La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/10/2010 | FRANCE | N°09-60459

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 octobre 2010, 09-60459


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les alinéas 6 et 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, L. 2143-3 du code du travail et 11 IV et 13 de la loi n° 789 du 20 août 2008 ;
Attendu que si les dispositions transitoires des articles 11 IV et 13 de la loi n° 789 du 20 août 2008 ont maintenu, jusqu'aux résultats des premières élections professionnelles postérieures à la date de publication de la loi, à titre de présomption qui n'est pas susceptible de preuve contraire, la représentativité des syndicats

à qui cette qualité était reconnue, avant la date de cette publication, so...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les alinéas 6 et 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, L. 2143-3 du code du travail et 11 IV et 13 de la loi n° 789 du 20 août 2008 ;
Attendu que si les dispositions transitoires des articles 11 IV et 13 de la loi n° 789 du 20 août 2008 ont maintenu, jusqu'aux résultats des premières élections professionnelles postérieures à la date de publication de la loi, à titre de présomption qui n'est pas susceptible de preuve contraire, la représentativité des syndicats à qui cette qualité était reconnue, avant la date de cette publication, soit par affiliation à l'une des organisations syndicales représentatives au niveau national ou interprofessionnel, soit parce qu'ils remplissaient les critères énoncés à l'article L. 2121-1 du code du travail alors en vigueur, les nouvelles dispositions légales, interprétées à la lumière des articles 6 et 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, n'excluent pas qu'un syndicat qui ne bénéficie pas de cette présomption puisse établir sa représentativité, soit par affiliation postérieure à l'une des organisations syndicales représentatives au niveau national ou interprofessionnel, soit en apportant la preuve qu'il remplit les critères énoncés à l'article L. 2121-1 du code du travail dans sa rédaction issue de cette loi à la seule exception de l'obtention d'un score électoral de 10 %, auquel il devra satisfaire dès les premières élections professionnelles organisées dans l'entreprise ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que la Fédération autonome des transports-Union nationale des syndicats autonomes (la FAT-UNSA) a notifié le 2 octobre 2009 à la société Loomis France la désignation de quatre délégués syndicaux d'entreprise ; que la société et le Syndicat national autonome Sud des convoyeurs de fonds et des métiers du fiduciaire (le SNA-SUD CF MF) ont saisi le tribunal d'instance de demandes en annulation de ces désignations ;
Attendu que pour annuler ces désignations, le tribunal énonce que la FAT-UNSA ne rapporte pas la preuve de sa représentativité reconnue au 21 août 2008 et ne peut par conséquent établir sa représentativité dans l'entreprise Loomis France, ni en application des anciens critères ni au regard des nouveaux, jusqu'aux prochaines élections professionnelles ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait d'examiner la représentativité de ce syndicat à la date de la désignation des délégués syndicaux, le tribunal a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré recevables les recours formés par la société Loomis France et le SNA-SUD CF MF, le jugement rendu le 3 décembre 2009, entre les parties, par le tribunal d'instance de Villejuif ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance d'Ivry-sur-Seine ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Loomis France à payer aux demandeurs la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf octobre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour la Fédération autonome des transports FAT-UNSA et MM. X..., Y..., Z... et A...

Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR annulé les désignations de Messieurs X..., Y..., Z... et A... en qualité de délégués syndicaux de l'entreprise Loomis France, AUX MOTIFS QUE la loi du 20 août 2008 a profondément modifié les règles relatives à la représentativité des syndicats et prévu une période transitoire à compter de la publication de la loi et jusqu'aux prochaines élections dans l'entreprise ; qu'en application de l'article 11 IV de la loi, jusqu'aux résultats des premières élections professionnelles dans l'entreprise pour lesquelles la date fixée pour la première réunion du protocole préélectoral est postérieure à ladite loi, est présumé représentatif à ce niveau : - tout syndicat affilié à une organisation syndicale présumée représentative au niveau national et interprofessionnel au 21 août 2008, - tout syndicat représentatif au niveau de l'entreprise au 21 août 2008, - tout syndicat constitué à partir d'un regroupement de plusieurs syndicats, dont l'un au moins est affilié à une organisation syndicale de salarié représentative au niveau national et interprofessionnel au 21 août 2008 ; que ce régime transitoire trouve à s'appliquer en l'espèce aux parties dans la mesure où des élections professionnelles ont déjà eu lieu en octobre 2008, en application d'un protocole d'accord de juin 2008, si bien que la date fixée pour la première réunion de la négociation du protocole d'accord préélectoral s'agissant des prochaines élections est nécessairement postérieure au 21 août 2008 ; qu'en l'espèce, la FAT-UNSA ne rapporte pas la preuve de sa représentativité reconnue au 21 août 2008 et ne peut par conséquent établir sa représentativité dans l'entreprise Loomis France, ni en application des anciens critères, ni au regard des nouveaux, jusqu'aux prochaines élections professionnelles ; que la loi du 20 août 2008 n'a pas prévu la survie des critères anciens de représentativité au niveau de l'entreprise ; que la FATUNSA ne peut soutenir le droit de prouver sa représentativité sur le fondement des nouveaux critères, exclusion faite de celui de l'audience, alors que ce critère est le pivot de la réforme et qu'il est prévu un cumul des critères légaux ; qu'il n'est relevé aucune violation par l'article 11 de la loi du 20 août 2008 des textes européens et internationaux invoqués dans la mesure où les droits de constituer un syndicat, de s'affilier à un syndicat de son choix et de participer à la défense des intérêts d'un groupe de travailleurs sont préservés ; que les dispositions de la loi susvisée prévoient dès son entrée en vigueur la possibilité pour un syndicat non représentatif de créer une section syndicale et de désigner un représentant de section syndicale, dans la perspective de la prochaine échéance électorale ; que par conséquent, et en l'absence de représentativité de la FAT-UNSA, il convient d'annuler la désignation de MM Stéphane X..., Baptiste Y..., Frédéric Z..., Saniel A... en qualités de délégués syndicaux de l'entreprise Loomis France ;
1°) ALORS QUE les dispositions transitoires d'une loi appellent une interprétation stricte ; que l'article 11-IV de la loi du 20 août 2008, qui se contente de définir les organisations syndicales présumées représentatives au niveau de l'entreprise jusqu'aux résultats des premières élections professionnelles dans l'entreprise organisées sur la base d'un protocole préélectoral dont la première réunion est postérieure à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, ne saurait nullement avoir pour effet d'exclure le maintien, pendant cette période transitoire, du système de la représentativité prouvée, ni donc d'empêcher une organisation ne bénéficiant pas de la présomption de représentativité au titre du régime transitoire d'établir sa représentativité, afin de désigner un délégué syndical ; qu'en interprétant néanmoins l'article 11-IV précité comme excluant par principe la possibilité pour un syndicat, qui ne bénéficierait pas de la présomption de représentativité à la date d'entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008, de pouvoir établir sa représentativité dans l'entreprise au cours de la période transitoire et jusqu'aux prochaines élections professionnelles, le tribunal a violé l'article 11-IV de la loi du 20 août 2008 ;
2°) ALORS QUE les dispositions transitoires d'une loi appellent une interprétation stricte ; que selon l'article 13 de la loi du 20 août 2008, jusqu'aux résultats des premières élections professionnelles organisées dans l'entreprise pour lesquelles la date fixée pour la négociation du protocole préélectoral est postérieure à la publication de la loi, chaque syndicat représentatif dans l'entreprise à la date de cette publication peut désigner un ou plusieurs délégués syndicaux pour le représenter auprès de l'employeur ; que cette disposition ne limite pas le droit de désigner un délégué syndical aux seuls syndicats qui bénéficient de la présomption de représentativité ou dont la représentativité a été reconnue par décision de justice à la date du 21 août 2008, mais l'ouvre à tout syndicat en mesure d'établir qu'il était représentatif à la date de la publication de la loi ; qu'en retenant néanmoins, pour annuler la désignation d'un délégué syndical par la FAT-UNSA, que cette dernière ne rapportait pas la preuve de sa représentativité « reconnue » au 21 août 2008, le tribunal a violé l'article 13 de la loi du 20 août 2008 ;
3°) ALORS QUE l'objectif de la loi du 20 août 2008 tient à ce qu'au terme de la période transitoire, plus aucun syndicat ne bénéficie d'une présomption de représentativité et que chaque syndicat soit au contraire tenu de faire la preuve de sa représentativité à chaque élection professionnelle; que l'esprit de la loi est donc de promouvoir une représentativité qui soit la plus conforme possible à la réalité ; qu'à cet égard, le maintien d'une représentativité présumée au cours d'une période transitoire apparaît comme une exception et une dérogation temporaire à l'objectif de la loi, devant dès lors s'interpréter et s'appliquer de manière restrictive ; qu'en interprétant néanmoins, faussement, la loi du 20 août 2008 comme excluant pendant la période transitoire toute représentativité prouvée, quand une telle interprétation, accentuant le poids de la représentativité présumée, apparaît contraire à la volonté du législateur, le tribunal a derechef violé les dispositions des articles 11 et 13 de la loi du 20 août 2008 ;
4°) ALORS QUE le droit syndical s'exerce dans le respect des droits et libertés garantis par la Constitution ; que selon les alinéas 6 et 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 visé à l'alinéa 1er du préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, tout salarié peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et participer, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ; que si la participation à la négociation collective peut être subordonnée à une condition de représentativité et si certains syndicats peuvent bénéficier d'une présomption de représentativité, il ne peut en revanche être interdit, sauf à porter atteinte au droit constitutionnel précité, aux syndicats qui ne bénéficient pas de cette présomption de prouver leur représentativité ; qu'ainsi la loi du 20 août 2008, qui doit s'interpréter à la lumière du préambule de la Constitution, ne saurait exclure la possibilité pour un syndicat ne bénéficiant pas de la présomption de représentativité au cours de la période transitoire, de prouver cette représentativité ; que la loi doit donc nécessairement s'interpréter comme ayant réservé la possibilité de prouver la représentativité au cours de la période transitoire, sans que l'inapplicabilité du nouveau critère d'audience électorale ne puisse y faire obstacle, ni l'abrogation pour l'avenir des anciens critères, tout ou partie de ces critères devant le cas échéant survivre durant la période transitoire pour permettre à tout syndicat d'exercer son droit à prouver sa représentativité ; qu'en considérant le contraire, et en retenant donc une interprétation fausse de la loi, contraire au Préambule de la Constitution, le tribunal a violé l'article 11 de la loi du 20 août 2008 ;
5°) ALORS QU'en vertu du principe de l'égalité de traitement, qui est de valeur constitutionnelle, des syndicats ne sauraient se voir interdire de prouver leur représentativité, et donc de participer à la négociation collective, tandis que d'autres syndicats bénéficieraient quant à eux d'une présomption irréfragable de représentativité ; que la loi du 20 août 2008, ayant consacré une présomption de représentativité, irréfragable, au bénéfice de certains syndicats, ne sauraient, sauf à porter une atteinte injustifiée et en toute hypothèse excessive au principe d'égalité de traitement entre les organisations syndicales, avoir eu pour objet ou pour effet de mettre fin, pour la période transitoire, à la possibilité pour les autres syndicats de prouver leur représentativité ainsi qu'ils pouvaient le faire auparavant, et partant d'exclure ces syndicats de la négociation collective pour toute la durée de la période transitoire ; qu'en considérant le contraire, le tribunal a violé l'article 11 de la loi du 20 août 2008, interprété à la lumière de l'article 6 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946 et des articles 1er, 5 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ensemble ces dispositions constitutionnelles ;
6°) ALORS QUE le droit de mener des négociations collectives est un des éléments essentiels du droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts, tel que garanti de manière effective par l'article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en l'espèce, la loi du 20 août 2008 devait s'interpréter en conformité avec les droits fondamentaux garantis par l'article 11 précité; qu'en décidant néanmoins qu'en application de cette loi un syndicat ne bénéficiant pas de la présomption de représentativité, tel la FAT-UNSA, ne pouvait établir sa représentativité dans l'entreprise ni en application des anciens critères ni au regard des nouveaux, quand l'interdiction faite à un syndicat de prouver sa représentativité pendant la période transitoire l'empêche de participer à la négociation collective, ce qui porte atteinte à la liberté syndicale, le tribunal d'instance a méconnu les droits fondamentaux garantis de manière effective par l'article 11 précité, et a partant violé la loi du 20 août 2008 interprété à la lumière de l'article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble cette stipulation ;
7°) ALORS QUE le droit de mener des négociations collectives, constituant un élément essentiel du droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts tel que garanti de manière effective par l'article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne saurait être appliqué de manière discriminatoire ; qu'en l'espèce, en considérant qu'en application de la loi du 20 août 2008 un syndicat ne bénéficiant pas de la présomption de représentativité ne peut établir sa représentativité dans l'entreprise ni en application des anciens critères ni au regard des nouveaux, quand l'interdiction faite à un syndicat de prouver sa représentativité pendant la période transitoire l'empêche de participer à la négociation collective, tandis que les syndicats bénéficiant de la présomption de représentativité le peuvent, le tribunal d'instance a violé les articles 14 et 11 combinés de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
8°) ALORS QUE le juge ne peut se retrancher derrière l'insuffisance de la loi pour refuser d'appliquer un droit ; que les dispositions de la loi du 20 août 2008 maintenant à titre transitoire la représentativité présumée ne pouvant s'interpréter comme excluant pour autant le droit de tout syndicat à prouver sa représentativité au cours de cette période, en considérant néanmoins que la FAT-UNSA ne pouvait établir sa représentativité dans l'entreprise jusqu'aux prochaines élections dans la mesure où le législateur n'avait pas prévu la survie des anciens critères et où les nouveaux n'étaient pas encore applicables puisque l'audience était le critère pivot de la réforme et qu'il était prévu un cumul des critères légaux, quand il lui appartenait au contraire d'interpréter les dispositions légales de manière à donner son effectivité au droit du syndicat exposant de prouver sa représentativité, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles 11 et 13 de la loi du 20 août 2008, des alinéas 6 et 8 du préambule de la Constitution et de l'article 11 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-60459
Date de la décision : 29/10/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Villejuif, 03 décembre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 29 oct. 2010, pourvoi n°09-60459


Composition du Tribunal
Président : Mme Morin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.60459
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award