LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X... et Mme Y... se sont mariés sous le régime de la communauté universelle, le contrat de mariage stipulant, en cas de dissolution de la communauté pour une autre cause que le décès de l'un des époux, une clause de reprise des biens apportés par l'un des époux ou advenus à titre personnel pendant la durée du régime ; que leur divorce a été prononcé par un jugement du 12 mars 2002 aux torts exclusifs de l'épouse ; que, lors des opérations de liquidation et de partage de la communauté, M. X... a demandé le report des effets du divorce, en ce qui concerne les biens des époux, à la date de leur séparation de fait ; qu'ayant reçu par donation, au cours du mariage, la moitié indivise en nue-propriété d'un immeuble, Mme Y... s'est prévalue de la clause de reprise des apports ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Amiens, 4 mars 2009) d'avoir rejeté sa demande tendant au report des effets du jugement de divorce à la date de la séparation de fait, alors, selon le moyen, que les effets du divorce peuvent être reportés à la date où les époux ont cessé de cohabiter et de collaborer ; que la cessation de la cohabitation fait présumer celle de la collaboration ; que la seule circonstance qu'une épouse séparée de fait ait contracté un emprunt, conjointement avec son mari, ne suffit pas à caractériser la collaboration ; qu'en se bornant à relever cet élément pour rejeter la demande de report des effets du divorce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 262-1 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause issue de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 ;
Mais attendu que l'existence de relations patrimoniales entre les époux, résultant d'une volonté commune, allant au-delà des obligations découlant du mariage ou du régime matrimonial, caractérise le maintien de la collaboration des époux ; qu'ayant relevé qu'après la séparation, l'épouse s'était portée co-emprunteur, avec son mari, du prêt souscrit pour financer les travaux d'amélioration et d'aménagement de l'appartement que ce dernier venait d'acquérir, la cour d'appel a pu déduire de ce fait la volonté des époux de poursuivre leur collaboration après la cessation de leur cohabitation ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. X... fait enfin grief à l'arrêt d'avoir jugé que l'immeuble donné à Mme
Y...
par ses parents n'était pas commun, alors, selon le moyen, que, quand le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'un des époux, celui-ci perd de plein droit toutes les donations et tous les avantages matrimoniaux que son conjoint lui avait consentis ; que la clause d'un contrat de mariage prévoyant, dans le régime de communauté universelle, la reprise par les époux, en cas de divorce, des biens qui seraient entrés en communauté de leur chef à titre personnel et gratuit, constitue un avantage matrimonial ; que le divorce ayant été prononcé aux torts exclusifs de Mme
Y...
, la cour d'appel ne pouvait donc faire application d'une telle clause à son profit, sans violer les articles 1134 et 267, dans sa rédaction applicable à la l'espèce, du code civil ;
Mais attendu que la clause de reprise des apports stipulée au contrat de mariage portant adoption du régime de la communauté universelle ne confère aux époux aucun avantage matrimonial ; que le moyen est inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par de la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de M. X... tendant au report des effets du jugement de divorce à la date de la séparation de fait ;
AUX MOTIFS QUE l'ancien article 262-1 du code civil, applicable en l'espèce, dispose en son alinéa 2 que les époux peuvent, l'un ou l'autre, demander, s'il y a lieu, que l'effet du jugement soit reporté à la date où ils ont cessé de cohabiter et de collaborer mais que celui auquel incombent à titre principal les torts de la séparation ne peut pas obtenir ce report ; QUE la demande de report déposée par M. X... est donc recevable, le divorce ayant été prononcé aux torts exclusifs de Mme
Y...
; QU'il n'est pas contesté que la cohabitation des époux a cessé le 15 mai 1997 ; QUE si le règlement par les époux de dépenses de communauté et l'absence de clôture d'un compte commun ne sauraient caractériser à eux seuls des actes de collaboration entre les époux au sens de l'article précité, le fait en revanche que Mme Y... se soit portée co-empruntrice avec son époux de l'emprunt souscrit le 9 août 1997 à hauteur de 62 000 francs pour des travaux d'amélioration et d'aménagement de l'appartement situé au ..., que son époux venait d'acquérir 9 jours avant, suffit à caractériser cette collaboration, cet acte dépassant les simples obligations des époux découlant du mariage et du régime matrimonial ; QUE la collaboration entre les époux a continué après le 9 août 1997 puisque, en signant l'offre préalable de prêt, Mme Y... s'est engagée à le rembourser solidairement avec son époux pendant cinq ans ; QU'il convient en conséquence de ne pas reporter la date des effets du divorce quant à leurs biens et de constater que le divorce a pris effet dans les rapports entre époux, quant à leurs biens, au 13 janvier 2000, date de l'assignation en divorce, par application de l'article 262-1 alinéa premier du code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 26 mai 2004 ayant réformé le divorce ; QUE le jugement entrepris sera donc réformé de ce chef ;
ALORS QUE les effets du divorce peuvent être reportés à la date où les époux ont cessé de cohabiter et de collaborer ; que la cessation de la cohabitation fait présumer celle de la collaboration ; que la seule circonstance qu'une épouse séparée de fait ait contracté un emprunt conjointement avec son mari, ne suffit pas à caractériser la collaboration ; qu'en se bornant à relever cet élément pour rejeter la demande de report des effets du divorce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 262-1 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause issue de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est encore reproché à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les demandes subsidiaires de M. X... tendant à l'obtention d'une récompense pour les sommes qui avaient servi à acquérir ou à améliorer l'appartement situé ...;
AUX MOTIFS QUE le contrat de'mariage prévoit que la communauté de biens universelle adoptée par les époux comprendra la totalité des biens mobiliers et immobiliers de toute nature que les futurs époux possèdent actuellement et tous ceux qui pourront leur advenir et échoir par la suite, à quelque titre que ce soit. y compris les biens que l'article 1404 du code civil déclare propres par leur nature, sans aucune exception ni réserve ; QUE les dépenses d'acquisition et de travaux ont été réalisées avant la dissolution de la communauté. M. X..., qui ne démontre pas en quoi les fonds employés, y compris les deniers ayant fait l'objet d'un don manuel de sa mère. seraient des fonds propres par dérogation au régime de communauté conventionnellement adopté par les époux, devra être débouté purement et simplement de sa demande de récompenses ;
ALORS QUE le contrat de mariage stipulait (p. 2, dernier alinéa) que les époux pourraient reprendre les biens qui « qui leur sont advenus et échus par la suite à un titre personnel et gratuit » ; qu'en refusant néanmoins à M. X... la reprise des deniers donnés par sa mère et ayant servi à améliorer un immeuble déclaré commun, deniers qui lui étaient ainsi échus à titre personnel et gratuit, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1467 et 1469 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est encore reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que l'immeuble donné à Mme
Y...
par ses parents n'était pas commun :
AUX MOTIFS QU'il s'agit d'un immeuble qui a échu pour sa moitié indivise en nue-propriété à Mme
Y...
à la suite d'une donation en avancement d'hoirie qui lui a été faite par ses parents le 27 juillet 1993 ;
QUE le contrat de mariage prévoit avant tout partage une clause de prélèvement par les époux, en cas de dissolution de la communauté par une cause autre que le décès, des biens tombés dans la communauté de leur chef et considérés comme propres par le régime légal ; QUE le bien susvisé entre dans cette catégorie ; QUE la licéité de cette clause n'est pas contestée par M. X... ; QUE la stipulation des époux ne peut en tout état de cause être valable pour l'un des époux et nulle à l'égard de l'autre, comme l'affirme à tort le premier juge ; QUE cette clause, stipulée par les époux dans leur contrat de mariage, permet à Mme
Y...
, en cas de dissolution de la communauté par une autre cause que le décès, notamment en cas de divorce, de prélever, avant tout partage de la communauté, la part de l'immeuble qui lui a ainsi échu à titre gratuit ; QUE le régime matrimonial choisi par les époux exclut donc le bien litigieux des avantages matrimoniaux, en cas de divorce ; QUE dès lors, M. X... ne peut se prévaloir de l'ancien article 267 du code civil, qui, tout en étant d'ordre public comme l'a rappelé à juste titre le premier juge, ne trouve pas à s'appliquer au bien faisant l'objet du droit de reprise de Mme
Y...
; QUE le jugement sera donc réformé de ce chef, Mme
Y...
pouvant à juste titre exercer son droit de reprise sur ce bien ;
ALORS QUE quand le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'un des époux, celui-ci perd de plein droit toutes les donations et tous les avantages matrimoniaux que son conjoint lui avait consentis ; que la clause d'un contrat de mariage prévoyant, dans régime de communauté universelle, la reprise par les époux, en cas de divorce, des biens qui seraient entrés en communauté de leur chef à titre personnel et gratuit, constitue un avantage matrimonial ; que le divorce ayant été prononcé aux torts exclusifs de Mme
Y...
, la cour d'appel ne pouvait donc faire application d'une telle clause à son profit, sans violer les articles 1134 et 267, dans sa rédaction applicable à la l'espèce, du code civil.