LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la Caisse nationale des industries électriques et gazières ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., salarié d'EDF, a sollicité sa mise en inactivité anticipée au 1er juin 2009 en se prévalant d'une bonification de services d'un an par enfant ; que devant le refus de son employeur, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en référé ;
Sur le deuxième moyen :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour condamner la société Electricité de France (EDF) à payer des dommages-intérêts au salarié, la cour d'appel relève que la persistance mise par EDF à refuser de mettre en inactivité l'agent, alors que celui-ci était justement désireux de cesser son activité professionnelle pour satisfaire désormais de nouveaux projets dans son existence, lui a causé un préjudice moral ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la mise en inactivité était demandée à une date postérieure au jour où le juge a statué et ce sans établir l'existence d'un préjudice futur certain, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l'article 16 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 ;
Attendu, selon ce texte, qu'à compter du 1er janvier 2005, le fonctionnement du régime d'assurance vieillesse, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles des industries électriques et gazières est assuré par la CNIEG, chargée notamment de verser aux affiliés les prestations en espèce correspondantes ;
Attendu que pour faire droit à ces demandes et condamner l'employeur à leur verser une avance sur leur pension de retraite dans la cas où la CNIEG n'aurait pas liquidé cette pension dans le mois de la mise en inactivité, l'arrêt retient que cette avance prévue au paragraphe 2 du chapitre premier du titre VI de l'acte dénommé circulaire TS 429, émane d'un engagement de la société EDF et que rien ne justifie de l'écarter en l'espèce ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la société EDF, qui avait cessé d'être gestionnaire du régime d'assurance vieillesse depuis le 1er janvier 2005, n'était plus chargée du versement des prestations fût-ce sous forme d'avances, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le premier moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Electricité de France à faire une avance à M. X... dans le cas où la Caisse nationale des industries électriques et gazières n'aurait pas liquidé sa pension de retraite dans le mois de sa mise en inactivité et à lui payer une provision de 2 000 euros pour préjudice moral, l'arrêt rendu le 19 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi de ces chefs ;
Rejette ces demandes ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf octobre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils pour la société Electricité de France
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir ordonné à la société EDF d'accorder à Monsieur X... le bénéfice de la mesure de mise en inactivité prévue au premier paragraphe de l'article 3 de l'annexe III du Statut national du personnel des industries électriques et gazières ainsi qu'au c) paragraphe 122-35 du chapitre 263 du manuel pratique des questions du personnel EDF/GDF, d'avoir ordonné en conséquences à la société EDF de transmettre à la CNIEG tous éléments nécessaires à la liquidation par celle-ci de la pension de retraite de Monsieur X..., dit qu'à défaut pour la CNIEG d'avoir liquidé la pension de retraite dans le mois de la mise en inactivité, la société EDF verserait à l'agent une avance déterminée en application du §2 du chapitre 1, titre VI de la circulaire TS 429 et condamné la société EDF à verser à l'appelant la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité provisionnelle et à la somme de 200 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Aux motifs qu'il n'est pas discuté que le décret du 27 juin 2008, entré en vigueur le 1er juillet 2008, a modifié les dispositions de l'article 3 de l'annexe 3 du statut des personnels de l'industrie électrique et gazière instituant une bonification par enfant qui, sous certaines conditions, permet à un agent d'anticiper son départ en retraite, en demandant à son employeur sa mise en inactivité ; que depuis la première instance, le débat opposant les parties à propos des dispositions de ce texte, tend à voir déterminer si – dans leur rédaction initiale – ces dispositions particulières s'appliquent exclusivement aux agents féminins ou si les agents, père de famille, peuvent, eux-aussi, bénéficier de ces dispositions plus favorables concernant la bonification par enfant ; que le nouveau texte réglementaire susvisé précise désormais que pour bénéficier de la bonification par enfant litigieuse, l'agent doit avoir interrompu son travail durant deux mois, à l'occasion de la naissance de l'enfant ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que la demande de mise en inactivité formée par Monsieur X..., le 1er mars 2008 – refusée par lettre d'EDF du 15 mars 2008 – et la saisine par l'intéressé du Conseil des prud'hommes, le 25 avril 2008, sont antérieurs au 1er juillet 2008 ; qu'en application de l'article 2 du Code civil, la loi, et donc a fortiori une disposition réglementaire, ne dispose que pour l'avenir et n'a pas d'effet rétroactif ; que dès lors, sans qu'il puisse être soulevé une contestation sérieuse, la demande de mise en inactivité présentée par l'agent, ainsi que la procédure qui s'en est suivie, intervenues avant la promulgation du décret, ne sauraient être soumise aux nouvelles dispositions et demeurent régies par l'article 3 de l'annexe 3 précité, en sa rédaction antérieure à celle résultant du décret du 27 juin 2008 ;
Alors que les droits de l'assuré doivent être appréciés en application des dispositions réglementaires de son statut en vigueur au jour de la liquidation de sa pension ; qu'en l'espèce, la société EDF ne manquait pas de rappeler que les demandes de Monsieur X... tendaient à sa mise en inactivité et à la liquidation de sa pension à compter du 1er juin 2009 seulement, soit à une date postérieure à l'entrée en vigueur du décret du 27 juin 2008 ; qu'en estimant néanmoins qu'il y avait lieu d'apprécier le bien-fondé de sa demande et de procéder à la liquidation de sa pension en fonction des dispositions applicables antérieurement audit décret, sans s'expliquer sur la date pour laquelle Monsieur X... avait demandé sa mise en inactivité et la liquidation de sa pension et sans rechercher si le fait, souligné par les écritures d'appel de la société EDF, que Monsieur X... n'avait demandé qu'il soit procédé à sa mise en inactivité et que sa pension de retraite soit liquidée qu'à compter d'une date postérieure à l'entrée en vigueur du décret du 27 juin 2008, ne suffisait à exclure l'application à son profit des textes antérieurs, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard dudit décret ;
Et alors, en toute hypothèse qu'en statuant de la sorte sans s'expliquer sur la date pour laquelle Monsieur X... avait demandé sa mise en inactivité et la liquidation de sa pension et sans rechercher si le fait, souligné par les écritures d'appel de la société EDF, que Monsieur X... n'avait demandé qu'il soit procédé à sa mise en inactivité et que sa pension de retraite soit liquidée qu'à compter d'une date postérieure à l'entrée en vigueur du décret du 27 juin 2008, n'était pas à tout le moins susceptible de rendre sérieusement contestable sa prétention tendant à voir prononcer sa mise en inactivité et liquider sa pension dans les termes et les conditions résultant des textes antérieurs à cette date, la Cour d'appel a de plus fort privé sa décision de toute base légale au regard dudit décret, ensemble l'article R.1455-7 du Code du travail ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société EDF à payer à Monsieur X... une indemnité provisionnelle de 2.000 euros ;
Aux motifs que la persistance mise par l'intimé à refuser de mettre en inactivité l'agent, alors que celui-ci était justement désireux de cesser son activité professionnelle pour satisfaire désormais de nouveaux projets dans son existence, a incontestablement retardé l'exécution de ses projets, et causé, en conséquence, à l'intéressé, un préjudice moral dont il est bien-fondé à solliciter réparation et qui justifie l'allocation de la somme provisionnelle de 2.000 euros ;
Alors que la Cour d'appel, qui a statué avant la date pour laquelle Monsieur X... avait sollicité sa mise en inactivité et le bénéfice d'une pension de retraite, ne pouvait affirmer de plano que le refus de la société EDF de satisfaire à ses demandes avait pu retarder l'exécution des projets du salarié, alors que le terme n'en était point arrivé ; qu'en statuant en cet état, sans s'expliquer, comme elle y été invitée par l'exposante, sur la date pour laquelle Monsieur X... avait demandé sa mise en inactivité et la liquidation de sa pension et sans préciser en quoi le refus de la société EDF avait pu effectivement affecter les projets de Monsieur X..., la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, ayant ordonné à EDF d'accorder à l'appelant le bénéfice de la mesure de mise en inactivité prévue au premier paragraphe de l'article 3 de l'annexe III du Statut national du personnel des industries électriques et gazières ainsi qu'au c) paragraphe 122-35 du chapitre 263 du manuel pratique des questions du personnel EDF/GDF et de transmettre, en conséquence, à la CNIEG les éléments nécessaires à la liquidation par celle-ci de la pension de retraite de l'appelant, dit qu'à défaut pour la CNIEG d'avoir liquidé la pension de retraite dans le mois de mise en inactivité, la SA EDF versera à l'agent une avance déterminée en application du §2 du chapitre 1 titre VI de la circulaire TS 429 ;
Aux motifs que l'agent appelant sollicite l'application du §2 du chapitre premier du titre VI de la circulaire TS 429 qui dispose : « Si, à l'expiration du mois suivant la mise en inactivité, la prestation ne peut être liquidée, des avances sur prestations sont attribuées aux pensionnés. Elles sont fixées au produit d'une liquidation sommaire des éléments certains déjà rassemblés. Elles sont payées trimestriellement et d'avance aux mêmes dates que les prestations » ; que ces dispositions qui émanent des services de l'intimée, elle-même, s'imposent à elle et que rien ne justifie de les écarter en l'espèce ; que dans ces conditions, c'est à bon droit que l'appelant demande à la Cour d'intégrer ces modalités dans la mise en oeuvre de la procédure de mise en inactivité, présentement litigieuse entre les parties, en prévoyant comme dit au dispositif, le paiement par l'employeur d'une avance sur pension dans les conditions ci-dessus énoncées ; que ce versement ne saurait cependant être ordonné à la société, à titre de paiement, comme le demande le salarié sur le fondement de l'article 1146 et suivants du Code civil, dès lors que l'obligation de payer incombe à la CNIEG et que ce n'est qu'à titre d'avance que l'employeur verse, le cas échéant, la pension ;
Alors, de première part, que les dispositions de la circulaire TS 429, en tant qu'elles mettent à la charge de la Direction du Personnel des sociétés EDF et Gaz de France, en sa qualité de gestionnaire du régime spécial de retraite des IEG, l'obligation de verser aux salariés ayant demandé leur mise en inactivité une avance sur leur pension de retraite lorsque celle-ci n'est pas liquidée dans le délai prévu par ce texte sont inconciliables avec les dispositions de la loi du 9 août 2004 ayant transféré à la Caisse Nationale des Industries Electriques et Gazières la gestion et le versement des prestations dudit régime, et doivent donc être regardées comme implicitement abrogées par ce texte ; que la Cour d'appel ne pouvait donc prétendre en faire application en l'espèce sans violer lesdites dispositions par fausse application, ensemble les articles 16 et suivants de la loi du 9 août 2004 ;
Alors, de deuxième part, subsidiairement, qu'à tout le moins les dispositions de la circulaire TS 429 ont été rendues sans objet par le transfert des obligations afférentes à la liquidation et au paiement des pensions à la CNIEG par la loi précitée ; qu'en en faisant application à l'encontre de la société EDF, la Cour d'appel a par là même violé par fausse application ces dispositions, ensemble les articles 16 et suivants de la loi du 9 août 2004 ;
Alors, de troisième part, qu'en application de l'article 2 du décret n° 2008-627 du 27 juin 2008, les dispositions réglementaires antérieurement applicables à l'attribution des prestations de vieillesse régies par l'annexe III du Statut National du Personnel des Industries Electriques et Gazières se sont trouvées abrogées à compter du 1er juillet 2008 ; en prétendant néanmoins faire application de ce texte à la société EDF, la Cour d'appel a méconnu ce texte, ensemble l'article 2 du Code civil ;
Alors, subsidiairement, de quatrième part, qu'en toute hypothèse, la Cour d'appel, qui s'est à juste titre déclaré incompétente pour statuer sur le caractère non sérieusement contestable des obligations de la CNIEG, seule tenue au paiement de pensions de retraite au salarié appelant, et donc sur le caractère non contestable du droit de celui-ci à percevoir les prestations de vieillesse revendiquées, ne pouvait, sans méconnaître la portée de cette déclaration d'incompétence et violer l'article R.1455-7 du Code du travail, estimer que les obligations de la société EDF de payer quelque avance sur le montant desdites prestations pouvait être pour leur part néanmoins regardées comme non sérieusement contestable.