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01/12/2010 | FRANCE | N°09-42531

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 01 décembre 2010, 09-42531


Sur le moyen unique :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 avril 2009), que M. X..., engagé le 28 juillet 1995 par la caisse régionale du crédit mutuel d'Ile-de-France (la caisse), devenu fin mai 2002 directeur de caisse locale, a été le 21 janvier 2005 licencié pour faute grave ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une faute grave et de le débouter en conséquence de ses demandes en paiement de dommages-intérêts et d'indemnités de rupture alors, selon le moyen :
1°/ que la faute grave est un fait ou un ensemble de fait

s, imputables au salarié qui constitue une violation grave des obligations...

Sur le moyen unique :
Attendu selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 avril 2009), que M. X..., engagé le 28 juillet 1995 par la caisse régionale du crédit mutuel d'Ile-de-France (la caisse), devenu fin mai 2002 directeur de caisse locale, a été le 21 janvier 2005 licencié pour faute grave ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une faute grave et de le débouter en conséquence de ses demandes en paiement de dommages-intérêts et d'indemnités de rupture alors, selon le moyen :
1°/ que la faute grave est un fait ou un ensemble de faits, imputables au salarié qui constitue une violation grave des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis ; que dès lors, la tolérance de l'employeur qui, ayant connaissance depuis plus d'un an du comportement prétendument fautif du salarié, ne réagit pas immédiatement pour le sanctionner est exclusive d'une faute grave ; que la caisse avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que son établissement de l'Hay-les-Roses, dont M. X...était le directeur, avait fait l'objet, dès le second semestre 2003, d'un contrôle de l'inspection fédérale l'alertant sur un certain nombre de dysfonctionnements et qu'un nouveau rapport du 5 mai 2004 l'avait également alertée sur l'augmentation du taux de risque sur les comptes professionnels ainsi que sur le non respect des règles de délégation d'octroi des crédits ; que la cour d'appel constatait elle-même que M. X...avait été alerté par le médiateur puis le directeur des engagements ; que cependant, l'employeur n'avait tiré aucune conséquence de ces prétendus dysfonctionnements avant le mois de janvier 2005 ; que dès lors, la caisse ne pouvait considérer comme constitutifs d'une faute grave des faits qu'elle avait tolérés pendant plus d'un an sans y puiser motif à sanction ; qu'en décidant néanmoins que le non respect des règles contenues dans les délégations de pouvoirs, la non application des préconisations du médiateur et le non suivi des recommandations du directeur des engagements, tous éléments dont l'employeur était informé de longue date, étaient constitutifs d'une faute grave, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2°/ qu'il ne résultait nullement expressément du document intitulé " pouvoirs et limites de compétence de M. X...", qui accordait à ce dernier la faculté d'engager librement la caisse jusqu'à 50 K euros pour les clients professionnels, ni du document intitulé délégations de pouvoir, que ce salarié, directeur de la caisse de l'Hay-les-Roses, n'était pas habilité à octroyer à ces mêmes clients des avances Dailly ; que dès lors, c'est au prix d'une violation du principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause que la cour d'appel a jugé qu'il avait gravement manqué à ses obligations professionnelles en octroyant à ses clients des avances Dailly ;
3°/ que la cour d'appel ne pouvait décider qu'il avait, de sa propre initiative, dans le dossier SARL MTP fait usage des avances Dailly comme un concours de trésorerie à court terme sans respecter les procédures applicables ni les règles de délégation de pouvoir en cours au Crédit mutuel, sans répondre à ses conclusions faisant valoir que cette opération avait été soumise à la commission des prêts et ratifiée par le conseil de la caisse, le 25 novembre 2004 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que la cour d'appel qui constatait ellemême que, dans certains cas précis, il avait reçu des accords ponctuels du médiateur du crédit, sur les demandes qu'il lui présentait, n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui en découlaient au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail et a violé lesdits textes en retenant, pour conclure à l'existence d'une faute grave, que ce salarié avait continué à prendre des initiatives excédant ses pouvoirs et ne tenait aucun compte des préconisations qui lui étaient faites ;
5°/ que la cour d'appel ne pouvait retenir que, dans le dossier S, il avait dépassé les autorisations données sans répondre à ses conclusions faisant valoir que, sur l'autorisation totale de découvert de 40 K euros, sollicitée pour les sociétés S et M, qui faisaient partie du même groupe, et accordée par le médiateur du crédit, seule une autorisation de découvert avait finalement été consentie à la société S, après annulation du découvert accordé à la société M, faisant que le découvert total octroyé avait été inférieur à celui autorisé ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ que, quel qu'en soit le bénéficiaire final, en faisant accorder un prêt de 10 000 euros à son cousin, client de longue date du Crédit mutuel et dont le compte bancaire présentait à l'époque un solde positif de plus de 40 000 euros, il n'a fait courir aucun risque financier à son employeur ; que ce seul exemple des prétendues relations privilégiées avec les clients ne pouvait donc être constitutif d'une faute grave ; qu'en décidant néanmoins le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Mais attendu que sans avoir à entrer dans le détail de l'argumentation des parties, c'est par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, et sans les dénaturer, que la cour d'appel, devant laquelle n'était pas invoquée l'existence d'une tolérance de l'employeur, a retenu l'existence d'une faute grave ; que le moyen, irrecevable en sa première branche comme étant nouveau et mélangé de fait et de droit, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boutet, avocat aux Conseils, pour M. X...

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Monsieur X...par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL D'ILE DE FRANCE reposait sur une faute grave et d'avoir, en conséquence, débouté ce salarié de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE Monsieur X..., Directeur de la Caisse de l'HAY-LES-ROSES, dont les pouvoirs et limites de compétences étaient clairement définis dans un document versé aux débats qu'il a signé, a gravement manqué à ses obligations professionnelles, en particulier en octroyant à des clients, d'office et dès l'ouverture de leur compte professionnel, des avances DAILLY alors même que d'une part il n'était pas habilité à le faire et que, d'autre part, il lui avait été rappelé les règles d'utilisation de la cession DAILLY ; qu'ainsi dans les dossiers SARL MTP et T, Monsieur X...a, de sa propre initiative, fait usage de ce type d'avance comme un concours de trésorerie à court terme sans respecter les procédures applicables ni les règles des délégations de pouvoir en cours au CREDIT MUTUEL, alors même que, au surplus, le médiateur avait fait des préconisations particulièrement claires à son égard ; qu'alerté à plusieurs reprises par le médiateur, puis par le Directeur des engagements, Monsieur X...a continué à prendre des initiatives excédant ses pouvoirs et en tenant compte des préconisations faites, notamment, en autorisant des découverts ou concours supérieurs aux montants autorisés, ce qui accroissait les risques encourus, en particulier dans les dossiers SX et CM, et plaçait sa direction devant le fait accompli ; que si, dans certains cas précis, Monsieur Y... a pu donner des accords ponctuels sur les demandes que lui présentait Monsieur X..., il y a lieu d'observer, ainsi que le fait le CREDIT MUTUEL pour les dossiers S et SX, qu'en tout état de cause le salarié a dépassé les autorisations données, par exemple en accordant un découvert de 20 % supérieur à celui autorisé pour la Société S alors même que l'opération avait été signalée comme particulièrement dangereuse par le médiateur ; qu'enfin l'Inspection Générale a relevé l'existence de relations privilégiées entre le salarié et certains de ses clients, notamment le client C. L. dont la situation était critique ; qu'alors que ce dernier ne pouvait obtenir aucun prêt ou concours bancaire en raison de son taux d'endettement, Monsieur X...a, en sa qualité de Directeur de caisse, procédé à un montage impliquant sa famille pour contourner les règles normales d'octroi du crédit par sa Caisse, ce qui, incontestablement, constitue une faute professionnelle grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise ;

ALORS DE PREMIERE PART QUE la faute grave est un fait ou un ensemble de faits, imputables au salarié qui constitue une violation grave des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis ; que dès lors, la tolérance de l'employeur qui, ayant connaissance depuis plus d'un an du comportement prétendument fautif du salarié, ne réagit pas immédiatement pour le sanctionner est exclusive d'une faute grave ; que la CAISSE DE CREDIT MUTUEL avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que la Caisse de l'HAY LES ROSES, dont Monsieur X...était le Directeur, avait fait l'objet, dès le second semestre 2003, d'un contrôle de l'inspection fédérale l'alertant sur un certain nombre de dysfonctionnements et qu'un nouveau rapport du 5 mai 2004 l'avait également alertée sur l'augmentation du taux de risque sur les comptes professionnels ainsi que sur le non respect des règles de délégation d'octroi des crédits ; que la Cour d'Appel constatait elle-même que Monsieur X...avait été alerté par le médiateur puis le Directeur des engagements ; que cependant, l'employeur n'avait tiré aucune conséquence de ces prétendus dysfonctionnements à l'égard de Monsieur X...avant le mois de janvier 2005 ; que dès lors, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL ne pouvait considérer comme constitutifs d'une faute grave des faits qu'elle avait tolérés pendant plus d'un an sans y puiser motif à sanction ; qu'en décidant néanmoins que le non respect par Monsieur X...des règles contenues dans les délégations de pouvoirs, la non application des préconisations du médiateur et le non suivi des recommandations du Directeur des engagements, tous éléments dont l'employeur était informé de longue date, étaient constitutifs d'une faute grave, la Cour d'Appel a violé les articles L 1234-1, L 1234-5 et L 1234-9 du Code du Travail (ancien articles L 122-6, L 122-8 et L 122-9 du Code du Travail).

ALORS DE DEUXIEME PART QU il ne résultait nullement expressément du document intitulé « pouvoirs et limites de compétence de THIERRY X...», qui accordait à ce dernier la faculté d'engager librement la Caisse jusqu'à 50 K euros pour les clients professionnels, ni du document intitulé délégations de pouvoir, que ce salarié, Directeur de la Caisse de l'HAY-LES-ROSES, n'était pas habilité à octroyer à ces mêmes clients des avances DAILLY ; que dès lors, c'est au prix d'une violation du principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause que la Cour d'Appel a jugé que Monsieur X...avait gravement manqué à ses obligations professionnelles en octroyant à ses clients des avances DAILLY ;
ALORS DE TROISIEME PART QUE la Cour d'Appel ne pouvait décider que Monsieur X...avait, de sa propre initiative, dans le dossier SARL M. TP fait usage des avances DAILLY comme un concours de trésorerie à court terme sans respecter les procédures applicables ni les règles de délégation de pouvoir en cours au CREDIT MUTUEL, sans répondre aux conclusions de Monsieur X...faisant valoir que cette opération avait été soumise à la commission des prêts et ratifiée par le conseil de la Caisse, le 25 novembre 2004 ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'Appel a violé l'article 455 du Code de Procédure Civile ;
ALORS DE QUATRIEME PART QUE la Cour d'Appel qui constatait elle-même que, dans certains cas précis, Monsieur X...avait reçu des accords ponctuels de Monsieur Y..., médiateur, sur les demandes qu'il lui présentait, n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui en découlaient au regard des articles L 1234-1, L 1234-5 et L 1234-9 du Code du Travail (ancien articles L 122-6, L 122-8 et L 122-9 du Code du Travail) et a violé lesdits textes en retenant, pour conclure à l'existence d'une faute grave, que ce salarié avait continué à prendre des initiatives excédant ses pouvoirs et ne tenait aucun compte des préconisations qui lui étaient faites ;
ALORS DE CINQUIEME PART QUE la Cour d'Appel ne pouvait retenir que, dans le dossier S, Monsieur X...avait dépassé les autorisations données sans répondre aux conclusions de ce dernier faisant valoir que, sur l'autorisation totale de découvert de 40 K euros, sollicitée pour les Sociétés S et M, qui faisaient partie du même groupe, et accordée par Monsieur Y..., seule une autorisation de découvert avait finalement été consentie à la Société S, après annulation du découvert accordé à la Société M, faisant que le découvert total octroyé avait été inférieur à celui autorisé ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'Appel a violé l'article 455 du Code de Procédure Civile ;
ALORS DE SIXIEME ET DERNIERE PART QUE, quel qu'en soit le bénéficiaire final, en faisant accorder un prêt de 10. 000 euros à son cousin, client de longue date du CREDIT MUTUEL et dont le compte bancaire présentait à l'époque un solde positif de plus de 40. 000 euros, Monsieur X...n'a fait courir aucun risque financier à son employeur ; que ce seul exemple des prétendues relations privilégiées avec les clients reprochées à Monsieur X...ne pouvait donc être constitutif d'une faute grave ; qu'en décidant néanmoins le contraire, la Cour d'Appel a violé les articles L 1234-1, L 1234-5 et L 1234-9 du Code du Travail (anciens articles L 122-6, L 122-8 et L 122-9 du Code du Travail).


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-42531
Date de la décision : 01/12/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 02 avril 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 01 déc. 2010, pourvoi n°09-42531


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boutet, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.42531
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