LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 mai 2009), que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Centre européen de mesure industrielle (la société débitrice), prononcé le 26 février 2007, ayant été publié au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc) le 29 mars 2007, la société de droit allemand Odermark Bekleidungswerke Brinkmann et CO KG (société Odermark) a déclaré sa créance hors du délai légal et a saisi le juge-commissaire d'une requête en relevé de forclusion le 21 janvier 2008 ;
Attendu que la société Odermark fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré cette demande irrecevable, comme tardive, alors, selon le moyen,
1°/ que la société Odermark soutenait que le délai de relevé de forclusion n'avait pu commencer à courir à son encontre, en vertu du principe contra non valentem agere, à défaut d'existence d'un bulletin communautaire des annonces commerciales, les annonces parues au BODACC sur le changement d'état ne pouvant être opposées à un créancier étranger qui n'a pas d'établissement en France ; qu'en se bornant néanmoins à relever, pour déclarer irrecevable la demande de relevé de forclusion présentée par la société Odermark, que celle-ci n'avait pas agi dans le délai de six mois qui lui était imparti, sans répondre à ces conclusions faisant valoir que le délai n'avait pas couru, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que la société Odermark soutenait que le délai de relevé de forclusion n'avait pas pu courir à son encontre du fait de la fraude de la société CEMI, qui avait dissimulé sa créance au liquidateur ; qu'en se bornant néanmoins à relever, pour déclarer irrecevable la demande de relevé de forclusion présentée par la société Odermark, que celle-ci n'avait pas agi dans le délai de six mois qui lui était imparti, sans répondre à ces conclusions faisant valoir que le délai n'avait pas couru, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que si l'action en relevé de forclusion ne peut, en principe, être exercée que dans un délai de six mois à compter de la publication du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, ce délai est, par exception, porté à un an pour les créanciers placés dans l'impossibilité de connaître l'existence de leur créance avant l'expiration du délai de six mois ; qu'en décidant néanmoins que la société Odermark ne pouvait bénéficier d'un tel délai d'un an pour agir en relevé de forclusion, après avoir pourtant constaté que les situations mensuelles établies pendant trois ans à compter du 26 janvier 2005 en exécution du contrat de cession de fonds de commerce conclu entre la société Odermark et la société CEMI et dont résultait la créance de la première sur la seconde, n'étaient pas toutes connues au 29 septembre 2007, date d'expiration du délai de six mois pour agir en relevé de forclusion, dès lors qu'il restait à établir les situations mensuelles afférentes aux quatre derniers mois du contrat, la cour d'appel a violé l'article L. 622-26 du code de commerce ;
4°/ que si l'action en relevé de forclusion ne peut en principe être exercée que dans un délai de six mois à compter de la publication du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, ce délai est, par exception, porté à un an pour les créanciers placés dans l'impossibilité de connaître l'existence de leur créance avant l'expiration du délai de six mois ; qu'en relevant néanmoins, pour considérer que la société Odermark n'avait pas été placée dans l'impossibilité de connaître l'existence de sa créance avant l'expiration du délai de six mois, intervenue en l'espèce le 29 septembre 2007, que le montant de la créance de la société Odermark serait connu, non le 26 janvier 2009 comme le soutenait cette dernière, mais à tout le moins le 26 janvier 2008, date à compter de laquelle il était contractuellement prévu que la société CEMI disposerait d'une année pour rembourser le solde de sa dette, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a violé l'article L. 622-26 du code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, que le règlement (CE) n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, dont l'article 21 ne prévoit la publicité de la décision ouvrant la procédure dans les autres États membres qu'à la requête du syndic ou sur décision de ces autres États, mais à la condition, dans ce second cas, que le débiteur, et non pas le créancier, y ait un établissement, renvoie, par son article 4, § 2 h), au droit interne de l'État d'ouverture pour la détermination de l'ensemble des règles relatives à la production des créances et à ses suites ; qu'il résulte des dispositions, ainsi rendues applicables, de l'article L. 622-26, alinéa 3, du code de commerce dans leur rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, que le délai de l'action en relevé de forclusion court à compter de la publication du jugement d'ouverture, sans distinction selon le lieu d'établissement, en France ou à l'étranger, du créancier ; que, par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, la décision de la cour d'appel se trouve justifiée ;
Attendu, en second lieu, que la cour d'appel n'était pas tenue de répondre aux conclusions inopérantes évoquées par la deuxième branche, dès lors que la dissimulation éventuelle par la société débitrice de sa dette envers la société Odermark, si elle pouvait constituer un cas de relevé de forclusion, était, en revanche, sans incidence sur le point de départ du délai de l'action tendant à ce relevé, qui court dès la publication du jugement d'ouverture, laquelle n'est pas dissimulée par l'omission de la créance ;
Attendu, en dernier lieu, qu'après avoir énoncé que le délai de l'action en relevé de forclusion n'est porté, par l'article L. 622-26, alinéa 3, précité, de six mois à un an qu'en faveur des créanciers placés dans l'impossibilité de connaître l'existence de leur créance avant l'expiration du premier délai, l'arrêt retient que la société Odermark était liée par contrat à la société débitrice depuis le 26 janvier 2005 pour une durée de trois ans, que, chaque mois, un décompte de la créance échelonnée était effectué et qu'au 29 septembre 2007, date d'expiration du délai de six mois, il lui était possible, conformément aux dispositions de l'article L. 622-24, alinéa 3, du code de commerce, d'estimer le montant de sa créance quatre mois avant la date du décompte définitif prévu au 26 janvier 2008 ; que, de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, sans encourir les griefs des deux dernières branches, a pu déduire que la société Odermark connaissait avant l'expiration du délai de six mois l'existence de sa créance, même si le montant n'en était pas encore définitivement liquidé ;
D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Odermark Bekleidungswerke Brinkmann et CO KG aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la SCP Becheret Thierry Sénéchal Gorrias, prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Centre européen de mesure industrielle la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Rouvière, avocat aux Conseils pour la société société Odermark Bekleidungswerke Brinkmann et Co KG.
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de la société ODERMARK tendant à être relevée de la forclusion de sa déclaration de créance à l'encontre de la société CEMI.
AUX MOTIFS QU'il doit être rappelé que la société ODERMARK, qui est une société de droit allemand, dit avoir ignoré que sur l'assignation d'un créancier, la société CEMI avait été placée en liquidation judiciaire par jugement du 26 février 2007, publié au BODACC le 29 mars 2007, sa déclaration de créance n'ayant été faite que le 5 décembre 2007 et sa requête en relevé de forclusion n'ayant été déposée que le 21 janvier 2008 ; qu'aux termes de l'article L.622-26 du Code de commerce, la demande en relevé de forclusion doit être formée dans les six mois à compter de la publication du jugement d'ouverture de la procédure collective ; qu'elle aurait dû en conséquence être déposée au plus tard le 29 septembre 2007 ; que ne l'ayant été que le 21 janvier 2008, sa recevabilité ne peut être constatée ; qu'en outre, l'exception prévue par le même texte qui permet l'extension à un an, du délai de six mois susvisé, ne concerne pas le cas d'espèce ; qu'en effet, cette extension ne vise que « les créanciers placés dans l'impossibilité de connaître l'existence de leur créance avant l'expiration du délai de six mois précité » et que la société ODERMARK ne s'est pas trouvée dans cette impossibilité dès lors que :
* selon le contrat signé le 26 janvier 2005 entre les parties, la société CEMI a cédé son fonds de commerce d'activité de grossiste en costumes sur mesure pour homme à la société ODERMARK, au prix de « 30 % du chiffre d'affaires payé (TVA exclue) » des vêtements des trois années à venir, 20 % étant affectés à la société ODERMARK et 10 % à la société CEMI, le décompte devant être effectué mensuellement ;
* l'article 8 du même contrat prévoyait la défaillance éventuelle du débiteur dans les termes suivants : « au cas où, après l'expiration de ce contrat, c'est-à-dire après trois ans, les créances de la société ODERMARK envers la société CEMI, d'un total d'environ 273 000 € actuellement, ne sont pas remboursées, la société CEMI remboursera le restant pendant 12 mois » ;
ce qui implique, d'une part, que les situations mensuelles cumulées entre le 26 janvier 2005, jour de signature du contrat, et le 29 septembre 2007, date d'expiration du délai à l'intérieur duquel la déclaration de créance devait intervenir, étaient objectivement connues, rien n'empêchant en outre la société ODERMARK de faire, pour les quatre derniers mois du contrat restant à courir, une projection optimiste de la situation du chiffre d'affaires pouvant être ensuite éventuellement réduite par cette créancière ou par le Juge-commissaire, d'autre part, que contrairement à ce que soutient l'appelante, le contrat de 2005 ne prévoyait pas que le règlement des comptes s'effectuerait à l'échéance du 26 janvier 2009, mais seulement qu'au 26 janvier 2008, date d'expiration du contrat, une année serait accordée à la société CEMI pour rembourser « le restant », ce qui implique qu'à cette dernière date, le montant de la créance serait connu ;
qu'il y a donc lieu, eu égard au caractère non recevable de la demande de relevé de forclusion, formée au-delà du délai de six mois non extensible à un an dans le cas d'espèce, de confirmer le jugement entrepris par motifs substitués ;
1°) ALORS QUE la société ODERMARK soutenait que le délai de relevé de forclusion n'avait pu commencer à courir à son encontre, en vertu du principe contra non valentem agere, à défaut d'existence d'un bulletin communautaire des annonces commerciales, les annonces parues au BODACC sur le changement d'état ne pouvant être opposées à un créancier étranger qui n'a pas d'établissement en France ; qu'en se bornant néanmoins à relever, pour déclarer irrecevable la demande de relevé de forclusion présentée par la société ODERMARK, que celle-ci n'avait pas agi dans le délai de six mois qui lui était imparti, sans répondre à ces conclusions faisant valoir que le délai n'avait pas couru, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE la société ODERMARK soutenait que le délai de relevé de forclusion n'avait pas pu courir à son encontre du fait de la fraude de la société CEMI, qui avait dissimulé sa créance au liquidateur ; qu'en se bornant néanmoins à relever, pour déclarer irrecevable la demande de relevé de forclusion présentée par la société ODERMARK, que celle-ci n'avait pas agi dans le délai de six mois qui lui était imparti, sans répondre à ces conclusions faisant valoir que le délai n'avait pas couru, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE si l'action en relevé de forclusion ne peut, en principe, être exercée que dans un délai de six mois à compter de la publication du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, ce délai est, par exception, porté à un an pour les créanciers placés dans l'impossibilité de connaître l'existence de leur créance avant l'expiration du délai de six mois ; qu'en décidant néanmoins que la société ODERMARK ne pouvait bénéficier d'un tel délai d'un an pour agir en relevé de forclusion, après avoir pourtant constaté que les situations mensuelles établies pendant trois ans à compter du 26 janvier 2005 en exécution du contrat de cession de fonds de commerce conclu entre la société ODERMARK et la société CEMI et dont résultait la créance de la première sur la seconde, n'étaient pas toutes connues au 29 septembre 2007, date d'expiration du délai de six mois pour agir en relevé de forclusion, dès lors qu'il restait à établir les situations mensuelles afférentes aux quatre derniers mois du contrat, la Cour d'appel a violé l'article L.622-26 du Code de commerce ;
4°) ALORS QUE si l'action en relevé de forclusion ne peut en principe être exercée que dans un délai de six mois à compter de la publication du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, ce délai est, par exception, porté à un an pour les créanciers placés dans l'impossibilité de connaître l'existence de leur créance avant l'expiration du délai de six mois ; qu'en relevant néanmoins, pour considérer que la société ODERMARK n'avait pas été placée dans l'impossibilité de connaître l'existence de sa créance avant l'expiration du délai de six mois, intervenue en l'espèce le 29 septembre 2007, que le montant de la créance de la société ODERMARK serait connu, non le 26 janvier 2009 comme le soutenait cette dernière, mais à tout le moins le 26 janvier 2008, date à compter de laquelle il était contractuellement prévu que la société CEMI disposerait d'une année pour rembourser le solde de sa dette, la Cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a violé l'article L.622-26 du Code de commerce.