LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée (Douai, 19 octobre 2008), rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que M. X..., ressortissant afghan, en situation irrégulière sur le territoire français, a fait l'objet le 12 septembre 2008 d'un arrêté de reconduite à la frontière notifié le même jour et le 1er octobre 2008, d'une décision de placement en rétention administrative ; que par ordonnance du 2 octobre 2008, un juge des libertés et de la détention a autorisé la prolongation de la rétention pendant une durée de quinze jours à compter du 3 octobre 2008 ; que sur requête du préfet du 17 octobre 2008, une nouvelle prolongation a été autorisée le 18 octobre 2008, pour une durée maximale de cinq jours ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance de confirmer la décision entreprise ;
Attendu que contrairement au moyen, l'ordonnance ne constate pas que seul le procureur du lieu d'arrivée a été informé du transfert de M. X... d'un centre de rétention à un autre ; que le moyen manque en fait ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. X... fait le même grief à l'ordonnance ;
Attendu d'abord, que l'ordonnance retient justement que l'absence de documents de voyage, assimilable à la perte, imposait l'obtention d'un laissez-passer, ensuite, qu'il résulte de la procédure qu'une demande a été adressée à cette fin à l'ambassade d'Afghanistan dès le 1er octobre 2008 et que l'audition de l'intéressé est intervenue le 13 octobre suivant ; que dès lors, le premier président a pu retenir que l'administration justifiait des diligences lui incombant et de l'imminence de la délivrance des documents de voyage ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen ci-après annexé :
Attendu que M. X... fait encore le même grief ;
Attendu que le moyen est inopérant dès lors que M. X... présent à l'audience le 19 octobre 2008 était assisté d'un avocat qui a été entendu en sa plaidoirie et que lui-même ayant eu la parole en dernier ne s'est pas prévalu du choix d'un autre conseil ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par de Me Jacoupy, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'ordonnance attaquée d'avoir ordonné la prorogation du maintien en rétention de Monsieur X..., de nationalité afghane, dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée maximale de 5 jours à compter du 18 octobre 2008 à 12 h 20,
AUX MOTIFS QUE
« Attendu que l'article L 553-2 du CESEDA dispose que « en cas de nécessité et pendant toute la durée de la détention, l'autorité administrative peut décider de déplacer l'étranger d'un lieu de rétention vers un autre lieu de rétention, sous réserve d'en informer les Procureurs de la République compétents du lieu de départ et du lieu d'arrivée, ainsi que, après la première ordonnance de prolongation, les juges des libertés et de la détention compétents ».
Que ces dispositions ne précisent pas le moment exact auquel l'information de ces magistrats doit intervenir ; qu'elle ne comportent ni la mention « immédiatement », ni la mention « préalablement ».
Que l'administration a satisfait à l'obligation d'information pesant sur celle, cette information ayant été donnée au Procureur de la République de LILLE avant l'arrivée de l'étranger au centre de rétention (arrivée intervenu à 17 h 20), ce qui permettait à ce magistrat d'exercer le contrôle prévu par l'article L 553-3 du CESEDA qui dispose que le Procureur de la République peut se transporter sur les lieux pour vérifier les conditions du maintien en rétention et se faire communiquer le registre prévu à l'article L 553-1, peu important que le Procureur du lieu de rétention initial, qui n'a ni pouvoir de décision en la matière, ni pouvoir de contrôle du nouveau lieu de rétention ait été avisé après le départ de l'étranger de son transfert »,
ALORS QUE
L'article L 553-2 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile exige que soient informés « les Procureurs de la République compétents du lieu de départ et du lieu d'arrivée » ; qu'ainsi, en déclarant le transfert régulier, alors qu'il constatait que seul le Procureur du lieu d'arrivée avait été informé, le Premier Président a violé l'article précité.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir ordonné la prorogation du maintien en rétention de Monsieur X... dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de 5 jours à compter du 18 octobre 2008 à 12 h 20,
AUX MOTIFS QUE
« Attendu qu'en application de l'article L 554-1 du CESEDA, un étranger ne peut être maintenu en rétention que pendant le temps strictement nécessaire à son départ, l'administration devant exercer toute diligence à cet effet.
Attendu qu'en application de l'article L 552-7 du CESEDA, en cas d'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement en raison de la perte ou de la destruction des documents de voyage, le Juge des Libertés et de la Détention peut autoriser une deuxième période de rétention de 15 jours.
Attendu que l'examen des diligences de l'administration est soumis à l'appréciation souveraine du juge.
Attendu que Parwiz X... est dépourvu de tout document d'identité, que cette absence totale de document doit être assimilée à la « perte ou destruction des documents de voyages » mentionnée à l'article L 552-7 du CESEDA qui est applicable à sa situation.
Que l'absence de documents de voyage impose à l'administration de solliciter la reconnaissance préalable de l'étranger par son Ambassade, ce qui entraîne de la part de cette dernière une audition de la personne, puis une enquête préliminaire au pays d'origine ; que toutes ces démarches augmentent nécessairement les délais et se déroulent selon une bonne volonté et une vitesse d'exécution relevant de l'appréciation souveraine de l'Etat étranger, étant rappelé au surplus que la perte ou la destruction des documents de voyage peut résulter d'une action involontaire ou volontaire de l'étranger dont celui-ci ne doit pas pouvoir tirer profit pour tenter d'échapper à la législation sur les étrangers par un accroissement conséquent des délais nécessaires à la mise en oeuvre de l'éloignement,
Attendu qu'en l'espèce, l'administration a contacté dès le 13 octobre 2008 l'Ambassade d'Afghanistan à PARIS, qu'un rendez-vous a été fixé le 13 octobre 2008 à 15 h ; que la Préfecture est en attente d'une réponse de la part de ces autorités et ne peut, en conséquence, se voir reprocher de ne pas apporter la preuve négative d'une absence de réponse d'une Ambassade.
Qu'il ressort de ces éléments que l'administration a procédé aux diligences nécessaires et suffisantes pour justifier la prolongation de la rétention, que le Juge des Libertés et de la Détention était bien fondé à se prononcer comme il l'a fait »,
ALORS, D'UNE PART, QUE
L'assimilation de « l'absence totale de documents » à la « perte ou destruction des documents de voyages » n'est possible que dans l'hypothèse d'un « délaissement » des documents, c'est-à-dire d'une perte tenue pour volontaire ; qu'ainsi, en énonçant, après avoir constaté que Monsieur X... était dépourvu de tous documents d'identité, « que cette absence totale de documents doit être assimilée à la « perte ou destruction des documents de voyages » mentionnée à l'article L 552-7 du CESEDA qui est applicable à la situation », sans constater un comportement volontaire de l'étranger, et en affirmant de surcroît que la perte ou la destruction des documents de voyages peut résulter « d'une action involontaire ou volontaire de l'étranger », le Premier Président a violé l'article L 552-7 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,
ALORS, D'AUTRE PART, QUE
Le Premier Président, qui constatait que l'administration n'avait contacté l'Ambassade d'Afghanistan à PARIS que le 13 octobre 2008, alors que l'étranger était retenu depuis le 1er octobre, n'a pas tiré de ces constatations les conséquences qui s'en évinçaient légalement en énonçant « que l'administration a procédé aux diligences nécessaires et suffisantes pour justifier la prolongation de la rétention », violant ainsi les articles L 552-7 et L 552-8 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile,
ALORS, ENFIN, QUE
Il appartient à l'autorité administrative compétente d'apporter la preuve que la délivrance des documents de voyages par le Consulat doit « intervenir à bref délai » ; qu'ainsi, le Premier Président, qui constatait que l'administration avait contacté le 13 octobre l'Ambassade d'Afghanistan à PARIS, qu'un rendez-vous avait été fixé le même jour à 15 h et que « la Préfecture est en attente d'une réponse de la part de ces autorités », ce dont il résultait que l'administration n'apportait pas la preuve lui incombant de l'imminence de la délivrance des documents de voyages, a encore violé les articles L 552-7 et L 552-8 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'ordonnance attaquée d'avoir ordonné la prorogation du maintien en rétention de Monsieur X... dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée maximale de 5 jours à compter du 18 octobre 2008 à 12 h 20,
ALORS QUE
Il ne résulte ni de l'ordonnance attaquée, ni des pièces du dossier, que Maître CLEMENT, avocat, qui avait assisté Monsieur X... en première instance, et dont ce dernier avait expressément demandé l'assistance dans sa requête d'appel, ait été présent à l'audience d'appel ou dûment avisé de celle-ci ; qu'il s'ensuit qu'en ordonnant dans ces conditions la prorogation de la rétention de Monsieur X..., le Premier Président a violé l'article R 552-15 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile et le principe du respect des droits de la défense.