LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Le procureur général près de la cour d'appel de Paris,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, 5e section, en date du 30 juin 2010, qui s'est déclarée incompétente pour autoriser l'extradition vers le Maroc de M. Hamid X... ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des dispositions des articles 695-11 à 695-46 du code de procédure pénale, défaut ou insuffisance de motifs et manque de base légale ;
"en ce que la chambre de l'instruction s'est déclarée incompétente pour autoriser l'extradition vers le Maroc de M. X..., remis par l'autorité judiciaire française à l'autorité judiciaire espagnole sur la base du mandat d'arrêt européen émis le 15 décembre 2005 à l'encontre du susnommé par cette dernière ;
"aux motifs qu'il ne résulte d'aucune disposition du code de procédure pénale ou d'une quelconque autre disposition légale qu'une chambre de l'instruction ... soit compétente "de jure" pour autoriser l'extradition vers un Etat non membre de l'Union européenne d'une personne remise initialement par l'autorité judiciaire française à l'autorité judiciaire d'un autre Etat membre de l'Union européenne sur la base d'un mandat d'arrêt européen émis par cette dernière à l'encontre de la dite personne ;
"alors que, dans un arrêt Pupino du 16 juin 2005 (C 105/03), la Cour de justice des communautés européennes a jugé que "la juridiction nationale est tenue de prendre en considération l'ensemble des règles du droit national et de les interpréter dans toute la mesure du possible à la lumière du texte ainsi que de la finalité de ladite décision cadre" précisant dans sa motivation (§43) que "le principe d'interprétation conforme s'impose au regard des décisions cadres adoptées dans le cadre du titre VI du TUE ; qu'en appliquant le droit national, la juridiction de renvoi appelée à interpréter celui-ci est tenue de le faire dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la décision cadre afin d'atteindre le résultat visé par celle-ci et de se conformer ainsi à l'article 34§2 b) du TUE." ; que, dès lors, à défaut de procédure spécifique prévue dans notre droit national concernant les modalités de recueil de l'assentiment des autorités françaises qui ont accordé une remise sur mandat d'arrêt européen à un Etat A et qui se trouvent ensuite saisies d'une demande de réextradition vers un Etat B se trouvant en dehors de l'Union européenne, il convient de se référer au texte de la décision-cadre sur le mandat d'arrêt européen et en particulier son article 28.4 qui prévoit qu'"une personne qui a été remise en vertu d'un mandat d'arrêt européen n'est pas extradée vers un Etat tiers sans le consentement de l'autorité compétente de l'État membre qui l'a remise. Ce consentement est donné conformément aux conventions par lesquelles cet Etat membre est lié, ainsi qu'à son droit interne" ; que, dans les déclarations faites au secrétariat du Conseil dans le cadre de la mise en oeuvre du mandat d'arrêt européen, la France n'a pas spécifiquement désigné une autorité compétente pour l'application de l'article 28 de la décision-cadre ; qu'en revanche, elle a désigné "les procureurs généraux et les chambres de l'instruction en tant qu'autorités judiciaires compétentes pour mettre à exécution les mandats d'arrêt européens décernés par une autorité judiciaire étrangère" ; que le BEPI n'étant pour sa part désigné que pour recevoir les demandes de transit ou de levée de privilège ou d'immunité ; qu'au regard de cette déclaration, qui a entendu désigner les parquets généraux et les chambres de l'instruction comme les autorités compétentes en matière d'exécution des mandats d'arrêt européens, mais également de l'esprit de la décision-cadre qui a entendu faire de la procédure de remise sur mandat d'arrêt européen une procédure purement judiciaire, il nous apparaît que la compétence de la chambre de l'instruction peut être fondée juridiquement" ;
Vu les articles 695-21 et 695-46 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il se déduit de ces textes que l'autorité compétente pour consentir à l'extension des effets d'un mandat d'arrêt européen, y compris à une mesure d'extradition vers un Etat non-membre de l'Union européenne, est la chambre de l'instruction qui a autorisé la remise de l'intéressé ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure, que, par l'arrêt, en date du 8 mars 2006, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a donné acte à M. X... de son consentement à être remis aux autorités judiciaires espagnoles en exécution d'un mandat d'arrêt européen ; que, les autorités espagnoles, elles-mêmes saisies par le Royaume du Maroc d'une demande d'extradition de l'intéressé, ont demandé aux autorités françaises d'y consentir ;
Attendu que, pour se déclarer incompétente pour prononcer sur cette seconde demande, l'arrêt énonce que, si la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen prévoit qu'une personne remise en vertu d'un tel mandat ne peut-être extradée vers un Etat tiers, sans le consentement de l'autorité compétente de l'Etat membre qui l'a remise, cette autorité n'a pas été désignée par la loi transposant la décision-cadre dans le droit français ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'ayant autorisé la remise, il lui appartenait de prononcer sur la demande des autorités espagnoles au regard de la convention d'extradition applicable entre le Maroc et la France, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 30 juin 2010, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Louvel président, M. Nunez conseiller rapporteur, MM. Palisse, Arnould, Le Corroller, Mme Radenne conseillers de la chambre, Mme Harel-Dutirou, MM. Roth, Laurent, conseillers référendaires, M. Maziau, conseiller référendaire stagiaire ayant prêté serment ;
Avocat général : M. Finielz ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;