LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu les articles 53-IV de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, 29 et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 modifiée, L. 434-1, L. 434-2 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale, ensemble le principe de la réparation intégrale ;
Attendu que le premier de ces textes impose au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante de faire à la victime une offre pour chaque chef de préjudice, en tenant compte des prestations énumérées à l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 pour le montant qui résulte, poste par poste, de l'application de l'article 31 de cette loi ; que, selon le quatrième et le cinquième, le capital ou la rente versé à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent ; qu'en l'absence de perte de gains professionnels ou d'incidence professionnelle, ce capital ou cette rente indemnise nécessairement le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... est atteint d'une maladie occasionnée par l'amiante, dont l'organisme de sécurité sociale a reconnu le caractère professionnel en lui allouant la prestation correspondante ; que cette victime a présenté une demande d'indemnisation au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le Fonds) qui lui a notifié une offre d'indemnisation ; qu'elle a engagé devant la cour d'appel une action en contestation contre cette décision du Fonds et a sollicité une réévaluation de son indemnisation ;
Attendu que pour condamner le Fonds à payer une certaine somme à la victime, l'arrêt retient que sont exclus de l'assiette et du recours des organismes sociaux les indemnités destinées à réparer le déficit séquellaire dont reste atteinte la victime, ce type de préjudice devant au contraire être compris dans la catégorie des préjudices à caractère personnel ; que si le Fonds estime que les prestations versées en application des articles L. 434-1 et L. 434-2 du code de la sécurité sociale indemnisent aussi un préjudice personnel et souhaite les déduire de son offre d'indemnisation, il lui appartient d'établir que pour une part de cette prestation elle a effectivement et préalablement indemnisé la victime, de manière incontestable, pour un poste de préjudice personnel ; qu'à défaut d'une telle preuve et sans qu'il soit porté atteinte au principe de la réparation intégrale et à la prohibition de la double indemnisation, le Fonds ne peut opérer la déduction qu'il revendique ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a alloué à M. X... la somme majorée des intérêts au légal de 16 157,53 euros en réparation de l'incapacité fonctionnelle et dit n'y avoir lieu à déduire de cette indemnité le montant des prestations versées par l'organisme social, l'arrêt rendu le 28 avril 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par de Me Le Prado, avocat aux Conseils pour le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante
LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR, pour condamner le FIVA verser à Monsieur Julien X... la somme majorée des intérêts au taux légal de 16.157, 53 € en indemnisation du préjudice lié à l'incapacité fonctionnelle, dit n'y avoir lieu de déduire de l'indemnité revenant à Monsieur Julien X... au titre de son préjudice lié à l'incapacité fonctionnelle les montants des prestations servies par l'organisme social ;
AUX MOTIFS QUE « … ; Monsieur X..., se référant aux dispositions de l'article L 434-1 du Code de la sécurité sociale et de l'article IV de la loi du 23 décembre 2000, ainsi qu'aux avis émis par la Cour de Cassation le 29 octobre 2007, prétend que la rente versée par l'organisme social au titre de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle, qui présente, compte tenu des critères d'attribution et de calcul, un caractère professionnel, doit être déduite des sommes proposées en indemnisation des pertes de gains professionnels et de l'indemnité réparant l'incidence professionnelle mais ne peut être imputée sur l'indemnisation du préjudice lié au déficit fonctionnel, sauf à établir que la rente servie par l'organisme social répare également ce déficit fonctionnel ; que certes il résulte du paragraphe IV de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 sur le financement de la sécurité sociale pour l'année 2001 que, dans les six mois à compter de la réception d'une demande d'indemnisation, le Fonds d'indemnisation présente au demandeur une offre d'indemnisation et indique l'évaluation retenue pour chaque chef de préjudice ainsi que le montant des indemnités qui lui reviennent compte tenu des prestations énumérées à l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation et des indemnités de toutes natures reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice ; que toutefois, en vertu de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 applicable aux procédures en cours, dès que le montant de l'indemnité due à la victime n'a pas été définitivement jugé ou qu'il n'a pas été définitivement statué sur les recours exercés par des caisses de sécurité sociale, le recours subrogatoire d'une caisse de sécurité sociale ne peut s'exercer que poste par poste sur les seules indemnités réparant les éléments du préjudice économique qu'elle a pris en charge ; que figurent ainsi parmi les préjudices économiques pouvant servir d'assiette aux recours subrogatoires de l'organisme social les dépenses de santé, les frais divers restés à la charge de la victime, la perte de gains professionnels et la part d'indemnité réparant l'incidence professionnelle ; que sont en revanche exclus de cette assiette et du recours des organismes sociaux les indemnités destinées à réparer le déficit séquellaire dont reste atteinte la victime, ce type de préjudice devant au contraire être compris dans la catégorie des préjudices à caractère personnel ; qu'il sera enfin rappelé que saisie par une Cour d'Appel saisie d'un litige similaire, la Cour de Cassation a répondu le 6 octobre 2008 être d'avis que l'article 53 IV de la loi du 23 décembre 2000 impose au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante de faire à la victime une offre pour chaque chef de préjudice, en tenant compte des prestations énumérées à l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 pour le montant qui résulte, poste par poste, de l'application de l'article 31 alinéas 1er et 3 de cette loi dans sa rédaction issus de l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 ; qu'à défaut pour le Fiva de présenter son offre conformément aux prescriptions ci-dessus rappelées, et faute pour lui de rapporter la preuve que les indemnités servies par la caisse de sécurité sociale, qu'il n'appartient pas à la Cour de mettre en cause, réparent même en partie le préjudice personnel découlant pour Monsieur X... du déficit séquellaire qu'il présente actuellement, étant observé qu'il lui appartient de mettre en cause l'organisme social de l'intéressé, il y a lieu de dire, sans qu'il soit porté atteinte au principe de la réparation intégrale et à la prohibition de la double indemnisation, que le Fiva ne peut opérer la déduction qu'il revendique ; qu'en conséquence, la somme de 16.157, 53 € sera versée à Monsieur X... au titre du préjudice lié à l'incapacité fonctionnelle » ;
1°/ ALORS, d'une part, QUE l'article 53 IV de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 impose au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante de faire à la victime une offre pour chaque chef de préjudice, en tenant compte des prestations énumérées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 pour le montant qui résulte, poste par poste, de l'application de l'article 31, alinéa 1er et 3, de cette loi, dans sa rédaction issue de l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décemb re 2006 ; que la rente servie par l'organisme de sécurité sociale indemnise, notamment, les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l'incapacité ; qu'il appartient à la Cour d'appel, pour se prononcer sur la nature du préjudice indemnisé par la rente versée par le Fonds, de vérifier si elle répare effectivement, en tout ou en partie, le déficit fonctionnel permanent subi par le demandeur ; que, pour condamner le Fonds à payer une certaine somme au demandeur et dire ne pas avoir lieu à déduire, de l'indemnité revenant à la victime, les montants des prestations servies par la caisse, la Cour d'appel a retenu que sont exclus de l'assiette des préjudices soumis à recours les indemnités destinées à réparer le déficit séquellaire dont reste atteinte la victime, ce type de préjudice devant au contraire être compris dans la catégorie des préjudices personnels ; qu'en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi la rente versée par le Fonds indemnisait un poste de préjudice personnel, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 53 IV de la loi du 23 décembre 2000.
2°/ ALORS, d'autre part, QU 'aux termes des articles 29 et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et de l'article 53 IV de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, les prestations énumérées au premier de ces textes doivent être déduites, poste par poste, sur les seules indemnités versées par le Fonds réparant des préjudices qu'elles ont pris en charge et, pour les postes de préjudice personnel, à la condition qu'il soit établi que la prestation ait indemnisé, effectivement, préalablement et de manière incontestable un tel poste de préjudice ; qu'il appartient à la Cour d'appel en charge de la réparation intégrale du préjudice subi par le demandeur de rechercher si la rente servie par la caisse n'indemnise pas le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent ; que le Fonds n'est pas tenu de mettre l'organisme social en cause ; que, pour condamner le Fonds à payer une certaine somme au demandeur et dire ne pas avoir lieu à déduire, de l'indemnité revenant à la victime, les montants des prestations servies par la caisse, la Cour d'appel a énoncé que le FIVA n'a pas rapporté la preuve que les indemnités servies par la caisse de sécurité sociale, qui n'est pas en la cause, réparent même en partie le préjudice personnel découlant pour le demandeur du déficit séquellaire qu'il présente et qu'il appartient au FIVA de mettre en cause l'organisme social de l'intéressé ; qu'en statuant ainsi, par un motif inopérant et sans rechercher si la prestation servie par la caisse n'indemnisait pas le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées.