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01/12/2010 | FRANCE | N°09-70990

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 01 décembre 2010, 09-70990


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que, le 20 novembre 1996, M. et Mme X... ont déposé une plainte avec constitution de partie civile contre X du chef de tentative d'extorsion de fonds après que Mme Y..., qui avait promis de leur vendre un immeuble, eut refusé de signer l'acte authentique de vente ; que le 28 mars 1997, un juge d'instruction a rendu une ordonnance de refus d'informer dont l'appel, formé par M. et Mme X..., a été déclaré irrecevable pour tardiveté ; que le 12 juin 1998, Mme X... a déposé une plainte avec consti

tution de partie civile contre son avocat, M. Z..., des chefs d'esc...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que, le 20 novembre 1996, M. et Mme X... ont déposé une plainte avec constitution de partie civile contre X du chef de tentative d'extorsion de fonds après que Mme Y..., qui avait promis de leur vendre un immeuble, eut refusé de signer l'acte authentique de vente ; que le 28 mars 1997, un juge d'instruction a rendu une ordonnance de refus d'informer dont l'appel, formé par M. et Mme X..., a été déclaré irrecevable pour tardiveté ; que le 12 juin 1998, Mme X... a déposé une plainte avec constitution de partie civile contre son avocat, M. Z..., des chefs d'escroquerie, faux, tromperie et collusion en lui reprochant, notamment, d'avoir produit une fausse ordonnance du vice-président du tribunal de grande instance de Grasse ; que le 13 octobre 1998, un juge d'instruction a rendu une ordonnance de refus d'informer, confirmée par un arrêt du 21 janvier 1999 ; que cet arrêt ayant été cassé, le juge d'instruction, à nouveau saisi, a rendu, le 26 novembre 2001, une ordonnance de non-lieu confirmée par un arrêt du 13 juin 2002 ; que, par un jugement du 11 janvier 1999, M. et Mme X... ont été condamnés pour dénonciation calomnieuse à l'encontre de M. Z... à la peine de dix-huit mois d'emprisonnement dont six avec sursis ; que ce jugement a été infirmé par un arrêt du 20 octobre 2003 ; que M. et Mme X... ont recherché la responsabilité de l'Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt attaqué (Paris, 27 octobre 2009) rendu sur renvoi après cassation (1re civ, 4 juin 2007, n° 06-10.574) de les avoir débouté de leurs demandes ;
Attendu que l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ne pouvant être appréciée que dans la mesure où l'exercice des voies de recours n'a pas permis de réparer le mauvais fonctionnement allégué, c'est à bon droit que, constatant, d'abord, que le rejet, par la chambre de l'instruction, du recours formé par M. et Mme X... contre l'ordonnance de refus d'informer du 28 mars 1997, s'expliquait par la seule négligence des appelants qui n'avaient pas respecté le délai prévu à l'article 186 du code de procédure pénale, ensuite, que l'omission de statuer affectant l'ordonnance de refus d'informer du 13 octobre 1998 avait été réparée par l'exercice des voies de recours, la cour d'appel en a déduit qu'un déni de justice n'était pas caractérisé ; que le grief n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux dernières branches, ci-après annexé :
Attendu que ces griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils pour M. et Mme X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté les époux X... de leurs demandes à l'encontre de l'agent judiciaire du Trésor, représentant l'Etat ;
AUX MOTIFS QUE seuls les usagers du service public sont susceptibles de se prévaloir des dispositions de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire qui dispose que « L'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice » ; que le déni de justice suppose un refus de répondre aux requêtes ou de la négligence à juger les affaires en état ou encore un manquement de l'Etat à son devoir de protection juridictionnelle à l'égard des usagers du service public ; que M. Joseph X..., qui n'a pas déposé la seconde plainte en date du 15 juin 1998 et n'est donc pas concerné par la procédure pénale subséquente, est irrecevable en toutes demandes formées à ce titre ; que les appelants font valoir qu'ils ont été victimes d'un déni de justice de la part de l'Etat, plus précisément dans le cadre du devoir de protection juridictionnelle de ce dernier à l'égard des usagers du service public, dès lors que le juge d'instruction a le devoir d'instruire une plainte avec constitution de partie civile, sans s'arrêter aux qualifications de la plainte mais en envisageant toutes les qualifications pénales éventuelles, d'autant que les magistrats instructeurs avaient demandé des consignations de 30.000 francs en 1996 et 1998 ; que leurs ordonnances ont été confirmées par la chambre de l'instruction qui avait le devoir d'intervenir s'agissant de la déontologie d'un avocat et d'un notaire ; qu'après la cassation, le quatrième juge d'instruction et le parquet général ont fait obstacle à leurs demandes de parties civiles en refusant le supplément d'information demandé par Mme X... ; que la Cour de cassation a elle-même méconnu les dispositions de l'article 575, alinéa 2, du code de procédure pénale en considérant que la partie civile ne peut se pourvoir en l'absence du ministère public ; qu'ils ajoutent que le tribunal de grande instance leur a reproché, pour la première plainte, de n'avoir pas fait appel dans le délai imparti, alors que tout a été mis en place pour faire échouer cet appel, dans le cadre d'une volonté d'intimidation démontrée par les suites de l'affaire ; qu'en effet, ils ont été victimes d'un acharnement particulier du fait de la condamnation correctionnelle prononcée à Nice, alors qu'ils tentaient de faire valoir leurs droits et que l'article 226-11 du code pénal faisait obstacle à ce qu'il soit statué sur leurs poursuites avant que la décision pénale sur le fait dénoncé ne soit intervenue ; qu'ainsi la cour d'appel n'a infirmé la condamnation que cinq ans après et ils ont vécu sous cette menace très grave, violant leur honneur et leur réputation, contraints de déposer le 5 juin 2003 une requête devant la cour européenne des droits de l'homme ; qu'ainsi ils soutiennent que les refus d'informer auxquels ils se sont heurtés sont à l'origine de leurs préjudices, dont un préjudice financier du fait des multiples procédures et des frais par eux exposés en honoraires et consignations ; que l'agent judiciaire du Trésor fait valoir sur la première plainte, déposée par les époux X..., que le refus d'informer en l'absence d'une infraction pénale établie n'est pas une faute du magistrat et ne caractérise pas le déni de justice ; que, par ailleurs, l'omission de statuer procède d'une erreur d'appréciation susceptible d'être réparée par l'exercice des voies de recours, l'a été en l'espèce et ne saurait davantage s'analyser en un déni de justice ; que le versement d'une consignation, laquelle est fixée avant tout examen de la plainte et n'a pas pour fonction d'assurer le succès de cette dernière, est compatible avec un refus d'informer ; que la cour d'appel, sur le refus d'informer, ne peut que rappeler que l'obligation pour le juge d'instruction régulièrement saisi d'une plainte avec constitution de partie civile d'instruire cesse si les faits, à les supposer démontrés, ne constituent à aucun titre une infraction pénale ; que la première ordonnance de refus d'informer en date du mars 1997, rendue sur la première plainte, était motivée par la nature civile du litige et ne constituait donc nullement ni un refus ni une carence du juge à répondre, susceptibles de caractériser un déni de justice ; que le rejet par la chambre de l'instruction du recours des époux X... formé sans respecter le délai prévu à l'article 186 du code de procédure pénale, ne saurait davantage constituer une carence, s'expliquant par la seule négligence des appelants ; qu'enfin la consignation prévue par l'article 88 du code de procédure pénale, laquelle est fixée avant tout examen de la plainte n'a pas pour objet d'assurer le succès de celle-ci, ne préjugeant en rien de la suite qui sera donnée, mais seulement de garantir le paiement de l'amende civile susceptible d'être prononcée ; qu'en conséquence, aucune négligence ne saurait être invoquée pour ce motif ; qu'ainsi, l'instruction de la première plainte ne révèle aucun dysfonctionnement du service de la justice ; que, sur l'ordonnance de refus d'informer du 13 octobre 1998, rendue au titre de la seconde plainte déposée par Mme X... seule à l'encontre de son conseil, elle a certes révélé une omission de statuer, laquelle a procédé d'une erreur d'appréciation, non seulement susceptible d'être réparée par l'exercice des voies de recours mais qui l'a, en l'espèce, effectivement été, ce qui exclut de retenir la notion de déni de justice ; que les époux X... ne sont pas davantage fondés à critiquer, sur la base de simples allégations au demeurant selon lesquelles elles auraient méconnus les principes procéduraux, le contenu des décisions judiciaires intervenues ; qu'enfin, l'acharnement judiciaire dont ils soutiennent avoir été les victimes du fait d'une condamnation à une peine infamante d'emprisonnement n'est pas établi dans les faits dès lors que par l'exercice des voies de recours, la condamnation correctionnelle prononcée à leur encontre a été infirmée en appel et la durée de l'instance n'a pu leur causer grief car le cours de la procédure a été suspendu, à leur demande, par un arrêt du 12 mai 2001 jusqu'à ce qu'il ait été statué définitivement sur la plainte avec constitution de partie civile ; qu'en outre, les époux X... ne sont pas en mesure d'établir un quelconque lien entre la condamnation ainsi infirmée et les procédures dénoncées, seule leur attitude quérulente à l'égard de leur avocat, contre lequel ils avaient déposé une plainte distincte en avril 1998, étant à l'origine de la condamnation pour dénonciation calomnieuse, qu'ils n'ont pas eu à subir ; que le seul recours introduit devant la Cour européenne des droits de l'homme dont les époux X... justifient a été rejeté le 22 septembre 2004 au motif de son irrecevabilité pour non-respect des délais de recours ; qu'en conséquence aucun manquement susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat pour déni de justice n'est établi ;
ALORS, 1°), QUE commet un déni de justice, susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat, tout manquement du juge à son devoir de protection juridictionnelle de l'individu qui comprend, notamment, le droit pour tout justiciable de voir statuer sur ses prétentions ; qu'ainsi, commet un déni de justice le juge d'instruction qui, saisi d'une plainte avec constitution de partie civile, s'abstient de vérifier la réalité des faits dénoncés par la partie civile et s'en tient, sans avoir procédé à aucun acte d'instruction, à une décision de refus d'informer ; que, dès lors, en se bornant à prendre acte des décisions prises par les juridictions d'instruction, sans vérifier, comme pourtant il lui était demandé, si les plaintes avaient fait l'objet de vérifications consciencieuses de la part des juridictions d'instructions de nature à protéger efficacement les droits des époux X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire ;
ALORS, 2°), QUE le délit d'extorsion est défini par l'article 312-1 du code pénal, comme « le fait d'obtenir par violence, menace de violences ou contrainte, soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d'un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d'un bien quelconque » ; que subordonner la signature d'un acte authentique de vente, à rebours d'un engagement antérieur, au versement par l'acquéreur d'une somme supplémentaire de 100.000 francs, quand le prix stipulé au compromis de vente n'était que de 200.000 francs s'analyse en une contrainte en vue d'obtenir la remise de fonds supplémentaires ; que, par suite, les faits dénoncés dans la plainte des époux X... du 20 novembre 1996 pouvaient recevoir la qualification pénale de tentative d'extorsion de fonds ; qu'en ne recherchant pas si les faits ainsi dénoncés dans la plainte, s'ils étaient avérés, étaient susceptibles d'être constitutifs d'une infraction pénale et si, partant, le juge d'instruction avait procédé aux vérifications qui s'imposaient, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire ;
ALORS, 3°), QUE constitue un déni de justice susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat, toute déficience caractérisée traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ; qu'à ce titre, constitue un déni de justice, la durée d'une procédure excédant le délai raisonnable au respect duquel a droit tout justiciable ; qu'en relevant que les époux X... ne pouvaient déduire aucun dysfonctionnement du service public de la justice de leur condamnation injustifiée à une peine de 12 mois d'emprisonnement ferme dès lors que cette décision avait été infirmée, sans rechercher si le délai de cinq ans séparant le prononcé du jugement de condamnation de l'arrêt infirmatif n'était pas excessif compte tenu du défaut de complexité de l'affaire, la cour d'appel a, de nouveau, privé sa décision de base légale au regard des articles L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire et 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS, 4°), QUE l'exercice, par le justiciable, des voies de recours qui lui sont ouvertes par la loi ne peut justifier le délai excessif d'une procédure dénuée de complexité ; qu'en opposant encore aux époux X... la suspension de leur appel à la suite de leur demande de sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive sur leur plainte, quand, condamnés pour dénonciation calomnieuse, ce sursis était parfaitement justifié par la nature des faits qui leur étaient reprochés, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a violé l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 09-70990
Date de la décision : 01/12/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 octobre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 01 déc. 2010, pourvoi n°09-70990


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : Me Haas, SCP Ancel et Couturier-Heller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.70990
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