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16/11/2010 | FRANCE | N°09-87296

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 novembre 2010, 09-87296


Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Christian X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 28 septembre 2009, qui, pour homicide involontaire, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, deux ans d'interdiction professionnelle, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles des articles 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a décl

aré le docteur M. X... coupable d'homicide involontaire ;
" aux motifs qu'il est u...

Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Christian X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 28 septembre 2009, qui, pour homicide involontaire, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, deux ans d'interdiction professionnelle, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles des articles 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré le docteur M. X... coupable d'homicide involontaire ;
" aux motifs qu'il est utile de rappeler que le prévenu, chirurgien orthopédique travaillant à la clinique le Méridien de Cannes, clinique privée, a été personnellement choisi par Mme Y... pour être opérée d'une subluxation avec protrusion acétabulaire d'une prothèse de hanche droite mise en place antérieurement ; que ce contrat intuitu personnae imposait au médecin l'obligation de suivre personnellement sa patiente depuis son entrée jusqu'à sa sortie de la clinique ; qu'il est reproché au prévenu d'avoir commis l'homicide de Mme Y..., par maladresse, imprudence, négligence ou inobservation des règlements, en l'espèce :- en ne s'assurant pas, par des examens complémentaires, du maintien de la circulation artérielle du membre inférieur droit de sa patiente, décrit comme marbré et froid,- en édictant un diagnostic hâtif, superficiel et erroné sur l'état de sa patiente, en s'abstenant d'aller revoir son opérée alors que son état le réclamait,- en laissant évoluer un état d'ischémie aiguë,- en retardant la prise en charge appropriée de sa patiente, qu'aux termes de l'article 121-3, auquel se réfère expressément l'article 221-6 du code pénal, en cas de causalité directe, la démonstration d'une faute simple suffit à établir la responsabilité du médecin ; que par contre, en cas de causalité indirecte, seule la démonstration d'une faute qualifiée délibérée ou caractérisée-sera susceptible d'entraîner la condamnation du médecin mis en cause ; que le tribunal a écarté la causalité directe au motif que les deux expertises ne permettaient pas de caractériser l'existence d'une faute survenue au cours de l'intervention chirurgicale ; que la causalité indirecte ne saurait être un postulat de départ au motif que le médecin ne pouvait être qu'un auteur médiat du dommage ; qu'il y a donc lieu, dans un premier temps de rechercher si les agissements du médecin sont ou non constitutifs d'une ou plusieurs fautes simples entretenant un lien direct de causalité avec la mort de la patiente ; que le rapport d'autopsie conclut de manière très claire «... les constations autopsiques ont permis de mettre en évidence d'importantes lésions au niveau des axes vasculaires de la région iliofémorale droite, au niveau du bassin osseux, de la hanche droite » ; « en l'état actuel du dossier, et sous réserve des résultats des examens complémentaires pratiqués lors de l'autopsie, le décès de Mme Y... est secondaire à un enchaînement de complications morbides consécutives à la première intervention pratiquée sur la hanche droite et notamment la survenance de cette ischémie aiguë du membre inférieur droit » ; qu'en conséquence la cause du décès est établie de façon certaine par la rapport d'autopsie à savoir : la survenance au cours de l'opération du docteur M. X... d'une ischémie aiguë du membre inférieur droit consécutive à une double interruption vasculaire artérielle et veineuse ; qu'il convient de rappeler que les rapports d'expertise, largement repris ci-dessus, font état de manquements importants commis tant lors du déroulement de l'opération que lors de la suite post opératoire ; que les deux collèges d'experts ont mis en évidence une série de fautes successivement commises par le prévenu à tous les niveaux de son intervention ; qu'ainsi, à partir du compte rendu opératoire du docteur M. Z... et des constatations du rapport d'autopsie, les experts ont établi que lors de l'intervention chirurgicale, la veine iliaque externe a été sectionnée complètement par le chirurgien, lequel, en voulant la réparer, a procédé à sa ligature et a plicaturé l'artère fémorale ; que la double interruption vasculaire proximale artérielle et veineuse, la deuxième aggravant la première, a entraîné immédiatement un état d'ischémie aiguë du membre inférieur droit, parfaitement établie par les artériographie et écho-doppler réalisés ultérieurement, par les constatations du docteur M. Z... et par le compte rendu anatomo-pathologique ; que le prévenu a, tout au long de la procédure, contesté l'ischémie aiguë, prétendant dans un premier temps que s'il y avait eu un blocage complet de l'artère, cette artère aurait dû être thrombosée ; que, son affirmation est contredite par l'artériographie réalisée par le docteur M. A... qui constate l'existence d'une thrombose quasi complète de l'iliaque externe à hauteur approximative de la plaque de ciment et conclut à une thrombose aiguë ilio-fémorale sur un réseau artériel relativement sain ; que de même, l'écho-doppler réalisé par le docteur M. B... met en évidence une thrombose complète de l'axe veineux fémoral superficiel ; que les constations du compte rendu opératoire du docteur M. Z... (caillots datant d'à peu près 24 heures, difficulté en aval de la plicature) démontrent, contrairement aux dires du prévenu qui soutient, dans un deuxième temps, qu'il s'agissait d'une thrombose d'amont qui serait à l'origine de l'ischémie, qu'il ne peut s'agir que d'une thrombose d'aval secondaire à l'obstruction mécanique ; que les experts ont par ailleurs précisé que « l'artère en amont était vide de toute thrombose et que l'arbre artériel situé en aval était, lui, complètement rempli de thrombus » ; que cette ischémie aiguë par interruption vasculaire, qui existait dès la sortie du bloc opératoire, n'a pas été diagnostiquée immédiatement par le chirurgien alors qu'elle aurait dû être suspectée dès la fin de l'opération sur la constatation de l'absence de pouls fémoral droit, absence qui, selon les experts, était certaine et obligée ; que, par suite, il était donc impossible, pour les experts, que, dans son compte rendu opératoire le docteur X... ait pu retrouver, comme il le soutient, des pulsations au niveau du pied droit ; que, sur ce point, force est de constater que le fait d'avoir remis son rapport postopératoire deux jours après le décès, laisse penser que le prévenu n'a pas fait état de la vérité concernant l'absence de pouls ; que ce dernier a fait preuve de graves négligences dans le suivi immédiat : retard de diagnostic et de prise en charge, manque de surveillance de sa patiente dans les heures qui ont suivi l'intervention, aucune consigne précise aux infirmières de garde, prescription par téléphone d'un vasodilatateur, sans venir s'assurer sur place des mesures à prendre en raison de la persistance des symptômes de pied froid et marbré qui lui avait été signalée par l'infirmière dans la nuit du 21 au 22 février ; que le fait d'avoir tardé à faire pratiquer les examens complémentaires, jugés pourtant indispensables, dès la fin de l'opération, alors qu'il avait relevé au cours de l'intervention un pied marbré et froid est inacceptable, ces examens étant réalisés seulement dans la matinée du 22 février sans que le prévenu ne demande à se faire communiquer les résultats ; qu'il a tardé enfin dans la prise en charge vasculaire, la patiente n'ayant été transférée à Nice qu'au milieu de l'après-midi du 22 février, ce qui est inacceptable ; que l'ensemble de ces manquements de la part du prévenu, qui ne pouvait ignorer les risques encourus par sa patiente, intervenus en amont dans le processus ayant conduit jusqu'à la mort, entretient un lien direct de causalité et certain avec le décès de celle-ci ; que notamment le défaut de surveillance postopératoire et le retard dans le transfert dans un centre hospitalier, sont des paramètres déterminants dans la réalisation du dommage mortel causé à Mme Y... ; que, dès lors, le prévenu, auquel il incombait personnellement de suivre sa patiente et qui n'a pas gardé l'opérée sous sa surveillance directe, n'a pas donné aux infirmières des instructions utiles, a négligé de se tenir au courant de ses réactions, s'en est rapporté au personnel hospitalier sans se soucier de l'efficacité de la surveillance, a bien commis plusieurs fautes successives qui ont conduit directement au décès de Mme Y... ;

" 1) alors que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'en l'espèce, le docteur X... soutenait à l'appui de ses écritures d'appel que selon l'examen médical auquel il a procédé à l'issue de l'intervention chirurgicale, Mme Y... ne présentait pas objectivement de signe d'ischémie aiguë, les pouls pédieux étant bien présents, étant précisé que les professeurs D... et E... n'ont à cet égard nullement contesté la perception des pouls tel que décrit par le docteur M. X... en postopératoire immédiat, constatation reprise par les juges du fond ; qu'ainsi, en affirmant de façon péremptoire, que M. X... ne pouvait, pour asseoir son diagnostic d'ischémie partielle et temporaire, prétendre avoir constaté la présence de pulsation dans le pied de la patiente, cependant qu'il ressortait de ses propres constatations qu'une telle possibilité, de nature à écarter légitimement le diagnostic d'ischémie aiguë par interruption vasculaire, a été retenue par les experts eux-mêmes, de sorte que le prévenu ne pouvait se voir reprocher une négligence fautive dans l'élaboration de son diagnostic initial, la cour d'appel n'a pas tiré de ses motifs les conséquences légales qui s'en évinçaient nécessairement ;
" 2) alors qu'en reprochant ainsi à M. X... de ne pas s'être déplacé au chevet de sa patiente au vue de la persistance des symptômes de pied froid et marbré qui lui ont été signalés par l'infirmière en charge de la patiente dans la soirée du 21 février, cependant qu'il ressortait de ses propres motifs que de telles indications ne différaient pas des propres constatations qui ont pu être effectuées le jour même par ce praticien à l'issue de son intervention, de sorte qu'il n'en ressortait pas que l'état de Mme Y... se serait aggravé de façon à contredire le diagnostic initial d'ischémie partielle et temporaire et à alerter M. X... de façon à justifier un déplacement, la cour d'appel une fois encore n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'imposaient à elle ;
" 3) alors qu'en reprochant à M. X... d'avoir prétendument tardé, à l'issue de son diagnostic d'ischémie aiguë, dans la prise en charge vasculaire de Mme Y..., sans rechercher, ainsi que l'y invitaient les écritures d'appel du demandeur si, à l'issue d'un tel diagnostic révélant une complication ne relevant pas par essence de sa spécialité mais de celle du docteur M. C..., chirurgien vasculaire, ayant prescrit la réalisation de l'artériographie, le retard dans la prise en charge vasculaire de la patiente ne ressortait pas à tout le moins de la responsabilité de ce dernier, et en tout état de cause, de celle de la clinique, responsable du fonctionnement et de la coordination entre les différents services, la cour d'appel n'a pas légalement justifié de sa décision ;
" 4) alors que, enfin, en tout état de cause, le délit d'homicide involontaire suppose un lien de causalité certain entre la faute et le dommage, lequel consiste, non en une perte de chance de survie, mais dans le décès même de la victime ; qu'ainsi, en considérant que les prétendus manquements imputés à M. X..., en ce qu'ils auraient retardé le diagnostic d'une ischémie aiguë et la prise en charge chirurgicale de cette complication, auraient conduit au décès de Mme Y..., cependant qu'elle a elle-même retenu, se référant en cela aux rapports des experts, qu'il ne pouvait être affirmé qu'une intervention chirurgicale plus précoce aurait irrémédiablement permis de sauver la patiente, la cour d'appel qui n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient nécessairement au regard de la responsabilité du docteur M. X... " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 21 février 2002, Mme Y..., âgée de 72 ans, a subi, dans une clinique privée de Cannes, une intervention chirurgicale de reprise sur la prothèse de la hanche droite réalisée par M. X..., chirurgien ; qu'au cours de cette intervention s'est produite une double interruption vasculaire artérielle et veineuse ; que, dans la soirée, l'infirmière de garde a signalé la persistance d'un symptôme de pied froid et marbré au chirurgien qui, par téléphone, a prescrit un vasodilatateur ; qu'une artériographie a été pratiquée le 22 février à 9 heures révélant une thrombose avec arrêt circulatoire ; que la patiente a été transférée dans l'après-midi au centre hospitalier de Nice où elle a subi une intervention vasculaire ; qu'elle y est décédée au cours de la nuit suivante ; que l'enquête et l'information ont permis d'établir que la patiente avait été victime d'une ischémie aigüe du membre inférieur droit ; que, mis en examen du chef d'homicide involontaire, M. X... a été renvoyé sous la prévention de ce délit devant le tribunal correctionnel, qui l'a relaxé ; que la partie civile et le ministère public ont relevé appel du jugement ;
Attendu que, pour déclarer le chirurgien coupable d'homicide involontaire, l'arrêt énonce que celui-ci, qui ne pouvait ignorer les risques encourus par la patiente, a commis un ensemble de manquements entretenant un lien direct et certain de causalité avec le décès ; que les juges retiennent que la double interruption vasculaire artérielle et veineuse survenue au cours de l'intervention a entraîné immédiatement un état d'ischémie aigüe du membre inférieur non diagnostiqué ; qu'ils ajoutent que M. X... a fait preuve de graves négligences dans le suivi de la patiente en n'ordonnant pas d'examens complémentaires et en ne donnant pas de consignes précises alors que lui était signalée la persistance de symptômes de pied froid et marbré puis en retardant le transfert de Mme Y... permettant une prise en charge vasculaire ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations procédant de son appréciation souveraine et exemptes de contradiction, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Harel-Dutirou conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Villar ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 09-87296
Date de la décision : 16/11/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 28 septembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 nov. 2010, pourvoi n°09-87296


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.87296
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