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17/11/2010 | FRANCE | N°09-65081

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 novembre 2010, 09-65081


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Elf Antar France, aux droits de laquelle ont succédé la société Total France puis la société Total Raffinage Marketing (ci-après la société Total), a conclu avec la société à responsabilité limitée

X...

, représentée par ses deux gérants, M. et Mme X..., le 23 juillet 1996, un contrat dit "contrat de gérance" expirant le 31 octobre 1999 ; qu'aux termes de ce contrat, la société
X...
se voyait confier l'exploitation d'un fonds de

commerce, composé d'une station-service et d'un magasin de vente de produits alimentaires et no...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Elf Antar France, aux droits de laquelle ont succédé la société Total France puis la société Total Raffinage Marketing (ci-après la société Total), a conclu avec la société à responsabilité limitée

X...

, représentée par ses deux gérants, M. et Mme X..., le 23 juillet 1996, un contrat dit "contrat de gérance" expirant le 31 octobre 1999 ; qu'aux termes de ce contrat, la société
X...
se voyait confier l'exploitation d'un fonds de commerce, composé d'une station-service et d'un magasin de vente de produits alimentaires et non alimentaires, dans le cadre d'un mandat pour la distribution de carburant et d'une location-gérance pour les autres produits et services ; que, le 3 décembre 1997, ce contrat a été résilié à compter du 6 janvier 1998 ; qu'un second contrat dit "contrat de location-gérance", expirant à la date du 30 janvier 2001, reportée au 31 juillet 2001, a été conclu entre les mêmes parties, le 14 janvier 1998, pour l'exploitation d'un autre fonds de commerce de station-service ; que la société Total a, par lettre du 21 mai 2001, mis fin aux relations contractuelles à compter du 31 juillet 2001 ; que, le 11 février 2005, M. et Mme X... ont saisi la juridiction prud'homale pour faire juger que l'article L. 781-1 du code du travail leur était applicable ; que la Cour de cassation a, par arrêt du 2 juillet 2008, rejeté le pourvoi formé par la société Total contre l'arrêt du 11 mai 2007 rectifié par un arrêt du 10 juin 2008 de la cour d'appel de Versailles qui, statuant sur un contredit de cette dernière société, a dit que les dispositions de l'article L. 781-1 du code du travail alors applicables régissaient les relations des parties ; que l'arrêt du 14 novembre 2008 par lequel la cour d'appel a statué sur le fond des demandes a été frappé de pourvoi ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Total fait grief à l'arrêt de dire que les dispositions du Livre 1, 3e et 4e parties visées à l'article L.7321-3 du code du travail étaient applicables aux époux X..., alors, selon le moyen :
1°/ que le chef d'entreprise qui fournit les marchandises ou pour le compte duquel sont recueillies les commandes ou sont reçues les marchandises à traiter, manutentionner ou transporter n'est responsable de l'application aux gérants salariés de succursales des dispositions du livre 1er de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés et de celles de la quatrième partie relatives à la santé et à la sécurité au travail que s'il a fixé les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord ; qu'en ne déterminant pas qui, des époux X... ou de la société Total Raffinage Marketing, fixait les conditions de travail au sein des stations service, la cour d'appel a violé l'article L. 7321-3 du code du travail ;
2°/ que le chef d'entreprise qui fournit les marchandises ou pour le compte duquel sont recueillies les commandes ou sont reçues les marchandises à traiter, manutentionner ou transporter n'est responsable de l'application aux gérants salariés de succursales des dispositions du livre 1er de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés et de celles de la quatrième partie relatives à la santé et à la sécurité au travail que s'il a fixé les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord ; que la cour d'appel a constaté que les époux X... avaient engagé du personnel et disposaient d'une large autonomie dans l'organisation de leur service entre les diverses personnes y concourant ; qu'en ne vérifiant pas si cette circonstance n'était pas de nature à exclure la mise en oeuvre des dispositions du livre 1, 3e et 4e parties du code du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 7321-3 du code du travail ;
3°/ que le chef d'entreprise qui fournit les marchandises ou pour le compte duquel sont recueillies les commandes ou sont reçues les marchandises à traiter, manutentionner ou transporter n'est responsable de l'application aux gérants salariés de succursales des dispositions du livre 1er de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés et de celles de la quatrième partie relatives à la santé et à la sécurité au travail que s'il a fixé les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord ; que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi entre les parties ; que l'article 49 du contrat de location gérance conclu le 23 juillet 1996 prévoit que « la société embauche et gère librement le personnel nécessaire à la bonne exploitation du fonds. Elle fixe les rémunérations et l'horaire de travail. Elle est responsable de l'application des lois sociales au personnel qu'elle embauche. ... » ; que l'article 50 du même contrat stipule que « la société, en tant que chef d'établissement sur la station-service, fixera librement les conditions de travail, d'hygiène et de sécurité du personnel. Elle sera donc seule responsable de la constante application de ces règles par elle-même, ses préposés ou les tiers admis dans l'enceinte de la station-service» ; que l'article 3.2, alinéa 2 du contrat conclu le 14 janvier 1998 prévoit que « … la société tenue de gérer le fonds de commerce en bon père de famille prendra seule les décisions concernant la gestion de son exploitation et, notamment, en sa qualité de chef d'établissement, les décisions relatives à son personnel, en particulier en matière de conditions de travail, d'hygiène et de sécurité. … » ; qu'en ne vérifiant pas si les dispositions contractuelles précitées n'étaient pas de nature à exclure la mise en oeuvre de l'article L. 7321-3 du code du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 7321-3 susvisé en ce qu'il prévoit la mise en oeuvre des dispositions du livre 1, 3e et 4e parties du code du travail ;
4°/ que la société Total Raffinage Marketing avait fait valoir dans ses conclusions d'appel que les infrastructures de la station service comme l'ensemble de ses éléments étaient placés sous la garde de la société
X...
conformément à l'article 52 du contrat conclu le 23 juillet 1996 et à l'article 7.2.5 du contrat conclu le 14 janvier 1998 ; qu'il leur appartenait par conséquent de prendre l'initiative de faire intervenir des entreprises extérieures pour effectuer les réparations nécessaires, la circonstance que ces entreprises extérieures soient des entreprises agréées ne permettant pas d'en déduire que la société Total était responsable de l'hygiène et de la sécurité mais seulement qu'en sa qualité de propriétaire desdites installations, elle entendait que les travaux nécessaires soient exécutés dans les règles de l'art ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que la cour d'appel a constaté que les deux stations service devaient être ouvertes 7 jours sur 7, 18 heures par jours selon les instructions de la société contenues dans les conventions ; qu'elle a ensuite retenu l'obligation d'ouverture 24 heures sur 24 sept jours sur sept ; qu'elle a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui devait , aux termes de l'article L. 7321-3 du code du travail, déterminer si la société Total avait fixé dans les faits les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans la station-service sans être liée par le seul contenu des dispositions contractuelles liant les parties a, par une appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, sans être tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, et sans omettre de prendre en considération l'engagement de personnel par les époux X... , expressément mentionné dans son arrêt, estimé que les conditions d'application de l'article L. 7321-3 précité étaient satisfaites ; que le moyen, inopérant dans sa dernière branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société Total fait grief à l'arrêt de dire qu'elle ne peut prétendre déduire de la créance des époux X... contre elle les sommes perçues par eux de la société
X...
au titre de la rémunération de leur gérance, ni compenser, et de la condamner au paiement, à valoir sur leurs demandes, des sommes de 29 000 euros à Mme X... et de 37 000 euros à M. X... alors, selon le moyen :
1°/ que l'exercice d'une même activité ne peut être rémunéré deux fois ; que la cour d'appel a constaté que les époux X... avaient perçu une rémunération au titre de la gérance de la station service ; qu'en admettant le principe d'une nouvelle rémunération au titre d'une activité déjà rémunérée, la cour d'appel a violé les articles 1131 et 1134 du code civil ;
2°/ que la rémunération de gérants d'une station-service sous la forme de versement de salaires en application des articles L. 7321-1 à L. 321-4 du code du travail doit être déterminée en tenant compte des rémunérations perçues au titre de la gérance qui ont la même cause ; que la perception d'une rémunération de la gérance par le biais du versement de commissions ou de subventions versées par une première société à une seconde société bénéficiaire du contrat de location gérance doit être prise en considération dès lors que la mise en oeuvre des dispositions du code du travail applicables aux gérants de succursales permet de considérer que les sommes versées par la première société qui a confié l'exploitation du fonds de commerce de station service à la seconde société, ont en réalité permis la rémunération directe de la gérance et des gérants et qu'il existe une identité de cause des rémunérations réclamées à titre salarial et de la rémunération versée au titre de la gérance antérieurement à la reconnaissance du bénéfice des dispositions du code du travail relatives aux gérants de succursales ; qu'en refusant de faire droit à la demande de la société Total Raffinage Marketing, la cour d'appel a violé l'article 1131 du code civil ;
Mais attendu que la compensation implique l'existence d'obligations réciproques entre les parties ; que les rémunérations perçues par les époux X... en tant que gérants de la société
X...
leur ayant été versées par cette société et non par la société Total laquelle n'est ainsi aucunement créancière des époux X... à ce titre, la cour d'appel a exactement décidé qu'aucune compensation ne pouvait être opérée entre la créance des époux X... sur la société Total et les sommes perçues par eux de la société
X...
; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles 2224 et 2234 du code civil et L. 3245-1 du code du travail ;
Attendu que pour dire que M. et Mme X... étaient en droit de prétendre au paiement d'un salaire à partir d'août 1996 jusqu'au 31 juillet 2001, date de la cessation des relations contractuelles entre les parties, la cour d'appel a retenu que la prescription de cinq ans prévue par les articles L. 3245-1 du code du travail et 2277 du code civil alors applicable ne s'appliquait pas lorsque la créance, même périodique, dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier ; que M. et Mme X... se trouvant dans l'incertitude sur la nature juridique de leurs liens avec la société Total alors Elf Antar, et donc en définitive sur le principe même de leur créance, étaient dans l'impossibilité matérielle de déterminer le montant des rémunérations susceptibles de leur être dues ; que dès lors, la prescription de cinq ans prévue par les articles L. 3245-1 du code du travail et 2277 du code civil ne s'appliquait pas en l'espèce ; qu'ils n'ont pas introduit antérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes le 11 février 2005 d'action en justice leur ayant permis de s'affranchir du statut juridique que la société Total leur imposait ;
Qu'en statuant ainsi alors que la prescription quinquennale prévue par l'article L. 3245-1 susvisé, s'appliquait, en vertu des articles L. 7321-1 à L. 7321-4 du code du travail, à l'action engagée par les époux X... devant la juridiction prud'homale en tant que celle-ci portait sur des demandes de nature salariale, et qu'il ne résultait pas de ses constatations que ceux-ci s'étaient trouvés dans une impossibilité d'agir suspendant cette prescription, l'exclusion apparente, résultant du type de contrats passés entre les époux X... et la société Total, de leur droit à bénéficier des dispositions des articles L. 7321-1 à L. 7321-4, ne les ayant pas placés dans l'impossibilité de contester cette situation devant la juridiction prud'homale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que les époux X... étaient en droit de percevoir un salaire antérieurement au 11 février 2000, l'arrêt rendu le 14 novembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Total raffinage marketing.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué dit que les dispositions du code du travail, livre 1, 3ème et 4ème parties visées à l'article L.7321-3 sont applicables aux époux X... ; dit que la convention collective nationale de l'industrie du pétrole du 3 septembre 1985 étendue est applicable aux époux X..., dit que pour les fonctions qu'ils ont l'un et l'autre exercées au titre de la gérance du fonds de commerce, Monsieur et Madame X... sont chacun en droit de prétendre, en application de la convention collective nationale du pétrole, au paiement d'un salaire par la société Total Raffinage Marketing selon le coefficient de rémunération K 230 pour 39 heures hebdomadaires de travail, pendant la période d'août 1996 au 31 décembre 1999 et de 35 heures après le 10 janvier 2000 jusqu'au 31 juillet 2001, dit enfin que la société Total Raffinage Marketing ne peut prétendre déduire de la créance des époux X... contre elle les sommes perçues par eux de la Sarl
X...
au titre de la rémunération de leur gérance, ni compenser et d'avoir condamné par provision la société Total Raffinage Marketing à payer, à valoir sur les demandes, les sommes de 29.000 euros à Madame X... et de 37.000 euros à Monsieur X... ;
AUX MOTIFS QUE … , la société Total Raffinage Marketing fait valoir qu'en application des articles L.143-14 devenu L.3245-1 du code du travail et 2277 du code civil, les demandes ayant trait aux salaires et accessoires sont prescrites, dès lors que le conseil de prud'hommes a été saisi le 11 février 2005, alors que les relations contractuelles ont pris fin le 31 juillet 2001 ; que la prescription de cinq ans prévue par les articles L.3245-1 du code du travail et 2277 du code civil ne s'applique pas lorsque la créance, même périodique, dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier ; que Monsieur et Madame X... se trouvant dans l'incertitude sur la nature juridique de leurs liens avec la société Total Raffinage Marketing et donc en définitive sur le principe même de leur créance, étaient dans l'impossibilité matérielle de déterminer le montant des rémunérations susceptibles de leur être dues ; que dès lors, la prescription de cinq ans prévue par les articles L.3245-1 du code du travail et 2277 du code civil ne s'applique pas en l'espèce ; qu'ils n'ont pas introduit précédemment d'action en justice leur ayant permis de s'affranchir du statut juridique que la société Total France leur imposait ;
1/ ALORS QUE la prescription court contre celui qui ne se trouve pas dans l'impossibilité d'agir ; que les créances de nature salariale se prescrivent par cinq ans ; que la seule incertitude sur la nature juridique du lien existant entre des parties à un contrat de location gérance conclu aux fins de gestion d'une station service ne caractérise pas une impossibilité d'agir des gérants qui ne se seraient pas encore vu reconnaître le bénéfice des dispositions du code du travail applicables aux gérants de succursales ; qu'en refusant d'appliquer la prescription quinquennale en raison de l'incertitude dans laquelle les époux X... se seraient trouvés concernant la nature de leurs liens avec la société Total Raffinage Marketing, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé leur impossibilité d'agir, a violé les articles 2224 et 2234 du code civil, ensemble l'article L.3245-1 du code du travail ;
2/ ALORS QUE la prescription quinquennale ne s'applique pas aux créances mêmes périodiques dépendant d'éléments qui ne sont pas connus du créancier ; qu'en refusant d'appliquer la prescription quinquennale aux demandes formulées par les époux X... sans vérifier si les demandeurs n'étaient pas en mesure concrètement de déterminer ce qui leur était dû, ainsi que société Total Raffinage Marketing l'avait fait valoir dans ses conclusions d'appel en précisant que les époux X... disposaient seuls des informations leur permettant d'agir s'agissant tant du principe de leur créance que de son quantum, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.3245-1 du code du travail et 2224 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les dispositions du code du travail livre 1, 3ème et 4ème parties visées à l'article L.7321-3 sont applicables aux époux X..., dit que la convention collective de l'industrie du pétrole du 3 septembre 1985 est applicable aux époux X..., dit que pour les fonctions qu'ils ont l'un et l'autre exercées, au titre de la gérance du fonds de commerce, Monsieur et Madame X... sont chacun en droit de prétendre, en application de la convention collective nationale du pétrole, au paiement d'un salaire par la société Total Raffinage Marketing selon le coefficient de rémunération K 230 pour 39 heures hebdomadaires de travail, pendant la période d'août 1996 au 31 décembre 1999 et de 35 heures après le 10 janvier 2000 jusqu'au 31 juillet 2001, dit enfin que la société Total Raffinage Marketing ne peut prétendre déduire de la créance des époux X... contre elle les sommes perçues par eux de la Sarl
X...
au titre de la rémunération de leur gérance, ni compenser et d'avoir condamné la société Total Raffinage Marketing à justifier auprès des époux X... de leur immatriculation au régime général de la sécurité sociale pour la période d'août 1996 au 31 juillet 2001 et au paiement des cotisations correspondantes ainsi qu'au paiement, à valoir sur leurs demandes, des sommes de 29.000 euros à Madame X... et de 37.000 euros à Monsieur X... ;
AUX MOTIFS QUE … que Monsieur et Madame X..., effectuent le même travail : gestion et animation de la station, surveillance et direction du personnel … ; qu'ils avaient une large autonomie pouvant organiser le service entre les diverses personnes concourant à l'activité des deux stations service ; … ; que les époux X... ne peuvent prétendre au paiement d'heures supplémentaires et accessoires que s'ils démontrent que leur est applicable l'ancien livre II du code du travail devenu les dispositions du livre Ier de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos hebdomadaires et s'ils établissent que les conditions d'hygiène et de sécurité du travail dans leur deux stations services étaient fixés par la société Total Raffinage Marketing ; que la société Total Raffinage Marketing, alors Elf Antar imposait que les époux X... puissent recevoir les livraisons de carburant à n'importe quel moment du jour et de la nuit pour des quantités inférieures au minima imposé par la convention de commission, et que les deux stations devaient être ouvertes 7 jours sur 7 18 heures par jours selon les instructions de la société contenues dans les conventions et non par décision propre aux gérants ; que le respect des règlements en matière d'établissements classés, selon la convention, à raison de la nature inflammable des produits, de pollution et de prévention des incendies ont conduit la société Total Raffinage Marketing conformément à cette convention de commissionnement, à remettre aux époux X... un catalogue des mesures à prendre ; que cette société imposait et soumettait à son agrément les entreprises spécialisées désignées par elle pour assurer les interventions nécessaires, ce qui démontre que la société Total Raffinage Marketing conservait la maîtrise de l'infrastructure ; que la société Total Raffinage Marketing alors Elf Antar, propriétaire des installations classées était normalement responsable personnellement du respect de ces règlements sauf délégation de pouvoir aux époux X... ; que cette délégation ne peut se déduire de la seule conclusion d'une convention avec la société dont les époux X... étaient gérants alors que l'objet de cette convention était d'obtenir des époux X... qu'ils assurent personnellement leurs prestations ; que la seule remise de la documentation nécessaire à la connaissance des obligations relatives aux sites classés et alors que la société Total Raffinage Marketing conservait un vaste pouvoir d'organisation et de contrôle de l'exploitation ne caractérise pas une délégation de pouvoir investissant les époux X... de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires pour veiller efficacement au respect de ces dispositions ayant une incidence directe sur la sécurité des travailleurs sur le site ; qu'il s'ensuit que sont applicables aux époux X... les dispositions du livre I, 3ème et 4ème partie du code du travail relatives aux heures supplémentaires et autre réglementation du temps de travail, de l'hygiène et de la sécurité ; … ; que les époux X... exploitent deux stations services et ont engagé du personnel … ; que les époux X... ont étayé leur demande par la démonstration de l'obligation d'ouverture 24 heures sur 24 sept jours sur sept … ; que la société Total France se borne à contester le bien fondé des demandes des intéressés ;
1/ ALORS QUE le chef d'entreprise qui fournit les marchandises ou pour le compte duquel sont recueillies les commandes ou sont reçues les marchandises à traiter, manutentionner ou transporter n'est responsable de l'application aux gérants salariés de succursales des dispositions du livre Ier de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés et de celles de la quatrième partie relatives à la santé et à la sécurité au travail que s'il a fixé les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord ; qu'en ne déterminant pas qui, des époux X... ou de la société Total Raffinage Marketing, fixait les conditions de travail au sein des stations service, la cour d'appel a violé l'article L.7321-3 du code du travail ;
2/ ALORS QUE le chef d'entreprise qui fournit les marchandises ou pour le compte duquel sont recueillies les commandes ou sont reçues les marchandises à traiter, manutentionner ou transporter n'est responsable de l'application aux gérants salariés de succursales des dispositions du livre 1er de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés et de celles de la quatrième partie relatives à la santé et à la sécurité au travail que s'il a fixé les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord ; que la cour d'appel a constaté que les époux X... avaient engagé du personnel et disposaient d'une large autonomie dans l'organisation de leur service entre les diverses personnes y concourant ; qu'en ne vérifiant pas si cette circonstance n'était pas de nature à exclure la mise en oeuvre des dispositions du livre 1, 3ème et 4ème parties du code du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.7321-3 du code du travail ;
3/ ALORS QUE le chef d'entreprise qui fournit les marchandises ou pour le compte duquel sont recueillies les commandes ou sont reçues les marchandises à traiter, manutentionner ou transporter n'est responsable de l'application aux gérants salariés de succursales des dispositions du livre Ier de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés et de celles de la quatrième partie relatives à la santé et à la sécurité au travail que s'il a fixé les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord ; que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi entre les parties ; que l'article 49 du contrat de location gérance conclu le 23 juillet 1996 prévoit que « la sarl embauche et gère librement le personnel nécessaire à la bonne exploitation du fonds. Elle fixe les rémunérations et l'horaire de travail. Elle est responsable de l'application des lois sociales au personnel qu'elle embauche. ... » ; que l'article 50 du même contrat stipule que « la sarl, en tant que chef d'établissement sur la station-service, fixera librement les conditions de travail, d'hygiène et de sécurité du personnel. Elle sera donc seule responsable de la constante application de ces règles par elle-même, ses préposés ou les tiers admis dans l'enceinte de la station-service » ; que l'article 3.2 alinéa 2 du contrat conclu le 14 janvier 1998 prévoit que « … la sarl tenue de gérer le fonds de commerce en bon père de famille prendra seule les décisions concernant la gestion de son exploitation et, notamment, en sa qualité de chef d'établissement, les décisions relatives à son personnel, en particulier en matière de conditions de travail, d'hygiène et de sécurité. … » ; qu'en ne vérifiant pas si les dispositions contractuelles précitées n'étaient pas de nature à exclure la mise en oeuvre de l'article L.7321-3 du code du travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.7321-3 susvisé en ce qu'il prévoit la mise en oeuvre des dispositions du livre 1, 3ème et 4ème parties du code du travail ;
4/ ALORS QUE la société Total Raffinage Marketing avait fait valoir dans ses conclusions d'appel que les infrastructures de la station service comme l'ensemble de ses éléments étaient placés sous la garde de la sarl
X...
conformément à l'article 52 du contrat conclu le 23 juillet 1996 et à l'article 7.2.5 du contrat conclu le 14 janvier 1998 ; qu'il leur appartenait par conséquent de prendre l'initiative de faire intervenir des entreprises extérieures pour effectuer les réparations nécessaires, la circonstance que ces entreprises extérieures soient des entreprises agréées ne permettant pas d'en déduire que la société Total était responsable de l'hygiène et de la sécurité mais seulement qu'en sa qualité de propriétaire des dites installations, elle entendait que les travaux nécessaires soient exécutés dans les règles de l'art (conclusions d'appel, page 18) ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
5/ ALORS QUE la cour d'appel a constaté que les deux stations service devaient être ouvertes 7 jours sur 7, 18 heures par jours selon les instructions de la société contenues dans les conventions ; qu'elle a ensuite retenu l'obligation d'ouverture 24 heures sur 24 sept jours sur sept ; qu'elle a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société Total Raffinage Marketing ne peut prétendre déduire de la créance des époux X... contre elle les sommes perçues par eux de la Sarl
X...
au titre de la rémunération de leur gérance, ni compenser, et d'avoir condamné la société Total Raffinage Marketing au paiement, à valoir sur leurs demandes, des sommes de 29.000 euros à Madame X... et de 37.000 euros à Monsieur X... ;
AUX MOTIFS QUE selon la société Total Raffinage Marketing les époux X... ne peuvent prétendre, au cours d'une même année, au cumul des sommes correspondant aux salaires prévus par la convention collective, et des avantages de toute nature attachés à la nature commerciale des contrats conclus entre la société Total France et la Sarl
X...
dont ils ont pu bénéficier par ailleurs, notamment en ce qui concerne les rémunérations qu'ils ont perçues de cette dernière société ; que la société
X...
n'est pas dans la cause et la société Total France n'entend pas faire juger par la cour de céans qu'elle est créancière de la société
X...
; que la compensation implique l'existence d'obligations réciproques entre les parties ; qu'en conséquence, la cour relevant que la société Total Raffinage Marketing n'est titulaire envers les époux X... d'aucune créance susceptible de se compenser avec sa propre dette de salaire et accessoire, ne peut déduire de la créance des époux X... envers la société Total Raffinage Marketing les sommes qu'ils ont reçues à titre de rémunération de la gérance de la Sarl
X...
;
1/ ALORS QUE l'exercice d'une même activité ne peut être rémunéré deux fois ; que la cour d'appel a constaté que les époux X... avaient perçu une rémunération au titre de la gérance de la station service ; qu'en admettant le principe d'une nouvelle rémunération au titre d'une activité déjà rémunérée, la cour d'appel a violé les articles 1131 et 1134 du code civil ;
2/ ALORS QUE la rémunération de gérants d'une stationservice sous la forme de versement de salaires en application des articles L.7321-1 à L.7321-4 du code du travail doit être déterminée en tenant compte des rémunérations perçues au titre de la gérance qui ont la même cause ; que la perception d'une rémunération de la gérance par le biais du versement de commissions ou de subventions versées par une première société à une seconde société bénéficiaire du contrat de location gérance doit être prise en considération dès lors que la mise en oeuvre des dispositions du code du travail applicables aux gérants de succursales permet de considérer que les sommes versées par la première société qui a confié l'exploitation du fonds de commerce de station service à la seconde société, ont en réalité permis la rémunération directe de la gérance et des gérants et qu'il existe une identité de cause des rémunérations réclamées à titre salarial et de la rémunération versée au titre de la gérance antérieurement à la reconnaissance du bénéfice des dispositions du code du travail relatives aux gérants de succursales ; qu'en refusant de faire droit à la demande de la société Total Raffinage Marketing, la cour d'appel a violé l'article 1131 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-65081
Date de la décision : 17/11/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

COMPENSATION - Compensation judiciaire - Conditions - Réciprocité des dettes entre les mêmes parties - Défaut - Cas - Détermination

La compensation implique l'existence d'obligations réciproques entre les parties. Les rémunérations perçues par des époux, en tant que gérants de la société qu'ils ont constituée pour que leur soit confié la location-gérance d'une station-service, leur ayant été versées par cette société et non par la société de distribution de produits pétroliers, laquelle n'est ainsi aucunement leur créancière à ce titre, doit être approuvée la cour d'appel qui a exactement décidé qu'aucune compensation ne pouvait être opérée entre la créance des époux sur la société de distribution des produits pétroliers, résultant de l'application des dispositions des articles L. 7321-1 à L. 7321-4 du code du travail, et les sommes perçues par eux de la société exploitant la station-service


Références :

articles L. 7321-1 à L. 7321-4 du code du travail

articles 1131, 1134 et 1289 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 14 novembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 nov. 2010, pourvoi n°09-65081, Bull. civ. 2010, V, n° 262
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, V, n° 262

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : M. Aldigé
Rapporteur ?: M. Ludet
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.65081
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