LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° U 09-14.336 et Y 09-68.321 en raison de leur connexité ;
Sur le premier moyen, commun aux deux pourvois :
Vu l'article L. 312-10, alinéa 2, du code de la consommation ;
Attendu que selon acte reçu par M. X..., notaire, le 27 juillet 1998, la caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence (la banque) a consenti à la SCI Les Basses Plaines un prêt immobilier de 850 000 francs pour le paiement duquel M. et Mme Y... ainsi que M. et Mme Z... se sont, dans l'acte, portés cautions solidaires, dans la limite de 1 020 000 francs ; que la SCI Les Basses Plaines a été mise en liquidation judiciaire et l'immeuble vendu ; que la banque a fait assigner les époux Y... et les époux Z... en paiement solidaire, en leur qualité de cautions, de la somme de 133 737,11 euros, outre intérêts ;
Attendu que pour débouter M. et Mme Y... et M. et Mme Z... de leur demande en nullité de leur engagement de caution, la cour d'appel a relevé que seule restant indéterminée la durée séparant l'offre de l'acceptation, la sanction du non-respect des dispositions de l'article L. 312-10, alinéa 2, du code de la consommation n'est pas la nullité de l'acte mais la déchéance du droit aux intérêts ;
Qu'en statuant ainsi alors que la méconnaissance du délai d'acceptation de dix jours est sanctionnée par la nullité de l'engagement de caution, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 septembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée ;
Condamne la caisse de crédit agricole mutuel Alpes Provence aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la caisse de crédit agricole mutuel alpes Provence à payer aux époux Y... la somme de 2 000 euros, et en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la même somme à Me Jacoupy, avocat des époux Z... ; rejette les demandes de la caisse de crédit agricole mutuel Alpes Provence ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi n° U 09-14.336 par de Me Jacoupy, avocat aux Conseils pour les époux Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les époux Y... de leur demande en nullité de leur engagement de caution,
AUX MOTIFS
«Que les dispositions de l'article L 312-10, alinéa 2, étant d'ordre public, il n'est pas possible d'y renoncer ; que les actes des officiers ministériels ne font foi que de leurs propres constatations, qu'admettre que la preuve du respect du délai puisse résulter d'une déclaration faite au notaire par la caution permettrait d'y renoncer de fait ; que seule restant indéterminée la durée séparant l'offre de l'acceptation, la sanction du non respect des dispositions légales susvisées n'est pas la nullité de l'acte mais la déchéance du droit aux intérêts »,
ALORS QUE
Si l'inobservation des règles de forme relatives aux modalités d'acceptation de l'offre de prêt immobilier est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts, la méconnaissance du délai d'acceptation de 10 jours l'est par la nullité de l'engagement de caution ; qu'ainsi, la Cour d'Appel, qui constatait que restait « indéterminée la durée séparant l'offre de l'acceptation », a, en déboutant les époux Y... de leur demande de nullité de leur engagement de caution, violé les dispositions de l'article L 312-10 du Code de la Consommation.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné les époux Y..., solidairement avec les époux Z..., à payer à la Caisse de Crédit Agricole ALPES PROVENCE la somme de 95.122,01 € avec intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2002,
AUX MOTIFS QUE
«Du fait de la déchéance du droit aux intérêts pour le motif ci-avant, le CREDIT AGRICOLE ne peut prétendre aux échéances arriérées, mélangées de capital, intérêts et assurances, dont il n'a pas fait le décompte; qu'il convient de lui allouer le seul capital restant dû à la déchéance du terme, soit 793.981,31 F. ou 121.041,67 € ; que la créance du CREDIT AGRICOLE étant ramenée à la somme de 119.037,62 € à la suite de l'acompte de 40.000 € perçu le 24 octobre 2002 sur le prix de vente de l'immeuble, l'intimé est fondé en sa demande de confirmation du jugement déféré, sauf à assortir la somme allouée de l'intérêt au taux légal à compter du 24 octobre 2002 »,
ALORS QUE
La Cour d'Appel, après avoir décidé qu'il convenait d'allouer au CREDIT AGRICOLE le seul capital restant dû à la déchéance du tenue, soit 121.041,67 €, et constaté que cet établissement avait perçu une somme de 40.000 € le 24 octobre 2002 sur le prix de vente de l'immeuble, ce dont il résultait que sa créance s'établissait à 81.041,67 € (et non 119.037,62 €), a, en confirmant le jugement qui avait condamné solidairement les cautions au paiement d'une somme de 95.122,01 €, méconnu les conséquences de ses propres constatations et violé l'article 1134 du Code Civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les époux Y... de leur demande tendant à voir dire et juger que le CREDIT AGRICOLE avait commis une faute engageant sa responsabilité à leur égard et de le voir condamné au paiement d'une somme de 150.000 € à titre de dommages-intérêts,
AUX MOTIFS, ADOPTES DES PREMIERS JUGES,
« Que les époux Y... prétendent que leur engagement de caution était manifestement disproportionné à leur patrimoine et à leurs ressources ; attendu que les époux Y... sont propriétaires d'une maison, qu'en 1998 leurs revenus se sont élevés à 97.280 F., soit en moyenne 8.100 F. par mois, qu'ils ont toutefois payé 7.200 F., soit 600 F. par mois au titre d'une pension alimentaire ; attendu que si l'on tient compte du fait que l'immeuble acquis à l'aide du prêt cautionné était susceptible de procurer des revenus locatifs, l'engagement des époux Y... n'était pas disproportionné à leurs biens et revenus »,
ALORS, D'UNE PART, QUE
En se déterminant ainsi, sans préciser si Monsieur Y... et son épouse avaient chacun la qualité de caution non avertie et, dans l'affirmative, si, conformément au devoir de mise en garde auquel il était tenu à leur égard lors de la conclusion du contrat, le CREDIT AGRICOLE justifiait avoir satisfait à cette obligation au regard des capacités financières de chacun d'eux et des risques de l'endettement né de l'octroi du prêt, la Cour d'Appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du Code Civil,
ALORS, D'AUTRE PART, QUE
En se déterminant par des motifs impropres à écarter, à la date de sa souscription, le caractère disproportionné de l'engagement au regard des revenus et du patrimoine des cautions, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code Civil.Moyens produits au pourvoi n° Y 09-68.321 par de Me Jacoupy, avocat aux Conseils pour les époux Z....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les époux Z... de leur demande en nullité de leur engagement de caution,
AUX MOTIFS
« Que les dispositions de l'article L 312-10, alinéa 2, étant d'ordre public, il n'est pas possible d'y renoncer ; que les actes des officiers ministériels ne font foi que de leurs propres constatations, qu 'admettre que la preuve du respect du délai puisse résulter d'une déclaration faite au notaire par la caution permettrait d'y renoncer de fait ; que seule restant indéterminée la durée séparant l 'offre de l 'acceptation, la sanction du non respect des dispositions légales susvisées n'est pas la nullité de l'acte mais la déchéance du droit aux intérêts »,
ALORS QUE
Si l'inobservation des règles de forme relatives aux modalités d'acceptation de l'offre de prêt immobilier est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts, la méconnaissance du délai d'acceptation de 10 jours l'est par la nullité de l'engagement de caution ; qu'ainsi, la Cour d'Appel, qui constatait que restait « indéterminée la durée séparant l 'offre de l 'acceptation », a, en déboutant les époux Z... de leur demande de nullité de leur engagement de caution, violé les dispositions de l'article L 312-10 du Code de la Consommation.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné les époux Z..., solidairement avec les époux Y..., à payer à la Caisse de Crédit Agricole ALPES PROVENCE la somme de 95.122,01 € avec intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2002,
AUX MOTIFS QUE
« Du fait de la déchéance du droit aux intérêts pour le motif ci-avant, le CREDIT AGRICOLE ne peut prétendre aux échéances arriérées, mélangées de capital, intérêts et assurances, dont il n'a pas fait le décompte ; qu'il convient de lui allouer le seul capital restant dû à la déchéance du terme, soit 793.981,31 F. ou 121.041,67 € ; que la créance du CREDIT AGRICOLE étant ramenée à la somme de 119.037,62 € à la suite de l'acompte de 40.000 € perçu le 24 octobre 2002 sur le prix de vente de l'immeuble, l'intimé est fondé en sa demande de confirmation du jugement déféré, sauf à assortir la somme allouée de 1 'intérêt au taux légal à compter du 24 octobre 2002 »,
ALORS QUE
La Cour d'Appel, après avoir décidé qu'il convenait d'allouer au CREDIT AGRICOLE le seul capital restant dû à la déchéance du terme, soit 121.041,67 €, et constaté que cet établissement avait perçu une somme de 40.000 € le 24 octobre 2002 sur le prix de vente de l'immeuble, ce dont il résultait que sa créance s'établissait à 81.041,67 € (et non 119.037,62 €), a, en confirmant le jugement qui avait condamné solidairement les cautions au paiement d'une somme de 95.122,01 €, méconnu les conséquences de ses propres constatations et violé l'article 1134 du Code Civil.