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26/10/2010 | FRANCE | N°09-87671

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 octobre 2010, 09-87671


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Serge X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, en date du 29 octobre 2009, qui, pour entrave à l'exercice régulier des fonctions de délégué du personnel et emploi de pression à l'encontre d'une organisation syndicale, l'a condamné à 2 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L.

122-24-4, L. 121-1, L. 421-1, L. 424-1 à L. 424-5 et L. 482-1, du code du travail, ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Serge X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, en date du 29 octobre 2009, qui, pour entrave à l'exercice régulier des fonctions de délégué du personnel et emploi de pression à l'encontre d'une organisation syndicale, l'a condamné à 2 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 122-24-4, L. 121-1, L. 421-1, L. 424-1 à L. 424-5 et L. 482-1, du code du travail, dans leur rédaction applicable à la cause, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'entrave à l'exercice des fonctions de délégué du personnel et l'a condamné en conséquence à une peine d'amende de 2 000 euros, ainsi qu'à verser des dommages-intérêts à M. Y..., à hauteur de 1 000 euros et au syndicat CGT Goodyear Dunlop de 500 euros ;
"aux motifs que l'inspection du travail a relevé, par procès-verbal du 11 mars 2005, les deux délits pour lesquels M. X... est poursuivi ; qu'une information a été ouverte le 5 août 2005 ; que M. Y... est employé à l'établissement de Riom de la société Goodyear Dunlop Tires France, qui compte cent seize salariés ; que cet établissement rechape des pneus de poids lourds ; que M. Y... est délégué du personnel et membre du comité d'établissement élu sur la liste CGT ; que les faits suivent la chronologie ci-dessous : par courrier du 20 juin 2003, M. Y..., en arrêt depuis le 26 avril précédent, expose les raisons médicales qui font qu'il ne peut plus venir travailler à son poste de « gonflage identification » ; il souffre d'un genou et demande à être reclassé, demandant notamment un poste administratif (M. Y... a eu une première visite médicale le 16 juin, à la suite de laquelle il n'a pas été déclaré inapte à son poste de travail) ;

deux avis de la médecine du travail des 16 et 17 juillet 2003 le déclarent apte mais en travail assis ou assis-debout et inapte temporairement au travail debout (avis du 16 juillet) et de nuit (avis du 17 juillet) ; le 18 mars 2004, il rappelle à son employeur son précédent courrier, l'informe qu'il a subi une opération et qu'il peut occuper un poste de travail assis, que de tels postes existent dans l'entreprise ; le 22 mars 2004, M. Y... passe une visite médicale pour la reprise du travail ; il est déclaré inapte à son poste de travail (poste gonflage-identification ) par le médecin du travail et apte à un poste assis ;
l'avis précise une contre-indication aux mouvements assis-debout, à la station debout et au port de charges ; l'avis précise : à revoir après étude de poste ; le 24 mars 2004, il est déclaré inapte à son poste de travail par le médecin du travail ; il est précisé qu'il est apte à un poste sans port de charges, sans flexion, et qu'un reclassement est à prévoir ; M. Y... est à revoir dans quinze jours ; le 7 avril 2004, M. Y... est déclaré apte à un poste avec pas de marche ou de station debout supérieure à quatre heures par jour, pas de charge supérieure à 20 kg, position assise au moins le quart du temps par périodes réparties dans la journée, aptitude à revoir dans six mois ; suite à cette visite, par courrier du 8 avril, M. X... propose à M. Y... un poste de débridage extérieur non possible avant un mois (délai nécessaire pour aménager le poste), avec la possibilité d'occuper le poste pendant un mois sous réserve d'accord de la médecine du travail, sinon il sera dispensé de travail sans maintien de rémunération ;
le 13 avril 2004, M. Y... répond que le poste n'est pas compatible avec son état de santé et rappelle qu'à son sens il existe des postes dans l'entreprise qui sont disponibles et compatibles ; le 21 juillet 2004, la direction informe M. Y... que le poste débridage extérieur a fait l'objet des aménagements nécessaires et propose le reclassement sur ce poste ; le 18 août 2004, M. Y... confirme que le poste n'est pas compatible et il ne donne pas suite à la proposition ; le 14 octobre 2004, la société renouvelle son offre de reclassement avec un nouveau délai d'un mois en invoquant que le médecin du travail a validé les modifications effectuées sur le poste «débridage extérieur B» ;
le 20 octobre 2004, M. Y... répond qu'il n'accepte pas le poste et indique que son état de santé lui permet d'être réintégré au poste gonflage-identification ; le 25 octobre 2004, M. X... répond que M. Y... avait été déclaré inapte à ce poste et qu'il sera donc convoqué à une visite médicale ; le 2 novembre 2004 le médecin du travail se prononce pour une aptitude temporaire au poste gonflage-identification ; l'avis médical du 12 novembre 2004 dit M. Y... apte à son poste ; M. X... écrit à M. Y... le 19 novembre 2004 pour dire que le poste est occupé et que, sauf si les salariés acceptent un changement, un nouveau poste lui sera proposé ;
le 23 novembre 2004, M. Y... conteste l'interprétation faite par son employeur de l'avis médical du 7 avril 2004 et dit qu'il n'accepte pas de changement de poste ; le 23 novembre 2004, M. X... écrit aux salariés qui sont sur le poste qu'il leur demande de muter et qu'il n'envisage pas d'user de son pouvoir de direction, qu'il va proposer à M. Y... un poste de cariste ; que, sur le « refus » de poste, M. Y... précise qu'il conteste l'interprétation faite par son employeur de l'avis médical ; que, notamment, il dit que le poste de débridage extérieur était pire que son poste de gonflage-identification au niveau de la station debout ; que, lorsque le 21 juillet 2004 son employeur lui a proposé le poste après aménagement, il avait en fait simplement installé un fauteuil à roulettes ;
que le poste lui a ensuite été à nouveau proposé après aménagement validé par la médecine du travail (mais, précise-t-il, hors sa présence) et il l'a refusé car il était apte à reprendre son poste précédent ; que, de plus, l'audition de M. Z... montre que l'aménagement consistait à mettre une chaise, ce qui était pire qu'avant car les émanations de fumée étaient au niveau du visage du salarié et le poste qui devait être aménagé était à l'écart des autres ; que les salariés qui l'occupaient ont refusé d'aller au poste «débridage» qui est le pire de l'entreprise et qu'on lui proposait après plus de vingt ans de travail dans l'entreprise ; que M. Y... estime que depuis le début son employeur savait que son incapacité ne serait que temporaire ; que, quand il a finalement été réintégré au gonflage-identification, il ne pouvait plus faire les nuits et a été mis au sablage ;
que M. Y... estime que ce poste aurait pu lui être proposé bien avant ; que des employés de l'entreprise, au poste débridage depuis des années, témoignent qu'il est impossible de tenir ce poste assis ni même assis-debout ; qu'entendus, les employés qui occupaient le poste de gonflage-identification témoignent que le courrier leur disait nettement qu'en cas de non-réponse ils seraient censés refuser de changer, le courrier rappelant par ailleurs qu'il n'était pas nécessaire légalement de demander leur avis ; que le courrier soulignait que la demande faisait suite au souhait de M. Y... de regagner son poste gonflage-identification ;
qu'ils précisaient que le poste débridage était considéré comme dégradant et laissé aux intérimaires parce qu'ils ne pouvaient pas le refuser ; qu'il s'agissait d'un poste qu'on ne pouvait tenir que debout ; qu'en fait, il s'agit du poste le plus salissant ; que, sur le poste de cariste refusé par M. Y..., ils précisaient aussi qu'il s'agissait d'un poste impossible à tenir avec un problème de genou puisqu'il faut sans arrêt monter dans le clark et en descendre ; que c'est finalement M. A..., également syndiqué CGT, qui avait été désigné pour partir au débridage et laisser son poste à M. Y... ;
que, de son côté, lors de l'interrogatoire de première comparution, M. X... conteste que les avis des 22 et 24 mars 2004 aient fait état d'une inaptitude temporaire ; qu'il estime que c'est le médecin du travail qui a proposé le poste débridage après plusieurs visites de l'usine (tout en admettant que cela n'a jamais été mis par écrit) et contrairement aux affirmations des salariés, estime que le pote peut très bien être tenu assis-debout ; que, par conclusions, il estime que rien n'empêchait M. Y... de continuer à assurer ses mandats syndicaux et que l'audition du médecin devant le tribunal avait bien montré que M. Y... n'était pas apte à reprendre ses fonctions ;
que, dans ces conditions, le licenciement était impossible ; qu'il conteste également avoir tenté de mettre M. Y... en difficulté dans son courrier du 24 novembre 2004 en écrivant aux salariés qui occupaient le poste de M. Y..., exposant qu'il n'avait aucune intention malveillante ; qu'il résulte cependant de ces éléments que M. Y... a été tenu à l'écart de l'entreprise, et donc de ses réalités : en effet, il lui a été proposé à quatre reprises le même poste, qu'il a refusé, sans qu'un autre poste lui ait été proposé - et à cet égard l'employeur ne démontre pas qu'il ne pouvait lui offrir aucun autre poste dans l'entreprise -, et alors que les autres employés témoignent que ce poste particulièrement rude ne peut être tenu assis, sauf à avoir le visage au niveau des émanations de fumée ;
que les attestations des salariés font également état de l'impossibilité de travailler à ce poste assis ou même assis-debout ; que l'achat d'une machine à débrider ne peut suffire à justifier le fait que le même poste ait été proposé au salarié qui le refusait sans que, d'autre part, il ait été tiré conséquence de cette situation quant à un éventuel licenciement ; que, contrairement à ce que soutient la défense de M. X..., il ne s'agit pas de multiples offres de reclassement mais de la même offre, sur le même poste, au demeurant difficile et en tout cas impossible à tenir assis ;
qu'il ne peut être, d'autre part, soutenu que les visites des 22 et 24 mars 2004, la visite du 24 mars étant faite au visa de l'article R. 241-51-1, aient fait état d'autre chose que d'une inaptitude définitive puisque le médecin du travail indique dans le premier avis « à revoir après étude de poste », étude dont il ne semble pas qu'elle ait été réalisée, et le second mentionne à revoir dans les quinze jours (article 241-51-1 du code du travail) ; que la première visite n'était pas celle du 22 mars et celle du 24 mars la seconde très anticipée ; que l'aptitude était donc à envisager dans l'avis du 7 avril qui indique que M. Y... était à revoir dans six mois ;
que l'imprécision alléguée des rapports du médecin, jointe aux déclarations du médecin du travail devant le tribunal correctionnel de Riom, indiquant que dans son esprit M. Y... était inapte, ne suffisent pas à caractériser une inaptitude définitive ; que l'avis du 7 avril, second avis nécessité par application du texte, ne fait aucune référence expresse à une inaptitude dans les termes de l'article R. 241-51-1 du code du travail ; que, donc, à aucun moment M. Y... n'a été déclaré inapte ; que, cependant, lorsqu'il a été en mesure de regagner son poste de travail le chef d'entreprise a refusé de faire usage de son pouvoir de direction et a écrit aux autres salariés pour leur demander s'ils souhaitaient laisser leur poste ; qu'ainsi, en ne donnant pas à M. Y... un poste qu'il était en mesure d'occuper, M. X... l'a tenu hors de l'entreprise et de ses réalités journalières, alors qu'il y exerçait des fonctions syndicales ;
"1) alors que le délit d'entrave suppose que le délégué du personnel ait été empêché dans l'exercice de ses attributions ; que, pour retenir M. X... dans les liens de la prévention, l'arrêt attaqué a relevé qu'après qu'ait été constatée par avis médical l'inaptitude temporaire de M. Y... à occuper son poste habituel, son employeur ne lui avait pas proposé un autre poste adapté à ses possibilités du moment, et l'avait ainsi « tenu hors de l'entreprise et de ses réalités journalières » ; qu'en statuant de la sorte, sans constater que M. Y... avait été empêché dans l'exercice de sa mission de délégué du personnel et lorsqu'il était constant que l'employeur avait maintenu sa rémunération durant la période litigieuse, les juges du fond n'ont pas suffisamment motivé leur décision au regard des textes susvisés ;
"2) alors que, subsidiairement, pour déclarer M. X... coupable du délit d'entrave, les juges du fond énoncent que face aux refus successifs de M. Y... des postes de remplacement proposés par M. X..., celui-ci aurait dû tirer les conséquences de cette situation et engager une procédure de licenciement ; qu'en statuant de la sorte, lorsqu'une procédure de licenciement aurait été irrégulière, voire aurait constitué une entrave, dès lors que, comme le relèvent les juges du fond, l'inaptitude totale de M. Y... n'avait pas été constatée dans les conditions prescrites par l'article R. 241-51-1 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"3) alors que, subsidiairement, en reprochant au prévenu d'avoir proposé à M. Y... un poste de « débridage extérieur » qui, au dire de M. Y... et d'autres employés, n'était pas compatible avec les moyens physiques de celui-ci, sans rechercher si, comme le soutenait M. X..., le médecin du travail avait validé les modifications effectuées sur ce poste, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"4) alors que, subsidiairement, l'employeur n'est tenu de rechercher le reclassement d'un salarié, définitivement ou temporairement, inapte à son poste que parmi les emplois disponibles dans l'entreprise ; que, dès lors, l'employeur n'est pas obligé de réintégrer un salarié à un poste pour lequel il avait été déclaré temporairement inapte, si ce poste n'est plus disponible ; qu'aucun des salariés qui occupaient le poste de « gonflage 11 identification » n'a accepté d'en changer au profit de M. Y... ; qu'en jugeant pourtant que M. X... aurait dû user de son pouvoir de direction à l'égard de l'un de ces salariés, pour permettre à M. Y... de réintégrer ce poste, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"5) alors que, subsidiairement, l'employeur ne peut imposer à un autre salarié une modification de son contrat de travail à l'effet de libérer son poste pour le proposer à un autre salarié ; qu'en reprochant à M. X... de ne pas avoir usé de son pouvoir de direction pour obliger un salarié à quitter le poste de «gonflage-identification» au profit de M. Y..., sans rechercher si, ce faisant, M. X... n'aurait pas procédé à une modification unilatérale, et donc illicite, du contrat de travail du salarié déplacé, les juges du fond ont violé les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du procès-verbal de l'inspection du travail, base de la poursuite, que M. X..., directeur d'établissement, est poursuivi pour avoir porté atteinte à l'exercice régulier des fonctions de M. Y..., délégué du personnel, en faisant délibérément obstacle pendant plusieurs mois au reclassement de celui-ci qui, à l'issue d'une maladie, avait été déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment ;
Attendu que, pour confirmer le jugement ayant déclaré le prévenu coupable de ce délit, l'arrêt retient que le même poste, particulièrement rude, a été proposé à quatre reprises à la partie civile, sans que l'employeur ne démontre qu'aucun autre poste ne pouvait lui être offert ; que les juges relèvent que, lorsque la partie civile a été en mesure de regagner son poste de travail, le chef d'entreprise a refusé d'user de son pouvoir de direction et a simplement demandé aux autres salariés occupant ce poste s'ils acceptaient de le quitter ; que les juges ajoutent, par motifs propres et adoptés, que les choix opérés par le prévenu ont éloigné le délégué du personnel de la réalité journalière de l'entreprise et ont ainsi porté atteinte au libre exercice de ses fonctions ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Mais, sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 122-24-4, L. 412-2 et L. 481-3 du code du travail, dans leur rédaction applicable à la cause, 388, 459, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris lequel a déclaré M. X... coupable d'avoir pris en considération l'appartenance de M. Y... à un syndicat ou l'exercice par lui d'une activité syndicale, pour arrêter ses décisions en ce qui concerne la conduite et la répartition du travail ainsi que les mesures de discipline ou de congédiement, et a en conséquence condamné le prévenu à une peine d'amende de 2 000 euros et au paiement de dommages-intérêts à M. Y..., d'une part, pour 1 000 euros, et au syndicat CGT Goodyear Dunlop, d'autre part, pour 500 euros ;
"aux motifs qu'en n'usant pas de son pouvoir de direction et en demandant aux autres salariés un courrier mentionnant qu'il leur est demandé leur accord et que M. Y... les remplacera sur ce poste qu'ils occupent actuellement, M. X... a exercé une pression sur le syndicat CGT de l'entreprise en désignant M. Y... comme responsable de la situation ; que c'est donc à juste titre que le tribunal a retenu M. X... dans les liens de la prévention ; que la peine prononcée par le tribunal apparaît adaptée et sera confirmée ;
"1) alors que, lorsque les juges répressifs sont amenés à requalifier les faits dont ils sont saisis, ils doivent donner la possibilité au prévenu de présenter sa défense sur la nouvelle qualification envisagée ; que M. X... était poursuivi notamment pour avoir pris en considération l'appartenance de M. Y... à un syndicat ou à l'exercice par celui-ci d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en ce qui concerne la conduite et la répartition du travail et les mesures de discipline et de congédiement ; qu'en qualifiant de pression à l'encontre d'un syndicat et de l'un de ses adhérents, l'infraction visait au troisième alinéa de l'article L. 412-2 du code du travail, des faits qui, dans la prévention comme dans le jugement entrepris, étaient présentés comme constitutifs de discrimination syndicale, incriminée au premier alinéa de l'article L. 412-2 précité, sans qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le prévenu ait été mis à même de présenter sa défense sur cette requalification, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"2) alors que, subsidiairement, en reprochant au prévenu d'avoir dévalorisé M. Y... auprès des autres salariés en écrivant à ceux-ci pour que l'un d'entre eux cède son poste à M. Y..., au lieu d'user de son pouvoir de direction pour déplacer d'office un de ces employés au profit de M. Y..., lorsqu'une telle démarche aurait, à plus forte raison, dégradé l'image de ce dernier et du syndicat dont il était adhérent dans l'entreprise, les juges du fond se sont prononcés par des motifs contradictoires et n'ont donc pas suffisamment motivé leur décision au regard des textes susvisés ;
"3) alors que, subsidiairement, à supposer que l'arrêt attaqué ait entendu retenir la culpabilité du prévenu pour discrimination syndicale, la chambre des appels correctionnels est tenue de répondre aux conclusions régulièrement déposées par les parties ; qu'en ne recherchant pas, comme cela lui était pourtant demandé, si M. X... n'avait pas pour habitude de demander l'accord des salariés à qui il proposait de céder leur poste pour reclasser d'autres employés, ce qui exclurait toute discrimination au cas d'espèce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
"4) alors que, en tout cas, l'employeur n'est tenu de rechercher le reclassement d'un salarié, définitivement ou temporairement, inapte à son poste que parmi les emplois disponibles dans l'entreprise ; que dès lors, l'employeur n'est pas obligé de réintégrer un salarié à un poste pour lequel il avait été déclaré temporairement inapte, si ce poste n'est plus disponible ; qu'aucun des salariés qui occupaient le poste de « gonflage-identification » n'a accepté d'en changer au profit de M. Y... ; qu'en jugeant pourtant que M. X... aurait dû user de son pouvoir de direction à l'égard de l'un de ces salariés, pour permettre à M. Y... de réintégrer ce poste, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"5) alors que, l'employeur ne peut imposer à un autre salarié une modification de son contrat de travail à l'effet de libérer son poste pour le proposer à un autre salarié ; qu'en reprochant à M. X... de ne pas avoir usé de son pouvoir de direction pour obliger un salarié à quitter le poste de « gonflage-identification » au profit de M. Y..., sans rechercher si, ce faisant, M. X... n'aurait pas procédé à une modification unilatérale, et donc illicite, du contrat de travail du salarié déplacé, les juges du fond ont violé les textes susvisés" ;
Vu l'article 388 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article préliminaire du code de procédure pénale ;
Attendu que, s'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification, c'est à la condition que le prévenu ait été en mesure de se défendre sur la nouvelle qualification envisagée ;
Attendu que M. X..., renvoyé devant le tribunal correctionnel pour discrimination en raison de l'appartenance syndicale ou de l'exercice d'une activité syndicale, délit prévu par l'article L. 412-2, alinéa 1, devenu L. 2141-5 du code du travail, et condamné par les premiers juges sous cette qualification, a été déclaré coupable, par la cour d'appel, d'emploi d'un moyen de pression à l'encontre d'un syndicat, délit prévu par l'article L. 412-2, alinéa 3, devenu L. 2141-7 du code susvisé ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni des mentions de l'arrêt attaqué ni des pièces de procédure que M. X... ait été invité à se défendre sous cette nouvelle qualification ; que, dès lors, en prononçant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Riom, en date du 29 octobre 2009, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit de Gilbert Y..., de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Riom et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Finidori conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 09-87671
Date de la décision : 26/10/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 29 octobre 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 oct. 2010, pourvoi n°09-87671


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.87671
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