LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches, ci-après annexé :
Attendu que les époux X... / Y..., de nationalité marocaine, mariés au Maroc en 2003, parents d'un enfant né en 2007, sont domiciliés en France ; que par requête du 7 septembre 2007, Mme Y... a saisi le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Rouen d'une demande en contribution aux charges du mariage ; que M. X... en a soulevé l'irrecevabilité invoquant un jugement du 17 août 2007 du tribunal de première instance de Oujda (Maroc) ayant prononcé leur divorce ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Rouen, 16 avril 2009) d'avoir déclaré recevable la demande de Mme Y... et de l'avoir condamné à lui verser une somme mensuelle ;
Attendu qu'ayant relevé qu'il ressortait des documents produits que la dissolution du mariage résultait de la seule expression de la volonté du mari suivie d'une homologation par les autorités judiciaires dont les pouvoirs étaient limités aux aménagements des conséquences financières de la rupture, notamment pour l'épouse, que le mode de dissolution du mariage choisi par M. X..., à savoir la répudiation unilatérale du mari, alors même qu'il résidait et travaillait en France, que son épouse, sans ressources autres que les prestations sociales, y était domiciliée et s'opposait au divorce, était contraire au principe d'égalité des époux lors de la dissolution du mariage reconnue par l'article 5 du protocole du 22 novembre 1984, n° 7, additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel en a justement déduit que le jugement du tribunal de première instance d'Oujda, n'était pas conforme à l'ordre public international et ne pouvait être reconnu en France ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne M. X... à payer à la SCP Delaporte, Briard et Trichet la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux conseils pour M. X...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable la demande de Madame Y... en paiement d'une certaine somme à titre de contribution aux charges du mariage et condamné Monsieur X... à régler la somme mensuelle de 300 € à ce titre ;
Aux motifs que pour s'opposer à la demande de contribution aux charges du mariage formée par Madame Y..., Monsieur X... se prévaut de l'existence d'une décision rendue le 8 août 2007 par le Tribunal de Première Instance d'Oujda (Maroc) qui a prononcé le divorce des époux X...- Y..., devenue définitive ; que comme l'a justement rappelé le Premier Juge, aux termes de l'article 16 de la convention franco-marocaine d'aide mutuelle judiciaire d'exequatur des jugements et d'extradition et protocole annexe en date du 5 octobre 1957, en matière civile et commerciale, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions siégeant en France ou au Maroc ont de plein droit l'autorité de la chose jugée sur le territoire de l'autre pays si elles réunissent les conditions suivantes : a) la décision émane d'une juridiction compétente selon les règles de droit international privé admises dans le pays où la décision est exécutée, sauf renonciation certaine de l'intéressé ; b) les parties ont été légalement citées, représentées ou déclarées défaillantes ; c) la décision est, d'après la loi du pays où elle a été rendue, passée en force de chose jugée et susceptible d'exécution ; d) la décision ne contient rien de contraire à l'ordre public du pays où elle est invoquée ou aux principes de droit public applicables dans ce pays ; elle ne doit pas non plus être contraire à une décision judiciaire prononcée et possédant à son égard l'autorité de la chose jugée ; que c'est au regard de ces dispositions légales, qu'il convient d'apprécier la reconnaissance en France de la décision de divorce prononcée par une juridiction marocaine dont se prévaut Monsieur X... ; que selon l'article 9 de la convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire, la dissolution du mariage est prononcée selon la loi de celui des deux Etats dont les époux ont tous deux la nationalité à la date de la présentation de la demande ; que par ailleurs aux termes de l'article 11 in fine de ladite convention, au cas où les époux ont tous deux la nationalité de l'un des deux Etats, les juridictions de cet Etat peuvent être également compétentes, quel que soit le domicile des époux au moment de l'introduction de l'action judiciaire ; qu'en application des dispositions de la convention franco-marocaine du 10 août 1981 ci-dessus rappelées, les juridictions marocaines sont compétentes pour prononcer la dissolution du mariage des époux X...- Y..., en application de la loi marocaine, loi personnelle commune des époux ; que Madame Y... conteste le caractère contradictoire de la procédure en indiquant qu'elle n'a pas été appelée dans la procédure ; qu'elle ajoute qu'il n'est pas justifié de ce que la décision est définitive et a l'autorité de la chose jugée, ni de sa transcription sur les actes de l'état civil français en faisant état des difficultés pour y parvenir en raison de l'incompatibilité des répudiations avec l'ordre public français ; que comme l'a fait le Premier Juge, il convient de vérifier, en application des alinéa b) et d) de l'article ci-dessus rappelé, que la décision est conforme à l'ordre public international français, en ce qu'elle a été rendue dans le respect des droits de la défense et du principe d'égalité des époux lors de la dissolution du mariage reconnu par l'article 5 du protocole du 22 novembre 1984, n° 7, additionnel à la Convention Européenne des droits de l'homme qui s'applique à la France ; qu'aux termes de l'acte de divorce du 13 août 2007 dressé par notaires, Monsieur X... a été autorisé en date du 08 août 2007 par le Tribunal de Première Instance d'Oujda à présenter une demande en vue de l'obtention de l'autorisation de divorcer son épouse Madame Hasnae Y..., par divorce révocable ; que suivant l'ordonnance fixant les droits consécutifs au divorce rendue le 17 août 2008, par le Tribunal de Première Instance d'Oujda, qui a donné acte de l'échec de la tentative de conciliation, et de la dissolution du lien conjugal entre les deux parties, il apparaît que " le divorce des époux a été prononcé le 13 août 2007 par l'époux " ; que plusieurs audiences de conciliation, auxquelles ont assisté les deux parties, ont eu lieu ; que Madame Y... a été convoquée par voie diplomatique, le 8 novembre 2006, à l'audience du 19 avril 2007, qu'elle a été défaillante ; qu'elle a proposé la réconciliation à son époux qui a refusé et maintenu sa demande de divorce ; que l'époux a été autorisé par le Tribunal en date du 18 juillet 2007 à déposer la somme de 25800 dirhams, au titre des droits conjugaux de son épouse et son fils ; qu'il ressort de ces documents que Madame Y..., présente lors des tentatives préalables de conciliation a été informée de la procédure de divorce ; qu'elle s'y est toutefois opposée ; que la dissolution du mariage résulte de la seule expression de la volonté du mari suivie d'une homologation par les autorités judiciaires dont les seuls pouvoirs sont limités aux aménagements des conséquences financières de la rupture, notamment pour l'épouse ; que celle-ci n'a pas été informée du montant de la consignation imposée par le Tribunal postérieurement à l'audience du 19 avril 2007 où elle a été convoquée, et n'a pu débattre de manière contradictoire des compensations financières devant lui être allouées par suite de la rupture du lien conjugal ; que le mode de dissolution du mariage choisi par Monsieur X..., à savoir la répudiation unilatérale du mari, alors même qu'il réside et travaille en France, que son épouse, sans ressources autres que les prestations sociales, y est domiciliée et s'oppose au divorce, est contraire au principe d'égalité des époux lors de la dissolution du mariage reconnue par l'article 5 du protocole du 22 novembre 1984, n° 7, additionnel à la Convention Européenne des droits de l'homme ; qu'il s'ensuit que la décision de divorce prononcée au Maroc qui n'est pas conforme à l'ordre public français ne peut être reconnue en France ; que la demande de Madame Y... de contribution aux charges du mariage est dès lors recevable ; que la décision entreprise sera confirmée sur ce point.
Alors que, d'une part, pour homologuer la dissolution du lien conjugal entre les deux parties, le Tribunal a notamment relevé l'échec des tentatives de conciliation faites au cours de plusieurs audiences de conciliation en présence des deux parties et les motifs ayant abouti à l'impossibilité de poursuivre la vie conjugale, notamment l'adultère de l'épouse avec le voisin et l'abandon de celle-ci du domicile conjugal ; qu'en déclarant que la dissolution du mariage résulte de la seule expression de la volonté du mari suivie d'une homologation par les autorités judiciaires dont les seuls pouvoirs sont limités aux aménagements des conséquences financières de la rupture, notamment pour l'épouse, la Cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée du jugement du Tribunal de première instance d'Oujda et a par suite violé l'article 16 de la convention franco-marocaine d'aide mutuelle judiciaire d'exequatur des jugements et d'extradition et protocole annexe en date du 5 octobre 1957, en matière civile et commerciale ;
Alors que, d'autre part, en décidant, après avoir constaté qu'elle avait été régulièrement convoquée mais n'avait pas comparu, que l'épouse n'a pas été informée du montant de la consignation imposée par le Tribunal postérieurement à l'audience du 19 avril 2007 où elle a été convoquée, et n'a pu débattre de manière contradictoire des compensations financières devant lui être allouées par suite de la rupture du lien conjugal pour en déduire que la décision de divorce prononcée au Maroc n'est pas conforme à l'ordre public français et ne peut être reconnue en France, la Cour d'appel a violé l'article 13, alinéa 1, de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 et les articles 16, 19 et 21 de la Convention franco-marocaine du 5 octobre 1957.