LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 16 janvier 2009), qu'en septembre 1995, des analyses effectuées sur les eaux de la nappe phréatique au niveau de l'un des onze puits exploités par la Communauté urbaine de Strasbourg (CUS) ont révélé la présence d'hexachlorobutadiène (HCBD) dont le taux de concentration a, en avril 1996, dépassé les normes de potabilité de l'eau distribuée dans l'agglomération ; qu'après expertises, la CUS a fait assigner la société Kern, ensuite dénommée Eska, exploitant sur un site industriel voisin une entreprise de récupération, broyage et recyclage des véhicules hors d'usage en condamnation à réparer le préjudice subi sur le fondement des dispositions de l'article 1384 du code civil ;
Attendu que la CUS fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il appartenait aux juges d'appel de rechercher, comme ils y étaient invités par les écritures de la Communauté urbaine de Strasbourg, si les terrains pollués sur lesquels la société Kern exerçait son activité et dont il n'était pas contesté qu'elle était le gardien, n'avaient pas été, en quelque manière et ne fût-ce que partiellement l'instrument du dommage, sauf à la société Kern à apporter la preuve d'une cause étrangère qu'elle n'avait pu ni prévoir, ni empêcher ; qu'en statuant dès lors par le motif inopérant déduit de ce que la preuve n'était pas rapportée que la société Kern était à l'origine de la pollution de la nappe phréatique, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil ;
2°/ que les juges du fond qui ont constaté que les terrains sur lesquels la société Kern exerce son activité et dont il n'est pas contesté qu'elle était le gardien, étaient effectivement pollués par le HCBD ne pouvaient exclure que ces terrains aient été, en quelque manière que ce soit, et ne fût-ce que partiellement, l'instrument de la pollution de la nappe phréatique, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, compte tenu du sens de l'écoulement des eaux au droit du site de la société Kern, vers les puits exploités par la CUS, et alors que la nappe phréatique n'avait jamais pour sa part atteint le niveau de ces sols et n'était donc pas susceptible de migrer vers la nappe phréatique par simple lessivage des sols : que faute de s'en expliquer, la cour d'appel a de plus fort privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil ;
3°/ qu'en statuant par le motif inopérant déduit de ce que l'excavation des terrains pollués n'avait pas entraîné d'amélioration de la pollution de la nappe phréatique sans s'expliquer sur les brusques variations des concentrations de polluants relevés dans les eaux de fond de fouilles par suite de la mobilisation du polluant, parfaitement caractéristiques d'une migration des polluants par simple lessivage des sols, la cour d'appel a, de plus fort, privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1384 du code civil ;
4°/ qu'en statuant pareillement par un motif inopérant déduit de ce que n'avait pas été exclue la présence de polluants dans d'autres sites entourant celui de la société Kern alors que c'est au gardien de la chose dont il a été établi qu'elle a été, ne serait-ce que pour partie, l'instrument de dommages qu'il appartient d'établir l'existence d'une cause qui lui soit étrangère et qu'il n'a pu ni prévoir, ni empêcher, la cour d'appel a de plus fort privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil ;
5°/ qu'en statuant en toute hypothèse de la sorte, sans s'expliquer ainsi qu'elle y était invitée par les écritures d'appel de la CUS sur le fait que l'hypothèse d'une pollution en provenance du site exploité par la société Stracel avait été écartée par le laboratoire Tredi-Gemmes en raison du sens de l'écoulement des eaux ne s'effectuant pas en direction des puits exploités par la CUS, la cour d'appel a, encore une fois, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1er, du code civil ;
6°/ que la cour d'appel qui a rappelé à juste titre qu'un trouble anormal de voisinage pouvait être caractérisé par la seule existence d'un risque potentiel de dommages, ne pouvait écarter celui-ci et priver sa décision de toute base légale au regard du principe suivant lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage par la seul constatation que l'exploitation de la société Kern n'était pas en elle-même susceptible d'entraîner un risque de pollution par hexachlorobutadiène sans rechercher si la présence d'hexachlorobutadiène constatée sur les terrains servant d'assiette à cette exploitation n'était pas, en tant que telle, susceptible de constituer pour la CUS qui exploitait à leur voisinage des puits de pompage un trouble anormal de voisinage constitué par les risques de pollution de la nappe phréatique" ;
Mais attendu, d'une part, qu' ayant relevé que les investigations effectuées n'avaient pas permis d'établir que la société Kern était à l'origine de la pollution de la nappe phréatique par hexachlorobutadiène, la cour d'appel qui n'a fait qu'apprécier souverainement les preuves de l'intervention des biens dont cette société avait la garde dans la réalisation du dommage et qui n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que l'objet du litige étant de réparer les conséquences d'une pollution spécifique datant de 1995-1996 dont l'origine restait incertaine, la preuve que les inconvénients anormaux proviendraient du voisinage du fonds exploité par la société Kern, à savoir que l'eau de la nappe phréatique aurait été contaminée lors de son passage sous ce fonds n'était pas rapportée, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Communauté urbaine de Strasbourg aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la Communauté urbaine de Strasbourg et la condamne à payer à la société Eska la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat de la Communauté urbaine de Strasbourg
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la Communauté Urbaine de Strasbourg de ses demandes de dommages et intérêts dirigées contre la société Kern ;
Aux motifs propres que le tribunal a fait une exacte et juste analyse des éléments de preuve qui lui étaient soumis et qui sont les mêmes en instance d'appel, - qu'il a ainsi constaté que les nombreuses investigations effectuées par divers experts n'ont pas permis d'établir que la société Kern était à l'origine de la pollution de la nappe phréatique par hexachlorobutadiène en 1995-1996 ; - que les diverses hypothèses envisagées, notamment celle d'un déversement accidentel d'une grande quantité de ce produit, se heurtaient à des objections majeures ; - que les traces de HCBD relevées sur une partie du site de la société Kern étaient insuffisantes pour expliquer cette pollution, d'autant que l'excavation et le traitement des terres contaminées n'avaient pas entraîner sic de résultats probants au niveau de la nappe souterraine ; - qu'en outre l'hypothèse d'une origine imputable à l'entreprise Kern ne pouvait pas non plus expliquer la présence de HCBD dans le piézomètre PZ3K situé en amont du sens d'écoulement des eaux ; que cette absence de lien de causalité, qui est le principal motif de l'ordonnance de non-lieu rendue dans l'instruction pénale, ne permet pas davantage de retenir une responsabilité civile sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1 du Code civil, la présomption de responsabilité édictée par cette disposition n'impliquant pas une présomption de causalité entre la chose et le dommage ; que sur le second fondement juridique invoqué par l'appelante, à savoir le trouble anormal de voisinage qui peut effectivement être caractérisé par la seule existence d'un risque potentiel de dommage, il doit être relevé d'une part que l'exploitation de la société Kern-Eska n'est pas en elle-même susceptible d'entraîner un risque de pollution par hexachlorobutadiène et d'autre part que si elle peut générer d'autres risques de pollution, à propos desquels l'administration a imposé des mesures de précaution, l'objet du litige n'est pas de faire face à des risques potentiels mais de réparer les conséquences d'une pollution spécifique datant de 1995-1996 dont l'origine reste incertaine ; - qu'en conséquence ce second fondement juridique ne peut pas non plus justifier la demande de la CUS ;
Et aux motifs repris des premiers juges que suite à la constatation en 1996 de la contamination de la nappe phréatique en HCBD au niveau du puits collecteur PC3 ainsi que dans d'autres piézomètres de surveillance (notamment le PZ6 situé à proximité du site exploité par la SA Kern), diverses expertises ont été effectuées tant à l'initiative de la CUS que de la SA Kern ou du juge d'instruction ; que l'ensemble de ces travaux exécutés avec professionnalisme, objectivité et impartialité a eu pour seul objet de tenter de situer l'origine de cette pollution et de déterminer les moyens nécessaires pour y remédier ; qu'à cette fin, après avoir constaté que les intenses pompages effectués par la CUS (au niveau du champ captant du Polygone) et par l'usine Stracel engendraient une perturbation notoire de l'écoulement de la nappe de sorte que, sur le site de la SA Kern, l'écoulement des eaux souterraines s'effectuait en sens inverse de l'écoulement régional, à savoir vers le sud, en direction des puits du Polygone, les experts ont été amenés à effectuer des constatations objectives et à émettre des hypothèses, nécessairement subjectives ; que dès l'origine, eu égard d'une part à l'activité industrielle de la SA Kern dont les produits récupérés étaient susceptibles de comporter de l'HCBD et, d'autres part, à la localisation de l'apparition de la pollution au droit du site qu'elle exploitait, les soupçons se sont portés sur cette société ; que l'étude historique effectuée n'a ainsi porté que sur l'activité de quatre sociétés situées dans le voisinage immédiat du champ captant, à savoir Kern SA, Stracel, Electricité de Strasbourg et EDF ; que les experts ont définitivement, et à juste titre éliminé comme pouvant être des pollueurs potentiels : - E.S. dans la mesure où sa centrale thermique a cessé de fonctionner en 1950, a été mise en réserve jusqu'en 1970 puis démolie entre 1973 et 1975 alors qu'aucune pollution à l'HCBD n'a été décelée entre 1991 et 1995 ; - EDF qui n'utilise pas le produit incriminé ; qu'ils ont constaté que l'HCBD ne figurait pas parmi les produits utilisés par les sociétés Kern et Stracel et en ont déduit que la présence éventuelle de ce produit sur leurs sites était nécessairement fortuite et qu'elle ne pouvait être contrôlée ; que le sol du site de l'usine Stracel n'a cependant été l'objet d'aucune analyse, les recherches s'étant focalisées sur celui de la SA Kern pour les raisons précédemment rappelées sachant que les VHU recyclés provenant de France pouvaient contenir des liquides lubrifiants et hydrauliques composés de HCBD dès lors qu'ils n'étaient pas préalablement dépollués ; que les 68 sondages carottés d'une profondeur moyenne de 3 mètres qui ont été réalisés sur le site Kern ont permis d'établir que : - la tranche superficielle des sols (0 à 1 m) était très peu contaminée alors que les tranches plus profondes l'étaient davantage ; - une langue de contamination a été détectée au bord de la dalle bétonnée située sous le broyeur s'infléchissant en direction du piézomètre PZ4K (secteur dénommé SPK dans le rapport d'expertise judiciaire) ; - les autres parties du site Kern étaient quasiment exemptes de pollution par HCBD ; que l'expert judiciaire Burkard a encore déterminé qu'eu égard à la densité de l'HCBD (1,88), la quantité extraite au niveau du champ captant du Polygone représentait un volume de plus de 30 litres de produit pur ; que partant de ces constatations objectives, les experts ont émis diverses hypothèses : - la faible pollution de la tranche supérieure comprise entre 0 et 1 mètre pourrait s'expliquer par un effet de lessivage des sols ; - la source principale de la pollution pourrait se situer sous la dalle bétonnée elle-même située sous le broyeur ; - les terres auraient aussi pu être polluées accidentellement par la présence au niveau du secteur SPK de matériel de récupération constitué d'un fût d'une contenance de plusieurs dizaines de litres ou de plusieurs réservoirs de contenance moindre qui auraient été éventrés, laissant ainsi s'échapper plusieurs dizaines de litres de HCBD pur ou un volume beaucoup plus conséquent d'un produit (liquide hydraulique par exemple) renfermant un faible pourcentage (de 5 à 15 %) de HCBD pur ; - la nappe aurait été polluée par effet de lessivage des sols ou par migration de la nappe phréatique qui aurait « léché » les terres polluées ;que cependant, - les analyses des échantillons prélevés sous la dalle de béton qui ne renfermaient qu'une concentration en HCBD supérieure de quelques dizaines de microgrammes par kilo de matière sèche seulement, ont permis d'exclure définitivement l'hypothèse émise dans un premier temps par Tredi-Gemmes selon laquelle la pollution prendrait sa source sous ce dallage ; sachant que celui-ci était fissuré et que cette activité était ancienne alors que la pollution n'est apparue qu'en 1995, on peut alors formellement exclure que l'origine de la contamination puisse résulter de la seule activité de broyage des VHU ; - la pollution litigieuse résultant du déversement de 30 litres de produit pur ou équivalent, il est également exclu que son origine puisse résulter de fuites, mêmes répétées, de liquides hydrauliques ou de refroidissement émanant des VHU non dépollués dans ce secteur ; il s'ensuit que les conditions – critiquables au demeurant – de stockage par la SA Kern des véhicules hors d'usage avant 1998, n'en sont manifestement pas la source ; - le traitement, en décembre 1996, des sols les plus pollués du site Kern (excavation pour ceux présentant une concentration supérieure à 5000 g/kg et traitement biologique de ceux présentant une concentration comprise entre 2500 et 5000 g/kg) n'ayant pas mis en évidence une amélioration notable de la qualité des eaux de la nappe phréatique contrairement à l'opinion émise par les experts, l'hypothèse d'un déversement accidentel d'HCBD à cet endroit n'explique pas davantage la pollution litigieuse ; - celle de la pollution par remontée des eaux souterraines « léchant » les terrains contaminés, a elle aussi, été définitivement écartée par l'expert judiciaire dans son rapport complémentaire du 22 décembre 1999 au vu des renseignements qu'il a obtenus relatifs aux fluctuations de la nappe phréatique qui n'a jamais atteint la tranche de 1-2 m, même lors des crues rhénanes les plus importantes comme celles observées en mars et mai 1999 ; que ce dernier, qui, lors de sa visite chez Kern, n'avait pas non plus trouvé de produits contenant du HCBD, concluait alors : « il existe indéniablement sur le site de Kern SA un secteur d'environ 40 ares où une pollution des sols par HCBD a été observée. Le secteur le plus contaminé (conc.2500 g/kg MS) ne représentait qu'environ 200 m². C'est également à cet endroit que l'eau souterraine était du reste le plus fortement polluée (PZ4K). Mais ceci ne nous permet pas de conclure, d'une manière formelle que cette entreprise est à l'origine de la pollution. S'il existe quelques présomptions, la preuve de la responsabilité de Kern SA dans la pollution par HCBD ne peut pas être rapportée. Il nous est impossible, dans l'état actuel de définir l'origine exacte de cette pollution ainsi que les responsables » ; que compte tenu d'un certain manque de rigueur constaté dans le contrôle des VHU et au vu des relevés piézométriques au niveau PZ4K, il en revenait donc à l'hypothèse qui lui semblait la plus plausible, à savoir celle de la présence au niveau du secteur SPK de matériel de récupération constitué d'un fût d'une contenance de plusieurs dizaines de litres ou de plusieurs réservoirs de contenance moindre qui auraient été éventrés, laissant ainsi s'échapper plusieurs dizaines de litres de HCBD pur ou un volume beaucoup plus conséquent d'un produit renfermant un faible pourcentage (de 5 à 15 %) de HCBD pur ; qu'il admettait cependant que si cette hypothèse permettait d'expliquer la pollution des sols du secteur contaminé, elle n'expliquait ni la présence d'HCBD en quantité relativement faible dans le PZ3K, ni la persistance de la pollution malgré excavation et traitement biologique des terres contaminées ; qu'il résulte de l'ensemble de ces constatations et analyses que la preuve formelle d'un lien de causalité directe entre la pollution des terres du site de la SA Kern et la pollution des eaux captées par la CUS n'est dès lors pas formellement établie ; qu'une telle preuve ne peut pas non plus être établie par « exclusion » des autres hypothèses ; qu'en effet, dans la mesure où l'origine accidentelle doit être privilégiée, elle peut également concerner d'autres sites industriels et notamment celui de l'entreprise Stracel dont l'analyse des sols n'a jamais été effectuée alors qu'il avait pourtant été admis que des déversements accidentels de produits contenant du HCBD s'étaient déjà produits par le passé (rupture du circuit hydraulique de camions venus approvisionner le site de l'entreprise Stracel) ; qu'en outre, il a été reconnu par les experts que le comportement hydraulique de la nappe n'était pas maîtrisé, notamment au niveau du site de la SA Kern qui subit les influences majeures des pompages du champ captant de Strasbourg Polygone et de Stracel ; qu'enfin, il n'a été donné aucune explication par les différents experts qui sont intervenus sur la localisation des points d'analyse de l'eau captée par la CUS ; qu'ainsi, il n'a pas été précisé si l'eau avait aussi été analysée à des endroits situés en amont, éloignés du site Kern, de sorte que n'est pas rapportée la preuve que cette eau n'était pas déjà polluée avant d'arriver au droit du site de la SA Kern étant rappelé qu'aucune investigation sérieuse n'a été faite en dehors du site exploité par cette société ; qu'il ressort de ce qui précède que : - aucune des diverses hypothèses émises pour démontrer l'existence d'un lien de causalité entre la pollution des terres du site Kern et la pollution de la nappe n'est satisfaisante car elles se heurtent toutes à des objections majeures ; notamment, la présence d'HCBD dans le PZ3K situé en amont de la zone de terres polluées du site Kern et l'absence de résultats probants malgré excavation et traitement biologique des terres contaminées n'ont pu être expliquées par personne ; - les bons résultats de décontamination obtenus ne prouvent rien dès lors que ces travaux, entrepris par filtrage de l'eau polluée à l'endroit où la pollution était constatée, n'ont réparé que les conséquences sans s'attaquer à la cause de la pollution ; au contraire, leur effet bénéfique dans le temps conforte la thèse d'un déversement accidentel dont la source n'a pas été déterminée et dont les effets s'épuisent et démontrent que l'activité industrielle de la SA Kern, commencée bien avant 1991, n'est pas en cause ; qu'il est donc possible de considérer que si la présence d'HCBD relevée sur une partie des terres de la SA Kern, la possibilité avérée de trouver ce produit dans les matériaux récupérés et recyclés par cette société et l'apparition de la pollution constatée initialement au droit du site exploité par elle, constituent des présomptions graves et/ou précises de l'existence d'un lien de causalité entre le fait des choses qui sont sous la garde de la SA Kern et la pollution de la nappe phréatique, ces présomptions qui se heurtent toutes à des objections sérieuses non expliquées de manière satisfaisante à ce jour, n'apparaissent en revanche pas suffisamment concordantes pour établir la preuve d'un tel lien ; que pour les mêmes motifs, la preuve que les « inconvénients anormaux » dont la CUS demande réparation, proviendraient du voisinage du fonds exploité par la SA Kern à savoir que l'eau de la nappe serait contaminée lors de son passage sous ce fonds, n'a pas davantage rapportée ; qu'il s'ensuit que l'action en responsabilité engagée au visa des articles 1384 aliéna 1 et 1353 du Code civil est dépourvue de fondement suffisant et qu'elle doit être rejetée ;
Alors, de première part, qu'il appartenait aux juges d'appel de rechercher, comme ils y étaient invités par les écritures de la Communauté urbaine de Strasbourg, si les terrains pollués sur lesquels la société Kern exerçait son activité et dont il n'était pas contesté qu'elle était le gardien, n'avaient pas été, en quelque manière et ne fût-ce que partiellement l'instrument du dommage, sauf à la société Kern à apporter la preuve d'une cause étrangère qu'elle n'avait pu ni prévoir, ni empêcher ; qu'en statuant dès lors par le motif inopérant déduit de ce que la preuve n'était pas rapportée que la société Kern était à l'origine de la pollution de la nappe phréatique, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil ;
Alors, de deuxième part, que les juges du fond qui ont constaté que les terrains sur lesquels la société Kern exerce son activité et dont il n'est pas contesté qu'elle était le gardien, étaient effectivement pollués par le HCBD ne pouvaient exclure que ces terrains aient été, en quelque manière que ce soit, et ne fût-ce que partiellement, l'instrument de la pollution de la nappe phréatique, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, compte tenu du sens de l'écoulement des eaux au droit du site de la société Kern, vers les puits exploités par la CUS, et alors que la nappe phréatique n'avait jamais pour sa part atteint le niveau de ces sols et n'était donc pas susceptible d'être à l'origine de leur pollution, ces polluants n'étaient pas susceptibles de migrer vers la nappe phréatique par simple lessivage des sols ; que faute de s'en expliquer, la Cour d'appel a de plus fort privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil ;
Alors, de troisième part, qu'en statuant par le motif inopérant déduit de ce que l'excavation des terrains pollués n'avaient pas entraîné d'amélioration de la pollution de la nappe phréatique sans s'expliquer sur les brusques variations des concentrations de polluants relevés dans les eaux de fond de fouilles par suite de la mobilisation du polluant, parfaitement caractéristiques d'une migration des polluants par simple lessivage des sols, la Cour d'appel a, de plus fort, privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1384 du Code civil ;
Alors, de quatrième part, qu'en statuant pareillement par un motif inopérant déduit de ce que n'avait pas été exclue la présence de polluants dans d'autres sites entourant celui de la société Kern alors que c'est au gardien de la chose dont il a été établi qu'elle a été, ne serait-ce que pour partie, l'instrument de dommages qu'il appartient d'établir l'existence d'une cause qui lui soit étrangère et qu'il n'a pu ni prévoir, ni empêcher, la Cour d'appel a de plus fort privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil ;
Alors, de cinquième part, qu'en statuant en toute hypothèse de la sorte, sans s'expliquer, ainsi qu'elle y était invitée par les écritures d'appel de la CUS sur le fait que l'hypothèse d'une pollution en provenance du site exploité par la société Stracel avait été écartée par le laboratoire Tredi-Gemmes en raison du sens de l'écoulement des eaux ne s'effectuant pas en direction des puits exploités par la CUS, la Cour d'appel a, encore une fois, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil ;
Et alors, subsidiairement, enfin, que la Cour d'appel qui a rappelé à juste titre qu'un trouble anormal de voisinage pouvait être caractérisé par la seule existence d'un risque potentiel de dommages, ne pouvait écarter celui-ci et priver sa décision de toute base légale au regard du principe suivant lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage par la seule constatation que l'exploitation de la société Kern n'était pas en elle-même susceptible d'entraîner un risque de pollution par hexachlorobutadiène sans rechercher si la présence d'hexachlorobutadiène constatée sur les terrains servant d'assiette à cette exploitation n'était pas, en tant que telle, susceptible de constituer pour la CUS qui exploitait à leur voisinage des puits de pompage un trouble anormal de voisinage constitué par les risques de pollution de la nappe phréatique ;