LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 2 de la loi n° 82-889 du 19 octobre 1982 relative aux retenues pour absence de service fait par les personnels de l'Etat, des collectivités locales et des services publics ;
Attendu, selon ce texte, que l'absence de service fait résultant d'une cessation concertée du travail donne lieu, pour chaque journée, à une retenue égale à 1/30ème du traitement mensuel ;
Attendu, selon le jugement attaqué statuant sur renvoi après cassation (Soc. 19 décembre 2007, n°s 06-43330 à 06-43362), que des agents de la RATP ont contesté le montant des retenues opérées sur leur rémunération en raison de leur participation à un mouvement de grève survenu en juin 2003 et demandé des rappels de salaires ;
Attendu que pour débouter les intéressés de leurs demandes, le jugement relève que la retenue par jour de grève pratiquée par la RATP est calculée à partir de la valeur d'une heure de travail, soit le salaire mensuel divisé par 152 heures théoriques de travail dans l'entreprise, laquelle est multipliée par la durée journalière théorique de travail, de sorte que l'employeur a concrètement appliqué un calcul fondé, autant qu'il est possible, sur une stricte proportionnalité et non un barème de 1/20ème ;
Qu'en statuant ainsi alors qu'il n'était pas contesté que la durée journalière théorique du travail était fixée de façon forfaitaire à 7,57 heures par la RATP, ce qui conduisait nécessairement à opérer, pour chaque jour de grève, une retenue supérieure au trentième de la rémunération mensuelle des agents, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il a débouté les salariés de leurs demandes de rappel de salaires au titre de l'application de la loi du 19 octobre 1982, le jugement rendu le 15 mai 2009, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Créteil ;
Condamne la RATP aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la RATP à payer au syndicat Ugict CGT RATP et aux 12 autres demandeurs la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour le syndicat Ugict cgt ratp, Mme X..., M. Y..., M. Z..., Mme A..., M. B..., M. C..., M. D..., M. E..., Mme F..., M. G..., M. H... et Mme I....
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR débouté les salariés demandeurs et le syndicat UGICT-CGT de la RATP de leurs demandes tendant au remboursement par la RATP de la part des retenues salariales qui leur a été indûment prélevée pour leur participation à la grève de juin 2003,
AUX MOTIFS QUE les demandeurs font valoir que leur employeur a méconnu les dispositions de la loi du 19 octobre 1982 en pratiquant pour une journée complète de grève une retenue égale à 1/20e au lieu de 1/30e, et qu'en tout état de cause, la retenue opérée sur le supplément familial de traitement est contraire à l'article L. 2512-5 du code du travail ; qu'il importe préalablement de rappeler que l'arrêt précité, après avoir rejeté le moyen des agents suivant lequel le mode de calcul des retenues prévu par la note du 10 juillet 1981 offrait un caractère moins favorable que celui résultant de la loi (puisque la note dont s'agit interdit des retenues excédant la valeur de la durée de la cessation du travail), a cassé les jugements du conseil des prud'hommes de Paris en ce qu'ils avaient omis de répondre aux conclusions qui soutenaient que le mode de calcul arrêté par la Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP) en application de la note du 10 juillet 1981 revenait à appliquer une retenue forfaitaire de 1/20e du salaire par jour de grève contraire au principe d'exacte proportionnalité institué par celle-ci ; qu'en l'occurrence, il apparaît que les retenues litigieuses ont été pratiquées par la RATP (étant par ailleurs rappelé que suivant les propres décisions fournies à l'audience par les demandeurs la question de l'imputation des jours de repos pendant le conflit est étrangère à la cause) en déterminant la valeur d'une heure travaillée de la manière suivante : ensemble du salaire mensuel (traitement, complément et les suppléments, y compris le SFT) divisé par la durée mensuelle théorique du temps de travail dans l'entreprise, soit 152 heures, étant en outre observé que cette dernière peut s'avérer supérieure (et jamais inférieure) à la durée réelle du travail de certains corps de métiers au sein de l'entreprise ; que ce ratio permet de fixer la valeur de l'heure travaillée par l'agent, laquelle est ensuite rapportée à la durée journalière théorique de travail de celui-ci ; que dans ces conditions, il y a lieu d'estimer que la RATP a concrètement appliqué, s'agissant des montants des abattements contestés par les demandeurs, un calcul fondé, autant qu'il est possible, sur une stricte proportionnalité conformément aux dispositions de la note du 10 juillet 1981 et non un barème de 1/20e ;
1°) ALORS QUE le système de retenue sur salaire en cas de grève appliqué sur la base de la note du 10 juillet 1981 édictée par le directeur général de la RATP ne peut déroger au système légal du 1/30ème indivisible qu'à la condition d'opérer une retenue strictement proportionnée à la valeur de la cessation effective de travail ; qu'en l'espèce, le conseil de prud'hommes a constaté que le système de retenue pratiqué par la RATP consistait à diviser le salaire mensuel de l'agent par une durée théorique mensuelle de travail de 152 heures pour déterminer la valeur d'une heure travaillée, puis de multiplier cette dernière par la durée journalière théorique de travail estimée par la RATP à 7 heures et 34 minutes, soit 7,57 h ; qu'en jugeant que cette pratique était conforme à l'exigence de stricte proportionnalité de la retenue à la valeur de la durée de la cessation de travail imposée par la note du 10 juillet 1981, condition pour que le système de retenue résultant de la loi puisse être écarté au profit de celui édicté par cette note, quand il s'évinçait de ces constatations que, quelle que soit la durée de service effective d'un agent le jour où il fait grève, il se voit retirer forfaitairement pour toute journée de grève le salaire correspondant à une journée de travail de 7 heures et 34 minutes, lors même que son service peut être d'une durée inférieure, le conseil de prud'hommes a violé les dispositions des articles L. 2254-1 (anc. L. 165-2) et L. 2512-5 (anc. L. 521-6) du code du travail et de l'article 2 de la loi du 19 octobre 1982 ;
2°) ALORS QU'il résulte des constatations mêmes du conseil de prud'hommes que le système de retenues salariales en cas de grève, tel qu'appliqué en pratique par la RATP, consiste à diviser le salaire mensuel de l'agent par une durée théorique mensuelle de travail de 152 heures, pour déterminer la valeur d'une heure travaillée, avant de la multiplier par une durée journalière théorique et forfaitaire de travail de 7 heures et 34 minutes, soit 7 heures 57 centièmes, pour tous les agents et tous les jours de grève ; qu'il s'en évince donc que toute journée de grève donne lieu une retenue d'1/20ème du salaire mensuel (152/7,57), de sorte qu'en opérant un abattement correspondant à 7 heures 34 minutes par jour de grève, la RATP opère bien automatiquement une retenue de 1/20ème du salaire mensuel par jour de grève ; qu'en jugeant cependant que la RATP n'appliquait pas un barème de 1/20ème par jour de grève, le conseil de prud'hommes n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a violé les dispositions des articles L. 2254-1 et L. 2512-5 du code du travail et de l'article 2 de la loi du 19 octobre 1982 ;
3°) ALORS QUE la pratique d'une retenue sur salaire d'1/20ème du salaire mensuel pour les jours de repos hebdomadaire situés entre deux jours de grève méconnaît l'exigence de stricte proportionnalité entre la retenue sur rémunération et la valeur de la cessation du travail ; qu'en l'espèce, il était précisément soutenu que pour la première fois à l'occasion de la grève de juin 2003 et tel que cela ressort explicitement de la note de la RATP du 3 juin 2003, les jours de repos compris entre deux jours de grève ont été décomptés comme jours de grève, la RATP ayant ainsi opéré sur ces jours de repos des abattements de salaire à hauteur de 7 heures 34 minutes, autrement dit de 1/20ème du salaire mensuel par jour de repos ; qu'en jugeant néanmoins que le système de retenue appliqué par la RATP était conforme à l'exigence de stricte proportionnalité posée par la note du 10 juillet 1981, le conseil de prud'hommes a violé derechef les dispositions des articles L. 2254-1 et L. 2512-5 du code du travail et de l'article 2 de la loi du 19 octobre 1982 ;
4°) ALORS QUE le système de retenue sur salaire en cas de grève appliqué sur la base de la note du 10 juillet 1981 ne peut déroger au système légal du 1/30ème indivisible qu'à la condition d'opérer une retenue strictement proportionnée à la valeur de la cessation effective de travail liée à la grève; que le système consistant à calculer la retenue sur salaire pour une journée de grève en ne prenant en compte que les jours travaillés sur le mois (152 h par mois /7,57 h par jour = 20 jours), tout en effectuant des retenues sur les jours de repos hebdomadaire situés entre deux jours de grève, non seulement n'est pas conforme à l'exigence de stricte proportionnalité, mais est en outre défavorable par rapport au système légal du 1/30ème indivisible ; qu'il permet en effet des retenues pour les jours de repos, sans que ces jours de repos n'aient en revanche été pris en considération dans le calcul de la retenue de base par jour de grève, en lissant la rémunération mensuelle sur une période comprenant tous les jours susceptibles de donner à lieu à retenue, donc y compris les jours de repos, et non seulement les jours travaillés, comme cela est le cas dans le système légal du 1/30ème indivisible; qu'en considérant néanmoins qu'un tel système mis en oeuvre par la RATP était conforme à l'exigence de stricte proportionnalité, et pouvait dès lors déroger au système légal du 1/30ème indivisible, le conseil de prud'hommes a violé les dispositions des articles L. 2254-1 et L. 2512-5 du code du travail et de l'article 2 de la loi du 19 octobre 1982, ensemble le principe fondamental dit de faveur et l'article L. 2251-1 du code du travail ;
5°) ALORS QU'il était démontré devant le juge prud'homal, sans que cela soit utilement contesté par la RATP, que les jours de repos compris entre deux absences irrégulières ne faisaient l'objet d'aucune retenue salariale de la part de l'entreprise, tandis que les jours de repos compris entre deux jours de grève faisaient l'objet de retenues salariales à hauteur de 7 heures 34 minutes de travail par jour de repos ; qu'il était ainsi établi qu'un salarié gréviste est pécuniairement désavantagé par rapport à un salarié en absence irrégulière ; qu'en jugeant que le système de retenues salariales en cas de grève tel qu'appliqué par la RATP respectait une stricte proportionnalité et était licite, quand un tel système conduit à sanctionner pécuniairement le salarié gréviste, le conseil de prud'hommes a de surcroît violé l'article L. 2511-1 du code du travail.