LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 27 février 1996 en qualité de conseiller commercial par la société Scan modul medi math, société de conseil en transports et stockage en santé publique ; qu'il est devenu directeur France en 1998 et a donné sa démission le 8 septembre 2006 ; qu'estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de paiement de diverses sommes notamment à titre d'heures supplémentaires ;
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient que M. X... s'organisait comme il l'entendait, que les parties, sans préciser la convention de forfait, avaient entendu s'exonérer de la réglementation des heures supplémentaires, éventuellement applicable à un cadre de ce niveau et que dans cette situation c'était au salarié de dénoncer un dépassement d'horaires qu'il estimait supérieurs à la rémunération adéquate ; que la nature de ses fonctions excluait tout contrôle de l'employeur et conférait au salarié une grande autonomie dans l'organisation de son travail ; que les voyages effectués par l'intéressé ne pouvaient justifier des heures supplémentaires dans la mesure où le véhicule qui lui était attribué l'était également pour ses besoins privés compte tenu de ses fonctions, les dates et heures d'envoi de messages électroniques n'étaient pas significatifs d'un horaire de travail effectif et que la durée d'examen des dossiers établie unilatéralement par l'intéressé était inopérante, la nature, l'importante et l'identification de ces dossiers n'étant pas précisées par l'intéressé ;
Attendu, cependant, d'abord, que la qualité de cadre et l'existence d'une liberté d'organisation dans le travail ne suffisent pas à exclure le droit au paiement d'heures supplémentaires, sauf à constater l'existence d'un salaire forfaitaire compensant les dépassements d'horaire résultant des impératifs de la fonction assurée ;
Attendu, ensuite, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire ;
Qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel qui, d'une part, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations selon lesquelles le salarié n'était pas un cadre dirigeant et aucune convention de forfait n'avait été conclue, et qui, d'autre part, en rejetant la demande du salarié aux motifs que les éléments produits par celui-ci ne prouvaient pas le bien-fondé de sa demande, a inversé la charge de la preuve des heures effectuées, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 janvier 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne la société Scan modul medi math aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Scan modul medi math à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande en paiement d'un rappel de salaires au titre des heures supplémentaires et d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, ainsi que de sa demande subséquente tendant à obtenir la requalification de sa démission en une prise d'acte de la rupture de son contrat aux torts de l'employeur ;
AUX MOTIFS QUE l'organisation de la société SCAN ne souffre pas d'une organisation documentée excessive (en tout cas dans les éléments versés aux débats) ; qu'en s'appuyant sur la lecture des organigrammes, des bulletins de paie de Monsieur X..., de son contrat initial, il peut s'établir que si Monsieur X... ne peut revendiquer le statut de cadre dirigeant, il est toutefois le directeur commercial pour toute la France et ne rend compte qu'au directeur général, les décisions essentielles se prenant au Benelux, siège des réunions de direction auxquelles participait l'intéressé, ou au Danemark siège de la présidence de l'entreprise ; qu'en dehors du salaire annuel fixé contractuellement, du remboursement des «frais journaliers», les horaires de l'intéressés sont «indicatifs» car il est contractuellement précisé (l'intéressé est cadre) : «votre fonction n'est pas liée à des horaires de travail fixes» ; que le salarié bénéficie d'un véhicule de fonction, travaille à son domicile (téléphone – télécopieur – à la charge de l'entreprise) ; qu'il se déduit de ces éléments et de l'affirmation de l'employeur que Monsieur X... s'organisait comme il l'entendait, ce qui n'est pas contesté par l'intéressé qui justement s'empare de cette liberté pour en quantifier toute l'intensité à son profit ; que les parties, sans préciser la convention de forfait, ont entendu s'exonérer de la règlementation des heures supplémentaires, éventuellement applicable à un cadre de ce niveau ; que dans cette situation, c'était au salarié de dénoncer un dépassement d'horaires qu'il estimait supérieurs à la rémunération adéquate ; que dans la réalité, ce n'est qu'après la démission de l'intéressé que ce dernier revient sur une situation qui a duré près de 10 ans sans réaction de sa part ; que reste à apprécier la revendication de l'intéressé sur le plan quantitatif ; que sans méconnaître que l'intéressé, dans le cadre de ses fonctions a pu avoir des horaires tardifs, son affirmation de travailler de 7h du matin à 24h du soir doit être raisonnablement et humainement relativisée pour la période indiquée (qui excède largement celle de la prescription spontanément appliquée par l'intéressé dans sa demande) ; qu'en effet, l'intéressé se fonde sur une quantification unilatérale de l'organisation de son activité, dans les limites rappelées ci-dessus, reconnaissant au passage que de 2003 à février 2006, il s'agit «de projection de la moyenne des heures supplémentaires mensuelles accomplies sur la période précédente soit 48,4128 h/mois» ; que si on peut se féliciter de la précision du calcul statistique effectué par l'intéressé, il ne s'établit pas que sur la période choisie comme base, ces heures supplémentaires aient été accomplies ; qu'en effet, les voyages effectués par l'intéressé ne peuvent justifier des heures supplémentaires de travail dans la mesure où le véhicule qui lui était attribué l'était également pour ses besoins privés compte tenu de ses fonctions ; que les dates et heures d'envoi de messages électroniques ne sont pas significatifs d'un horaire de travail effectif ; que la durée d'examen de dossiers établie unilatéralement par l'intéressé est inopérante à cet égard ; que d'ailleurs, la nature, l'importance, l'identification de ces dossiers ne sont même pas précisés par l'intéressé ; que la cour partage la conviction du premier juge au sens de l'article L 3171-4 du Code du travail que la demande d'heures supplémentaires formée par Monsieur X... n'est pas fondée, partant l'allocation d'une indemnité pour travail dissimulé se trouve privée de toute justification ;
ALORS, D'UNE PART, QUE ni la qualité de cadre ni la liberté d'organisation liée à l'exécution du travail ne suffisent à exclure le droit au paiement d'heures supplémentaires, sauf à constater que le salarié entre dans la catégorie des cadres dirigeants ou perçoit un salaire forfaitaire compensant les dépassements d'horaire résultant des impératifs de sa fonction ; qu'en se fondant sur la fonction de «Directeur Commercial pour toute la France» de Monsieur X... et sur «l'affirmation de l'employeur que Monsieur X... s'organisait comme il l'entendait» pour juger que «les parties (…) ont entendu s'exonérer de la réglementation des heures supplémentaires», quand elle avait relevé que «Monsieur X... ne peut revendiquer le statut de cadre dirigeant» et que «les parties n'ont pas précisé la convention de forfait», la Cour d'appel de Bordeaux n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article L3121-22 du Code du travail.
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que le juge ne peut rejeter une demande de paiement d'heures de travail en se fondant sur l'insuffisance des preuves émanant du salarié dès lors que celui-ci produit des éléments de nature à étayer sa demande ; qu'en affirmant, pour débouter Monsieur X... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, qu'«il ne s'établit pas que sur la période choisie comme base, ces heures supplémentaires aient été accomplies», quand elle avait constaté que «l'intéressé, dans le cadre de ses fonctions, a pu avoir des horaires tardifs» et que celui-ci avait versé aux débats des éléments étayant suffisamment sa demande, la Cour d'appel de Bordeaux, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé l'article L 3171-4 du Code du travail.
ALORS, ENFIN, QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en rejetant la demande de Monsieur X... en paiement d'heures supplémentaires aux seuls motifs que «les voyages effectués par l'intéressé ne peuvent justifier des heures supplémentaires», que «les dates et heures d'envoi de messages électroniques ne sont pas significatifs d'un horaire de travail effectif» et que «la durée d'examen de dossiers établie unilatéralement par l'intéressé est inopérante à cet égard», sans cependant examiner les attestations versées aux débats par Monsieur X... ni rechercher si, conjointement aux agendas informatiques du salarié, celles-ci n'étaient pas de nature à étayer sa demande, la Cour d'appel de Bordeaux a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile.