La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/12/2010 | FRANCE | N°09-42924

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 décembre 2010, 09-42924


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 juin 2009), que M. X..., employé par la société Technique française du nettoyage - TFN (la société) comme agent de propreté, était affecté sur un site sur lequel il travaillait de nuit ; que ce marché ayant été perdu par la société, l'inspecteur du travail a refusé, le 20 septembre 2007, que son contrat de travail soit transféré au repreneur ; que la société lui a alors proposé un autre poste avec des horaires de jour qu'il a refusé le 24 octobre 2007 ; que

le 22 janvier 2008, il a saisi la formation de référé du conseil de prud'hom...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 juin 2009), que M. X..., employé par la société Technique française du nettoyage - TFN (la société) comme agent de propreté, était affecté sur un site sur lequel il travaillait de nuit ; que ce marché ayant été perdu par la société, l'inspecteur du travail a refusé, le 20 septembre 2007, que son contrat de travail soit transféré au repreneur ; que la société lui a alors proposé un autre poste avec des horaires de jour qu'il a refusé le 24 octobre 2007 ; que le 22 janvier 2008, il a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes afin d'obtenir sa réintégration dans un poste de nuit et la condamnation de la société à lui payer une provision au titre des salaires ; que la société lui a proposé, le 29 octobre 2008, un poste de nuit à Fleury-Mérogis qu'il a refusé le 23 novembre 2008 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de constater l'existence d'un trouble manifestement illicite, d'ordonner la réintégration de M. X... dans un poste équivalent à celui perdu en octobre 2007, de la condamner à lui payer une provision à titre de rappel de salaires avec la majoration de nuit, sous astreinte, alors selon le moyen :
1°/ que l'aveu judiciaire contenu dans des conclusions déposées devant les juges d'appel est irrévocable et ne peut être rétracté par des déclarations postérieures destinées à s'y substituer, sauf preuve de ce que l'aveu serait la suite d'une erreur de fait ; qu'en se fondant sur la déclaration faite à l'audience par M. X..., selon laquelle il avait confirmé le choix exprimé devant le premier juge de conserver son emploi occupé au sein de la société TFN, quand ses conclusions d'appel régulièrement déposées et visées par l'arrêt contenaient l'aveu judiciaire de ce que le salarié cumulait, actuellement, deux emplois, dont celui occupé au sein de la société TFN, la cour d'appel a, en faisant prévaloir une déclaration postérieure sur un aveu judiciaire antérieur irrévocable, violé l'article 1356 du code civil ;
2°/ que la contradiction entre les éléments de fait exposés dans les conclusions déposées et développées par une partie à l'audience et les déclarations de cette partie lors de l'audience oblige le juge à s'assurer, au besoin par le recours à une mesure d'instruction, de la réalité de la situation de fait qui lui est soumise et dont dépend la solution du litige ; que, dans ses conclusions déposées devant la cour d'appel, M. X... admettait expressément le cumul actuel de deux emplois dont l'un au sein de la société TFN, en énonçant que « M. X... cumule ces deux emplois par contrainte : il fait l'objet d'une procédure de surendettement civil et doit honorer ses dettes pour y mettre fin » ; qu'en énonçant que M. X... avait confirmé, à l'audience, le choix qu'il avait opéré devant le juge de première instance en faveur de son emploi au sein de la société TFN, sans résoudre la contradiction existant entre les déclarations de fait contenues dans ses conclusions d'appel et ses déclarations à l'audience, la cour d'appel a violé les articles 144 et 455 du code de procédure civile ;
3°/ que le principe de la loyauté des débats interdit qu'une partie puisse conserver le bénéfice d'une décision s'il se révèle qu'elle l'a obtenue par fraude ; que, pour condamner la société TFN au profit de M. X..., la cour d'appel a retenu qu'entre les deux emplois que le salarié cumulait, entraînant un dépassement illicite de la durée maximale du travail, il avait déclaré opter pour celui occupé au sein de la société TFN ; que la société TFN a, postérieurement à l'arrêt, obtenu la preuve qu'à la date du 29 juin 2009, M. X... était toujours employé à temps complet par la société Aspirotechnique ; qu'il s'en déduit que l'arrêt encourt l'annulation pour avoir été obtenu par la fraude de son bénéficiaire et en méconnaissance du principe de la loyauté des débats ;
Mais attendu qu'il résulte des écritures de la societé qu'elle a sollicité l'autorisation administrative de licencier le salarié, notamment en raison du cumul illicite d'emplois, qui lui a été refusée le 25 août 2008 ; que l'employeur étant tenu de poursuivre le contrat de travail aux mêmes conditions, le moyen qui critique un motif surabondant est inopérant ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. X... une somme provisionnelle à titre de rappel de salaires incluant les majorations de nuit pour la période de novembre 2007 à avril 2009, sous astreinte par jour de retard, alors, selon le moyen, que le salarié protégé qui est sans affectation à la suite de la perte du marché des locaux dans lesquels il travaillait ne peut obtenir de son employeur le paiement d'une somme correspondant aux salaires perdus entre la date de la perte du marché et celle de sa réintégration dans un emploi équivalent qu'à la condition que, pendant la période considérée, il n'ait pas cumulativement occupé chez un autre employeur un emploi à temps complet lui ayant procuré la rémunération correspondante ; qu'en allouant à M. X... l'intégralité des salaires qu'il aurait perçus depuis le mois de novembre 2007 jusqu'au mois d'avril 2009, sans rechercher à quelle date M. X..., qui ne pouvait cumuler cette somme avec la rémunération perçue de l'autre employeur au service duquel il travaillait, avait mis fin à cet autre contrat de travail, en conséquence de l'option exercée en faveur de l'emploi occupé au sein de la société TFN, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2411-3, L. 8261-1 et L. 8261-2 du code du travail, ensemble l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que la société n'a pas soutenu devant la cour d'appel que le salarié ne pouvait cumuler l'intégralité des salaires qu'il aurait dû percevoir entre novembre 2007 et avril 2008 avec la rémunération perçue d'un autre employeur au service duquel il travaillait ; que le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit, est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Technique française du nettoyage aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils pour la société La Technique française du nettoyage.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite, d'avoir ordonné la réintégration de M. Mohamed X... dans un poste équivalent à celui perdu en octobre 2007, et d'avoir condamné la SAS TECHNIQUE FRANCAISE DU NETTOYAGE à payer à ce dernier les sommes provisionnelles de 29.952,72 euros à titre de rappel de salaire incluant la majoration de nuit, pour la période allant de novembre 2007 à avril 2009, avec intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2008 et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour la procédure d'appel, et d'avoir ordonné à la SAS TECHNIQUE FRANCAISE DU NETTOYAGE la reprise du versement du salaire à échéance normale, à compter du mois de mai 2009,
AUX MOTIFS QUE « M. Mohamed Ahmed X... affirme que son employeur ne pouvait changer unilatéralement ses conditions de travail, car il était délégué syndical depuis le 14 avril 2006 ; qu'il précise que le premier poste était un poste de jour moins rémunéré, et que le second faisait passer son temps de transport, par trajet, de 20 minutes à une heure ; que la SAS TECHNIQUE FRANCAISE DU NETTOYAGE-TFN répond que les refus du salarié sont abusifs, au motif qu'ils résultaient du fait que celui-ci travaillait également à temps plein, dans la société ASPIROTECHNIQUE ; qu'en cas de cumul d'emplois entraînant un dépassement de la durée maximale du travail, il appartient au seul salarié de choisir l'emploi qu'il entend conserver ; qu'en l'espèce, le juge des référés a mentionné, dans son ordonnance, que M. Mohamed Ahmed X... avait opté en faveur de son emploi dans la SAS TECHNIQUE FRANCAISE DU NETTOYAGE-TFN, dans laquelle il sollicitait sa réintégration ; que lors de l'audience devant la Cour, celui-ci a confirmé ce choix ; que M. Mohamed Ahmed X... bénéficiait de la protection attachée à son statut de délégué syndical et, qu'ainsi, ses conditions de travail ne pouvaient être modifiées sans son accord ; qu'il résulte des pièces produites que la première affectation proposée modifiait les horaires de travail, s'agissant d'un poste de jour, de 6 h à 9 h et de 18 h à 21 h, et non plus de nuit de 0 h à 7 h, ce qui aboutissait à la perte de la majoration des heures de nuit égale à 20 % du salaire de base ; que la seconde affectation impliquait un changement du lieu de travail et une augmentation importante des temps de trajets, celui-ci étant situé dans une ZAC de Fleury-Mérogis (91), alors que le précédent était situé à Montreuil (93) ; que le salarié a précisé à l'audience que son temps de transport, pour un trajet, serait passé d'environ 20 minutes à une heure, compte tenu de l'éloignement, de la situation dans une ZAC et de la rareté des transports en commun la nuit ; que la SAS TECHNIQUE FRANCAISE DU NETTOYAGE TFN produit des courriels qu'elle a envoyés dans ses agences pour le reclasser ; que ces documents démontrent qu'un courriel collectif a été envoyé à environ 45 destinataires, le mardi 16 octobre 2007, en mentionnant le nom, l'adresse, la date de naissance, la nationalité, le temps de travail, le salaire horaire, la qualification, les horaires de travail et l'ancienneté conventionnelle du salarié mais en ne précisant pas le type de postes susceptible d'être occupé par celui-ci ; que les réponses des agences ont toutes été faites par courriels, au plus tard le lundi 22 octobre dans la matinée et qu'une trentaine n'entre elles ont été envoyées le mardi 16 octobre, le jour même de l'envoi de la demande ; qu'elle ne produit, ni la liste des différentes agences avec leurs effectifs, notamment pas celles de la région parisienne, ni le registre d'entrée et de sortie du personnel ; qu'il résulte de ce qui précède que le refus du salarié n'était pas abusif ; que, tant l'affectation sur un poste de jour au lieu d'un poste de nuit, assortie d'une baisse de rémunération mensuelle de 20 %, que l'affectation impliquant une augmentation importante des temps de transport, constituaient des modifications du temps de travail ; que, compte tenu du mode de recherche de reclassement, les éléments que la SAS TECHNIQUE FRANCAISE DE NETTOYAGE-TFN- apporte aux débats sont insuffisants pour justifier l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée d'offrir au salarié un nouveau poste équivalent à celui qu'il occupait précédemment, et alors même qu'elle emploie plus de 3000 salariés ; que le défaut de fourniture d'un emploi conforme, suite aux refus du salarié, constitue un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser ; qu'il y a lieu d'ordonner la réintégration du salarié dans un poste équivalent à celui qu'il occupait jusqu'au mois d'octobre 2007, de débouter la SAS TECHNIQUE FRANCAISE DU NETTOYAGE-TFN de sa demande et de confirmer l'ordonnance de ce chef ;
Sur le rappel de salaire de novembre 2007 à avril 2009Que M. Mohamed Ahmed X... demande le paiement de la rémunération que son employeur a cessé de lui verser depuis le mois de novembre 2007, sur la base d'un salaire mensuel de 1.664,04 euros, et non pas de 1.365,35 euros comme celle retenue dans l'ordonnance ; que, dans ses conclusions, la SAS TECHNIQUE FRANCAISE DU NETTOYAGE-TFN mentionne un salaire mensuel de 1.664,04 euros ; qu'ainsi, le salarié, qui n'a plus été rémunéré depuis le mois de novembre 2007, peut prétendre au versement de 18 mois de salaire, jusqu'au mois d'avril 2009, sur cette base de 1.664,04 euros, soit la somme globale de 29.952,72 euros ; que le juge des référés a condamné l'employeur au paiement de la somme de 8.192,10 euros, à titre de rappel de salaire, pour la période de 6 mois allant de novembre 2007 à avril 2008, ainsi qu'à une provision de 100 euros par mois en dédommagement de la perte des majorations de nuit ; qu'il y a lieu d'infirmer l'ordonnance sur le montant et la provision alloués et de condamner l'employeur à verser au salarié la somme globale de 29.952,72 euros à titre de rappel de salaire, incluant la majoration de nuit, pour la période allant de novembre 2007 à avril 2009, avec intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2008, date de la saisine du Conseil de prud'hommes et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
Sur la reprise du versement du salaire à compter du mois de mai 2009Que M. Mohamed Ahmed X... demande que la Cour ordonne à l'employeur la reprise du versement du salaire à échéance normale, à compter du mois de mai 2009 ; qu'il y a lieu de faire droit à la demande » (arrêt p. 3 à 5)
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « vu les articles R.1455-5 et R.1455-6, L.2411-3 du Code du Travail, le juge des référés n'est pas présentement saisi des conséquences du cumul illicite d'emplois par M. X... qui a opté en faveur de son emploi à TFN dans lequel il sollicite sa réintégration, étant licencié de l'autre entreprise ; M. X... étant salarié protégé ne peut, à la différence d'un salarié ordinaire, faire l'objet d'une modification de ses conditions de travail sans son accord ; l'affectation d'un travail de jour au lieu d'un travail de nuit entraîne une perte de rémunération et constitue un changement des conditions de travail ; il appartient à TFN soit de fournir à M. X... un emploi à conditions équivalentes – d'autant plus s'agissant d'une très grande entreprise faisant partie d'un groupe - , soit en cas d'impossibilité dûment établie ou de refus considéré comme abusif du salarié, d'engager la procédure de licenciement conformément à l'article L.2411-3 du Code du Travail ; le défaut de fourniture d'un travail conforme et pour le moins de paiement du salaire, constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de réparer dans les termes du dispositif »(ordonnance p. 3)
1°) ALORS QUE l'aveu judiciaire contenu dans des conclusions déposées devant les juges d'appel est irrévocable et ne peut être rétracté par des déclarations postérieures destinées à s'y substituer, sauf preuve de ce que l'aveu serait la suite d'une erreur de fait ; qu'en se fondant sur la déclaration faite à l'audience par M. X..., selon laquelle il avait confirmé le choix exprimé devant le premier juge de conserver son emploi occupé au sein de la société TFN, quand ses conclusions d'appel régulièrement déposées et visées par l'arrêt contenaient l'aveu judiciaire de ce que le salarié cumulait, actuellement, deux emplois, dont celui occupé au sein de la société TFN (conclusions p. 6), la Cour d'appel a, en faisant prévaloir une déclaration postérieure sur un aveu judiciaire antérieur irrévocable, violé l'article 1356 du Code Civil ;
2°) ALORS QUE la contradiction entre les éléments de fait exposés dans les conclusions déposées et développées par une partie à l'audience, et les déclarations de cette partie lors de l'audience, oblige le juge à s'assurer, au besoin par le recours à une mesure d'instruction, de la réalité de la situation de fait qui lui est soumise et dont dépend la solution du litige ; que, dans ses conclusions déposées devant la Cour d'appel, M. X... admettait expressément le cumul actuel de deux emplois dont l'un au sein de la SAS TFN, en énonçant que « M. X... cumule ces deux emplois par contrainte : il fait l'objet d'une procédure de surendettement civil et doit honorer ses dettes pour y mettre fin » (conclusions p. 6) ; qu'en énonçant que M. X... avait confirmé, à l'audience, le choix qu'il avait opéré devant le juge de première instance en faveur de son emploi au sein de la société TFN, sans résoudre la contradiction existant entre les déclarations de fait contenues dans ses conclusions d'appel et ses déclarations à l'audience, la Cour d'appel a violé les articles 144 et 455 du Code de Procédure Civile ;
3°) ALORS QUE le principe de la loyauté des débats interdit qu'une partie puisse conserver le bénéfice d'une décision s'il se révèle qu'elle l'a obtenue par fraude ; que, pour condamner la société TFN au profit de M. X..., la Cour d'appel a retenu qu'entre les deux emplois que le salarié cumulait, entraînant un dépassement illicite de la durée maximale du travail, il avait déclaré opter pour celui occupé au sein de la société TFN ; que la société TFN a, postérieurement à l'arrêt, obtenu la preuve qu'à la date du 29 juin 2009, M. X... était toujours employé à temps complet par la société ASPIROTECHNIQUE ; qu'il s'en déduit que l'arrêt encourt l'annulation pour avoir été obtenu par la fraude de son bénéficiaire et en méconnaissance du principe de la loyauté des débats.
SECOND MOYEN, SUBSIDIAIRE, DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite, d'avoir condamné la SAS TECHNIQUE FRANCAISE DU NETTOYAGE à payer à M. X... les sommes provisionnelles de 29.952,72 euros à titre de rappel de salaire incluant la majoration de nuit, pour la période allant de novembre 2007 à avril 2009, avec intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2008 et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour la procédure d'appel, et d'avoir ordonné à la SAS TECHNIQUE FRANCAISE DU NETTOYAGE la reprise du versement du salaire à échéance normale, à compter du mois de mai 2009,
AUX MOTIFS QUE « M. Mohamed Ahmed X... affirme que son employeur ne pouvait changer unilatéralement ses conditions de travail, car il était délégué syndical depuis le 14 avril 2006 ; qu'il précise que le premier poste était un poste de jour moins rémunéré, et que le second faisait passer son temps de transport, par trajet, de 20 minutes à une heure ; que la SAS TECHNIQUE FRANCAISE DU NETTOYAGE-TFN répond que les refus du salarié sont abusifs, au motif qu'ils résultaient du fait que celui-ci travaillait également à temps plein, dans la société ASPIROTECHNIQUE ; qu'en cas de cumul d'emplois entraînant un dépassement de la durée maximale du travail, il appartient au seul salarié de choisir l'emploi qu'il entend conserver ; qu'en l'espèce, le juge des référés a mentionné, dans son ordonnance, que M. Mohamed Ahmed X... avait opté en faveur de son emploi dans la SAS TECHNIQUE FRANCAISE DU NETTOYAGE-TFN, dans laquelle il sollicitait sa réintégration ; que lors de l'audience devant la Cour, celui-ci a confirmé ce choix ; que M. Mohamed Ahmed X... bénéficiait de la protection attachée à son statut de délégué syndical et, qu'ainsi, ses conditions de travail ne pouvaient être modifiées sans son accord ; qu'il résulte des pièces produites que la première affectation proposée modifiait les horaires de travail, s'agissant d'un poste de jour, de 6 h à 9 h et de 18 h à 21 h, et non plus de nuit de 0 h à 7 h, ce qui aboutissait à la perte de la majoration des heures de nuit égale à 20 % du salaire de base ; que la seconde affectation impliquait un changement du lieu de travail et une augmentation importante des temps de trajets, celui-ci étant situé dans une ZAC de Fleury-Mérogis (91), alors que le précédent était situé à Montreuil (93) ; que le salarié a précisé à l'audience que son temps de transport, pour un trajet, serait passé d'environ 20 minutes à une heure, compte tenu de l'éloignement, de la situation dans une ZAC et de la rareté des transports en commun la nuit ; que la SAS TECHNIQUE FRANCAISE DU NETTOYAGE TFN produit des courriels qu'elle a envoyés dans ses agences pour le reclasser ; que ces documents démontrent qu'un courriel collectif a été envoyé à environ 45 destinataires, le mardi 16 octobre 2007, en mentionnant le nom, l'adresse, la date de naissance, la nationalité, le temps de travail, le salaire horaire, la qualification, les horaires de travail et l'ancienneté conventionnelle du salarié mais en ne précisant pas le type de postes susceptible d'être occupé par celui-ci ; que les réponses des agences ont toutes été faites par courriels, au plus tard le lundi 22 octobre dans la matinée et qu'une trentaine n'entre elles ont été envoyées le mardi 16 octobre, le jour même de l'envoi de la demande ; qu'elle ne produit, ni la liste des différentes agences avec leurs effectifs, notamment pas celles de la région parisienne, ni le registre d'entrée et de sortie du personnel ; qu'il résulte de ce qui précède que le refus du salarié n'était pas abusif ; que, tant l'affectation sur un poste de jour au lieu d'un poste de nuit, assortie d'une baisse de rémunération mensuelle de 20 %, que l'affectation impliquant une augmentation importante des temps de transport, constituaient des modifications du temps de travail ; que, compte tenu du mode de recherche de reclassement, les éléments que la SAS TECHNIQUE FRANCAISE DE NETTOYAGE-TFN- apporte aux débats sont insuffisants pour justifier l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée d'offrir au salarié un nouveau poste équivalent à celui qu'il occupait précédemment, et alors même qu'elle emploie plus de 3000 salariés ; que le défaut de fourniture d'un emploi conforme, suite aux refus du salarié, constitue un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser ; qu'il y a lieu d'ordonner la réintégration du salarié dans un poste équivalent à celui qu'il occupait jusqu'au mois d'octobre 2007, de débouter la SAS TECHNIQUE FRANCAISE DU NETTOYAGE-TFN de sa demande et de confirmer l'ordonnance de ce chef ;
Sur le rappel de salaire de novembre 2007 à avril 2009Que M. Mohamed Ahmed X... demande le paiement de la rémunération que son employeur a cessé de lui verser depuis le mois de novembre 2007, sur la base d'un salaire mensuel de 1.664,04 euros, et non pas de 1.365,35 euros comme celle retenue dans l'ordonnance ; que, dans ses conclusions, la SAS TECHNIQUE FRANCAISE DU NETTOYAGE-TFN mentionne un salaire mensuel de 1.664,04 euros ; qu'ainsi, le salarié, qui n'a plus été rémunéré depuis le mois de novembre 2007, peut prétendre au versement de 18 mois de salaire, jusqu'au mois d'avril 2009, sur cette base de 1.664,04 euros, soit la somme globale de 29.952,72 euros ; que le juge des référés a condamné l'employeur au paiement de la somme de 8.192,10 euros, à titre de rappel de salaire, pour la période de 6 mois allant de novembre 2007 à avril 2008, ainsi qu'à une provision de 100 euros par mois en dédommagement de la perte des majorations de nuit ; qu'il y a lieu d'infirmer l'ordonnance sur le montant et la provision alloués et de condamner l'employeur à verser au salarié la somme globale de 29.952,72 euros à titre de rappel de salaire, incluant la majoration de nuit, pour la période allant de novembre 2007 à avril 2009, avec intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2008, date de la saisine du Conseil de prud'hommes et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
Sur la reprise du versement du salaire à compter du mois de mai 2009Que M. Mohamed Ahmed X... demande que la Cour ordonne à l'employeur la reprise du versement du salaire à échéance normale, à compter du mois de mai 2009 ; qu'il y a lieu de faire droit à la demande » (arrêt p. 3 à 5)
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « vu les articles R.1455-5 et R.1455-6, L.2411-3 du Code du Travail, le juge des référés n'est pas présentement saisi des conséquences du cumul illicite d'emplois par M. X... qui a opté en faveur de son emploi à TFN dans lequel il sollicite sa réintégration, étant licencié de l'autre entreprise ; M. X... étant salarié protégé ne peut, à la différence d'un salarié ordinaire, faire l'objet d'une modification de ses conditions de travail sans son accord ; l'affectation d'un travail de jour au lieu d'un travail de nuit entraîne une perte de rémunération et constitue un changement des conditions de travail ; il appartient à TFN soit de fournir à M. X... un emploi à conditions équivalentes – d'autant plus s'agissant d'une très grande entreprise faisant partie d'un groupe -, soit en cas d'impossibilité dûment établie ou de refus considéré comme abusif du salarié, d'engager la procédure de licenciement conformément à l'article L.2411-3 du Code du Travail ; le défaut de fourniture d'un travail conforme et pour le moins de paiement du salaire, constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de réparer dans les termes du dispositif »(ordonnance p. 3)
ALORS QUE le salarié protégé qui est sans affectation à la suite de la perte du marché des locaux dans lesquels il travaillait, ne peut obtenir de son employeur le paiement d'une somme correspondant aux salaires perdus entre la date de la perte du marché et celle de sa réintégration dans un emploi équivalent qu'à la condition que, pendant la période considérée, il n'ait pas cumulativement occupé chez un autre employeur un emploi à temps complet lui ayant procuré la rémunération correspondante ; qu'en allouant à M. X... l'intégralité des salaires qu'il aurait perçus depuis le mois de novembre 2007 jusqu'au mois d'avril 2009, sans rechercher à quelle date M. X..., qui ne pouvait cumuler cette somme avec la rémunération perçue de l'autre employeur au service duquel il travaillait, avait mis fin à cet autre contrat de travail, en conséquence de l'option exercée en faveur de l'emploi occupé au sein de la société TFN, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.2411-3, L.8261-1 et L.8261-2 du Code du Travail, ensemble l'article 1382 du Code Civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-42924
Date de la décision : 08/12/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11 juin 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 déc. 2010, pourvoi n°09-42924


Composition du Tribunal
Président : Mme Morin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.42924
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award