LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 386 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Civ. 2, 9 avril 2009, pourvoi n° 08-15.389), et les productions, que, le 22 octobre 1997, Mme X..., qui avait donné naissance, le 22 octobre 1995, à une enfant prénommée Margaux, a assigné M. Y... en recherche de paternité naturelle devant un tribunal de grande instance ; qu'un jugement du 27 mai 1999 a déclaré l'action recevable, ordonné une expertise sanguine et sursis à statuer dans l'attente des résultats de cette mesure d'instruction ; qu'un arrêt du 22 février 2001 ayant déclaré irrecevable l'appel interjeté par lui contre ce jugement, M. Y... s'est pourvu en cassation et a refusé, pour ce motif, de se soumettre à l'expertise ; que l'expert a déposé un rapport de carence le 23 juillet 2001 ; qu'après avoir vainement invité les parties à conclure, le juge de la mise en état a ordonné la radiation de l'affaire ; que, par un arrêt du 2 mars 2004 (pourvoi n° 01-11.678), la première chambre civile de la Cour de cassation, devant laquelle Mme X... avait déposé un mémoire en défense le 22 octobre 2001, a rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt du 22 février 2001 ; que le 19 juillet 2004, Mme X... a demandé la réinscription de l'affaire au rôle du tribunal ; que M. Y... ayant invoqué la péremption de l'instance en soutenant qu'aucune diligence n'avait été accomplie entre le 23 juillet 2001, date du dépôt du rapport de l'expert, et le 19 juillet 2004, jour où son adversaire avait sollicité la réinscription de l'affaire, une ordonnance du 24 février 2005 a accueilli l'incident ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance, après avoir relevé l'existence d'un lien de dépendance direct entre l'instance suivie au fond et celle suivie devant la Cour de cassation comme participant à la même action, l'arrêt retient que Mme X... n'établit pas en quoi ce lien était nécessaire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'issue du pourvoi formé par M. Y... contre l'arrêt du 22 février 2001, statuant sur l'appel d'une décision avant dire droit, préalable à la décision au fond, commandait le sort de l'action en recherche de paternité, si bien que la procédure au fond était dans un lien de dépendance direct et nécessaire avec l'instance en cassation, et alors que Mme X..., ayant déposé son mémoire en défense le 22 octobre 2001, n'avait plus aucune diligence à accomplir jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation le 2 mars 2004, de sorte que la péremption ne pouvait lui être opposée avant cette date, ni être acquise le 19 juillet 2004, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 janvier 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Infirme l'ordonnance du 24 février 2005 ;
Rejette l'incident de péremption ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ; le condamne à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils pour Mme X...
L'arrêt attaqué (Toulouse 26 janvier 2010) encourt la censure ;
EN CE QUE, confirmant l'ordonnance de mise en état du 24 février 2005, il a déclaré l'instance atteinte par la péremption ;
AUX MOTIFS QUE « s'il est constant que les délais de péremption d'une instance ne peuvent généralement être interrompus par des actes intervenus dans une autre instance, Mme X..., pour éviter la péremption de l'instance principale, soutient que l'instance terminée le 2 mars 2004 par l'arrêt de la Cour de cassation, était unie par un lien de dépendance direct et nécessaire avec celle engagée au fond devant le tribunal de grande instance de Montpellier en sorte que son déroulement en aurait suspendu les délais de péremption ; mais qu'il convient toutefois de constater que : la discussion sur la recevabilité de l'appel formé le 26 juillet 1999 par M. Y..., seule de nature à interrompre les délais de procédure par l'effet suspensif de l'appel s'est terminée lors du prononcé de l'arrêt de la Cour d'appel le 22 février 2001, déclarant l'appel irrecevable ainsi que le soutenait Mme X..., laquelle n'a pas fait objection à la poursuite immédiate de l'instance au fond en participant à la reprise des opérations d'expertise biologique, malgré le pourvoie en cassation formé le 31 mai 2001 par M. Y... ; qu'il s'en déduit que l'instance suivie devant la Cour de cassation n'était pas de nature à empêcher la poursuite de l'instance en recherche de paternité diligentée à Montpellier, ainsi d'ailleurs que l'a constaté l'expert judiciaire en poursuivant sa mission, sans opposition du juge mandant ni de Mme X... et alors que celle-ci par ses conseils professionnels du droit et encore régulièrement constitués pouvait demander au juge de la mise en état d'ordonner un sursis à statuer de la procédure qu'il contrôlait afin de suspendre les délais de péremption jusqu'à la décision de la Cour de cassation ; qu'au surplus, l'instance en cassation engagée par le recours non suspensif de M. Y..., et contestée par Mme X... se fondait sur des moyens totalement contraires à une jurisprudence fermement établie qui considère comme irrecevable l'appel d'une décision ordonnant une expertise biologique, laquelle est de droit en matière de filiation en sorte que dès le pourvoi, cette instance était sans effet sur le traitement au fond de l'affaire ainsi d'ailleurs que l'a considéré le juge du fond en interrogeant les parties sur leur volonté de poursuivre l'instance ; ainsi l'instance suivie du 31 mai 2001 au 2 mars 2004 devant la Cour de cassation, destinée à statuer sur la motivation de l'irrecevabilité d'un appel avant jugement au fond n'avait pas de lien nécessaire avec celle diligentée au fond, alors que le recours en cassation n'est pas suspensif, que le moyen soulevé ne paraissait pas sérieux au vue d'une jurisprudence bien établie et que le premier juge en avait déjà tiré les conséquences en invitant Mme X..., demanderesse et opposée au pourvoi, à se manifester sur sa volonté de poursuivre l'instance ; qu'il en ressort que si un lien de dépendance direct existe entre l'instance suivie au fond devant le tribunal de grande instance de Montpellier et celle suivie devant la Cour de cassation, en ce qu'elles participent à la même action, Mme X... n'établit pas, charge qui lui incombe pour faire échec à la péremption de l'instance au fond, en quoi ce lien était nécessaire ; que faute de démontrer ce lient à la fois direct et nécessaire, ces deux conditions étant cumulatives, elle sera déboutée de son appel, la décision du premier juge étant confirmée en ce qu'elle a considéré que l'instance principale était atteinte par la péremption le 23 juillet 2003. »
ALORS QUE, premièrement, il existait un lien direct et nécessaire entre l'instance pendante devant la Cour de cassation, à la suite de l'arrêt ayant déclaré irrecevable l'appel dirigé contre le jugement ayant prescrit une expertise sanguine, et l'instance pendante devant le tribunal de grande instance, fondée sur le refus du défendeur de se soumettre à l'expertise sanguine et visant à l'établissement de la filiation et qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 386 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, deuxièmement, la circonstance qu'un pourvoi immédiat était irrecevable était indifférente quant au point de savoir si les diligences accomplies par la Cour de cassation étaient ou non interruptives d'instance, s'agissant de la procédure pendante devant le tribunal de grande instance et visant à l'établissement de la filiation ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 386 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, troisièmement, le fait que le pourvoi n'ait pas eu de caractère suspensif était à son tour inopérant et que l'article 386 du Code de procédure civil a été de nouveau violé ;
ALORS QUE, quatrièmement, le point de savoir si au fond les moyens invoqués, à l'appui du pourvoi, étaient ou non fondés, voire dénués de sérieux, n'avait aucune incidence sur l'effet, quant au délai de péremption, des diligences accomplies et qu'une fois encore, l'article 386 du Code de procédure civile a été violé.