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23/11/2010 | FRANCE | N°09-43005

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 23 novembre 2010, 09-43005


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé par la société Air France en juillet 1985 a été mis à la retraite le 31 mars 2007 avant l'âge de 65 ans ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, d'indemnités compensatrices de préavis, de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, qu'il résulte des termes non amb

igus du courrier que lui a adressé le 1er novembre 2004 la société Air France, se...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé par la société Air France en juillet 1985 a été mis à la retraite le 31 mars 2007 avant l'âge de 65 ans ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, d'indemnités compensatrices de préavis, de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, qu'il résulte des termes non ambigus du courrier que lui a adressé le 1er novembre 2004 la société Air France, selon lesquels "Vous pourrez, à tout moment, si vous le souhaitez, faire valoir vos droits à la retraite à une date que vous aurez déterminée, sous réserve du délai de prévenance réglementaire", que la société Air France s'était engagée vis-à-vis du salarié à ne pas procéder à sa mise à la retraite sans son accord, avant qu'il ait atteint l'âge de 65 ans ; qu'en estimant le contraire, la cour d'appel a dénaturé ce courrier, et ainsi violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu que, hors toute dénaturation, la cour d'appel a, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, estimé que l'employeur n'avait pas pris l'engagement de s'abstenir de mettre le salarié à la retraite avant l'âge de 65 ans ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles 1315 du code civil et 4.1 de l'accord du 13 avril 2005 relatif au départ et mise à la retraite pour le personnel au sol des entreprises de transport aérien ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour inobservation de la procédure conventionnelle de mise à la retraite, l'arrêt retient qu'il ne résulte pas des documents produits par le salarié que celui-ci a reçu tardivement sa convocation à l'entretien individuel et qu'il n'est pas établi que son absence à l'entretien lui a causé un préjudice ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'employeur, tenu en vertu de l'article 4.1 de l'accord du 13 avril 2005, de procéder à un entretien avant de notifier sa mise à la retraite au salarié, d'établir qu'il avait informé en temps utile M. X... de la date de son entretien et alors que l'absence d'un tel entretien cause nécessairement au salarié un préjudice qu'il appartient au juge de réparer selon son étendue, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure conventionnelle de mise à la retraite, l'arrêt rendu le 24 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bastia, autrement composée ;
Condamne la société Air France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande principale de condamnation de la Société AIR FRANCE au paiement de sommes au titre d'indemnité pour non-respect de la procédure, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement,
AUX MOTIFS QU'à titre principal, Monsieur X... soutient que sa mise à la retraite par l'employeur avant l'âge de 65 ans est contraire aux dispositions de la loi du 21 décembre 2006 et s'analyse en conséquence en une rupture abusive du contrat de travail ;
QUE, toutefois, selon les dispositions de cette loi, reprises à l'article L. 122-14-13 ancien du Code du travail, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, les accords conclus et étendus avant la publication de la loi, déterminant des contreparties en termes d'emploi ou de formation professionnelle et fixant un âge de mise à la retraite inférieur à 65 ans cessent de produire leurs effets au 31 décembre 2009 ; qu'en l'espèce, il est constant que la S.A. Air France a procédé à la mise à la retraite d'office de Monsieur X... en application de l'accord de branche du 13 avril 2005, étendu par arrêté ministériel du 16 janvier 2006 et applicable à l'entreprise depuis le 6 mai 2006 ;
QUE Monsieur X... n'est donc pas fondé à soutenir que sa mise à la retraite contrevient à la loi du 21 décembre 2006 fixant l'âge minimum de mise à la retraite d'office à 65 ans et interdisant la signature d'accord collectif prévoyant la possibilité d'une mise à la retraite d'office avant l'âge de 65 ans, alors que cette mise à la retraite lui a été notifiée par lettre du 30 juin 2006, soit avant l'entrée en vigueur de la loi du 21 décembre 2006 publiée au Journal Officiel du 22 décembre 2006, et que cette mise à la retraite intervient dans le cadre de l'accord du 13 avril 2005, ainsi qu'il était rappelé dans la lettre du 30 juin 2006, lequel produit ses effets jusqu'au 31 décembre 2009 ; qu'en conséquence, la mise à la retraite d'office avant l'âge de 65 ans n'est pas illicite ;
QUE Monsieur X... invoque ensuite une lettre de l'employeur du 1er novembre 2004, ayant selon lui valeur d'engagement de ne pas procéder à sa mise à la retraite avant l'âge de 65 ans ; que cette lettre est rédigée en ces termes : « Faisant suite à votre courrier, nous prenons acte de votre souhait de ne pas vous inscrire dans une démarche de départ à la retraite à la date du 31 novembre 2004, date à laquelle vous pouvez bénéficier d'une retraite à taux plein. Vous pourrez à tout moment si vous le souhaitez faire valoir vos droits à la retraite à une date que vous aurez déterminée, sous réserve du respect du délai de prévenance réglementaire. » ;
QU'il en ressort d'abord qu'il s'agit d'une réponse à une démarche du salarié ayant pris l'initiative d'informer l'employeur qu'il ne ferait pas valoir ses droits à la retraite à l'âge de 60 ans ; que l'employeur y aborde donc la seule question du départ à la retraite à l'initiative du salarié ; qu'au premier paragraphe, il se borne à prendre acte du souhait du salarié de ne pas partir en retraite à la fin du mois de novembre 2004 où il aura atteint l'âge de 60 ans, pour être né le 13 novembre 1944, sans manifestation ni recueil d'intention ni a fortiori engagement de part ou d'autre quant à l'avenir ; et qu'ainsi, au second paragraphe, il rappelle à l'intéressé que son souhait initial ne vaut que pour le présent ; qu'il ne s'infère donc pas des termes de la lettre un quelconque accord entre les parties ni un engagement unilatéral de l'employeur sur la question générale et différente de la mise à la retraite par l'employeur avant l'âge de 65 ans, étant observé que Monsieur X... ne démontre ni même n'allègue avoir alors interrogé l'employeur sur ses propres intentions en la matière ni lui avoir indiqué qu'il souhaitait poursuivre son activité jusqu'à l'âge de 65 ans ; que, dès lors, la discussion qu'instaure Monsieur X... quant à la régularité de la suppression d'un avantage prétendument acquis de soumettre son départ à la retraite avant l'âge de 65 ans à sa seule initiative, sur la base de l'unique élément que constitue la lettre du 1er novembre 2004 est inopérante ;
QU'il résulte de ces constatations que Monsieur X... n'établit pas le caractère irrégulier et infondé de sa mise à la retraite par l'employeur à effet du 31 mars 2007, à l'âge de 62 ans et demi ; que, par voie de conséquence, il sera débouté de ses demandes indemnitaires liées au caractère abusif de la rupture de son contrat de travail ;
ALORS QU'il résulte des termes non ambigus du courrier adressé le 1er novembre 2004 par la Société AIR FRANCE à Monsieur X..., selon lesquels « Vous pourrez, à tout moment, si vous le souhaitez, faire valoir vos droits à la retraite à une date que vous aurez déterminée, sous réserve du délai de prévenance réglementaire », que la Société AIR FRANCE s'était engagée vis-à-vis du salarié à ne pas procéder à sa mise à la retraite sans son accord, avant qu'il ait atteint l'âge de 65 ans ; qu'en estimant le contraire, la Cour d'appel a dénaturé ce courrier, et ainsi violé l'article 1134 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de sa demande subsidiaire de dommages-intérêts,
AUX MOTIFS QU'à titre subsidiaire, Monsieur X... expose avoir été privé de l'entretien individuel préalable à la décision de l'employeur de mise à la retraite d'office, tel que prévu par l'accord du 13 avril 2005 ; qu'ainsi, il considère ne pas avoir pu informer l'employeur des éléments de sa situation familiale plaidant en faveur d'un maintien dans l'activité, de sorte que cette irrégularité lui a causé un préjudice dont il demande réparation à hauteur de 129.252 €, soit 43.084 € par an jusqu'à l'âge de 65 ans, étant observé à cet égard, d'abord qu'en 2006, dernière année complète d'activité, il a déclaré un revenu total annuel de 46 429 euros, et ensuite qu'il affirme dans ses écritures que sa mise à la retraite à taux plain représenterait une perte financière de 70% de ses ressources sic ;
QUE par lettre du 19 juin 2006, portant en objet : CONVOCATION A ENTRETIEN INDIVIDUEL ET MENTIONNANT : À REMETTRE EN MAINS PROPRES, la S.A Air France a convoqué Monsieur X... à un entretien fixé au 26 juin 2006 afin de 'Vous informer de notre intention de vous mettre à la retraite et recueillir vos éventuelles remarques concernant des situations personnelles, familiales ou financières particulières" ;
QU'il est constant que Monsieur X... ne s'est pas rendu à cet entretien ; qu'il indique n'avoir réceptionné le courrier du 19 juin 2006 que le 29 juin 2006 ; que certes, la photocopie du feuillet postal versé en pièce 22 du dossier pour établir cette réception tardive, montre qu'il concerne un courrier posté le 26 juin 2006 et distribué le 29 juin 2006 sous une signature X..., qui toutefois n'est manifestement pas celle de l'intéressé, mais qu'en revanche, les coordonnées du destinataire comme de l'expéditeur de ce courrier sont illisibles, pratiquement blanches ; que la preuve n'est donc pas rapportée de l'expédition et de la remise tardives au salarié de la lettre du 19 juin 2006, comme étant à l'origine de la privation de l'entretien prévu ;
QU'ensuite Monsieur X... a fait valoir par lettre du 17 juillet 2006, n'évoquant d'ailleurs pas son absence à l'entretien individuel en raison d'une réception tardive de la lettre l'informant de sa date, que la mise à la retraite d'office lui causerait un préjudice moral et financier ; qu'à la suite de ce courrier et au vu des éléments de situation personnelle du salarié, l'employeur a reporté de trois mois la prise d'effet de la mise à la retraite ; qu'il ne ressort donc pas du dossier que l'absence de Monsieur X... à l'entretien prévu ci-dessus a empêché l'employeur d'examiner sa situation personnelle et qu'il en aurait subi un préjudice ;
QUE les éléments de situation personnelle apportés par Monsieur X... concernent ses deux fils âgés de 35 et 37 ans, en activité professionnelle et attestant d'un soutien financier de leur père, soit pour contribuer au remboursement par un des fils d'un emprunt immobilier dont l'échéance mensuelle est de 188,35 euros, soit pour soutenir, sans autre précision, en l'absence notamment de production de ses bilans, une SARL LNG Informatique créée en 2001 et dans laquelle l'autre fils détient 49 % du capital, ainsi que sa fille âgée de 25 ans et poursuivant le projet d'intégrer une équipe professionnelle de football féminin en Italie ; qu'il ressort ainsi de l'avis d'impôt sur le revenu 2006 de Monsieur X... qu'il déduit une somme de 4 489 euros à titre de pension alimentaire versée à un enfant majeur ; qu'au vu de ces éléments, la S.A Air France est fondée à faire valoir que la situation personnelle de Monsieur X... ne présente pas les caractéristiques de difficultés financières majeures susceptibles de justifier un report jusqu'à l'âge de 65 ans de la mise à la retraite, étant aussi relevé que l'accord du 13 avril 2005 prévoit seulement que "/es salariés qui le souhaitent informent l'employeur de situations personnelles, familiales ou financières particulières", sans obligation ni modalité particulière de prise en compte ;
ALORS, D'UNE PART, QUE selon l'article 4.1 de l'accord du 13 avril 2005 relatif au départ et à la mise à la retraite dans le transport aérien, la notification par l'employeur de la mise à la retraite d'un salarié âgé de plus de 60 ans et de moins de 65 ans est précédée d'un entretien individuel permettant à l'employeur d'informer le salarié de son intention de le mettre à la retraite, qui doit permettre également aux salariés qui le souhaiteront d'informer leur employeur de situations personnelles, familiales ou financières particulières ; qu'il appartient à l'employeur, débiteur de cette obligation, de démontrer qu'il s'en est acquitté ; qu'en écartant le grief de Monsieur X... faisant valoir que la lettre datée du 19 juin 2006 pour l'entretien du 26 juin suivant ne lui était parvenue que le 29 juin, au motif que la preuve n'était pas rapportée de l'expédition et de la remise tardive au salarié de cette lettre comme étant à l'origine de la privation de l'entretien prévu, la Cour d'appel a renversé la charge de la preuve et ainsi violé l'article 1315 civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en estimant qu'il ne ressortait pas du dossier que l'absence de Monsieur X... à l'entretien prévu avait empêché l'employeur d'examiner la situation personnelle de Monsieur X... et qu'il en aurait subi un préjudice, alors que la non-tenue de cet entretien du fait de l'employeur entraînait nécessairement, pour le salarié, un préjudice qu'il appartenait à la Cour d'appel d'évaluer et de réparer, celle-ci a violé l'article 4.1 de l'accord du 13 avril 2005 et l'article 1147 du Code civil ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE les dispositions prévoyant que la notification au salarié de sa mise à la retraite sera précédée d'un entretien permettant aux salariés qui le souhaiteront d'informer leur employeur de situations personnelles, familiales ou financières particulières, imposent à l'employeur de prendre en compte de telles situations dans sa décision ; qu'en estimant que cette disposition n'imposait à l'employeur ni obligation ni modalité particulière de prise en compte, la Cour d'appel a violé l'article 4.1 de l'accord du 13 avril 2005 relatif au départ et à la mise à la retraite du personnel au sol des entreprises de transport aérien ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QU'en énonçant que la Société AIR FRANCE était fondée à faire valoir que la situation personnelle de Monsieur X... ne présentait pas le caractère de difficultés financières majeures susceptibles de justifier un report jusqu'à l'âge de 65 ans de la mise à la retraite, alors qu'il ne résulte pas de l'article 4.1 de l'accord du 13 avril 2005, que les situations personnelles, familiales ou financières particulières de nature à exclure une mise à la retraite, soient nécessairement constituées par des difficultés financières majeures, la Cour d'appel a de plus fort violé l'article 4.1 de l'accord ;
ALORS, ENFIN, SUBSIDIAIREMENT, QU'en excluant l'existence de « difficultés financières majeures » de nature à justifier qu'il ne soit pas décidé de la mise à la retraite de Monsieur X..., sans s'expliquer ainsi qu'elle y était invitée sur le fait que Monsieur X... était marié et que son salaire constituait le seul revenu du ménage, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision en regard de l'article 4.1 de l'accord du 13 avril 2005 relatif au départ et à la mise à la retraite.
Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-43005
Date de la décision : 23/11/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bastia, 24 juin 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 23 nov. 2010, pourvoi n°09-43005


Composition du Tribunal
Président : M. Chauviré (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.43005
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