LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 10 juin 2008), que M. X... a été engagé par la société Saem Enjoy (la société) à compter du 6 septembre 1999 en qualité de technicien plateau, suivant plus de deux cents contrats : d'abord des contrats d'engagements d'un intermittent du spectacle, puis à partir de 2003 des contrats d'intervention à durée déterminée visant l'accroissement temporaire d'activité ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la requalification de la relation de travail depuis janvier 2001 en un contrat à durée indéterminée et à ce que l'employeur soit condamné à lui payer diverses sommes à ce titre ainsi qu'à celui de la rupture ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d' avoir accueilli les demandes du salarié, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en écartant la justification du recours aux contrats à durée déterminée d'usage par des accords prévoyant un tel recours pour les intermittents du spectacle, au seul motif que la société Saem Enjoy ne justifiait nullement des motifs qui s'opposaient à établir au bénéfice de M. X... un contrat à durée indéterminée d'intermittent, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'ancien article L. 122-1-1-3° devenu L. 1242-2-3° du code du travail ;
2°/ que dans ses conclusions devant la cour d'appel, la société Saem Enjoy faisait valoir que l'usage de ne pas avoir recours pour l'emploi de technicien plateau occupé par M. X... à des contrats à durée indéterminée était démontré par le rapport Charie du 26 janvier 2006, intitulé : « Rapport d'information sur le développement en France des foires, salons et congrès », par l'accord de négociation salariale qu'elle avait conclu le 18 février 2000 avec le syndicat CFDT dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire, par une notice Unedic donnant la liste des fonctions pour lesquelles le recours au CDD était possible et dans laquelle figurait la fonction de technicien plateau ; qu'en se bornant par une simple affirmation, et sans aucune analyse de l'un quelconque de ces documents, à énoncer que « force est de constater en l'espèce que démonstration n'est pas faite par la Saem Enjoy de ce qu'il existe un usage constant de ne pas recourir, pour un poste de technicien plateau, à un contrat de travail intermittent à durée indéterminée », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en se limitant à cette seule affirmation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 122-1-1-3° devenu L. 1242-2 du code du travail ;
4°/ qu'en affirmant que l'embauche de M. X... avait eu pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, sans rechercher si le recours à l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs était justifié par des raisons objectives s'entendant de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 122-1 et L. 122-1-1-3° ancien devenus respectivement L. 1242-1 et L. 1242-2-3° du code du travail ;
5°/ qu'en décidant que l'embauche de M. X... avait eu pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, sans rechercher comme elle y était invitée si la variation des besoins de personnel « technicien plateau » résultant de l'objet des manifestations et des demandes des clients ne conférait pas une nature temporaire à cet emploi, si bien que la cour d'appel ne pouvait se borner à relever que depuis le 6 septembre 1999, M. X... était intervenu « toutes les semaines à quelques exceptions près », la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 122-1 et L. 122-1-1-3° devenus L. 1242-1 et L. 1242-2 du code du travail ;
Mais attendu que s'il résulte de la combinaison des articles L. 122-1, L. 122-1-1, L. 122-3-10, alinéa 2, et D. 121-2 devenus L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1244-1 et D. 1242-1 du code du travail que dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu'il est d' usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la Directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que M. X... avait été engagé par contrats à durée déterminée en qualité de technicien plateau, depuis le 6 septembre 1999 et jusqu'au 5 juillet 2006, toutes les semaines à quelques exceptions près, intervenant indifféremment sur l'ensemble des événements, qu'ils soient artistiques ou professionnels, organisés par la société, et qui a ainsi fait ressortir l'absence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi considéré, a jugé que l'engagement de M. X... avait eu pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; que l'arrêt, qui n'encourt aucun des griefs du moyen, se trouve légalement justifié ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 3123-33 et L. 3123-34 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour condamner l'employeur à payer à M. X... une somme à titre de rappel de salaire, outre les congés payés afférents, à régulariser la situation du salarié au regard des organismes sociaux et lui délivrer des bulletins de salaire et une attestation ASSEDIC conformes, l'arrêt retient que c'est à juste titre que le salarié fait valoir que l'employeur ne pouvait modifier unilatéralement son contrat de travail relativement au nombre d'heures travaillées et entend obtenir un rappel de salaire fondé sur la rémunération versée au cours de la première année d'embauche, et qu'il convient par conséquent de faire droit intégralement à sa demande ;
Qu'en se déterminant ainsi sans rechercher si le salarié avait connaissance à l'avance de ses périodes de travail et s'il devait se tenir en permanence à la disposition de l'employeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Saem Enjoy à payer à M. X... une somme de 23 103,48 euros à titre de rappel de salaire, outre les congés payés afférents pour 2 310,34 euros, à régulariser la situation du salarié au regard des organismes sociaux et lui délivrer des bulletins de salaire et une attestation ASSEDIC conformes, l'arrêt rendu le 18 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux conseils pour la société Saem Enjoy
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR requalifié la relation de travail ayant lié les parties à compter du 6 septembre 1999 en un contrat à durée indéterminée dont la rupture s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR condamné la Société SAEM ENJOY à payer à Monsieur X... une indemnité de requalification, un rappel de salaire ainsi que les congés payés afférents, une indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, une indemnité de licenciement, des dommages-intérêts, une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et d'AVOIR ordonné à la société de régulariser la situation du salarié au regard des organismes sociaux et à lui délivrer différents documents conformes ;
AUX MOTIFS QU'en application des dispositions des articles L. 122-1 et suivants du Code du travail, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas de remplacement d'un salarié en cas d'absence, accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise, emplois à caractère saisonnier et remplacement d'un chef d'entreprise ou d'exploitation ; qu'il résulte de la combinaison des articles L. 122-1, L. 122-1-1-3°, L. 122-3-10 et D. 121-2 du Code du travail que, dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée ; que même dans les secteurs d'activité où il est d'usage constant de ne pas recourir à des contrats à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il existe un usage constant, pour l'emploi occupé par le salarié, de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée ;
QUE force est de constater en l'espèce que démonstration n'est pas faite par la SAEM ENJOY de ce qu'il existe un usage constant de ne pas recourir, pour un poste de technicien plateau, à un contrat de travail intermittent à durée indéterminée ;
QU'en tout état de cause, la durée déterminée ne peut jamais avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; qu'en l'espèce, force est de constater que Jean-Claude X... a fait l'objet d'une embauche en contrats à durée déterminée en qualité de technicien plateau, depuis le 6 septembre 1999 et jusqu'au 5 juillet 2006, toutes les semaines à quelques exceptions près, intervenant indifféremment sur l'ensemble des évènements qu'ils soient artistiques ou professionnels, organisés par la SAEM ENJOY, ladite embauche ayant eu pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ;
QUE force est de constater enfin que la SAEM ENJOY se prévaut des divers accords prévoyant le recours aux contrats à durée déterminée d'usage pour les intermittents du spectacle mais ne justifie nullement des motifs qui s'opposaient à établir au bénéfice de Jean-Claude X... un contrat à durée indéterminée d'intermittent ;
QU'il convient par conséquent de réformer la décision entreprise, de requalifier la relation de travail depuis le 6 septembre 1999 en un contrat à durée indéterminée et d'allouer à Jean-Claude X... la somme de 1.500 € au titre de l'indemnité de requalification ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en écartant la justification du recours aux contrats à durée déterminée d'usage par des accords prévoyant un tel recours pour les intermittents du spectacle, au seul motif que la Société SAEM ENJOY ne justifiait nullement des motifs qui s'opposaient à établir au bénéfice de Monsieur X... un contrat à durée indéterminée d'intermittent, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'ancien article L. 122-1-1-3° devenu L. 1242-2-3° du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE dans ses conclusions devant la Cour d'appel, la SAEM ENJOY faisait valoir que l'usage de ne pas avoir recours pour l'emploi de technicien plateau occupé par Monsieur X... à des contrats à durée indéterminée était démontré par le rapport CHARIE du 26 janvier 2006, intitulé : « Rapport d'information sur le développement en France des foires, salons et congrès », par l'accord de négociation salariale qu'elle avait conclu le 18 février 2000 avec le Syndicat CFDT dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire, par une notice UNEDIC donnant la liste des fonctions pour lesquelles le recours au CDD était possible et dans laquelle figurait la fonction de technicien plateau ; qu'en se bornant par une simple affirmation, et sans aucune analyse de l'un quelconque de ces documents, à énoncer que « force est de constater en l'espèce que démonstration n'est pas faite par la SAEM ENJOY de ce qu'il existe un usage constant de ne pas recourir, pour un poste de technicien plateau, à un contrat de travail intermittent à durée indéterminée », la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, DE TROISIEME PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en se limitant à cette seule affirmation, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 122-1-1-3° devenu L. 1242-2 du Code du travail ;
ALORS DE QUATRIEME PART QU'en affirmant que l'embauche de Monsieur X... avait eu pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, sans rechercher si le recours à l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs était justifié par des raisons objectives s'entendant de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 122-1 et L. 122-1-1-3° ancien devenus respectivement L. 1242-1 et L. 1242-2-3° du Code du travail ;
ET ALORS ENFIN QU'en décidant que l'embauche de Monsieur X... avait eu pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, sans rechercher comme elle y était invitée si la variation des besoins de personnel « technicien plateau » résultant de l'objet des manifestations et des demandes des clients ne conférait pas une nature temporaire à cet emploi, si bien que la Cour d'appel ne pouvait se borner à relever que depuis le 6 septembre 1999, Monsieur X... était intervenu « toutes les semaines à quelques exceptions près », la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 122-1 et L. 122-1-1-3° devenus L.1242-1 et L. 1242-2 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société SAEM ENJOY à payer à Monsieur X... une somme de 23.103,48 € à titre de rappel de salaire, outre les congés payés afférents pour 2.310,34 €, à régulariser la situation du salarié au regard des organismes sociaux et lui délivrer des bulletins de salaire et une attestation ASSEDIC conformes ;
AUX MOTIFS QUE Jean-Claude X... fait valoir que la relation de travail étant à durée indéterminée, il peut prétendre à un rappel de salaire ; que c'est à juste titre qu'il fait valoir que l'employeur ne pouvait modifier unilatéralement son contrat de travail relativement au nombre d'heures travaillées et qu'il entend obtenir un rappel de salaire qu'il fonde sur la rémunération qui lui a été versée au cours de la première année d'embauche ; qu'il convient par conséquent de faire droit intégralement à sa demande et de lui allouer la somme réclamée de 23.103,48 €, outre les congés payés afférents ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en estimant que l'employeur ne pouvait modifier unilatéralement le contrat de travail de Monsieur X... relativement au nombre d'heures travaillées en allouant à ce dernier le rappel de salaire « qu'il entend obtenir » fondé sur la rémunération qui lui a été versée au cours de la première année d'embauche, sans caractériser de quelque manière que ce soit l'engagement de l'employeur à fournir au salarié un certain nombre d'heures de travail dans l'année, et bien que le caractère intermittent des prestations à fournir par le salarié ait été constant, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ;
ET ALORS, D'AUTRE PART ET TRES SUBSIDIAIREMENT, QUE le contrat de travail intermittent est un contrat à durée indéterminée mentionnant notamment la durée annuelle minimale de travail du salarié, et que les heures dépassant la durée annuelle minimale fixée au contrat de travail intermittent ne peuvent excéder le tiers de cette durée, sauf accord du salarié ; qu'il en résulte que la durée effective des prestations effectuées par Monsieur X... au titre des contrats à durée déterminée passés au cours de la première année où il a été employé par la Société SAEM ENJOY ne pouvait constituer la base d'un engagement de l'employeur à employer le salarié pour une même durée au cours des années suivantes ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L. 212-4-13 al. 1 à 7 ancien, devenu L. 3123-33 et L. 3123-34 du Code du travail.