LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 18 de l'accord du 19 décembre 1985 ;
Attendu, selon ce texte, qu'une prime de vacances est versée à chaque salarié du réseau au mois de mai et est majorée de 25 % par enfant à charge ; qu'il en résulte que son paiement, comme sa majoration, n'est pas limité à un seul membre d'un couple de salariés du réseau des caisses d'épargne ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que M. X..., salarié de la Caisse d'épargne Ile-de-France, qui soutenait ne pas avoir perçu la totalité de la prime de vacances, contrairement à son conjoint, également employé à la caisse d'épargne, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de rappel de salaires ; que le syndicat parisien du semi-public et des caisses d'épargne CFDT est intervenu à l'instance ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande, le jugement retient que la notion " d'enfant à charge " a besoin d'être explicitée ; qu'il convient de rechercher la commune intention des parties, et, pour ce faire, il est bon de se référer à l'interprétation qu'en a donnée la commission paritaire nationale qui considère, comme en matière de prime familiale, qu'elle doit être réservée à un seul des membres du couple ; que les fiches techniques de mars / avril 1990 indiquent que lorsque les deux membres du couple travaillent dans le réseau, chaque membre du couple doit percevoir la prime de vacances et le supplément pour enfant n'est versé qu'à l'un deux ;
Qu'en statuant ainsi, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé ;
Et attendu que la cassation sur le premier moyen entraîne la cassation par voie de conséquence sur le second moyen ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 21 juillet 2008, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Paris autrement composé ;
Condamne la société Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France à payer à M. X... et au Syndicat parisien du semi-public et les Caisses d'épargne SPUCE CFDT la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. X... et le syndicat Parisien du semi-public et des Caisses d'épargne CFDT.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X...de ses demandes de rappels de majoration pour prime de vacances, et congés payés afférents, rappel en conséquence de l'avantage acquis résultant de ladite majoration pour la période de juin 2003 à juin 2008, ainsi que les congés payés afférents, dommages intérêts en réparation du préjudice subi en matière d'intéressement et article 700 CPC.
AUX MOTIFS QUE Monsieur Jean Pierre X... a été engagé par la CAISSE D'EPARGNE ILE DE France le 19 février 1991 selon contrat à durée indéterminée. Il est marié depuis le 15 juin 1996. Il est père de 2 enfants. Il n'aurait pas perçu la totalité de sa primes vacances contrairement à son conjoint ; que sur les demandes au titre de la prime familiale : l'article 16 de l'accord collectif du 19 décembre 1985 précise « Une prime de famille est versée avec une périodicité mensuelle à chaque salarié du réseau chef de famille, le montant de cette prime est calculée par attribution d'un certain nombre de points » ; que la référence que fait ce texte à la notion de « chef de famille » n'est plus conforme à la réalité juridique telle qu'elle ressort du Code civil étendant aux époux la direction morale et matérielle de la famille ; qu'il y a donc lieu de procéder à une interprétation aux fins d'apprécier ce qu'a pu être la commune intention des rédacteurs et signataires dudit accord ; que l'époux de Madame Y..., salariée de la Caisse, a perçu l'intégralité de la prime familiale au titre de l'année 2002 ; que la concubine de Monsieur Gilbert Z..., salarié de la Caisse, a perçu l'intégralité de la prime familiale au titre de l'année 2002 ; que la conjointe de Monsieur Daniel A..., salarié de la Caisse, a perçu l'intégralité de la prime familiale au titre de l'année 2002 ; que le conjoint de Madame Patricia B..., salariée de la Caisse, a perçu l'intégralité de la prime familiale au titre de l'année 2002 ; que le conjoint de Madame C..., salariée de la Caisse, a perçu l'intégralité de la prime familiale au titre du mois d'octobre 2002 ; que l'ex-femme de Monsieur D..., salarié de la Caisse, a perçu l'intégralité de la prime familiale au titre du mois d'octobre 2002 ; que la conjointe de Monsieur Eric E..., salarié de la Caisse, a perçu l'intégralité de la prime familiale au titre du mois d'octobre 2002 ; que la conjointe de Monsieur Philippe F..., salarié de la Caisse, a perçu l'intégralité de la prime familiale au titre du mois d'octobre 2002 ; qu'il y a donc lieu de juger qu'en allouant ladite prime à un seul des membres du couple, la CAISSE D'EPARGNE a fait une exacte interprétation des termes de l'article 16 de l'accord du 19 décembre 1985 ; qu'en conséquence, l'ensemble des demandeurs précités sera débouté de la présente demande ; qu'à cet égard, il convient de se référer à l'indemnité de résidence et famille (IRF) à laquelle s'est substituée la prime familiale dont le régime juridique est très proche ; que la Commission Paritaire Nationale avait lors de ses réunions des 25 et 26 octobre 1975, procédé à une interprétation du texte comme suit : « l'IRF est versée au chef de famille au taux correspondant au nombre d'enfants. Le conjoint perçoit l'indemnité au taux agent marié sans enfant » ; que l'accord du 19 décembre 1985 instaurant la prime familiale n'a pas eu l'intention de modifier cette interprétation ; qu'en outre, la fiche technique diffusée par la CNCE en novembre / décembre 1986 précise : « la prime familiale est versée au chef de famille : ce qui signifie d'une part qu'elle n'est versée qu'à l'un des membres du couple : si les 2 membres du couple travaillent dans l'entreprise, la prime est versée indifféremment à l'un ou l'autre suivant les indications qui seront données à l'employeur » ; que dès lors il n'est pas contesté que le conjoint de Madame Dominique G..., salarié de la Caisse, a perçu la prime familiale au titre de l'année 2002 ; que le conjoint de Madame Isabelle H..., salarié de la Caisse, a perçu la prime familiale au titre de l'année 2002 ; que la concubine de Monsieur I..., salariée de la Caisse, a perçu la prime familiale au titre de l'année 2002 ; que l'ex-époux de Madame J..., salarié de la Caisse, avait perçu la prime familiale au titre de l'année 2002 ; que sur les demandes au titre de la prime de vacances : l'article 18 de l'accord collectif du 19 décembre 1985 5 précise : « Une prime de vacances est versée à chaque salarié du réseau au mois de mai. Elle est égale à 60 % de la RGG du niveau C. Elle est majorée de 25 % par enfant à charge » ; qu'il est clair que la notion « d'enfant à charge » a besoin d'être explicitée ; que par application de l'article 1156 du Code civil, il convient de rechercher la commune intention des parties ; que pour ce faire, il est bon de se référer à l'interprétation qu'en a donné la Commission Paritaire Nationale (CPN) qui considère, comme en matière de prime familiale, qu'elle doit être réservée à un seul des membres du couple ; que de même, les fiches techniques versées aux débats sont riches d'enseignement ; qu'ainsi celle de mars / avril 1990 indique : « les deux membres travaillent dans le réseau : chaque membre du couple percevra la prime de base. Le supplément pour enfant ne sera versé qu'à l'un d'eux » ; que la CAISSE D'EPARGNE n'en allouant qu'à un seul de membres du couple la majoration de la prime de vacances n'a pas dénaturé les termes de l'accord collectif ; qu'il en résulte que Madame K... sera déboutée de ses demandes tant au titre de la prime de vacances versée en mai 2003 qu'au titre de l'incorporation de la prime de vacances par intégration de salaire de base par 13ème à compter de juin 2003 ;
ALORS QUE les jugements doivent être motivés à peine de nullité ; qu'en s'abstenant de tout motif concernant le cas personnel de Monsieur Jean-Pierre X... tout en rejetant ses demandes, le Conseil des Prud'hommes n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 alinéa 1er du Code de procédure civile.
ALORS en tout cas et subsidiairement QUE l'article 18 de l'accord du 19 décembre 1985 stipule que « Une prime de vacances est versée à chaque salarié du réseau au mois de mai. … Elle est majorée de 25 % par enfant à charge » ; qu'il en résulte que la majoration de cette prime dépend seulement du nombre d'enfants à la charge du « salarié du réseau » bénéficiaire, et n'est pas attribuée à un seul des membres du couple de salariés du réseau bénéficiaires ; qu'en allouant à un seul des membres du couple la majoration de la prime de vacances, le Conseil de Prud'hommes a ajouté une condition que l'article 18 de l'accord du 19 décembre 1985 ne prévoit pas et ainsi violé ses dispositions.
ALORS encore QUE l'avis d'une commission d'interprétation instituée par un accord collectif ne s'impose au juge que si l'accord lui donne la valeur d'un avenant ; qu'en se référant aux avis émis par la Commission Paritaire Nationale, lesquels limitent le versement de la prime familiale et de la majoration de la prime de vacances à un seul des membres du couple, pour interpréter l'accord du 19 décembre qui ne leur donnait pourtant pas valeur d'avenant, le Conseil de Prud'hommes a violé les dispositions de l'article L. 2232-4 (article L. 132-17 ancien) du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le Syndicat Parisien du Semi-Public et des Caisses d'Epargne SPUCE CFDT de ses demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice direct ou indirect porté à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente ;
AUX MOTIFS QUE selon les dispositions de l'article L. 2132-3 du Code du travail « les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent devant toutes les juridictions exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent » ; qu'en l'espèce, les syndicats n'invoquent aucun préjudice au soutien de leur demande de dommages et intérêts ; qu'ils seront donc jugés mal fondés en leur demande et partant déboutés ;
ALORS QUE l'inapplication d'un accord collectif cause nécessairement un préjudice à l'intérêt collectif d'une profession représentée par les syndicats professionnels ; qu'en faisant grief au syndicat SPUCE CFDT de n'avoir pas invoqué un préjudice au soutien de sa demande de dommages et intérêts alors que la demande était fondée sur le refus, par la Caisse d'épargne Ile de FRANCE d'appliquer les dispositions de l'accord du 19 décembre 1985 relatives aux avantages familiaux devant bénéficier aux salariés de la Caisse, la Cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du Code du travail.