LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le second moyen :
Vu les articles 544 du code civil et L. 162-1 du code rural ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 23 septembre 2008), que les époux X..., devenus propriétaires, par acte des 14 et 17 avril 2000, d'une parcelle cadastrée AE 110 située à Saint-Max, constituant l'emprise de la partie demeurée privée du chemin de Bellevue, ont assigné Mme Y... devant le juge des référés pour faire interdire à cette dernière l'accès du chemin ; que soutenant que la mesure d'instruction avait permis d'établir que leur fonds n'était grevé d'aucune servitude, les époux X... ont fait installer une porte métallique empêchant tout accès à la partie privée du chemin par les propriétaires riverains ; que Mme Y..., faisant valoir que le chemin litigieux était un chemin d'exploitation, les a assignés en suppression du portail et en rétablissement des installations d'éclairage du chemin ; que, reconventionnellement, les époux X... ont demandé que Mme Y... soit condamnée à détruire le raccord en béton et le pavage en pierre empiétant sur leur parcelle AE n° 110 ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que le droit de propriété individuelle sur un chemin d'exploitation porte sur la portion bordant un fonds jusqu'à l'axe médian du chemin ; que les empiétements dénoncés par les époux X... sont localisés sur la portion du chemin bordant la parcelle de Mme Y... ; que les ouvrages incriminés n'atteignent pas l'axe médian du chemin ; que, par conséquent, ces ouvrages n'empiètent pas sur la propriété individuelle des époux X... ;
Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que les époux X... étaient propriétaires, par titre, du sol constituant l'assiette du chemin d'exploitation, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le premier moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle des époux X... tendant à la destruction du raccord en béton et du pavage en pierre débordant sur la parcelle AE n° 110, l'arrêt rendu le 23 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy, autrement composée ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par Me Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour les époux X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fait défense aux époux X... de faire obstacle au passage par Madame Y... sur la partie privée du chemin de Bellevue, de les avoir condamnés à payer à Madame Y... une somme de 1500 € à titre de dommages et intérêts, de les avoir déboutés de leur demande reconventionnelle en sa totalité et de les avoir condamnés à payer à Madame Y... une somme de 2000 € au titre des frais de défense non compris dans les dépens,
AUX MOTIFS QUE l'article L.162-1 du Code rural dispose que les chemins d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds ou à leur exploitation ; qu'ils sont, en l'absence de titre, présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun en droit soi, mais que l'usage en est commun à tous les intéressés ; que l'usage de ces chemins peut être interdit au public ;
QUE le droit d'usage d'un chemin d'exploitation n'étant pas lié à la propriété du sol, les époux X..., qui d'ailleurs s'abstiennent de répondre au moyen nouveau en appel tendant à faire reconnaître une telle qualification au chemin dit de Bellevue, ne sauraient s'y opposer au seul motif qu'ils sont propriétaires du sol constituant l'assiette de ce chemin, alors que le titre par lequel ils ont acquis la parcelle cadastrée section AE n°110 ne comporte aucune stipulation tendant à soustraire ce chemin au régime des chemins d'exploitation ; qu'en outre, le défaut d'enclave des parcelles desservies n'est pas de nature à exclure la qualification de chemin rural ;
QUE force est alors de constater qu'il ressort des informations réunies par l'expert que depuis que la société SOLVAY a renoncé à la servitude de passage dont bénéficiait son fonds avant la division du fonds unique, servitude dont l'assiette était constituée par le chemin de Bellevue, ce chemin n'a plus d'autre destination que la desserte des parcelles issues de cette division, s'agissant d'une impasse ;
QU'il ressort encore des éléments réunis et débattus tant devant l'expert que devant la Cour, que par une lettre commune, datée du 5 octobre 1976, adressée au maire de la ville de SAINT-MAX, Messieurs X..., B... et Y..., se présentant tous trois comme usagers du chemin de Bellevue, ont sollicité la mise en place d'un éclairage public sur la partie du chemin inclus dans le domaine public, ainsi que la prise en charge par la commune des frais de fonctionnement de l'éclairage public sur la partie privée du chemin, à charge pour eux de supporter le coût des installations ; que ce projet a pu être réalisé à la suite d'une convention cnclue entre la commune et les trois riverains concernés, cette convention ayant été approuvée par le préfet de Meurthe et Moselle le 26 décembre 1978 ;
QU'ainsi que l'a relevé l'expert, les époux Y... puis Madame Y... ont, à l'instar des époux X..., emprunté le chemin en cause, de façon publique et paisible, depuis qu'ils ont entrepris la construction de leur habitation jusqu'à la date de l'acquisition de la parcelle n°110 par les époux X... ; que l'usage du chemin conserve jusqu'à ce jour une utilité pour Madame Y... pour la desserte de son fonds, l'expert ayant constaté que l'accès à sa parcelle par l'impasse des Magnolias étant, en raison de la configuration des lieux, insuffisant pour se faire avec un véhicule automobile ; que c'est donc à juste titre que Madame Y... soutient que le chemin de Bellevue est un chemin d'exploitation, au sens de l'article L.162-1 susvisé ;
QU'il résulte de l'article L.163-2 du Code rural que les chemins d'exploitation ne peuvent être supprimés que du consentement de tous les copropriétaires qui ont le droit de s'en servir ;
QUE Monsieur et Madame Y... n'ayant jamais renoncé au bénéfice du régime applicable aux chemins d'exploitation, les époux X... n'étaient pas en droit d'installer des ouvrages de clôture qui ont pour effet de faire obstacle à l'usage de la partie privée du chemin par Madame Y... ; que cette dernière est donc fondée à faire défense aux époux X... de troubler son droit de faire usage de la partie privée du chemin … Que le préjudice de jouissance subi par Mme Y... du fait du trouble apporté à son droit de faire usage du chemin de Bellevue sera intégralement réparé par l'octroi d'une somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts,
ALORS QUE prévus par le Code rural, les chemins d'exploitation sont des voies de communication privées qui n'existent qu'en dehors des agglomérations, en zone rurale ; qu'en donnant la qualification de chemin d'exploitation au chemin de Bellevue situé à SAINT-MAX, à la périphérie immédiate de la ville de NANCY, sans rechercher si cette situation n'était pas en elle-même de nature à exclure cette qualification, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.162-1 du Code rural.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les époux X... de leur demande reconventionnelle tendant à la destruction du raccord en béton et du pavage en pierre débordant sur la parcelle AE n°110,
AUX MOTIFS QUE le droit de propriété individuelle sur un chemin d'exploitation porte sur la portion bordant un fonds jusqu'à l'axe médian du chemin ; que les empiétements dénoncés par les époux X... sont localisés sur la portion du chemin bordant la parcelle de Madame Y... ; que les ouvrages incriminés n'atteignent pas l'axe médian du chemin ; que, par conséquent, les ouvrages incriminés n'empiètent pas sur la propriété individuelle des époux X..., si bien que par voie de réformation du jugement, la demande reconventionnelle de ces derniers doit être rejetée,
ALORS QUE la question de la propriété du sol est étrangère à la définition du chemin d'exploitation et que c'est seulement en l'absence de titre contraire que les chemins et sentiers d'exploitation sont présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun en droit soi ; qu'en l'espèce, la Cour constatait précédemment dans son arrêt que les époux X... étaient propriétaires du sol constituant l'assiette du chemin pour avoir acquis la parcelle cadastrée section AE n°110 ; qu'en déboutant les époux X... de leur demande de destruction des ouvrages mis en place par Madame Y... motif pris que ces ouvrages n'empièteraient pas sur leur propriété qui s'arrêterait à l'axe médian de celui-ci, la Cour d'appel a successivement retenu que les époux X... seraient propriétaires du tout puis seulement de la moitié du chemin, privant sa décision de base légale au regard des articles 544 du Code civil et L.162-1 du Code rural.