LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour ordonner à la société Orpea, à la demande de l'Association pour la défense de l'environnement de Polangis (ASEP), de suspendre, sous astreinte, les travaux de démolition et de construction objets des permis de démolir et de construire qui lui avaient été délivrés, dans l'attente de la décision définitive du tribunal administratif ou d'une décision au fond, l'arrêt attaqué retient, par motifs propres, que l'action entrait bien dans l'objet social de cette dernière, et, par motifs adoptés, que si le juge des référés ne peut sans méconnaître le principe de la séparation des pouvoirs ordonner une suspension de travaux de démolition autorisés par un acte administratif lorsque cet acte ne réserve pas les droits des tiers, tel n'est pas le cas en l'espèce, les trois permis de démolir du 8 janvier 2008 ayant été notifiés sans préjudice du droit des tiers ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Orpea qui faisait valoir que l'illégalité du permis de démolir, seule invoquée par l'ASEP, ne caractérisait pas l'existence d'un droit réservé au profit de celle-ci, mais une contestation relevant de l'appréciation de la juridiction administrative, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne l'ASEP aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Orpea
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR confirmé l'ordonnance entreprise par laquelle le juge des référés s'est déclaré compétent pour se prononcer sur l'action de l'ordonnance de l'association pour la Sauvegarde de l'Environnement de Polangis tendant à la suspension des travaux de démolition et de construction objets des permis de démolir et de construire délivrés à la SA ORPEA et d'AVOIR ordonné la suspension des travaux de démolition et de construction effectués par la SA ORPEA dans l'ensemble immobilier sis 45, 45 bis et Quai de la Marne à Joinville le Pont, sous astreinte de 5.000 € par jour de retard ;
AUX MOTIFS QUE «la société ORPEA soutient que l'association n'invoque aucun droit réservé par les permis de démolir pour demander la suspension des travaux de démolition ; que l'intérêt architectural, patrimonial et historique a été pris en compte par l'autorité administrative qui a délivré les permis de démolir ; que si l'Association entend remettre en cause l'appréciation de l'administration sur ce point, elle ne peut le faire que devant le juge administratif ; que l'.A.S.E.P. a pour objet social la sauvegarde de l'environnement des quartiers de Polangis et du Quai de Joinville à Joinville le Pont ; qu'elle a donc qualité pour agir au regard de son objet social» (arrêt attaqué p. 6 in fine) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE «le juge des référés ne peut sans méconnaître le principe de la séparation des pouvoirs ordonner une suspension de travaux de démolition autorisés par un acte administratif lorsque cet acte ne réserve pas les droits des tiers ; que tel n'est pas le cas en l'espèce puisque les trois permis de démolir du janvier 2008 sont notifiés sans préjudice du droit des tiers qu'il appartient à la SA ORPEA, bénéficiaire des autorisations, de respecter…» (ordonnance confirmée p. 5 in fine) ;
ALORS QUE les juridictions de l'ordre judiciaire n'ont pas le pouvoir de suspendre l'exécution des actes administratifs ; que le juge judiciaire des référés ne peut ordonner une mesure d'instruction ou la suspension de travaux publics autorisés que lorsque le fond du litige est de nature à relever, ne serait-ce que pour partie, de la compétence des juridictions de l'ordre auquel il appartient ; que tel n'est pas le cas lorsque la connaissance des questions qui lui sont soumises tendait nécessairement au contrôle, à l'annulation ou à la réformation des décisions prises par l'autorité administrative dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique ; qu'en l'espèce, pour solliciter la suspension de l'exécution des permis de démolir litigieux, l'A.S.E.P. se bornait à soutenir «que la commune de Joinville le Pont est dotée d'un PLU qui… classe certains immeubles en immeubles protégés en raison de leur qualité architecturale et de leur intégration dans certains sites, en particulier… les bords de Marne ; … que les immeubles ainsi protégés ne peuvent être démolis et que les propriétaires et utilisateurs doivent assureur la pérennité de leur aspect extérieur…» (ses conclusions d'intimée p. 2), sans faire état d'aucun droit spécifique qui serait réservé à son profit dans les permis litigieux, qu'en déclarant néanmoins l'A.S.E.P. recevable et fondée en sa demande, au motif de surcroît inopérant «que l'.A.S.E.P. a pour objet social la sauvegarde de l'environnement des quartiers de Polangis et du Quai de Joinville à Joinville le Pont ; qu'elle a donc qualité pour agir au regard de son objet social», la Cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs et les dispositions de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor An III.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
subsidiaire.Il est fait grief à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR, par confirmation de l'ordonnance de référé entreprise, jugé l'A.S.E.P. fondée en son action et ordonné la suspension des travaux de démolition et de construction effectués par la SA ORPEA dans l'ensemble immobilier sis 45, 45 bis et 51 quai de la Marne à Joinville le Pont, sous astreinte de 5.000 € par jour de retard ;
AUX MOTIFS QU'«en l'état des pièces produites aux débats et des recours contre les permis de démolir et de construire, la suspension des travaux de démolition et de construction entrepris par la société ORPEA dans l'ensemble immobilier sis 45, 45 bis à 51 quai de la Marne à Joinville le Pont (94) est justifiée jusqu'à décision définitive de la juridiction administrative saisie du recours contre les permis ou jusqu'à ce qu'il en soit autrement décidé par le juge du fond ; que l'ordonnance entreprise doit être confirmée en ce qu'elle a ordonné cette mesure sous astreinte de 5.000 € par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance, sauf à préciser que la mesure sera ordonnée jusqu'à décision définitive de la juridiction administrative ou jusqu'à ce qu'il en soit autrement décidé par le juge du fond» (arrêt attaqué p. 6 in fine et 7 § 1) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'«il est manifeste que la poursuite de la destruction d'immeubles protégés sur le plan local d'urbanisme de la ville de Joinville le Pont cause un dommage imminent à l'ASEP, agréée au titre de l'article 160-1 du Code de l'urbanisme pour défendre les intérêts collectifs dont elle a la charge ; qu'il convient de prévenir ce dommage imminent en interdisant à la SA ORPEA de poursuivre les travaux de démolition portant sur l'ensemble immobilier sis 45, 45 bis à 49 Quai de la Marne à Joinville le Pont, sous astreinte de 5.000 € par jour de retard à compter de la signification de la présente ordonnance ; il sera également interdit à la SA ORPEA sous la même astreinte de poursuivre les travaux de construction sur le terrain sis 45, 45 bis à 49 quai de la Marne à Joinville le Pont ; en effet, le permis de construire accordé le janvier 2008 à la SA ORPEA a fait l'objet d'un retrait par arrêté du Maire de Joinville le Pont en date du 16 mai 2008 ; la poursuite des travaux de construction crée un trouble manifestement illicite à l'ASEP dont le but est la sauvegarde de l'environnement...» (ordonnance confirmée p. 6) ;
ALORS QU'en se bornant à affirmer, pour confirmer l'ordonnance entreprise retenant «que la poursuite de la destruction d'immeubles protégés sur le plan local d'urbanisme de la ville de Joinville le Pont cause un dommage imminent à l'ASEP» (p. 7), «qu'en l'état des pièces produites aux débats et des recours contre les permis de démolir et de construire, la suspension des travaux de démolition et de construction entrepris par la société ORPEA… est justifiée…» (arrêt p. 6 in fine et 7 § 1), sans procéder à aucune analyse des pièces du dossier ni à aucun examen des dispositions contestées du PLU de la commune de Joinville le Pont, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 809 du Code de procédure civile.