LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 27 mai 2008), que l'Etablissement national technique pour l'amélioration de la viticulture (ENTAV), organisme agréé comme établissement de sélection, a le statut juridique d'un centre technique interprofessionnel ; que les établissements de prémultiplication, dont l'ENTAV, ont institué, avant 2002, une participation aux frais de sélection des plants de vigne qu'ils facturaient à leurs propres clients ; qu'ils transmettaient à l'Office national interprofessionnel des vins de table (ONIVINS) ces éléments de facturation afin que l'ENTAV établisse le montant des frais de participation à reverser ; que le 3 janvier 2002, l'ENTAV a assigné M. X... exerçant sous l'enseigne X... Couderc production, agréé en qualité d'établissement prémutiplicateur, en vue d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 257 301,89 euros correspondant au solde des participations aux frais de sélection relatives aux campagnes de 1996 à 2000 ;
Vu l'arrêt de cette chambre, en date du 4 mai 2010, ayant sursis à statuer sur le pourvoi jusqu'au prononcé de l'arrêt du Conseil d'Etat sur le recours formé par M. X... en annulation des délibérations de l'ENTAV ;
Vu l'arrêt rendu le 23 juillet 2010 par le Conseil d'Etat, qui a rejeté la requête de M. X... ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de l'ENTAV et d'avoir rejeté les siennes en restitution des participations payées et de dommages-intérêts pour concurrence déloyale, alors, selon le moyen :
1°/ qu'un organisme de droit privé chargé d'une mission de service public ne peut percevoir une contribution sur les entreprises, ayant le caractère de taxes parafiscales, qu'en vertu d'un décret en Conseil d'Etat conformément à l'article 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ; que l'article L. 342-8 du code de la recherche, issu de la loi du 22 juillet 1948, dispose que les ressources d'un centre technique industriel comprennent le produit de taxes qui leur est alloué dans les conditions prévues par les lois de finances, que ces taxes ne peuvent pas être matière d'un contrat et que, même lorsque ces contributions sont instituées à la suite d'une concertation avec les entreprises, elles conservent le caractère de taxes qui ne peuvent être instituées et perçues que dans les conditions prévues par ces textes ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ainsi que l'article L. 342-8 du code de la recherche ;
2°/ que le juge administratif est seul compétent pour apprécier la légalité de l'acte administratif par lequel un organisme chargé de la gestion d'un service public institue une contribution à la charge des entreprises, et qu'en statuant ainsi, bien que la contestation de la légalité des décisions du conseil d'administration de l'ENTAV relatives aux participations aux frais de sélection ait été sérieuse, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Mais attendu que l'arrêt relève que les décisions relatives aux participations aux frais de sélection ont été instituées de façon concertée par les membres du conseil d'administration de l'ENTAV et par tous les représentants des établissements prémultiplicateurs dont M. X... et qu'elles procédaient, à la suite de cette concertation, d'une démarche volontaire de ces établissements ; qu'ayant ainsi fait ressortir le caractère contractuel de ces décisions, la cour d'appel a justement décidé que, pour les campagnes considérées, ces participations ne revêtaient pas un caractère réglementaire ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. X... fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en violation des articles 1984 et 1993 du code civil, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses autres constatations selon lesquelles ces participations aux frais de sélection étaient "dues par les établissements prémultiplicateurs" à l'ENTAV, ce dont il résultait que les clients de M. X... n'étaient pas débiteurs de ces participations envers l'ENTAV et que le prétendu mandat tacite qui aurait été confié par l 'ENTAV à M. X... afin de les percevoir pour son compte auprès de ses propres clients n'avait pas de fondement juridique ;
2°/ que et subsidiairement tout au moins, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de ces mêmes textes en laissant incertain le fondement juridique de ce prétendu mandat tacite, c'est-à-dire le point de savoir si les participations étaient dues à l'ENTAV par M. X... ou par ses clients ;
3°/ qu'enfin, en violation de l'article 455 du code de procédure civile, la cour d'appel n'a pas répondu au chef de conclusions selon lesquelles l'ENTAV facturait directement ces participations à l 'établissement multiplicateur dans le cadre d'une mission de contrôle sur les souches de cet établissement et non sur ses clients et que M. X... incluait ces frais dans le prix de vente à ses clients uniquement parce qu'ils entraient dans ses coûts ;
Mais attendu que l'arrêt retient que M. X... avait, sans contester ni le principe de la participation aux frais de sélection, ni les modalités approuvées par l'ensemble des établissements prémultiplicateurs, facturé à ses propres clients les participations aux frais de sélection et les avait reversées, pendant la période considérée, à l'ENTAV ; qu'en l'état de ces constatations, dont il résulte que les parties étaient convenu d'un mandat tacite donné à l'ENTAV de recouvrer les frais de participations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de préciser le fondement juridique du mandat, a pu statuer comme elle a fait et a légalement justifié sa décision ; que le moyen, inopérant en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que M. X... fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ que la cour d'appel a violé l'article 6 du décret du 10 juillet 1980 et l'article 2 de l'arrêté du 26 septembre 1980 pour n'avoir pas constaté que le ministre de l'agriculture avait effectivement délivré, par un acte signé par lui ou par son délégué, à l'ENTAV l'agrément exigé par les textes en vigueur durant la période en cause de 1996 à 2000 ;
2°/ que la juridiction judiciaire n'est pas compétente pour se livrer à l'interprétation d'actes administratifs à caractère non réglementaire – ce qu'étaient les documents en cause et qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a de nouveau violé la loi des 16-24 août 1790 ainsi que le décret du 16 fructidor an III ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'un rapport du ministre de l'agriculture établi en 1975 mentionnait l'ENTAV parmi les établissements prémutiplicateurs agréés, donnait sa date d'agrément du 17 juin 1966 et son numéro d'inscription au contrôle de l'institut des vins de consommation courante ; qu'il relève aussi que sont produites les cartes de contrôle délivrées à l'établissement de 1975 à 1978, ainsi que la liste des prémultiplicateurs dont l'ENTAV pour 1996, 1997 et 1998, les documents émanant de l'ONIVINS, le procès-verbal d'une commission d'enquête sur le fonctionnement de ces établissements, le courrier du ministère de l'agriculture adressé à l'ENTAV, le 16 juin 2006, faisant état du renouvellement de son agrément ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas interprété les actes administratifs en cause, a pu en déduire l'existence et la réalité de l'agrément régulièrement reconduit dont bénéficiait l'ENTAV ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Delvolvé, avocat aux Conseils pour M. François X..., exerçant sous l'enseigne X... Couderc production et M. François X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Monsieur X..., établissement agréé de prémultiplication de la vigne à payer à l'ENTAV — ITV, Institut français de la vigne et du vin, des participations aux frais de sélection pour les campagnes 1996 à 2000 et le l'avoir débouté de ses demandes de restitution des participations payées ainsi que de dommages-intérêts pour concurrence déloyale,
Aux motifs que ces participations aux frais de sélection avaient été instituées de manière concertée par les membres du conseil d'administration de l'ENTAV et tous les représentants des établissements de prémultiplication, que les décisions prises par le conseil d'administration de l'ENTAV procédaient, à la suite de cette concertation, d'une démarche volontaire des prémultiplicateurs et qu'elles ne revêtaient aucun caractère réglementaire de telle sorte qu'il n'y avait lieu de faire droit à la demande de question préjudicielle et de sursis à statuer,
Alors, d'une part, qu'un organisme de droit privé chargé d'une mission de service public ne peut percevoir une contribution sur les entreprises, ayant le caractère de taxes parafiscales, qu'en vertu d'un décret en Conseil d'Etat conformément à l'article 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, que l'article L.342-8 du code de la recherche, issu de la loi du 22 juillet 1948, dispose que les ressources d'un centre technique industriel comprennent le produit de taxes qui leur est alloué dans les conditions prévues par les lois de finances, que ces taxes ne peuvent pas être matière d'un contrat et que, même lorsque ces contributions sont instituées à la suite d'une concertation avec les entreprises, elles conservent le caractère de taxes qui ne peuvent être instituées et perçues que dans les conditions prévues par ces textes, qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ainsi que l'article L.342-8 du code de la recherche,
Alors, d'autre part, que le juge administratif est seul compétent pour apprécier la légalité de l'acte administratif par lequel un organisme chargé de la gestion d'un service public institue une contribution à la charge des entreprises, et qu'en statuant ainsi, bien que la contestation de la légalité des décisions du conseil d'administration de l'ENTAV relatives aux participations aux frais de sélection ait été sérieuse, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Monsieur X..., établissement agréé de prémultiplication de la vigne à payer à l'ENTAV — ITV, Institut français de la vigne et du vin, des participations aux frais de sélection pour les campagnes 1996 à 2000 et de l'avoir débouté de ses demandes de restitution des participations payées ainsi que de dommages-intérêts pour concurrence déloyale,
Aux motifs que les factures de participation aux frais de sélection, les paiements effectués par Monsieur X... jusqu'à la période litigieuse sans en avoir contesté ni le principe, ni les modalités, les facturations, faites par Monsieur X... à ses propres clients, des participations aux frais de sélection caractérisaient l'existence d'un mandat tacite entre les parties en vertu duquel Monsieur X... encaissait les participations auprès de ses clients pour le compte de l'ENTAV auquel il devait les reverser conformément aux dispositions de l'article 1993 du code civil,
Alors, d'une part, qu'en violation des articles 1984 et 1993 du code civil, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses autres constatations selon lesquelles ces participations aux frais de sélection étaient « dues par les établissements prémultiplicateurs » à l'ENTAV, ce dont il résultait que les clients de Monsieur X... n'était pas débiteurs de ces participations envers l'ENTAV et que le prétendu mandat tacite qui aurait été confié par l'ENTAV à Monsieur X... afin de les percevoir pour son compte auprès de ses propres clients n'avait pas de fondement juridique,
Alors, d'autre part et subsidiairement, que tout au moins la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de ces mêmes textes en laissant incertain le fondement juridique de ce prétendu mandat tacite, c'est-à-dire le point de savoir si les participations étaient dues à l'ENTAV par Monsieur X... ou par ses clients,
Alors, enfin, qu'en violation de l'article 455 du code de procédure civile, la cour d'appel n'a pas répondu au chef de conclusions selon lesquelles l'ENTAV facturait directement ces participations à l'établissement multiplicateur dans le cadre d'une mission de contrôle sur les souches de cet établissement et non sur ses clients et que Monsieur X... incluait ces frais dans le prix de vente à ses clients uniquement parce qu'ils entraient dans ses coûts.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Monsieur X..., établissement agréé de prémultiplication de la vigne à payer à l'ENTAV - ITV, Institut français de la vigne et du vin, des participations aux frais de sélection pour les campagnes 1996 à 2000 et de l'avoir débouté de ses demandes de restitution des participations payées ainsi que de dommages-intérêts pour concurrence déloyale,
Aux motifs qu'un rapport du ministre de l'agriculture relatif au fonctionnement des établissements de prémultiplication en 1975 mentionnant l'ENTAV parmi les établissements agréés, les cartes de contrôle délivrées à l'ENTAV de 1975 à 1978, la liste des prémultiplicateurs pour 1996, 1997 et 1998, les documents émanant de l'ONIVINS, le procès-verbal d'une commission d'enquête sur le fonctionnement des établissements de prémultiplication, le courrier du ministère de l'agriculture adressé à l'ENTAV le 16 juin 2006, faisant état du renouvellement de l'agrément de l'ENTAV en tant qu'établissement de prémultiplication ainsi que les comptes-rendus des réunions des établissements de prémultiplication de 1995 à 1997, établissaient la réalité de l'agrément dont bénéficiait l'ENTAV, et qu'étant ainsi agréé, celui-ci avait des clients qui pouvaient être également ceux des autres prémultiplicateurs, aucune exclusivité sur la clientèle n'étant établie,
Alors, d'une part, que la cour d'appel a violé l'article 6 du décret du 10 juillet 1980 et l'article 2 de l'arrêté du 26 septembre 1980 pour n'avoir pas constaté que le ministre de l'agriculture avait effectivement délivré, par un acte signé par lui ou par son délégué, à l'ENTAV l'agrément exigé par les textes en vigueur durant la période en cause de 1996 à 2000,
Alors, d'autre part, que la juridiction judiciaire n'est pas compétente pour se livrer à l'interprétation d'actes administratifs à caractère non réglementaire — ce qu'étaient les documents en cause — et qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a de nouveau violé la loi des 16-24 août 1790 ainsi que le décret du 16 fructidor an III.