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14/12/2010 | FRANCE | N°09-71712

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 décembre 2010, 09-71712


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société par actions simplifiée Design Sportswears (la société), se présentant comme investie des droits d'exploitation d'un modèle de sac créé par Mme X..., épouse Y..., a été autorisée par ordonnances du président du tribunal de grande instance de Paris à faire procéder à des saisies-contrefaçon dans les locaux de diverses sociétés ; que la société et Mme Y... ont ensuite assigné les sociétés Luna et Floria ainsi que six autres sociétés à qui elles

imputaient, la première, des actes de contrefaçon de modèle et de concurrence déloy...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société par actions simplifiée Design Sportswears (la société), se présentant comme investie des droits d'exploitation d'un modèle de sac créé par Mme X..., épouse Y..., a été autorisée par ordonnances du président du tribunal de grande instance de Paris à faire procéder à des saisies-contrefaçon dans les locaux de diverses sociétés ; que la société et Mme Y... ont ensuite assigné les sociétés Luna et Floria ainsi que six autres sociétés à qui elles imputaient, la première, des actes de contrefaçon de modèle et de concurrence déloyale et, la seconde, la méconnaissance de son droit moral d'auteur ; que la cour d'appel a prononcé la nullité des requêtes aux fins de saisie-contrefaçon, des opérations de saisie subséquentes et des assignations au motif que ces actes avaient été délivrés au nom du directeur général de la société, M. Y..., qui ne justifiait pas du pouvoir de la représenter ;
Sur le moyen unique, pris en ses sixième et septième branches :
Attendu que la société et Mme Y... font grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors selon le moyen :
1°/ que l'article L. 227-6 du code de commerce exige seulement que les statuts de la société par actions simplifiées prévoient les conditions dans lesquelles le pouvoir de représenter la société peut être délégué à son directeur général ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que les statuts de la société satisfaisaient à cette prescription dès lors qu'ils prévoyaient qu'une telle délégation de pouvoirs pouvait être faite au directeur général «par les associés en accord avec le président» ; que la cour d'appel, qui constate, que par délibération d'une assemblée générale extraordinaire du 24 décembre 2001, a été attribué à M. Laurent Y... le pouvoir de représenter la société, ne pouvait, sans priver sa décision de base légale au regard de l'article L. 227-6 du code de commerce, s'abstenir de rechercher, au motif inopérant que cette délégation de pouvoir n'était pas reprise aux statuts de la société, si elle n'en avait pas moins été rendue opposable aux tiers par la publication de ladite délibération ;
2°/ que la société Design Sportswears avait fait valoir en ses écritures d'appel que M. Laurent Y..., désigné en qualité de président de la société, était régulièrement intervenu en la procédure en cette qualité ; qu'en s'abstenant de rechercher si, par ces conclusions, n'avaient pas été régularisées de la sorte les assignations initialement délivrées par une personne qui aurait été dépourvue de qualité pour représenter la société, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 117 et 121 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, qu'après avoir relevé qu'il ressortait respectivement des articles 13-2 et 14 des statuts mis à jour de la société, adoptés le 27 septembre 2002, et déposés au greffe du tribunal de commerce le 9 août 2004, que seul le président représente la société à l'égard des tiers et que l'étendue et la durée des pouvoirs délégués au directeur général sont déterminés par les associés en accord avec le président, l'arrêt retient que, si le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de la société du 24 décembre 2001 mentionnait l'adoption d'une résolution prévoyant d'attribuer à M. Y..., en qualité de directeur général, les "mêmes pouvoirs que le président tels qu'ils lui sont dévolus et selon les modalités prévues par l'article 13 des statuts", cette disposition n'a pas été reprise dans la mise à jour des statuts du 27 septembre 2002, comme l'exige l'article L. 227-6 du code de commerce ; que la cour d'appel en a exactement déduit, sans avoir à faire d'autre recherche, que M. Y... n'avait pas le pouvoir de représenter la société ;
Attendu, d'autre part, que la société n'ayant pas soutenu que le dépôt de conclusions prises par elle, représentée par son président, régularisait les procédures introduites en son nom par une personne qui n'avait pas le pouvoir de la représenter, la cour d'appel n'avait pas à procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 117 et 120, alinéa 1er, du code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que les exceptions de procédure fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure ne doivent être relevées d'office que lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public ;
Attendu que l'arrêt prononce, sur la demande des seules sociétés Luna et Floria, la nullité de l'ensemble des requêtes aux fins de saisie-contrefaçon, des opérations de saisie subséquentes et des assignations ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'irrégularité de fond tenant au défaut de pouvoir d'une personne figurant au procès comme représentant d'une personne morale ne revêt pas un caractère d'ordre public et ne peut profiter qu'à la partie qui l'invoque, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur la deuxième branche du moyen :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour annuler les assignations visant les sociétés Christophe Cottin, Sweety, Sellerie des Flanades, Le Cuir Race et Family Cuir, l'arrêt retient que le directeur général de la société, M. Y..., ne justifiait pas du pouvoir de la représenter ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que ces actes de procédure avaient été délivrés au nom de la société, représentée par sa présidente, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis ;
Sur la troisième branche du moyen :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour annuler les requêtes aux fins de saisie-contrefaçon en vertu desquelles ont été réalisées les opérations de saisie-contrefaçon visant les sociétés Sellerie des Flanades, Sweety, Le Cuir Race et Family Cuir, l'arrêt retient que le directeur général de la société, M. Y..., ne justifiait pas du pouvoir de la représenter ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que ces actes de procédure avaient été délivrés au nom de la société, représentée par sa présidente, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis ;
Et sur la cinquième branche du moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt annule l'assignation visant les sociétés Luna et Floria sans relever aucune cause de nullité affectant cet acte de procédure en tant qu'il émanait de Mme Y..., laquelle formait des demandes qui lui étaient propres ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la quatrième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 septembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne les sociétés Luna et Floria aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société Design Sportswears et à Mme Y... la somme globale de 2 500 euros ; rejette leur demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils pour la société Design Sportswears et Mme X...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé la nullité des requêtes aux fins de saisie contrefaçon, des opérations de saisie subséquentes et des assignations et d'avoir rejeté toutes autres demandes contraires à la motivation, et condamné la société Design Sportswears à payer aux sociétés Tropicool, Christophe Cottin, Luna et Floria, diverses sommes en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Aux motifs qu'il est soutenu que les requêtes aux fins de saisie contrefaçon et les assignations délivrées au nom de Laurent Y..., directeur général de la SAS Design Sportwears, sont nulles, seul le président ayant, aux termes de l'article 13-2 des statuts, le pouvoir de représenter la société à l'égard des tiers ; que la société Design Sportswears réplique que l'assemblée générale extraordinaire du 24 décembre 2001, aux termes de la 8ème résolution, a attribué à Laurent Y... les mêmes pouvoirs que ceux du président et que le procès-verbal de cette assemblée générale a été publié le 28 juin 2002 ; qu'aux termes de l'article L.227-6 du Code de commerce, régissant les sociétés par actions simplifiées, la société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social ; que l'alinéa 3 de ce texte précise que les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article ; qu'en l'espèce, il ressort de l'extrait du registre de commerce produit par la société Design Sportswears qu'à la date des actes de procédure critiqués, les statuts mis à jour avaient été adoptés le 27 septembre 2002 et déposés au greffe du tribunal de commerce le 9 août 2004 ; que l'article 13-2 de ces statuts prévoit que seul le président représente la société à l'égard des tiers ; que l'article 14 intitulé « Directeur Général » dispose que l'étendue et la durée des pouvoirs délégués au directeur général sont déterminés par les associés en accord avec le président ; que si le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 24 décembre 2001, mentionne l'adoption d'une huitième résolution prévoyant d'attribuer à Laurent Y..., en qualité de directeur général, les mêmes pouvoirs que le président tels qu'il lui sont dévolus et selon les modalités prévues par l'article 13 des statuts il n'en demeure pas moins que cette disposition n'est pas reprise dans la mise à jour des statuts du 17 septembre 2002, comme l'exige l'article L.227-6 du Code de commerce ; que la société Design Sportswears ne justifie donc pas, à l'égard des tiers, d'une délégation de son directeur général, Laurent Y..., du pouvoir de la représenter ; que le défaut de pouvoir de Laurent Y... à représenter la société Design Sportswears constitue une irrégularité de fond affectant la validité des requêtes en saisie contrefaçon, des opérations de saisie et des assignations ; que par voie de conséquence, infirmant la décision déférée, il convient de prononcer la nullité des actes de la procédure ; qu'il s'ensuit que le surplus du litige devient sans objet ;
Alors, de première part, que l'irrégularité résultant au défaut de pouvoir de la personne désignée comme représentant une personne morale n'a d'effet qu'à l'égard de la partie qui l'invoque ; qu'en l'espèce, le défaut de qualité de Monsieur Y... pour représenter la société Design Sportswears et la nullité susceptible d'en résulter des assignations, requêtes en saisie-contrefaçon et opérations de saisie-contrefaçon n'ayant été invoqué que par les société Luna et Floria, la Cour d'appel ne pouvait d'office en faire profiter les autres parties intimées qui ne s'en étaient pas prévalues, s'agissant d'un moyen qui n'est pas d'ordre public, sans méconnaître les articles 117 et 120 du Code de procédure civile ;
Alors, de deuxième part, qu'en affirmant de la sorte que l'ensemble des assignations dont étaient saisis les premiers juges étaient délivrées par la société Design Sportswears prise en la personne de son directeur général quand les assignations délivrées à la requête de la société Design Sportswears respectivement à l'EURL Christophe Cottin, à la société Sweety, à la société Sellerie Les Flanades, à la SARL Le Cuir Race et à la société Family Cuir l'avaient été à la requête de la société Design Sportswears prise en la personne de sa présidente, Madame Y..., la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des assignations en violation de l'article 1134 du Code civil ;
Alors, de troisième part, qu'en affirmant de la sorte que l'ensemble des requêtes à fin de saisie-contrefaçon en vertu desquelles avaient été réalisées les opérations de saisie-contrefaçon litigieuses émanaient de la société Design Sportswears prise en la personne de son directeur général, quand il résulte des termes clairs et précis desdites requêtes que les requêtes visant les sociétés Sellerie Les Flanades, Sweety, Le Cuir Race, et Family Cuir avaient été déposées par la société Design Sportswears prise en la personne de sa présidente, Madame Y..., la Cour d'appel a pareillement dénaturé les termes clairs et précis de ces requêtes en violation de l'article 1134 du Code civil ;
Alors, de quatrième part, que les sociétés Luna et Floria ne s'étant prévalues de la nullité des assignations et requêtes en saisie-contrefaçon que dans la mesure où elles émanaient de la société Design Sportswears, la Cour d'appel ne pouvait d'office étendre cette nullité aux assignations en tant qu'elles émanaient de Madame Valérie X... sans violer une nouvelle fois l'article 120 du Code de procédure civile ;
Alors, de cinquième part, qu'en toute hypothèse, la Cour d'appel, qui ne relève à l'appui de sa décision qu'aucune cause de nullité affectant les assignations en ce qu'elles émanaient de Madame X..., ne pouvait en prononcer la nullité pour le tout sans priver sa décision de motifs en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
Alors, en toute hypothèse et de sixième part, que l'article L.227-6 du Code de commerce exige seulement que les statuts de la société par actions simplifiées prévoient les conditions dans lesquelles le pouvoir de représenter la société peut être délégué à son directeur général ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que les statuts de la société satisfaisaient à cette prescription dès lors qu'ils prévoyaient qu'une telle délégation de pouvoirs pouvait être faite au directeur général « par les associés en accord avec le président » ; que la Cour d'appel, qui constate, que par délibération d'une assemblée générale extraordinaire du 24 décembre 2001, a été attribué à Monsieur Laurent Y... le pouvoir de représenter la société ; ne pouvait, sans priver sa décision de base légale au regard de l'article L.227-6 du Code de commerce, s'abstenir de rechercher, au motif inopérant que cette délégation de pouvoir n'était pas reprise aux statuts de la société, s'abstenir de rechercher si elle n'en avait pas moins été rendue opposable aux tiers par la publication de ladite délibération ;
Et alors, enfin, et en toute hypothèse, que la société Design Sportswears avait fait valoir en ses écritures d'appel que Monsieur Laurent Y..., désigné en qualité de président de la société, était régulièrement intervenu en la procédure en cette qualité ; qu'en s'abstenant de rechercher si, par ces conclusions, n'avaient pas été régularisées de la sorte les assignations initialement délivrées par une personne qui aurait été dépourvue de qualité pour représenter la société, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 117 et 121 du Code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 09-71712
Date de la décision : 14/12/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

PROCEDURE CIVILE - Acte de procédure - Nullité - Irrégularité de fond - Relevé d'office - Conditions - Irrégularité d'ordre public - Nécessité

PROCEDURE CIVILE - Acte de procédure - Nullité - Irrégularité de fond - Caractère d'ordre public - Exclusion - Cas - Défaut de pouvoir du représentant d'une personne morale

Il résulte de l'article 120, alinéa 1er, du code de procédure civile que les exceptions de procédure fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure ne doivent être relevées d'office que lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public. Ne revêt pas un tel caractère l'irrégularité de fond tenant au défaut de pouvoir d'une personne figurant au procès comme représentant d'une personne morale, qui ne peut profiter qu'à la partie qui l'invoque


Références :

Sur le numéro 1 : article L. 227-6 du code de commerce
Sur le numéro 2 : article 120, alinéa 1er, du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 30 septembre 2009

Sur le n° 2 : A rapprocher : Com., 5 novembre 1985, pourvoi n° 84-14671, Bull. 1985, IV, n° 262 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 14 déc. 2010, pourvoi n°09-71712, Bull. civ. 2010, IV, n° 205
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, IV, n° 205

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : Mme Batut
Rapporteur ?: M. Le Dauphin
Avocat(s) : SCP Laugier et Caston, SCP Roger et Sevaux

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.71712
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