LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 3 du code civil ;
Attendu que, selon ce texte, il incombe au juge français, pourles droits indisponibles, de mettre en application, même d'office, la règle deconflit de lois et de rechercher le droit désigné par cette règle ;
Attendu que M. X... de nationalité tunisienne, et Mme Y..., de nationalité française, se sont mariés en Tunisie le 27 décembre 2003 ; que par acte du 14 novembre 2007, elle a saisi le tribunal de grande instance de Lille d'une requête en annulation de son mariage pour défaut de consentement de M. X... ; que le tribunal a prononcé la nullité du mariage en application de l'article 146 du code civil ;
Attendu que pour infirmer le jugement et rejeter la demande de nullité, l'arrêt attaqué, faisant fait application du droit français, a estimé qu'on ne pouvait déduire rétrospectivement des circonstances, l'absence d'un véritable consentement au mariage de M. X... ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les conditions de fond du mariage étant régies par la loi nationale de chacun des époux, le consentement de M. X... relevait de la loi tunisienne, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme Y....
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Madame Y... de sa demande d'annulation du mariage célébré le 27 décembre 2003 à Menzel Kamel (Tunisie) avec Monsieur A... ;
AUX MOTIFS QUE les griefs articulés par l'intimée participent par leur nature d'un différend conjugal d'intensité croissante et supposent une vie commune effective - et féconde - pendant plusieurs mois ; que si la pérennisation de la résidence en France de l'époux et le renforcement de la protection de ses attaches sur le territoire national par naissance d'un enfant français ont bien coïncidé avec la détérioration des relations conjugales dont s'est plainte l'épouse, ce constat ne peut suffire à établir la réalité d'un lien de cause à effet que présupposent tant l'intimée que le procureur général pour en déduire rétrospectivement l'absence de véritable consentement au mariage du chef de l'appelant ; qu'en effet, les doléances dont s'agit (en les supposant fondées) se rencontrent avec la même dynamique dans d'autres situations nées d'unions sincères entre personnes mal assorties mais rapidement mariées, notamment lorsque le mari se montre peu capable d'accorder à la femme qu'il désire et aux besoins de sa famille la considération matérielle et affective qui leur est due ; que quant au désintérêt supposé de l'appelant pour l'enfant qu'il a eue de l'intimée, il convient de relever le défaut de pertinence des attestations par lesquelles des voisins ont signalé n'avoir jamais rencontré le père, s'agissant d'un droit de visite en milieu neutre, et de noter que : - le désengagement un temps constaté de l'intéressé ne s'est fait sentir qu'à compter du second semestre 2007, - il est arrivé à plusieurs reprises au père de signaler à l'avance ses absences dans la période où il n'a plus rencontré sa fille, - les rencontres ont repris en 2009 ; qu'il s'agit, là encore, d'un comportement qui se rencontre y compris dans des cas où l'enfant concerné est issu d'une union à l'origine sincère et véritable ; qu'il ressort d'un simple examen de l'acte de mariage entre les intéressés que l'intimée avait eu connaissance de la précédente union de l'appelant et de la date alors fort récente à laquelle ce premier mariage avait été dissous ; qu'en outre, le jugement ayant prononcé ce premier divorce indique qu'il est intervenu à la demande de l'époux présentée dès le 15 juillet 2003, soit avant toute émigration vers la France, ce qui ne correspond pas à l'hypothèse d'une première tentative de fraude au droit français des étrangers et de la nationalité ; que la lettre litigieuse attribuée à la future nouvelle épouse de Wissem A..., à la supposer véritablement adressée le 25 octobre 2005, fait état d'une reconquête amoureuse après un éloignement de trois ans dû à deux abandons successifs causés par l'intérêt personnel du destinataire et vise expressément à surmonter les réticences de ce dernier à s'engager et son mépris pour une femme, la rédactrice, qui est en réalité la seule qu'il aime ; qu'indépendamment du possible mensonge de Wissem A... sur l'antériorité de ses relations avec cette personne, rien dans les termes et la date de ladite correspondance n'est incompatible avec la thèse d'un véritable engagement du mari dans l'union matrimoniale litigieuse après précédente rupture des relations avec son amie longtemps malheureuse puis d'une reprise de ces derniers liens après échec du mariage sans malice antérieure ; que la référence à l'intérêt personnel de Wissem A..., qui aurait provoqué les deux abandons successifs de sa future nouvelle épouse, relève par trop du registre de l'interprétation dépitée pour valoir indication circonstanciée d'une quelconque manoeuvre ; que l'évocation d'un manque de respect pour la femme dans cette lettre renforcerait même plutôt l'explication de la rupture de l'union litigieuse par la difficulté du mari à s'élever à la hauteur de son rôle plutôt que par l'ultime développement d'un stratagème au long cours qui aurait présidé à la célébration du mariage ; que le jugement ne peut ainsi qu'être infirmé avec débouté de l'intégralité des prétentions de l'intimée ;
ALORS QU' en vertu de l'article 3 du Code civil, il incombe aux juges français, en présence de droits indisponibles, de mettre en oeuvre, même d'office, la règle de conflit de lois et de rechercher le droit désigné par cette règle ; que les conditions de fond du mariage étant régies par la loi nationale de chacun des époux, la loi tunisienne était applicable pour apprécier le consentement de Monsieur A..., dont la Cour d'appel constatait qu'il était de nationalité tunisienne ; qu'il appartenait dès lors au juge de rechercher la teneur de la loi tunisienne applicable à l'appréciation du consentement de Monsieur A... au mariage ; qu'en statuant au seul visa de l'article 146 du Code civil, la Cour d'appel a violé l'article 3 de ce même code.