, président en titre et que ces trois personnes avaient été remplacées par Messieurs G..., H... et la société CEGOP, Monsieur G... étant nommé Président du Conseil d'Administration.
L'acte de cession lui-même est daté du 5 février 1998, rédigé sur un papier à en-tête Chambourcy Nestlé et est conclu entre la société Chambourcy SA et Monsieur Jean Luc G.... Il est précisé que la cession " interviendra entre la ou les sociétés de notre groupe propriétaire de ces actifs collectivement désignés nous ou le vendeur, comprenant Chambourcy SA et vous même et/ ou la ou les personnes physiques ou morales que vous aurez désignées pour cette reprise... "
Il est logiquement rappelé que la reprise porte sur les installations, immobilisations, matériels... droits d'utilisation... sur le site de Carbon Blanc, les biens immobiliers les zones de lait, les marques Créola, La Roche aux Fées, Chambourcy et Velours avec des détails en annexe sur la marque Chambourcy, la participation au CIAL la reprise du personnel, sous réserve d'une liste de 24 personnes qui n'ont pas été transférées mais qui pourront sur douze mois être mis à la disposition de l'acquéreur.
La société CB SA est évoquée pour la première fois en page 3 de ce protocole sur l'augmentation de capital faite par Chambourcy, à hauteur de 80 millions de francs, avant le 3 février 1998.
L'acte de cession fait ensuite référence aux dispositions déjà évoquées sur les engagements pris par Chambourcy de continuer à faire fabriquer une partie de sa production sur place, la constitution d'un dépôt en garantie d'une somme de 40. 000 000 francs placé en séquestre amiable pendant deux ans pour faire face à d'éventuels licenciements collectifs, la possibilité pour le personnel de CB SA de demander à être transféré dans un établissement du groupe Nestlé pendant une période allant jusqu'au 30 juin 1998.
Sont joints à l'acte de cession, un certain nombre de conventions habituellement établies dans ce type d'opérations, cessions de marques, conventions de garantie, les accords régissant le personnel en place...
En annexe à l'acte de cession, la société Nestlé Lactalis Produits Ultra Frais, venant aux droits de Nestlé Produits frais produit des statuts de CB SA mis à jour au 5 janvier 1998 dont la rédaction prête à confusion puisqu'il est indiqué " Il est constitué une société anonyme.... " alors que la société est présentée comme étant domiciliée à Carbon Blanc et avec un capital social de 80. 250 000 francs.
Il se déduit de l'ensemble de ces observations que, si la décision prise par la société Chambourcy et le groupe Nestlé pour sauvegarder leur compétitivité, de fermer un site de production et une plate forme de distribution sur Carbon Blanc, dont les résultats étaient performants, comme en témoignent les renseignements sur l'intéressement, n'a pas à être appréciée par la Cour, en revanche il lui appartient comme le demandent les appelants de vérifier si le transfert de cette entité économique a été faite dans des conditions exemptes de tout comportement fautif de la part de l'employeur et respectant les droits des salariés concernés.
Comme l'a relevé avec raison le premier juge, il est établi que globalement les actes de cession sont conformes aux informations données telles qu'elles ressortent des procès verbaux de délibération des instances représentatives du personnel et des informations contenues dans le rapport de l'expert comptable Syndex.
Cependant, il est également établi et d'ailleurs non contesté par l'intimée que la décision de fermeture de Carbon Blanc a été annoncée tardivement puisque les représentants des salariés adressaient un courrier d'alerte à un parlementaire le 2 août 1997 alors qu'il faudra attendre une réunion du Comité Central d'Entreprise en date du 23 septembre pour que la question de la fermeture du site de Carbon Blanc soit officiellement abordée.
Tant en raison de la réaction vive des salariés que des pressions extérieures, il est manifeste que la société qui avait décidé dé fermer ce site, a complètement organisé la reprise de ce même site.
S'il est habituel que pour des raisons évidentes de confidentialité et de discrétion, l'identité du repreneur ne soit dévoilée que tardivement, en l'espèce, le nom de CB SA n'apparaît pour la première fois que dans les travaux de l'expert comptable communiqués le 18 décembre et le nom de Monsieur G... dans le PV de la réunion du comité central d'entreprise en date des 22, 23 et 26 décembre 1997, le transfert des contrats de travail intervenant le 1er janvier suivant.
S'il n'est pas contesté que la société CB SA a été effectivement créée par la société Chambourcy SA, au mois de décembre 1995, dans un but qui n'est pas clairement précisé par la société intimée mais dont le sigle sur lequel aucune explication n'est donnée, n'est probablement pas le fruit du hasard, il n'en demeure pas moins que jusqu'à la cession effective, aucun élément d'information communiquée par la direction ou par l'expert comptable ne permet de comprendre que cette structure existait depuis plusieurs armées et plus encore, il a été noté plus haut que les statuts annexés à l'acte de cession pouvaient laisser penser qu'elle venait d'être constituée.
En outre, les actes de cession sont conclus avec le seul Monsieur G... et ce n'est qu'un mois après que les deux administrateurs, cadres dirigeants du groupe Nestlé, Messieurs Z... et B... démissionneront de leur poste.
II sera enfin relevé que la totalité du capital social de la société CB SA, société repreneuse, avait été versé par la société officiellement vendue.
Quant à Monsieur G... qui a été décrit lors des réunions avec les représentants du personnel, comme un professionnel de l'agro-alimentaire, les renseignements le concernant sont demeurés très vagues, la seule information sur son parcours professionnel étant sa qualité de dirigeant de la société CEGOP, société de conseil.
Il ressort clairement du rapport de l'expert comptable du cabinet Syndex que ce dernier est très réservé sur la pérennité de l'entreprise repreneuse, montrant que les faiblesses que Chambourcy avait mis en avant pour fermer ce site, existent toujours et qu'une fois passée la période sur laquelle Chambourcy s'est engagée à faire fabriquer sa production, l'avenir s'avérait incertain. En effet, il ressortait clairement des propos tenus par Monsieur G... que celui-ci comptait beaucoup développer la production des MDD (marques de distributeurs) alors que plusieurs documents produits par la société intimée notaient le recul de ce type de marché.
L'effet du soutien de Chambourcy devait d'après l'expert se faire sentir jusqu'à fin 1999 et il est à relever que dès 2001, la société a été en difficulté, un jugement ouvrant le redressement judiciaire étant intervenu le 19 novembre 2001.
Enfin, en proposant aux salariés qui le souhaitaient de revenir au sein du groupe Nestlé durant les six premiers mois suivant leur transfert, la société intimée prenait une décision apparemment protectrice des salariés mais laissait entendre par là même qu'elle ne considérait pas que l'entité transférée avait besoin de conserver tout son potentiel de production, alors même que beaucoup de salariés du site de Carbon Blanc avaient une grande expérience et possédaient un savoir-faire reconnu dans plusieurs des procès verbaux de réunions versés aux débats.
Si, comme l'a relevé exactement le premier juge, les salariés ne peuvent être suivis dans leur demande tendant à faire considérer comme nulle l'opération de transfert de leurs contrats de travail et à faire juger qu'en réalité, ils sont restés employés du groupe Nestlé et doivent y être réintégrés, en revanche, c'est à tort que le premier juge a estimé que la société Chambourcy-Nestlé avait parfaitement respecté ses obligations contractuelles.
En effet, si un employeur cédant son entreprise n'a pas une obligation de garantie de succès du nouvel employeur, autre que celle qu'il peut éventuellement contracter volontairement, en l'espèce, la société Chambourcy en donnant des informations tronquées sur la consistance exacte du repreneur et en prenant des engagements financiers tels qu'ils rendaient difficile la lisibilité d'un avenir à plus de deux ans, n'a pas permis une application de bonne foi des règles de transfert des contrats de travail posées par l'article L122-12 devenu l'article L 1224-1 du code du travail. Les appelants qui pour la plupart avaient des anciennetés importantes, ont subi un préjudice dans la mesure où Os se sont trouvés transférés dans une structure dont les chances de pérennité était très obérée par rapport à leur situation antérieure et c'est à tort que le premier juge les a déboutés de leurs demandes de dommages-intérêts. Le jugement sera réformé sur ce point.
ALORS QUE les salariés avaient fait valoir dans leurs conclusions d'appel l'absence d'une entité économique autonome ; qu'en énonçant qu'il n'était pas contesté que le site de production et de distribution de Carbon Blanc constituait une entité économique autonome susceptible de faire l'objet d'un transfert, en sorte qu'elle en a écarté l'examen, a dénaturé ces conclusions et a ainsi violé l'article 4 du Code de procédure civile.
ALORS QUE lorsque les conditions d'application de l'article L 122-12 devenu L. 1224-1 du Code du travail sont réunies, le changement d'employeur qui en résulte s'impose tant aux salariés qu'aux employeurs successifs sauf fraude aux droits des salariés ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que l'employeur, qui a mis en oeuvre un projet global de restructuration de l'ensemble de la production de Chambourcy, a décidé de fermer le site de production et distribution de Carbon Blanc et a complètement organisé la reprise de ce même site par un repreneur qu'il avait lui-même créé ; qu'un tel transfert, substituant à la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, une reprise déguisée par une création artificielle de l'employeur constitue un détournement frauduleux des dispositions protectrices des salariés, en sorte que la cour d'appel qui s'est bornée à sanctionner la déloyauté de l'employeur en le condamnant à verser des dommages et intérêts, sans constater la fraude aux dispositions des articles L122-12 devenu L. 1224-1 du Code du travail, et L. 1233-61 et suivants du Code du travail, a violé lesdites dispositions ;
ALORS QUE lorsque les conditions d'application de l'article L 122-12 devenu L. 1224-1 du Code du travail sont réunies, le changement d'employeur qui en résulte s'impose tant aux salariés qu'aux employeurs successifs sauf fraude aux droits des salariés ; que la Cour d'appel a relevé que l'employeur a proposé aux salariés qui le souhaitaient de revenir dans les six mois suivant le transfert, ce qui démontrait la polyvalence des salariés dans l'organisation de l'activité transférée et partant l'absence d'autonomie de l'entité ; que cette proposition présentée comme protectrice de l'intérêt des salariés ne révèle que mieux la fraude consistant à opérer un transfert plutôt qu'un plan de sauvegarde de l'emploi ; que la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient nécessairement de ses constatations et a violé les articles L. 1224-1 et L. 1233-61 et suivants du Code du travail.