LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant souverainement relevé que le notaire de Mme X...avait informé M. Y...par courrier du 13 mai 2005 que le bail lui-même stipulait la faculté de résiliation sur les zones constructibles conformément aux dispositions de l'article L. 411-32 du code rural et faisait référence à une conversation téléphonique dont le contenu n'était pas précisé, mais qui signifiait implicitement que le preneur était alors averti des intentions de la propriétaire de modifier la destination des parcelles louées et qu'il résultait de l'examen de l'acte de notification de résiliation litigieux que le preneur ne pouvait se méprendre sur la teneur de celui-ci qui précisait clairement que la propriétaire avait obtenu l'autorisation administrative de lotir sur la parcelle cadastrée section B n° 416 à concurrence de trois lots d'une superficie totale de 4 000 m ² et que la destination agricole de celle-ci s'en trouvait donc changée, la cour d'appel, qui en a déduit, sans se contredire, que l'acte de résiliation du bail du 4 juillet 2006 était valable, M. Y...ne prouvant pas qu'il avait subi un grief né de l'omission de la mention susvisée, a légalement justifié sa décision, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et qui a retenu souverainement que M. Y...n'établissait pas que la perte de 1 ha 52 a était de nature à compromettre gravement l'équilibre économique de son exploitation dès lors qu'il résultait des pièces versées aux débats qu'il exploitait avant la reprise 142 ha 53 dont 108, 40 en fermage et 34, 13 en propriété, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991, condamne M. Y...à payer la somme de 2 500 euros à Me Z... ; rejette la demande de M. Y...;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour M. Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit valable l'acte de notification de la résiliation du bail ;
Aux motifs que, « Sur la validité de l'acte de notification de la résiliation du bail
*en la forme :
M. Y...soutient que le congé litigieux est nul en raison du défaut de la mention substantielle selon laquelle le propriétaire s'engage à modifier dans le délai de trois ans suivant la résiliation, la destination des terres, au mépris des dispositions du nouvel article L. 411-32 du code rural ;
Qu'ignorant les perspectives de la bailleresse, il a initié un projet de mise aux normes de son exploitation en programmant des travaux pour novembre 2006 ;
Cette dernière prétend au contraire que l'omission de cette mention n'entraîne qu'une nullité de forme qui n'entache le congé que si le preneur justifie d'un grief, ce qui n'est pas le cas ;
L'article L 411-32 du code rural dans sa nouvelle version issue de l'ordonnance du 13/ 07/ 2006 prévoit que la notification de la résiliation pour changement de destination des parcelles données à bail doit mentionner l'engagement du propriétaire de changer ou faire changer la destination des terrains dans le respect d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, s'il en existe au cours des trois années qui suivent la résiliation ;
Or ce texte n'est pas applicable à la notification litigieuse en date du 4/ 07/ 2006 antérieure à son entrée en vigueur ; En outre, l'omission de la mention susvisée n'entraîne effectivement la nullité de l'acte que si le preneur démontre qu'elle lui cause préjudice ;
En l'espèce le notaire de Mme X...avait informé M. Y...par courrier du 13/ 05/ 2005 que le bail lui-même stipulait la faculté de résiliation sur les zones constructibles conformément aux dispositions de l'article L 411-32 du code rural et faisait référence à une conversation téléphonique dont le contenu n'est pas précisé, mais qui signifie implicitement que le preneur était alors averti des intentions de la propriétaire de modifier la destination des parcelles louées ;
Il résulte de l'examen de l'acte de notification de résiliation litigieux que le preneur ne pouvait se méprendre sur la teneur de celui-ci qui précisait clairement que la propriétaire avait obtenu l'autorisation administrative de lotir sur la parcelle cadastrée section B n° 416 à concurrence de trois lots d'une superficie totale de 4. 000 m2 et que la destination agricole de celle-ci s'en trouvait donc changée ;
Il convient donc, déclarant valable l'acte critiqué, de réformer le jugement déféré, l'intimé ne prouvant pas qu'il a subi un grief né de l'omission de la mention susvisée ;
*au fond :
L'acte de notification de la résiliation n'est pas contesté par M. Y...quant aux conditions de fond ;
La Cour constate par conséquent la résiliation de plein droit du bail à compter rétroactivement du 25/ 12/ 2007 avec toutes conséquences de droit, le prononcé d'une astreinte n'apparaissant pas nécessaire » ;
Alors que, d'une part, le défaut de mention, dans le congé, de l'engagement formel du bailleur de changer la destination du terrain dans les trois ans, rend ce congé nul toutes les fois que le preneur prouve l'existence d'un préjudice causé par cette omission ; que Monsieur Y...faisait valoir dans ses écritures d'appel qu'il avait subi un préjudice du fait de l'omission de la mention légale dans l'acte de congé, en ce qu'il avait projeté une mise aux normes de toute son exploitation, les travaux devant débuter au mois de novembre 2006 (conclusions, p. 4) ; qu'en ne recherchant pas si la renonciation à ces projets n'avait pas entraîné un préjudice pour Monsieur Y..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-32 du code rural dans sa version alors applicable ;
Alors que, d'autre part, la contradiction de motifs équivaut au défaut de motif ; qu'en jugeant que Monsieur Y...avait été averti par le notaire de Madame B..., épouse X..., de son intention de modifier la destination des lieux loués, tout en précisant que le contenu de la conversation téléphonique à l'occasion de laquelle ces intentions auraient été portées à la connaissance de Monsieur Y...n'était pas précisé, la Cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, et ce, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de Monsieur Y...tendant à ce que soit prononcée la résiliation totale du bail ;
Aux motifs que, « Sur la demande de résiliation portant sur la totalité des parcelles louées L'appelante soulève l'irrecevabilité de cette demande au motif qu'elle n'a pas été formulée lors de la requête introductive d'instance ni débattue lors de l'audience de conciliation ;
C'est à bon droit cependant que M. Y...soutient que l'article 887 du code de procédure civile n'interdit pas de former pour la première fois en cause d'appel des demandes qui n'ont pas été soumises au préalable de la conciliation ;
L'argument doit ainsi être écarté et l'exception d'irrecevabilité écartée ;
L'intimé fait valoir que l'équilibre de son exploitation serait gravement compromis par la reprise partielle des terres louées au sens de l'article L 411-32 al 4 du code rural ; Que cette reprise ne lui laisserait plus que la jouissance de la parcelle B 403 d'une contenance de 22 a 18 ca sur laquelle est édifié un bâtiment servant de salle de traite ;
Que l'accès à celle-ci deviendra difficile pour le cheptel du GAEC du Soleil Levant puisqu'il lui imposera des déplacements depuis d'autres parcelles occupées pour traverser la voie communale, de nature à poser des problèmes de sécurité ;
Que sur cette parcelle en nature de prairie logeront durant la nuit près de 40 vaches qui seront nécessairement à l'étroit ;
Qu'il est ainsi fondé à solliciter la résiliation du bail sur la totalité des biens loués ;
Mme X...fait observer au contraire que le preneur ne justifie pas se trouver dans les conditions requises par le texte précité ;
Que les démarches engagées pour la mise aux normes des bâtiments de l'exploitation sont postérieures à la notification de la résiliation du 4107/ 2006, alors qu'il était informé de ses intentions de changer la destination des parcelles louées depuis mai 2005 ;
Que le document du CER France Seine Maritime n'est pas probant faute d'être étayé par des pièces comptables ou une étude technique ;
Que le système actuel d'alimentation du bétail par pâturage ne serait pas remis en cause par la reprise puisqu'il dispose de parcelles en nature de pâtures adjacentes et faciles d'accès pour le cheptel ;
Qu'il lui reste d'ailleurs 1 ha 70 de pâture à proximité même de la salle de traite ;
L'intimé n'établit pas que la perte de 1 ha 52 a soit de nature à compromettre gravement l'équilibre économique de son exploitation dès lors qu'il résulte des pièces versées aux débats qu'il exploite avant la reprise 142 ha 53 dont 108, 40 en fermage et 34, 13 en propriété ;
L'attestation du CER de Seine Maritime selon laquelle l'exploitant devra changer le système d'alimentation de son bétail en passant du pâturage à une ration sèche à l'année, ce qui entraînera ainsi une baisse de l'excédent brut d'exploitation, apparaît en contradiction avec le document de présentation de l'exploitation qui fait état de 49, 63 ha de prairies naturelles ;
L'argument tiré de la distance de celles-ci n'est pas étayé faute par M. Y...de préciser sur le plan cadastral produit quelles sont ces parcelles de pâture dont il dispose ;
Il a fait en outre plaider à l'audience que son cheptel se composait de 40 vaches, or un tel cheptel nécessite environ 20 ha de pâtures ; dans ces conditions la reprise de 1 ha 52 a ne saurait mettre en péril la productivité de l'exploitation ;
La nécessité économique de mettre fin à la location des 22 ares considérées, sur lesquelles l'exploitant a l'intention de procéder à la couverture de l'aire d'attente existante dans le cadre de la mise aux normes, n'étant par conséquent pas démontrée, il y a lieu de rejeter cette demande subsidiaire » ;
Alors que, lorsque l'équilibre économique de son exploitation est gravement compromis par une résiliation partielle, le preneur peut exiger que la résiliation porte sur la totalité du bien loué ; qu'en l'espèce, Monsieur Y...faisait valoir dans ses conclusions d'appel qu'en raison de ce congé, l'équilibre de son exploitation était gravement compromis puisqu'il se trouvait obligé de procéder à des déplacements de bétail depuis d'autres parcelles, nécessitant la traverse de voie communale, non sans danger pour la sécurité du bétail et des tiers (conclusions, p. 8) ; qu'en s'abstenant de rechercher si l'exploitation de Monsieur Y...ne se trouvait pas gravement compromise au regard de cette circonstance, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-32, alinéa 4, du code rural.