LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches :
Attendu qu'en 2005, M. X... a présenté une demande de dissolution de son mariage coutumier avec Mme Y... ; que, par jugement du 8 novembre 2005, le tribunal de première instance de Nouméa, assisté d'assesseurs coutumiers, a prononcé la dissolution du mariage et renvoyé l'affaire pour que l'épouse puisse formuler des demandes d'ordre financier ;
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt attaqué (Nouméa, 23 avril 2007), de l'avoir déboutée de sa demande tendant à l'allocation d'une prestation compensatoire de 25 millions de francs CFP pouvant être versée par l'attribution du domicile conjugal acquis par les époux, alors, selon le moyen :
1°/ la délibération n° 424 de l'assemblée territoriale du 3 avril 1967 publiée par arrêté n° 894 du 5 avril 1967 et relative à l'état civil ne soumet à la coutume que la dissolution du mariage elle-même, mais non ses conséquences patrimoniales ; qu'en l'absence de toute disposition relative au droit à prestation compensatoire, qui est d'ordre public au point que toute législation l'ignorant est contraire à l'ordre public français, les dispositions du code civil doivent recevoir application ; qu'en refusant de faire application de ces dispositions et des critères qu'elle comporte quant à l'évaluation de la prestation compensatoire, la cour d'appel a violé par fausse application les dispositions précitées et par refus d'application les articles 270 et suivants du code civil ;
2°/ en toute occurrence, le refus du bénéfice des dispositions relatives à l'octroi d'une prestation compensatoire et aux critères d'appréciation de son montant à raison du statut civil de l'époux demandeur constitue une discrimination contraire à l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, de sorte que la cour d'appel ne pouvait retenir que, les parties étant de droit civil particulier, " l'article 270 du code civil ne s'applique pas ", sans violer ledit article 14 de la Convention ;
3°/ en se fondant sur des obligations coutumières qui n'avaient pas fait l'objet d'un débat contradictoire et sur le contenu et les critères desquelles Mme Y... n'avait pas été mise en mesure de s'expliquer, la cour d'appel a violé le principe fondamental du contradictoire et les articles 15 et 16 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
4°/ en se fondant sur des dispositions coutumières dont elle n'indique en rien la teneur, mettant ainsi la Cour de cassation dans l'impossibilité d'exercer son contrôle sur la correspondance entre ce contenu et l'application qu'elle en fait la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que les parties étaient de statut civil coutumier kanak, c'est à bon droit qu'ayant retenu que les obligations de M. X... à l'égard de Mme Y... étaient régies par le droit coutumier, dont l'application échappe au contrôle de la Cour de cassation au regard de l'ordre public, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu les dispositions conventionnelles invoquées en l'état de la déclaration de la France en application de l'article 63 devenu l'article 56 de la Convention européenne des droits de l'homme, a décidé que les articles 270 et suivants du code civil ne s'appliquaient pas ; que le moyen, qui manque en fait en ses troisième et quatrième branches, ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame Y... de sa demande tendant à l'allocation d'une prestation compensatoire de 25 millions de francs CFP pouvant être versée par l'attribution du domicile conjugal acquis par les époux ;
AUX MOTIFS QUE « les parties étant de droit civil particulier, l'article 270 du Code civil ne s'applique pas ; qu'en revanche, les obligations de Sylvestre X..., relevées par les premiers juges, contractées envers son épouse du fait du mariage, à la suite de la dissolution de l'union, contractée selon le droit coutumier, sont établies en l'espèce ; que par des motifs pertinents que la Cour adopte, les premiers juges ont exactement déclaré satisfactoire l'offre de Sylvestre X... de verser à Marianne Y... la somme de 7. 500. 000 F CFP au titre de l'obligation susvisée, l'attribution du bien immobilier en pleine propriété n'étant pas susceptible de garantir à Marianne Y... la jouissance paisible du bien, qui est grevé d'une hypothèque, et alors que Sylvestre X... est soumis à une procédure de liquidation judiciaire depuis le 18 juin 2003, soumise au droit commun, et que le montant des dettes, arrêté au 7 octobre 2004, s'élevait à 9. 251. 539 F CFP ; que l'attribution de l'immeuble en pleine propriété à l'épouse n'est nullement une obligation pour la juridiction, mais une simple faculté ; qu'ainsi, les développements de l'appelante quant au statut de l'immeuble sont inopérants ; que la notion de faute invoquée en appel par Marianne Y... est encore inopérante en l'espèce, seule l'existence d'une disparité dans les conditions de vie des conjoints étant susceptible d'être invoquée et étant démontrée en l'espèce, ainsi que l'ont à bon droit retenu les premiers juges ; qu'en conséquence, le jugement qui a dit que Sylvestre X... devra verser à Marianne Y... la somme de 7. 500. 000 F CFP en exécution des obligations contractées du fait du mariage sera confirmé » ;
ALORS QUE, D'UNE PART, la délibération n° 424 de l'Assemblée Territoriale du 3 avril 1967 publiée par arrêté n° 894 du 5 avril 1967 et relative à l'état civil ne soumet à la coutume que la dissolution du mariage elle-même, mais non ses conséquences patrimoniales ; qu'en l'absence de toute disposition relative au droit à prestation compensatoire, qui est d'ordre public au point que toute législation l'ignorant est contraire à l'ordre public français, les dispositions du Code civil doivent recevoir application ; qu'en refusant de faire application de ces dispositions et des critères qu'elle comporte quant à l'évaluation de la prestation compensatoire, la Cour d'appel a violé par fausse application les dispositions précitées et par refus d'application les articles 270 et s. du Code civil ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, en toute occurrence, le refus du bénéfice des dispositions relatives à l'octroi d'une prestation compensatoire et aux critères d'appréciation de son montant à raison du statut civil de l'époux demandeur constitue une discrimination contraire à l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, de sorte que la Cour d'appel ne pouvait retenir que, les parties étant de droit civil particulier, « l'article 270 du Code civil ne s'applique pas », sans violer ledit article 14 de la Convention ;
ALORS QU'EN OUTRE, en se fondant sur des obligations coutumières qui n'avaient pas fait l'objet d'un débat contradictoire et sur le contenu et les critères desquelles Madame Y... n'avait pas été mise en mesure de s'expliquer, la Cour d'appel a violé le principe fondamental du contradictoire et les articles 15 et 16 du Code de procédure civile et 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
ALORS QU'ENFIN, en se fondant sur des dispositions coutumières dont elle n'indique en rien la teneur, mettant ainsi la Cour de cassation dans l'impossibilité d'exercer son contrôle sur la correspondance entre ce contenu et l'application qu'elle en fait la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.