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10/11/2010 | FRANCE | N°09-40967

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 novembre 2010, 09-40967


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 novembre 2008), que Mme X... engagée le 2 mai 1996 par la société SSA à laquelle a succédé la société Assistance à la gestion et à l'informatique en qualité de consultant cadre a été licenciée pour faute grave le 7 janvier 2005 ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement repose sur une faute grave, alors, selon le moyen :
1°/ que ne constitue pas une cause de licenciement ni, a fortiori, une fa

ute le justifiant, l'exercice par un salarié de sa liberté d'expression, sauf abus ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 4 novembre 2008), que Mme X... engagée le 2 mai 1996 par la société SSA à laquelle a succédé la société Assistance à la gestion et à l'informatique en qualité de consultant cadre a été licenciée pour faute grave le 7 janvier 2005 ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement repose sur une faute grave, alors, selon le moyen :
1°/ que ne constitue pas une cause de licenciement ni, a fortiori, une faute le justifiant, l'exercice par un salarié de sa liberté d'expression, sauf abus ; que l'envoi, par un salarié faisant l'objet d'incessantes critiques de la part de son employeur, de courriers dénués de tous termes injurieux, de propos mensongers ou d'accusations formulées avec l'intention de nuire, et ce afin de se justifier sur chacune d'entre elles, caractérise l'exercice sans abus de la liberté d'expression du salarié ; qu'en retenant comme constitutif de faute grave l'exercice de cette liberté fondamentale, sans caractériser l'abus commis par la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6 (devenu L. 1234-1), L. 122-8 (devenu L. 1234-4 à 6), L. 122-9 (devenu L. 1234-9), L. 122-14-3 (devenu L. 1232-1) du code du travail, 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
2°/ que nul ne peut se créer un titre à soi-même ; qu'en déduisant que la salariée avait refusé de se rendre, à l'issue de l'entretien individuel d'évaluation, dans le bureau de M.
Y...
, directeur général de la société, dont elle a tiré l'existence d'une faute grave, des seules "indications" de ce dernier, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
3°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue le défaut de motifs ; qu'en l'espèce, Mme X... exposait, dans ses conclusions d'appel récapitulatives, qu'elle n'était jamais à l'origine des échanges ayant lieu entre elle et l'employeur et qu'elle se trouvait toujours en position de réponse et de défense vis à vis des reproches de ce dernier ; qu'elle ajoutait que les réponses qu'elle apportait à son employeur ne permettaient jamais de mettre un terme aux critiques car après chaque réponse reçue, ce dernier relançait le débat dans une évidente stratégie de déstabilisation de la salariée, utilisant le moindre prétexte pour lui rendre la vie insupportable et la pousser à quitter l'entreprise ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions déterminantes pour la conclusion du litige, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif en méconnaissance des exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la preuve est libre en matière prud'homale et que la cour d'appel, répondant aux conclusions prétendument omises en rappelant la chronologie des écrits échangés entre la salariée et ses supérieurs hiérarchiques, a constaté, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que Mme X... n'avait pas déféré à une demande d'entretien émanant du directeur général de la société Assistance à la gestion et à l'informatique, afin de tenter de normaliser les relations avec sa hiérarchie, et, par des motifs non critiqués par le moyen, que cet acte d'insubordination était la dernière manifestation d'une volonté polémique et d'un comportement discréditant l'employeur par la remise en cause de ses directives et par des accusations injustifiées proférées à son encontre depuis mai 2004 ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement pour faute grave de Madame X... était justifié et d'AVOIR débouté l'intéressée de ses demandes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité de préavis, et d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
AUX MOTIFS QUE par ailleurs, à compter de mars 2004, de nouveaux courriers recommandés ont été échangés notamment entre Monsieur Z... et Madame X..., et le 22 avril 2004, Monsieur Z... a adressé un avertissement à Madame X... en lettre recommandée avec demande d'avis de réception en maintenant les reproches exprimés précédemment portant sur l'augmentation anormale des mails adressés par la salariée au directeur général, à lui-même, aux responsables commerciaux ainsi qu'au directeur de projet, sur l'organisation du planning de la salariée chez un de ses clients la Régie des Tabacs du Maroc et la salariée a répondu le 10 mai 2004 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception pour contester les termes de cet avertissement qu'elle a jugé totalement injustifié ; que le fait pour un salarié de contester les griefs exprimés par un employeur à son encontre ne constitue pas en soi un comportement hostile et critique et entre dans la liberté d'expression dont il bénéficie sous la réserve cependant qu'il le fasse de façon mesurée et sans remettre en cause le pouvoir hiérarchique de son employeur ; qu'en l'espèce, Madame X..., dans son courrier du 10 mai 2004, a terminé en indiquant « Enfin et à la lecture de nos échanges, je suis désolée de constater que vous passez beaucoup de temps à m'adresser des critiques non fondées ou mensongères, m'obligeant à vous répondre pour me justifier de faits inexistants ou inventés. Dans ces conditions, je considère que j'ai déjà perdu beaucoup de temps à vous adresser des courriers qui restent sans effets' et j'ai le plaisir de vous annoncer que je cesserais à l'avenir de répondre à vos courriers me faisant des reproches injustifiés » ; qu'en accusant Monsieur Z... d'inventer des faits pour les lui reprocher, ce qui va au-delà de la récusation de griefs qu'elle considérait comme injustifiés et en utilisant un ton ironique et condescendant à son égard, la salariée a outre passé son droit d'expression et exprimé ouvertement en effet son hostilité envers son supérieur hiérarchique ; que de nouveau, des échanges de mails et de courriers recommandés sont intervenus à compter du 1er octobre 2004, au sujet de la demande de Monsieur Y..., directeur général, de planification anticipée de ses prochains déplacements au Maroc par Madame X..., les voyages prévus au dernier moment ayant contraint la société à lui réserver des billets d'avion en classe affaire et ce pour la troisième fois ; que les réponses faites par Madame X... à Monsieur Y..., compte tenu des termes et du ton employé démontrent que la salariée a souhaité discréditer l'autorité de Monsieur Y..., notamment dans son message du 8 octobre 2004 envoyé à Monsieur Y... et diffusé à Monsieur Z... et Monsieur A..., directeur de projet, en terminant par « Suite aux mails de Monsieur Y... concernant ces actions, j'attends de votre part des actions qui permettront de résoudre le sujet qui vous préoccupe», les circonstances qu'elle invoquait ne la dispensant pas en tout cas de répondre avec mesure à la recommandation de Monsieur Y... lequel exprimait au surplus la difficulté à expliquer au client qu'elle était la seule à se trouver dans cette situation ; qu'après de nouveaux échanges, le 9 novembre 2004, à la suite d'un courrier du 29 octobre de la salariée lequel n'est pas produit, Monsieur Z... a par mail pris acte de la volonté de la salariée de mener à bien sa mission et de donner satisfaction au client mais sur l'absence reprochée du 8 octobre, a formellement contesté avoir donné une quelconque autorisation d'absence écrite ou orale à Madame X..., lui demandant à l'avenir de rédiger par mail une demande de congé ; que 15 novembre, Madame X... a répondu : « Je note le caractère contradictoire de vos écrits ce qui confirme vos tentatives de déstabilisation, de harcèlement et de marginalisation à mon égard. Vous êtes l'auteur de toutes les polémiques passées et vous le confirmez dans votre mail du 09/11/04 désormais le climat de confiance dans le cadre professionnel n'existe plus » ; que de telles accusations portées par Madame X... démontrent la persistance de la salariée dans une attitude de refus de toute collaboration professionnelle et sa volonté d'alimenter une vindicte personnelle, alors qu'elle ne justifie au demeurant d'aucune autorisation d'absence pour la journée du 8 octobre, son absence ayant été constatée tant par Monsieur Z... que Monsieur Y..., et que le mail de Monsieur Nahum lui donne acte au contraire de sa volonté de remplir sa mission, ce qui ne saurait justifier une telle réaction de la part de Madame X... ; que s'agissant du 22 décembre 2004, il résulte des pièces produites qu'à cette date, Monsieur Z... devait procéder à l'entretien annuel d'évaluation de Madame X..., que Monsieur Y... s'est présenté à cet entretien (…) ; qu'en revanche, Madame X... n'apporte aucun élément de nature à démentir l'attestation de Monsieur Y... selon laquelle il lui a demandé de se rendre à l'issue de l'entretien d'évaluation dans son bureau, pas plus d'ailleurs que le fait qu'il ait attendu la salariée et la convocation à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement dès le lendemain démontre que contrairement à ce que prétend la salariée, le directeur général a bien entendu donner une suite disciplinaire à ce refus de la salariée de déférer à sa demande ; qu'après sa réponse du 10 mai 2004 à l'avertissement délivré qui dénotait déjà, en dehors de la contestation du bien fondé de cet avertissement, une volonté de polémique avec sa hiérarchie directe, la salariée a persisté en son hostilité déclarée envers cette hiérarchie, a continué à adopter un comportement discréditant l'employeur, remettant en cause ses directives et ses observations, portant contre lui des accusations qui ne sont pas justifiées par les pièces du dossier, car l'employeur ayant fait droit aux revendications qu'il estimait justifier de la salariée dans le cadre du transfert et ayant ensuite reconnu et rectifié ses erreurs ponctuelles en 2003 et 2004 sur le paiement du salaire sans qu'il soit prouvé ainsi une quelconque volonté de nuire à la salariée, il n'est établi ni que Madame X... ait été la cible des agissements allégués de déstabilisation, de harcèlement, de marginalisation, ni ainsi qu'elle le prétend que l'attitude de la direction ait consisté à systématiquement bafouer les droits découlant de son contrat de travail, étant relevé qu'aucune demande n'est formée dans la présente instance au titre d'un harcèlement moral par la salariée et que celle-ci ne verse aux débats aucune autre pièce que les courriers échangés avec l'employeur ; que ce comportement fautif de la salariée qui se prolongeant depuis mai 2004, s'est en dernier lieu manifesté par le refus de se rendre à l'issue de l'entretien individuel d'évaluation dans le bureau de Monsieur
Y...
caractérisant l'insubordination de la salariée rendait dès lors impossible le maintien de la relation contractuelle même pendant la durée limitée du préavis ; que le jugement qui a décidé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, a accordé à la salariée l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité conventionnelle de licenciement et une indemnité pour abus de droit délibéré dans la qualification du licenciement sera infirmé ; que Madame X... sera déboutée de ses demandes relatives à l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité convention celle de licenciement, aux dommages et intérêts pour préjudice moral et financier résultant de la rupture du contrat de travail ;
ALORS, D'UNE PART, QUE ne constitue pas une cause de licenciement ni, a fortiori, une faute le justifiant, l'exercice par un salarié de sa liberté d'expression, sauf abus ; que l'envoi, par un salarié faisant l'objet d'incessantes critiques de la part de son employeur, de courriers dénués de tous termes injurieux, de propos mensongers ou d'accusations formulées avec l'intention de nuire, et ce afin de se justifier sur chacune d'entre elles, caractérise l'exercice sans abus de la liberté d'expression du salarié ; qu'en retenant comme constitutif de faute grave l'exercice de cette liberté fondamentale, sans caractériser l'abus commis par la salariée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6 (devenu L. 1234-1), L. 122-8 (devenu L. 1234-4 à 6), L. 122-9 (devenu L. 1234-9), L. 122-14-3 (devenu L. 1232-1) du Code du travail, 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE nul ne peut se créer un titre à soi-même ; qu'en déduisant que la salariée avait refusé de se rendre, à l'issue de l'entretien individuel d'évaluation, dans le bureau de Monsieur
Y...
, directeur général de la société, dont elle a tiré l'existence d'une faute grave, des seules « indications » de ce dernier, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE le défaut de réponse à conclusions constitue le défaut de motifs ; qu'en l'espèce, Madame X... exposait, dans ses conclusions d'appel récapitulatives, qu'elle n'était jamais à l'origine des échanges ayant lieu entre elle et l'employeur et qu'elle se trouvait toujours en position de réponse et de défense vis à vis des reproches de ce dernier ; qu'elle ajoutait que les réponses qu'elle apportait à son employeur ne permettaient jamais de mettre un terme aux critiques car après chaque réponse reçue, ce dernier relançait le débat dans une évidente stratégie de déstabilisation de la salariée, utilisant le moindre prétexte pour lui rendre la vie insupportable et la pousser à quitter l'entreprise ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions déterminantes pour la conclusion du litige, la Cour d'appel a privé sa décision de tout motif en méconnaissance des exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-40967
Date de la décision : 10/11/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 04 novembre 2008


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 nov. 2010, pourvoi n°09-40967


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.40967
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