LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé qu'aucun contrat écrit n'avait été signé entre la société Innov TP et Mme X..., que celle-ci, exploitante de la carrière et responsable à ce titre du respect des limites de l'exploitation et du suivi géologique de la zone, avait confié à la société Innov TP la seule réalisation de tirs d'abattage et que les experts avaient observé que ce travail avait été correctement réalisé dans les règles de l'art, la cour d'appel a pu retenir, par une décision motivée, que la rupture du front de taille, consécutive à la qualité géotechnique des terrains, ne trouvait pas son origine dans l'exécution du travail confié à la société Innov TP et a souverainement apprécié le préjudice résultant pour Mme X... de l'inexécution par cette société de son obligation de conseil ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils, pour Mme X...
En ce que l'arrêt attaqué déboute Mme X... de l'ensemble des ses demandes dirigées contre la société INNOV TP ;
Aux motifs que Mme X..., après avoir exploité une gravière, a créé depuis le mois d'avril 2005 une carrière dont l'ouverture a été autorisée par arrêté du préfet du Tarn en date du 13 avril 1999. Mme X... a fait appel à la Sté INNOV TP pour réaliser l'abattage des roches par un procédé d'abattage-minage, mais aucun contrat n'a été signé par les parties. A la suite de tirs effectués les 10 et 17 novembre 2005, une rupture du front de taille a été constatée, provoquant une importante instabilité de la carrière. Mme X... a recherché la responsabilité de la sté INNOV TP en sa qualité de professionnelle des explosifs et des tirs de mines mais elle a été déboutée de ses demandes. Au soutien de son appel, elle reprend les mêmes arguments qu'en première instance, considérant en premier lieu que l'expert a donné son avis sur le cadre juridique alors que la mission qui lui était confiée était de nature purement technique. Il est certain que la Cour ne retiendra dans l'expertise de M. Y... que les constatations relevant de sa compétence, sans qu'il puisse être fait grief à celui-ci d'avoir outrepassé sa mission alors qu'il lui avait été demandé de "fournir au tribunal, en fonction des constatations techniques, des relations contractuelles et des exigences légales et réglementaires, tous les éléments permettant de déterminer les responsabilités". Mme X... entend faire valoir : 1°- que la sté INNOV TP a un quadruple rôle contractuel, à savoir maître d'oeuvre en charge de l'ingénierie technique à la fois sur la partie travaux publics mais également sur la partie tir, fournisseur d'explosifs qui sont intégrés dans la prestation vendue, entrepreneur en charge de l'exécution de terrassement et des opérations de tir, maître d'oeuvre à l'égard des autorités publiques par l'établissement du plan de prévention ainsi que du dossier de prescription au titre des explosifs minages, 2°- qu'elle-même n'assure dans le cadre de son exploitation de carrière que la préparation (recouper les blocs trop gros), le transport des matériaux aux installations de concassage, le travail de concassage, le chargement des matériaux sur les véhicules amenés par les clients et toute action de commercialisation. L'absence de contrat écrit n'ôte pas le droit pour chacune des parties de prétendre à la réalisation de marché conclu verbalement. Il convient de se référer aux textes applicables dans le secteur intéressé par l'activité des deux entreprises pour définir les obligations de chacune. En juillet 2005, Mme X... a déposé une déclaration d'exécution de travaux par une entreprise extérieure en indiquant : «les obligations qui m'incombent en application des différents articles du titre "entreprise extérieures" du RGIE (règlement général des industries extractives) seront intégralement respectées». Or, l'article 1 de la section 1 du chapitre premier du règlement général des industries extractives prévoit que, si l'exploitant peut confier, dans les conditions prévues par le règlement général, à une entreprise extérieure une partie des travaux d'exploitation, il conserve par contre les responsabilités que le règlement général lui confie. Au chapitre 3 concernant la responsabilité en matière de sécurité et de santé, l'article 13 précise que l'exploitant doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des personnes... et l'exploitant doit éviter les risques et évaluer les risques qui ne peut pas être évités. Le Tribunal a justement relevé que, selon le décret n° 80-331 du 7 mai 1980, c'est l'exploitant qui est responsable ; -de l'exploitation de sa carrière et du respect des limites de son exploitation, -de la définition de la hauteur et de la pente des gradins, -du suivi de l'évolution géologique de la zone. Au surplus, l'article 14 du décret du 3 mai 1995 dans le chapitre «mise en oeuvre des explosifs», l'alinéa 1 prévoit «: «les cas et les conditions dans lesquels le plan de tir peut être modifié sont définis par l'exploitant». La responsabilité des actes de l'exploitant peut donc être recherchée tant sur le plan de la sécurité que sur le plan technique. Mme X... ne saurait donc se retrancher derrière une incompétence technique en matière d'explosifs pour faire porter la responsabilité sur l'entreprise qui fournit et met en oeuvre les explosifs suivant les besoins de l'exploitation de sa carrière dont elle doit respecter les limites en suivant l'évolution géologique de la zone. Au vu de sa demande d'ouverture, le personnel de son entreprise comprend un adjoint collaborateur (conseil technique en raison de son expérience professionnelle) et deux salariés dont l'un a la responsabilité de chef de chantier. Or, il n'est fait état d'aucune intervention ou avis permettant à la Sté INNOV TP de modifier son plan de tir. Ayant reçu ses instructions, la sté INNOV TP a alors : -assuré la foration des trous de mines, leurs emplacements et leurs profondeurs, -défini les quantités et la qualité des explosifs à mettre en oeuvre dans les trous préparés, -commandé les quantités d'explosifs nécessaires et le détonateur nécessaires au tir. L'expert précise que la sté NITRO-Bickford qui assure la livraison du matériel, assiste au tir et remporte les charges d'explosifs et de détonateur non employés. Du point de vue purement technique, les tirs ne peuvent être critiqués et aucun élément probant et sérieux ne vient contredire les conclusions du rapport du bureau géotechnique Terrefort selon lequel si l'énergie du tir avait été trop importante, on aurait observé dès le tir du 10 novembre 2005 un désordre du même type que celui observé après le deuxième tir. S'agissant des qualités d'explosifs, l'expert judiciaire, en réponse à un dire, les a qualifiées de «normales», expliquant que le nombre de forages peut être multiplié par «x» sans pour cela augmenter la quantité d'explosif par m3 et qu'il n'y a que le prix de revient de l'abattage (en fonction du linéaire de forage) qui augmentera par m3 de terrain. Le tribunal a donc retenu à juste titre les conclusions de l'expert Y... qui, comme ses collègues ayant reçu mission dans un cadre amiable, attribue la clause du sinistre à la déstructuration des dolérites sur une faible hauteur qui rend cette roche incapable de supporter le poids du terrain sus-jacent, étant précisé que, si le tir réalisé le 17 novembre 2005 a provoqué, en sus du volume rocheux abattu, un éboulement de la zone de banquette amont, il n'est pas lui-même la cause du sinistre. Or ce phénomène aurait dû être connu par l'exploitant, qui n'avait pas fait effectuer des recherches géologiques depuis de nombreuses années. La décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté Mme X... de l'ensemble de ses demandes en raison du fait qu'elle n'a pas rempli les obligations inhérentes à sa qualité d'exploitante de carrière. En aucune manière, ainsi que le souligne l'expert, une entreprise de travaux de forage et de tir n'a les compétences pour faire des études géologiques et géotechniques donnant les valeurs structurelles des terrains, les changements de terrain, les pendages de couches, leurs épaisseurs, leurs caractéristiques techniques. D'ailleurs, les sociétés d'exploitation qui ne disposent pas de spécialistes font appel à des bureaux d'études comprenant des géologues et des géotechniciens. Mais il n'empêche que la société INOVV TP qui suivait la progression de l'exploitation aurait pu penser la structure du sol pouvait se modifier et demander à l'exploitant de faire les études nécessaires pour vérifier les caractéristiques techniques des zones à abattre. Aussi, c'est à bon droit que les premiers juges ont relevé la carence de la sté INNOV TP au niveau de son devoir de conseil et l'ont sanctionné en la déboutant de ses demandes reconventionnelles ; et aux motifs du jugement confirmé qu'il est constant que l'absence de contrat dans le rapport du prestataire de services avec son client qui unit les parties ne décharge pas le prestataire de services de son obligation de résultat et de son devoir de conseil. Il est indiscutable que le fait que les obligations de chacun ne soient pas définies par écrit n'entraîne pas, ipso facto, l'absence d'obligation pour chacune des parties dans la réalisation du marché entre elles conclu verbalement. Cependant en l'espèce, même si l'on retient le triple rôle de maître d'oeuvre de fournisseur et de prestation que Mme X... donne à la Société INNOV TP, rien ne l'autorise à en déduire que la responsabilité de la SARL INNOV TP «est présumée». En droit, la responsabilité de l'intervenant ne pourra être retenue que s'il est démontré que les tirs de mines des 10 et 17 novembre 2005 sont contraires aux règles de l'art et constituent de ce fait la cause directe de la rupture du front de taille provoquant le sinistre. L'expert Y... a répondu à la mission qui lui a été confiée par Mr le Président du Tribunal de grande instance qui lui a demandé de rechercher les causes et origines des désordres et, en fonction des constatations techniques et des exigences légales et réglementaires, de fournir au Tribunal tous les éléments permettant de déterminer les responsabilités. Sur le plan technique il relève le recul du front de la carrière depuis son ouverture d'environ 50 mètres, le front de carrière actuel permettant d'observer la déstructuration importante des dolérites qui n'était pas visible sur le front de carrière en 1998. Comme ses prédécesseurs dans le cadre des expertises amiables, il attribut la clause du sinistre à la déstructuration des dolérites sur une faible hauteur, déstructuration qui rend cette roche incapable de supporter le poids du terrain sus-jacent. Si le tir réalisé le 17.11.05 a "provoqué", en sus du volume rocheux normalement abattu, un éboulement de la banquette amont, il ressort des constatations expertales que ce n'est pas le tir lui-même qui est la cause du sinistre, mais la qualité géotechnique des terrains constitués de dolérites fortement déstructurées. Mme X... ne peut valablement soutenir que le non respect de la distance de sécurité de 10 mètres résulte seulement de la rupture du front de taille alors que l'expert a observé un recul du front de carrière actuel d'une cinquantaine de mètres depuis son ouverture et que le "Relevé topographique 2 du 26/11/05" (page 190 du rapport) détermine la limite de propriété d'après le plan des lieux établi le 14.11.05 par M. Z..., géomètre, indique que la zone exploitée pénètre sur 5 mètres dans la propriété de M. A.... Il est par ailleurs indiscuté que depuis l'ouverture de la carrière aucune étude géologique n'a été réalisée, alors même que l'expert a pu observer la différence de qualité géotechnique des terrains front de carrière actuel. Or, il s'évince de l'analyse détaillée faite en défense de la règlementation qui régit les industries extractives selon le décret n° 80-331 du 7 mai 1980 que c'est l'exploitant qui est responsable : -de l'exploitation de sa carrière et du respect des limites de son exploitation, -de la définition de la hauteur géologique de la zone, - du suivi de l'évolution géologique de la zone. Au surplus l'article 14 du décret du 3 mai 1985 précise : «Les cas et conditions dans lesquels le plan de tir peut être modifié sont définis par l'exploitant». Mme X..., pas plus que les rapports d'expertise n'établissent ou même n'invoquent le fait que la Sté INNOV TP aurait effectué le 17.11.05 un tir inhabituel, inadapté ou défectueux ou encore qu'elle aurait usé d'une charge d'explosif inadéquate par rapport à l'objectif à atteindre. Dans des conditions, Mme X... est mal fondée à obtenir indemnisation par la société INNOV TP des préjudices dont elle porte la responsabilité pour n'avoir pas rempli les obligations inhérentes à sa qualité d'exploitante de carrière. Il peut cependant être reproché à la sté INNOV TP au titre du devoir de conseil d'un professionnel du tir de mine de n'avoir pas demandé à l'exploitante de vérifier l'évolution du site et par suite les caractéristiques géologiques et physiques des terrains qu'elle devait abattre. Cette carence empêche de faire droit aux demandes faites par la sté INNOV TP à titre reconventionnel ;
1°/ Alors que les obligations mises à la charge de l'exploitant d'une carrière par l'annexe au décret n°80-331 du 7 mai 1980 portant règlement général des industries extractives ne déchargent pas l'entreprise extérieure de ses obligations contractuelles et ne l'exonèrent pas de la responsabilité encourue envers son cocontractant, exploitant ; que la Cour d'appel, pour rejeter les demandes formées par Mme X... contre la société INNOV TP, a retenu que suivant le règlement général des industries extractives, l'exploitant était responsable de l'exploitation de sa carrière, des limites de son exploitation, de la définition de la hauteur des gradins, du suivi de l'évolution géologique de la zone, et définissait les cas et conditions dans lesquelles le plan de tir pouvait être modifié, de sorte que la responsabilité de l'exploitant pouvait donc être recherchée tant sur le plan de la sécurité que sur le plan technique ; qu'en statuant ainsi, et tout en constatant qu'une rupture du front de taille avait été constatée, provoquant une importante instabilité de la carrière, à la suite de tirs effectués les 10 et 17 novembre 2005, par la société INNOV TP, à laquelle Mme X..., exploitante, avait fait appel pour réaliser l'abattage des roches par un procédé d'abattage-minage, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil, ensemble l'annexe au décret n°80-331 du 7 mai 1980 portant règlement général des industries extractives ;
2°/ Alors que l'entreprise extérieure chargée de réaliser l'abattage des roches par un procédé d'abattage-minage est tenue envers l'exploitant d'une carrière d'assurer le respect de la zone de protection et de tenir compte de la situation géologique de la zone ; que la Cour d'appel, pour rejeter les demandes formées par Mme X... contre la société INNOV TP, a retenu que suivant le règlement général des industries extractives, l'exploitant était responsable de l'exploitation de sa carrière, des limites de son exploitation, de la définition de la hauteur des gradins, du suivi de l'évolution géologique de la zone, et définissait les cas et conditions dans lesquelles le plan de tir pouvait être modifié, de sorte que la responsabilité de l'exploitant pouvait donc être recherchée tant sur le plan de la sécurité que sur le plan technique ; qu'en statuant ainsi, et tout en constatant qu'une rupture du front de taille avait été constatée, provoquant une importante instabilité de la carrière, à la suite de tirs effectués les 10 et 17 novembre 2005, par la société INNOV TP, à laquelle Mme X..., exploitante, avait fait appel pour réaliser l'abattage des roches par un procédé d'abattage-minage, et que l'entreprise avait assuré la foration des trous de mines, leurs emplacements et leurs profondeurs, défini les quantités et la qualité des explosifs à mettre en oeuvre dans les trous préparés, et commandé les quantités d'explosifs et le détonateur nécessaires au tir, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil ;
3°/ Alors que tout jugement doit, à peine de nullité, être motivé ; que les juges du fond, pour rejeter les demandes formées par Mme X... contre la société INNOV TP, ont retenu : «Mme X... ne peut valablement soutenir que le non respect de la distance de sécurité de 10 mètres résulte seulement de la rupture du front de taille alors que l'expert a observé un recul du front de carrière actuel d'une cinquantaine de mètres depuis son ouverture et que le "Relevé topographique 2 du 26/11/05" (page 190 du rapport) détermine la limite de propriété d'après le plan des lieux établi le 14.11.05 par M. Z..., géomètre, indique que la zone exploitée pénètre sur 5 mètres dans la propriété de M. A...» ; qu'en statuant ainsi, et tout en constatant qu'une rupture du front de taille avait été constatée, à la suite de tirs effectués les 10 et 17 novembre 2005, par la société INNOV TP, à laquelle Mme X..., exploitante, avait fait appel pour réaliser l'abattage des roches par un procédé d'abattage-minage, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ Alors que toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages-intérêts, en cas d'inexécution de la part du débiteur, et les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé ; que la Cour d'appel, qui a sanctionné le manquement de la société INNOV TP à son obligation de conseil envers Mme X... par le rejet des demandes reconventionnelles formées par la société INNOV TP, tendant au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et de sommes dues au titre de factures avec intérêts, sans évaluer le montant du préjudice subi par Mme X..., a violé les articles 1142 et 1149 du code civil, ensemble l'article 4 du même code.