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20/10/2010 | FRANCE | N°08-40822

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 octobre 2010, 08-40822


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 11 décembre 2007), que M. X... a été engagé le 22 juin 2001 par la société exploitant le casino de La Roche Posay en qualité de technicien de machines à sous ; qu'il a démissionné de cet emploi puis a été engagé, à compter du 1er août 2004, par la société exploitant le Casino de Plombières-les-Bains, en qualité de cadre, membre du comité de direction ; que ce dernier contrat prévoyait une période d'essai de trois mois à laquelle le n

ouvel employeur a mis fin le 26 octobre 2004 ; qu'estimant que son second emploi d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 11 décembre 2007), que M. X... a été engagé le 22 juin 2001 par la société exploitant le casino de La Roche Posay en qualité de technicien de machines à sous ; qu'il a démissionné de cet emploi puis a été engagé, à compter du 1er août 2004, par la société exploitant le Casino de Plombières-les-Bains, en qualité de cadre, membre du comité de direction ; que ce dernier contrat prévoyait une période d'essai de trois mois à laquelle le nouvel employeur a mis fin le 26 octobre 2004 ; qu'estimant que son second emploi devait être considéré comme une mutation au sein du même groupe auquel appartenaient les deux casinos, de sorte que la procédure de licenciement aurait dû être respectée, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la reconnaissance du caractère abusif de son licenciement et au paiement de dommages-intérêts et indemnités de rupture ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ces demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que le salarié qui travaille successivement pour des sociétés d'un même groupe conserve son ancienneté et le bénéfice des avantages antérieurement acquis ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations-mêmes de l'arrêt attaqué que M. X... a travaillé pour deux sociétés appartenant au groupe Partouche ; que le premier juge avait dès lors accueilli la demande du salarié fondée sur l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement car il ne lui avait pas été proposé un emploi correspondant à sa classification antérieure ; qu'en infirmant le jugement sur ce point, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-1 du code du travail ;
2°/ qu'en affirmant qu'il ne résultait ni de la lettre de licenciement, ni des circonstances dans lesquelles, ou à la suite desquelles son destinataire l'a reçu, que la rupture de la période d'essai ait été justifiée par un motif disciplinaire, notamment des faits de harcèlement sexuel, sans répondre au moyen selon lequel la société Casino de Plombières-les-Bains avait reconnu, dans ses conclusions de première instance, que M. X... avait été accusé d'avoir eu un comportement indélicat envers plusieurs salariés de l'établissement et que ces incidents répétés avaient conduit le directeur à ne pas donner suite à la période d'essai prévue au contrat de M. X..., la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que l'aveu judiciaire, déclaration que fait en justice la partie ou son fondé de pouvoir spécial sur des points de fait, fait pleine foi contre celui qui l'a fait ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir qu'il résultait des conclusions prises par la société Casino de Plombières-les-Bains devant le conseil de prud'hommes que celle-ci avait décidé de mettre un terme à sa période d'essai en raison d'un comportement indélicat et gravement fautif qu'il aurait soi-disant adopté envers certains salariés, lesquels avaient attesté en ce sens ; qu'en retenant néanmoins que les circonstances de la rupture n'établissaient pas que celle-ci avait été justifiée par un motif disciplinaire, bien que la société Casino de Plombières-les-Bains ait indiqué qu'elle avait été justifiée par des faits gravement fautifs, la cour d'appel a violé l'article 1356 du code civil ;
4°/ que la période d'essai étant destinée à permettre à l'employeur d'apprécier la valeur professionnelle du salarié, elle ne peut être rompue qu'en raison de motifs inhérents à la personne du salarié, dont l'employeur doit justifier ; qu'en l'espèce, pour décider que l'employeur avait pu mettre un terme au contrat de M. X..., la cour d'appel a décidé qu'il ne pouvait lui être reproché d'avoir usé de son droit de résiliation discrétionnaire après avoir jugé les capacités de son nouveau salarié ; que cependant, la lettre de rupture du contrat de travail du 26 octobre 2004 ne comportait aucune motivation ni même allusion relative à une insuffisance professionnelle de M. X... ; qu'en décidant néanmoins que cette rupture était régulière, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que sauf dispositions conventionnelles ou contractuelles contraires ou situation de co-emploi non alléguée en l'espèce, les contrats de travail successifs avec plusieurs sociétés appartenant à un même groupe ne permettent pas au salarié de se prévaloir de l'ancienneté acquise dans l'une de ces sociétés ; qu'ayant relevé que les deux sociétés qui avaient successivement engagé M. X... constituaient des personnes morales distinctes et que le salarié avait démissionné de la première, la cour d'appel en a exactement déduit qu'une période d'essai avait pu être valablement stipulée par le second contrat et que la rupture des relations contractuelles au cours de cette période, qu'il n'y avait pas lieu de qualifier de période probatoire, pouvait intervenir sans que le salarié pût prétendre à sa réintégration au sein du groupe Partouche dans un emploi correspondant à sa qualification antérieure ;
Et attendu, ensuite, que durant la période d'essai, chacune des parties dispose en principe d'un droit de résiliation unilatéral, sans avoir à alléguer de motif ; que la cour d'appel ayant retenu que l'employeur ne s'était à aucun moment prévalu d'un motif disciplinaire pour rompre la période d'essai a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par de la SCP Boulloche, avocat aux Conseils pour M. X...

Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir décidé que la rupture du contrat de travail de Monsieur X... ne constituait pas un licenciement et de l'avoir débouté de toutes ses demandes fondées sur le caractère abusif de son licenciement, AUX MOTIFS QUE si une période d'essai peut être convenue lors de la souscription d'un contrat de travail, en revanche, elle ne peut être convenue en cours de contrat. En cas de signature de contrats successifs entre les mêmes parties, ou d'avenant au contrat de travail, dans le but d'assurer une promotion professionnelle au salarié, seule une période probatoire peut être prévue dont la rupture a pour effet de replacer le salarié dans ses fonctions antérieures. Cette dernière s'inscrivant dans la continuation de la même relation contractuelle, la rupture du contrat de travail à son issue s'analyse en un licenciement qui est sans cause réelle et sérieuse lorsque l'employeur n'a pas envoyé au salarié une lettre de licenciement. Par ailleurs, si l'employeur peut sans motif et sans formalité mettre fin à la période d'essai, il doit en revanche, lorsqu'il invoque un motif disciplinaire durant cette période, respecter la procédure disciplinaire.M. X... fait valoir que son départ du casino de La Roche Posay, où il occupait les fonctions de technicien de machines à sous, pour le casino de Plombières-Les-Bains où il avait été promu à un poste de cadre, devait s'analyser en une mutation et une promotion interne au sein du groupe Partouche auquel appartenaient les deux établissements; qu'en conséquence, la rupture du contrat souscrit avec la société exploitant le casino de Plombières-Les-Bains, devait aboutir à sa réintégration dans ses fonctions précédentes au sein de la société exploitant le casino de La Roche Posay. Il ajoute que son deuxième employeur lui ayant reproché des actes de harcèlement sexuel à l'égard de salariées du même établissement, il ne pouvait rompre la période d'essai sans respecter la procédure disciplinaire.Cependant, s'il est constant que les sociétés exploitant les casinos de La Roche Posay et de Plombières appartiennent au même groupe Partouche, il résulte des extraits du registre des sociétés versés aux débats qu'elles constituent des personnes morales distinctes, et M. X... reconnaît qu'il a démissionné de ses fonctions au sein de l'une d'elles pour être embauché par l'autre; à cet égard, il se borne à affirmer sans l'établir que le règlement intérieur du groupe Partouche, qui n'est pas produit, oblige ses employés à démissionner pour changer de poste au sein du groupe. Le document intitulé "accord de l'employeur pour l'octroi d'une aide à partir de 1.600 € d'intervention" révèle en outre que cette aide a été attribuée à M. X..., le 4 octobre 2004, par la société exploitant le casino de Plombières-Les-Bains, en raison, non pas de sa mutation, mais de son embauche dans l'entreprise.Ainsi, l'indépendance juridique des personnes morales qui ont successivement embauché M. X..., et la démission dont celui-ci a pris l'initiative suffisent à établir que les deux contrats de travail n'ont pas été conclus entre les mêmes parties de sorte qu'une période d'essai a pu être valablement convenue dans le second contrat. La rupture des relations contractuelles au cours de cette période qu'il n'y a pas lieu de qualifier de période probatoire pouvait donc avoir lieu sans que M. X... pût prétendre à sa réintégration, au sein d'une société du groupe Partouche, dans un emploi correspondant à sa classification antérieure.La lettre de rupture du contrat de travail notifiée à M. X... était libellée de la façon suivante : « Par la présente, nous vous informons de notre décision de mettre fin à votre période d'essai à compter de ce jour, et par là-même au contrat qui nous lie. Notre service du personnel se met à votre disposition pour vous remettre votre solde de tout compte, certificat de travail et attestation ASSEDIC. » ; qu'il ne résulte ni de cette lettre ni des circonstances dans lesquelles, ou à la suite desquelles son destinataire l'a reçue, que la rupture de la période d'essai ait été justifiée par un motif disciplinaire, notamment des faits de harcèlement sexuel qui lui étaient reprochés ; que sur ce point, il sera relevé que M. X... a demandé à deux reprises à son employeur, par lettres des 9 et 26 novembre 2004, les motifs de cette décision ; qu'en conséquence, il ne peut être reproché à l'employeur d'avoir usé de son droit de résiliation discrétionnaire après avoir jugé les capacités de son nouveau salarié, alors qu'à aucun moment, il ne s'est placé sur le terrain disciplinaire pour justifier la rupture, et qu'il n'était pas tenu de respecter la procédure de licenciement ; que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a analysé la rupture du contrat de travail en un licenciement, alloué en conséquence des dommages-intérêts ainsi que des indemnités de rupture à M. X..., et condamné la société Casino de Plombières-Les-Bains au remboursement des indemnités de chômage versées à celui-ci ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le salarié qui travaille successivement pour des sociétés d'un même groupe conserve son ancienneté et le bénéfice des avantages antérieurement acquis ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations-mêmes de l'arrêt attaqué que M. X... a travaillé pour deux sociétés appartenant au groupe PARTOUCHE ; que le premier juge avait dès lors accueilli la demande de l'exposant fondée sur l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement car il ne lui avait pas été proposé un emploi correspondant à sa classification antérieure ; qu'en infirmant le jugement sur ce point, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-1 du code du travail ;
ALORS D'AUTRE PART QU'en affirmant qu'il ne résultait ni de la lettre de licenciement, ni des circonstances dans lesquelles, ou à la suite desquelles son destinataire l'a reçu, que la rupture de la période d'essai ait été justifiée par un motif disciplinaire, notamment des faits de harcèlement sexuel, sans répondre au moyen selon lequel la société Casino de Plombières-Les-Bains avait reconnu, dans ses conclusions de première instance, que Monsieur X... avait été accusé d'avoir eu un comportement indélicat envers plusieurs salariés de l'établissement et que ces incidents répétés avaient conduit le directeur à ne pas donner suite à la période d'essai prévue au contrat de Monsieur X..., la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS QU'EN TROISIEME LIEU, l'aveu judiciaire, déclaration que fait en justice la partie ou son fondé de pouvoir spécial sur des points de fait, fait pleine foi contre celui qui l'a fait ; qu'en l'espèce, Monsieur X... faisait valoir qu'il résultait des conclusions prises par la société Casino de Plombières-Les-Bains devant le Conseil de Prud'hommes que celle-ci avait décidé de mettre un terme à sa période d'essai en raison d'un comportement indélicat et gravement fautif qu'il aurait soi-disant adopté envers certains salariés, lesquels avaient attesté en ce sens ; qu'en retenant néanmoins que les circonstances de la rupture n'établissaient pas que celle-ci avait été justifiée par un motif disciplinaire, bien que la société Casino de Plombières-Les-Bains ait indiqué qu'elle avait été justifiée par des faits gravement fautifs, la Cour d'appel a violé l'article 1356 du Code civil ;
ALORS QU'ENFIN, la période d'essai étant destinée à permettre à l'employeur d'apprécier la valeur professionnelle du salarié, elle ne peut être rompue qu'en raison de motifs inhérents à la personne du salarié, dont l'employeur doit justifier ; qu'en l'espèce, pour décider que l'employeur avait pu mettre un terme au contrat de M. X..., la cour d'appel a décidé qu'il ne pouvait lui être reproché d'avoir usé de son droit de résiliation discrétionnaire après avoir jugé les capacités de son nouveau salarié ; que cependant, la lettre de rupture du contrat de travail du 26 octobre 2004 ne comportait aucune motivation ni même allusion relative à une insuffisance professionnelle de M. X... ; qu'en décidant néanmoins que cette rupture était régulière, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-40822
Date de la décision : 20/10/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, FORMATION - Définition - Contrats successifs - Sociétés-employeurs appartenant au même groupe - Période d'essai - Période d'essai stipulée par le second contrat - Validité - Condition

CONTRAT DE TRAVAIL, FORMATION - Période d'essai - Validité - Applications diverses - Conclusion de deux contrats successifs avec plusieurs sociétés appartenant au même groupe

Sauf disposition conventionnelle ou contractuelle contraire, ou co-emploi de fait, la conclusion de contrats de travail successifs avec plusieurs sociétés appartenant au même groupe ne permet pas au salarié de se prévaloir de l'ancienneté acquise au sein de chacune des sociétés. Après avoir relevé que les deux sociétés ayant successivement engagé le salarié constituaient deux personnes morales distinctes et que l'intéressé avait démissionné de la première, une cour d'appel en a déduit exactement qu'une période d'essai avait pu être valablement stipulée par le second contrat


Références :

ARRET du 11 décembre 2007, Cour d'appel de Nancy, Chambre sociale, 11 décembre 2007, 05/02705
articles L. 1235-1 et L. 1231-1 du code du travail

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 11 décembre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 oct. 2010, pourvoi n°08-40822, Bull. civ. 2010, V, n° 239
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, V, n° 239

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : M. Foerst
Rapporteur ?: Mme Goasguen
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Bouzidi et Bouhanna

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.40822
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