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08/12/2010 | FRANCE | N°10-60223

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 décembre 2010, 10-60223


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Paris 9e, 1er avril 2010), que le 22 février 2010, MM. X..., Z... et Y... ont été désignés en qualité de délégués syndicaux centraux au sein de l'unité économique et sociale Axa France par la Fédération des employés et cadres Force ouvrière, alors que cette dernière n'avait pas obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés dans l'ensemble de cette unité lors du premier tour des élections des membres titulaires des cinq comi

tés d'établissement qui se sont tenues le 14 mai 2009 ;
Attendu que les s...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Paris 9e, 1er avril 2010), que le 22 février 2010, MM. X..., Z... et Y... ont été désignés en qualité de délégués syndicaux centraux au sein de l'unité économique et sociale Axa France par la Fédération des employés et cadres Force ouvrière, alors que cette dernière n'avait pas obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés dans l'ensemble de cette unité lors du premier tour des élections des membres titulaires des cinq comités d'établissement qui se sont tenues le 14 mai 2009 ;
Attendu que les salariés et la Fédération font grief au jugement d'annuler ces désignations, alors, selon le moyen :
1°/ que pour annuler les désignations de délégués syndicaux centraux effectuées par la Fédération des employés et cadres Force ouvrière, le jugement retient que le seuil légal d'audience électorale d'au moins 10 % n'est pas contraire aux principes du droit international, un tel critère étant tout à la fois clair, objectif, pertinent et raisonnable ; qu'en statuant ainsi, sans préciser le fondement juridique de sa décision, le tribunal d'instance qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
2°/ que les juges du fond sont liés par les conclusions prises devant eux et ne peuvent modifier les termes du litige dont ils sont saisis ; que pour annuler les désignations de délégués syndicaux centraux effectuées par la Fédération des employés et cadres Force ouvrière, le jugement retient qu'il est légitime de ne pas traiter de la même façon des syndicats qui ont une réelle audience dans l'entreprise et ceux qui n'en ont pas ; qu'en statuant ainsi, cependant que n'était pas contestée devant lui l'exigence de crédibilité et de représentativité des syndicats dans l'entreprise, mais seulement la nature des critères présidant à la reconnaissance légale de cette dernière, le tribunal d'instance a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ que n'est ni clair ni objectif le critère légal de représentativité qui confond représentativité par mandat et représentativité par nature des syndicats, ainsi que leurs missions respectives ; que pour annuler les désignations de délégués syndicaux centraux effectuées par la Fédération des employés et cadres Force ouvrière, le jugement retient qu'il ne peut être de critère « plus clair et plus objectif » que le seuil légal d'audience électorale d'au moins 10 % ; qu'en décidant ainsi, cependant que ne rend pas compte clairement et objectivement de la représentativité des syndicats le scrutin invitant les salariés à désigner, par un vote unique, le représentant élu du personnel le plus impliqué dans sa mission sociale et culturelle, et le délégué syndical aux revendications les plus offensives, le tribunal d'instance a violé les articles 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 5 et 6 de la charte sociale européenne ;
4°/ que n'est ni raisonnable ni pertinent le critère légal de représentativité qui emporte une restriction excessive à la participation des syndicats aux consultations et constitue une entrave à leur formation et à leur maintien ; que pour annuler les désignations de délégués syndicaux centraux effectuées par la Fédération des employés et cadres Force ouvrière, le jugement retient que le seuil légal d'audience électorale d'au moins 10 % est « raisonnable et pertinent » ; qu'en décidant ainsi, cependant que le critère légal de 10 %, par l'effet de la confusion entretenue sur les enjeux du scrutin, entrave gravement et sans légitimité le pluralisme syndical, le tribunal d'instance a violé les articles 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 5 et 6 de la charte sociale européenne ;
5°/ que pour annuler les désignations de délégués syndicaux centraux effectuées par la Fédération des employés et cadres Force ouvrière, le jugement a dit seulement que le seuil légal d'audience de 10 % était conforme aux principes du droit international ; qu'en statuant ainsi, sans répondre au moyen des exposants qui soutenait que l'obligation faite aux syndicats représentatifs de choisir leur délégué syndical parmi les candidats ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d'entreprise, était contraire à la liberté syndicale et à l'exigence d'indépendance des syndicats, toutes deux garanties par les articles 3 de la convention n° 87 de l'OIT, 2 § 1 de la convention n° 98 de l'OIT et 5 et 6 de la charte sociale européenne, le tribunal d'instance a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ que pour annuler les désignations de délégués syndicaux centraux effectuées par la Fédération des employés et cadres Force ouvrière, le jugement a dit seulement que le seuil légal d'audience de 10 % était conforme aux principes du droit international ; qu'en statuant ainsi, sans répondre au moyen des exposants qui soutenait que l'inégalité instituée par la loi entre les syndicats catégoriels et intercatégoriels constituait une discrimination prohibée par les articles 11 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le tribunal d'instance a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
7°/ que pour annuler les désignations de délégués syndicaux centraux effectuées par la Fédération des employés et cadres Force ouvrière, le jugement retient que celle-ci a d'abord implicitement admis la légitimité du critère légal d'audience électorale en ne désignant de délégués syndicaux que dans les établissements où elle a été représentative et non dans l'UES ; que l'absence de réclamation ne valant pas renonciation à se prévaloir d'un droit, le tribunal d'instance qui s'est fondé sur des motifs inopérants, a violé les articles 11 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 5 et 6 de la charte sociale européenne, ensemble les articles 3 de la convention n° 87 de l'OIT et 2 § 1 de la convention n° 98 de l'OIT ;
Mais attendu, d'abord, que l'exigence d'un score électoral de 10 % des suffrages exprimés au premier tour de l'élection des membres titulaires des comités d'entreprise ou d'établissement ainsi que, dans ce cas, la consolidation des résultats électoraux au niveau de l'ensemble de l'entreprise, constituent un critère clair, objectif, raisonnable et pertinent de détermination des organisations syndicales représentatives qui n'est pas contraire aux textes internationaux invoqués par le moyen et ne porte atteinte ni à la liberté syndicale ni au pluralisme syndical ;
Attendu, ensuite, que l'obligation faite aux syndicats représentatifs de choisir, en priorité, le délégué syndical parmi les candidats ayant obtenu au moins 10 % des voix ne heurte aucune prérogative inhérente à la liberté syndicale et que, tendant à assurer la détermination par les salariés eux-mêmes des personnes les plus aptes à défendre leurs intérêts dans l'entreprise et à conduire les négociations pour leur compte, elle ne constitue pas une ingérence arbitraire dans le fonctionnement syndical ;
Attendu, enfin, que le syndicat et les salariés soutenant dans leurs conclusions que si le syndicat avait eu le statut de syndicat catégoriel, il aurait été déclaré représentatif au niveau de l'UES Axa pour la catégorie des commerciaux et aurait pu négocier les accords qui lui sont spécifiques, le tribunal n'avait pas à répondre à un moyen purement hypothétique ;
Que le moyen, inopérant en ses première et deuxième branches, critiquant un motif surabondant en sa septième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils pour MM. X..., Z..., Y... et la Fédération des employés et cadres FO
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR annulé les désignations effectuées par la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière de messieurs Daniel X..., Eric Z... et Didier Y... en qualité de délégués syndicaux centraux ;
AUX MOTIFS QUE les sociétés Axa France Vie et Axa France Iard font valoir que la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière ne pouvait, en vertu de l'article L. 2143-5 du code du travail, procéder aux désignations litigieuses dès lors qu'elle a recueilli moins de 10 % des suffrages (9, 81 %) au premier tour des élections professionnelles qui ont été organisées dans l'entreprise le 14 mai 2009 ; que la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière, Daniel X..., Eric Z... et Didier Y... ne démontrent en rien en quoi le seuil légal d'audience électorale d'au moins 10 % serait contraire aux principes du droit international, alors qu'il ne peut être de critère plus clair et plus objectif ; que si ce seuil est nécessairement arbitraire (mais quel seuil ne le serait pas ?), il est en revanche raisonnable et pertinent ; qu'il est parfaitement légitime de ne pas traiter de la même façon des syndicats (catégoriels ou non) qui ont une réelle audience dans l'entreprise et ceux qui n'en ont pas, sauf à admettre à l'extrême, au détriment des salariés, que des délégués syndicaux ne puissent guère représenter qu'eux-mêmes ; qu'il doit du reste être relevé que la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière a implicitement admis, au moins un temps, la légitimité du critère légal d'audience électorale, dès lors qu'elle n'a désigné de délégués syndicaux que dans les établissements où elle a été représentative, et qu'elle a attendu le mois de février 2010, soit près de neuf mois après les élections organisées dans l'entreprise, pour procéder subitement aux désignations contestées ; qu'il y a lieu dans ces conditions de faire droit à la requête ;
1°) ALORS QUE pour annuler les désignations de délégués syndicaux centraux effectuées par la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière, le jugement retient que le seuil légal d'audience électorale d'au moins 10 % n'est pas contraire aux principes du droit international, un tel critère étant tout à la fois clair, objectif, pertinent et raisonnable ; qu'en statuant ainsi, sans préciser le fondement juridique de sa décision, le tribunal d'instance qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE les juges du fond sont liés par les conclusions prises devant eux et ne peuvent modifier les termes du litige dont ils sont saisis ; que pour annuler les désignations de délégués syndicaux centraux effectuées par la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière, le jugement retient qu'il est légitime de ne pas traiter de la même façon des syndicats qui ont une réelle audience dans l'entreprise et ceux qui n'en ont pas ; qu'en statuant ainsi, cependant que n'était pas contestée devant lui l'exigence de crédibilité et de représentativité des syndicats dans l'entreprise, mais seulement la nature des critères présidant à la reconnaissance légale de cette dernière, le tribunal d'instance a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE n'est ni clair ni objectif le critère légal de représentativité qui confond représentativité par mandat et représentativité par nature des syndicats, ainsi que leurs missions respectives ; que pour annuler les désignations de délégués syndicaux centraux effectuées par la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière, le jugement retient qu'il ne peut être de critère « plus clair et plus objectif » que le seuil légal d'audience électorale d'au moins 10 % ; qu'en décidant ainsi, cependant que ne rend pas compte clairement et objectivement de la représentativité des syndicats le scrutin invitant les salariés à désigner, par un vote unique, le représentant élu du personnel le plus impliqué dans sa mission sociale et culturelle, et le délégué syndical aux revendications les plus offensives, le tribunal d'instance a violé les articles 11 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 5 et 6 de la charte sociale européenne ;
4°) ALORS QUE n'est ni raisonnable ni pertinent le critère légal de représentativité qui emporte une restriction excessive à la participation des syndicats aux consultations et constitue une entrave à leur formation et à leur maintien ; que pour annuler les désignations de délégués syndicaux centraux effectuées par la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière, le jugement retient que le seuil légal d'audience électorale d'au moins 10 % est « raisonnable et pertinent » ; qu'en décidant ainsi, cependant que le critère légal de 10 %, par l'effet de la confusion entretenue sur les enjeux du scrutin, entrave gravement et sans légitimité le pluralisme syndical, le tribunal d'instance a violé les articles 11 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 5 et 6 de la charte sociale européenne ;
5°) ALORS QUE pour annuler les désignations de délégués syndicaux centraux effectuées par la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière, le jugement a dit seulement que le seuil légal d'audience de 10 % était conforme aux principes du droit international ; qu'en statuant ainsi, sans répondre au moyen des exposants qui soutenait que l'obligation faite aux syndicats représentatifs de choisir leur délégué syndical parmi les candidats ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité d'entreprise, était contraire à la liberté syndicale et à l'exigence d'indépendance des syndicats, toutes deux garanties par les articles 3 de la convention n° 87 de l'OIT, 2 § 1 de la convention n° 98 de l'OIT et 5 et 6 de la charte sociale européenne, le tribunal d'instance a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
6°) ALORS QUE pour annuler les désignations de délégués syndicaux centraux effectuées par la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière, le jugement a dit seulement que le seuil légal d'audience de 10 % était conforme aux principes du droit international ; qu'en statuant ainsi, sans répondre au moyen des exposants qui soutenait que l'inégalité instituée par la loi entre les syndicats catégoriels et inter catégoriels constituait une discrimination prohibée par les articles 11 et 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le tribunal d'instance a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
7°) ALORS QUE pour annuler les désignations de délégués syndicaux centraux effectuées par la Fédération des employés et cadres Force Ouvrière, le jugement retient que celle-ci a d'abord implicitement admis la légitimité du critère légal d'audience électorale en ne désignant de délégués syndicaux que dans les établissements où elle a été représentative et non dans l'UES ; que l'absence de réclamation ne valant pas renonciation à se prévaloir d'un droit, le tribunal d'instance qui s'est fondé sur des motifs inopérants, a violé les articles 11 et 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 5 et 6 de la charte sociale européenne, ensemble les articles 3 de la convention n° 87 de l'OIT et 2 § 1 d e la convention n° 98 de l'OIT.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-60223
Date de la décision : 08/12/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Paris 9ème, 01 avril 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 déc. 2010, pourvoi n°10-60223


Composition du Tribunal
Président : Mme Morin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Didier et Pinet, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:10.60223
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