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20/10/2010 | FRANCE | N°08-40142

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 octobre 2010, 08-40142


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu selon l'arrêt attaqué que Mme X..., engagée par l'association Mabo crèche le 4 janvier 1999, en qualité d'animatrice, a été licenciée le 25 août 2003 ; que, contestant le bien-fondé de cette rupture, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer à la salariée une indemnité à ce titre, alors, selon le moyen :
1°/ que la

poursuite par un salarié d'un fait fautif autorise l'employeur à se prévaloir de fa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu selon l'arrêt attaqué que Mme X..., engagée par l'association Mabo crèche le 4 janvier 1999, en qualité d'animatrice, a été licenciée le 25 août 2003 ; que, contestant le bien-fondé de cette rupture, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer à la salariée une indemnité à ce titre, alors, selon le moyen :
1°/ que la poursuite par un salarié d'un fait fautif autorise l'employeur à se prévaloir de faits similaires, y compris ceux ayant déjà été sanctionnés, pour apprécier la gravité du comportement reproché au salarié ; qu'en l'espèce, le licenciement de Mme X..., épouse Y..., était justifié par quatre griefs, à savoir : «votre comportement bafouant l'autorité de l'employeur, votre insubordination (refus d'exécuter un ordre), vos vociférations scandaleuses en date du 25 juin 2003 dans la crèche, en présence d'enfants, et les menaces proférées envers l'éducatrice de jeunes enfants en date du 15 juillet 2003» ; qu'en excluant le caractère réel et sérieux du licenciement de Mme Y... aux motifs que «deux des motifs de licenciement ont déjà été sanctionnés par l'avertissement du 30 juillet 2003 qui, à cette date, épuise le pouvoir disciplinaire de l'association Mabo crèche», alors que les deux griefs déjà sanctionnés procédaient d'un comportement fautif continu, en sorte que l'association pouvait les invoquer à l'appui du licenciement disciplinaire de Mme Y..., la cour d'appel a gravement violé les articles L. 122-14-3 et L122-6 du code du travail ;
2°/ que le juge a l'obligation d'examiner l'ensemble des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement ; qu'indépendamment des motifs tirés de «votre comportement bafouant l'autorité de l'employeur» et de «vos vociférations scandaleuses en date du 25 juin 2003 dans la crèche, en présence d'enfants», la lettre de licenciement reprochait à Mme Y... son «insubordination (refus d'exécuter un ordre)» ainsi que «les menaces proférées envers l'éducatrice de jeunes enfants en date du 15 juillet 2003» ; qu'en s'abstenant d'examiner ces griefs, lesquels constituaient des fautes susceptibles de justifier le licenciement disciplinaire de la salariée, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 122-14-2 et L 122-14-3 du code du travail ;
3°/ que la faute sérieuse de licenciement se caractérise par un manquement du salarié aux obligations découlant de son contrat de travail ou aux règles de discipline et d'organisation collective énoncées dans le règlement intérieur, et n'exige nullement une perturbation de l'entreprise requérant le départ du salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel de Basse-Terre a exclu l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement aux motifs que «Gabrielle Y... a manifesté à sa manière son mécontentement, sans pour autant que l'employeur démontre que le climat de l'entreprise en ait été modifié» ; qu'en subordonnant ainsi la faute sérieuse de licenciement à l'existence d'un préjudice subi par l'employeur - en l'espèce, une modification du climat de l'entreprise - la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 122-14-3 du code du travail ;
Mais attendu que par des motifs non critiqués, la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a retenu que la salariée avait fait l'objet d'un licenciement économique déguisé, l'employeur ayant contourné la procédure et éludé la recherche d'un reclassement ; que le moyen, qui critique des motifs surabondants, est inopérant ;
Mais sur le second moyen :
Attendu que pour condamner l'employeur à payer à la salariée une indemnité conventionnelle de licenciement l'arrêt énonce que l'association affirme que la convention collective à laquelle la salariée se réfère n'est pas applicable à son activité et soutient qu'aucune convention collective n'est applicable ici, qu'il résulte des éléments fournis par la salariée que la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif s'applique bien à l'activité de l'association dont le code APE 853 G (figurant sur les bulletins de salaire) est répertorié au chapitre de l'étendue de la convention (article 01 .02 .2 .1 .) à la mention " crèches, garderies et halte-garderies, que dès lors, à défaut de démonstration contraire de l'employeur, cette convention applicable aux départements d'outre-mer et étendue doit être prise en compte quant à la détermination du montant de l'indemnité de licenciement ;
Qu'en statuant ainsi, alors que cette convention collective ayant été entièrement modifiée, le texte initial a cessé de produire effet de sorte que l'arrêté d'extension est devenu caduc, la cour d'appel, à laquelle il appartenait de rechercher si l'association Mabo crèche était adhérente à une organisation patronale signataire de ladite convention collective, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions condamnant l'association Mabo crèche au paiement de la somme de 2 264,56 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 8 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat aux Conseils pour l'association Mabo crèche
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que le licenciement de Madame Y... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir, en conséquence, condamné l'Association MABO CRECHE à verser à la salariée la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE l'Association MABO CRECHE a licencié Gabrielle Y... pour des motifs disciplinaires énoncés dans une lettre de rupture en date du 25 août 2003 ; que ces griefs sont au nombre de quatre : deux sont datés : le 25 juin 2003 « vociférations scandaleuses en présence d'enfants » et le 15 juillet 2003 « menaces à l'encontre d'une éducatrice », deux autres peuvent être regroupés car ils sont génériques : comportement « bafouant l'autorité de l'employeur », d'une part, et « insubordination (refus d'obéir aux ordres) », d'autre part, le tout sans date ni explication lesquels sont à rechercher dans les écritures de l'employeur ; qu'il conviendra, après le premier juge, de procéder à l'examen de ces reproches et de vérifier s'ils constituent ou non des causes réelles et sérieuses de licenciement ; que plus encore, il va être nécessaire, en raison du contexte de vérifier si le licenciement est justement qualifié de disciplinaire et s'il n'est pas plutôt un licenciement économique déguisé ; qu'en effet, force est de constater que deux des motifs de licenciement ont déjà été sanctionnés par l'avertissement du 30 juillet 2003 qui, à cette date, épuise le pouvoir disciplinaire de l'Association MABO CRECHE ; qu'il s'agit de l'événement du juin 2003 (« vociférations scandaleuses ») et de celui du 6 juin 2003 (qui, selon les conclusions de l'appelante, correspond au comportement « bafouant l'autorité de l'employeur ») ; qu'il ne subsiste donc que deux griefs : les menaces envers une éducatrice du 25 juin 2003 et « l'insubordination » ; que si ces deux reproches sont remis dans le contexte de l'époque, il est évident qu'ils s'inscrivent dans le même espace de temps que l'annonce faite à Gabrielle Y... que son poste d'agent de cuisine est vidé de son sens et en voie de suppression par le brusque choix économique de l'Association d'externaliser la confection des repas du midi destinés aux jeunes enfants de la crèche MABO ; que tout laisse penser que, suite à cette annonce faite par un courrier du 10 juillet 2003 qui lui impose une modification unilatérale du contrat de travail (le poste est modifié substantiellement et l'horaire mensuel passe de 130 heures à 40 heures), Gabrielle Y... ait manifesté à sa manière son mécontentement, sans pour autant que l'employeur démontre que le climat de l'entreprise en ait été modifié, les dissensions étant ponctuelles et limitées à des échanges entre salariés, l'argument de la « syndicalisation » étant écarté ; que dès lors, la Cour constate que c'est avec raison que le premier juge a constaté que le 10 juillet 2003, le processus de « se séparer de la demanderesse est engagé » et il faut ajouter que ce processus vise à la suppression pure et simple de son poste, l'employeur lui proposant un « reclassement » dans un poste moins qualifié consistant à réchauffer les aliments préparés par une cuisine centrale municipale et à les servir ensuite aux enfants ; que la preuve est rapportée que Gabrielle Y... sera remplacée par un cuisinier en CDD jusqu'au 31 août 2003, veille de la prise d'effet du contrat de fourniture des repas par la cuisine centrale de la ville du Moule ; qu'aucun autre agent de cuisine ne sera alors recruté au vu des éléments du dossier ; qu'au-delà de l'analyse des griefs disciplinaires qui conduit à les écarter, la Cour décide de requalifier le licenciement prononcé sur cette base en un licenciement économique dont l'employeur a voulu détourner la procédure plus contraignante en terme de reclassement (Gabrielle Y... est une animatrice de crèche diplômée, voir documents de la ville de Taverny dont elle a été l'employée) ; que ce licenciement économique déguisé est, par essence, dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le jugement déféré est donc confirmé par substitution de motifs ; que le motif syndical est dans ce cadre écarté ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la poursuite par un salarié d'un fait fautif autorise l'employeur à se prévaloir de faits similaires, y compris ceux ayant déjà été sanctionnés, pour apprécier la gravité du comportement reproché au salarié ; qu'en l'espèce, le licenciement de Madame Y... était justifié par quatre griefs, à savoir : « votre comportement bafouant l'autorité de l'employeur, votre insubordination (refus d'exécuter un ordre), vos vociférations scandaleuses en date du 25 juin 2003 dans la crèche, en présence d'enfants, et les menaces proférées envers l'éducatrice de jeunes enfants en date du 15 juillet 2003 » ; qu'en excluant le caractère réel et sérieux du licenciement de Madame Y... aux motifs que « deux des motifs de licenciement ont déjà été sanctionnés par l'avertissement du 30 juillet 2003 qui, à cette date, épuise le pouvoir disciplinaire de l'Association MABO CRECHE », alors que les deux griefs déjà sanctionnés procédaient d'un comportement fautif continu, en sorte que l'Association pouvait les invoquer à l'appui du licenciement disciplinaire de Madame Y..., la Cour d'appel a gravement violé les articles L 122-14-3 et L122-6 du Code du travail.
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le juge a l'obligation d'examiner l'ensemble des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement ; qu'indépendamment des motifs tirés de « votre comportement bafouant l'autorité de l'employeur » et de « vos vociférations scandaleuses en date du 25 juin 2003 dans la crèche, en présence d'enfants », la lettre de licenciement reprochait à Madame Y... son « insubordination (refus d'exécuter un ordre) » ainsi que « les menaces proférées envers l'éducatrice de jeunes enfants en date du 15 juillet 2003 » ; qu'en s'abstenant d'examiner ces griefs, lesquels constituaient des fautes susceptibles de justifier le licenciement disciplinaire de la salariée, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L 122-14-2 et L 122-14-3 du Code du travail.
ALORS, ENFIN, QUE la faute sérieuse de licenciement se caractérise par un manquement du salarié aux obligations découlant de son contrat de travail ou aux règles de discipline et d'organisation collective énoncées dans le règlement intérieur, et n'exige nullement une perturbation de l'entreprise requérant le départ du salarié ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel de Basse-Terre a exclu l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement aux motifs que « Gabrielle Y... a manifesté à sa manière son mécontentement, sans pour autant que l'employeur démontre que le climat de l'entreprise en ait été modifié » ; qu'en subordonnant ainsi la faute sérieuse de licenciement à l'existence d'un préjudice subi par l'employeur - en l'espèce, une modification du climat de l'entreprise - la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant sa décision de toute base légale au regard de l'article L 122-14-3 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné l'Association MABO CRECHE à verser à Madame Y... la somme de 2 264,56 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
AUX MOTIFS QU'il résulte des éléments fournis par Gabrielle Y... que la Convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif s'applique bien à l'activité de l'Association MABO dont le code APE 853 G (figurant sur les bulletins de salaire) est répertorié au chapitre de l'étendue de la Convention (article 01.02.2.1) à la mention « crèches, garderies et halte garderies » ; que dès lors, à défaut de démonstration contraire de l'employeur, cette convention applicable aux départements d'outre-mer et étendue doit être prise en compte quant à la détermination du montant de l'indemnité de licenciement ; que l'article 15.02.3.1 de la convention collective susvisée concernant l'indemnité de licenciement des salariés non-cadres, y compris à temps partiel, conformément au droit positif, prévoit son calcul à raison d'un demi-mois de salaire par année d'ancienneté avec un maximum de six mois, dès lors que le salarié licencié présente une ancienneté d'au moins deux années, comme c'est le cas en l'espèce ; que sachant que Gabrielle Y... peut se prévaloir d'une ancienneté de quatre années, neuf mois et 27 jours, la Cour adopte, sur la base mensuelle de 1 168,45 €, les calculs figurant dans les écritures de l'intimée et retient une somme de 2 818,27 €, dont il est déduit la somme de 553,71 € déjà payés, soit une somme de 2 264,56 € que l'Association MABO est condamnée à payer à Gabrielle Y... au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en retenant, en l'espèce, l'application de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif aux seuls motifs que « le code APE 853 G de l'association est répertorié au chapitre de l'étendue de la Convention à la mention « crèches, garderies et halte garderie », sans pour autant examiner le courrier du Directeur du Travail, de l'Emploi et de la Formation Professionnelle de la Guadeloupe, versé aux débats par l'Association, lequel retenait la non application du texte litigieux en raison de la caducité de l'arrêté d'extension et du défaut d'adhésion de l'Association au syndicat patronal signataire, la Cour d'appel a gravement violé les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
ALORS, en tout état de cause, QUE l'application d'une convention collective doit s'apprécier par rapport à l'activité réelle de l'entreprise; qu'en se fondant, en l'espèce, sur le code d'activité de l'Association pour retenir l'application de la convention collective invoquée par Madame Y..., sans cependant rechercher quelle était l'activité réelle principale exercée par cette Association, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L 132-5 du Code de travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08-40142
Date de la décision : 20/10/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 08 octobre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 oct. 2010, pourvoi n°08-40142


Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:08.40142
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