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18/10/2010 | FRANCE | N°10-CRD016

France | France, Cour de cassation, Commission reparation detention, 18 octobre 2010, 10-CRD016


COUR DE CASSATION
10 CRD 016

Audience publique du 20 septembre 2010 Prononcé au 18 octobre 2010

La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Breillat, président, M. Straehli, conseiller, Mme Leprieur, conseiller référendaire en présence de M. Charpenel, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :

INFIRMATION sur le recours formé par Z...
X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel

d'Aix-en-Provence en date du 5 février 2010 qui a déclaré sa requête irrecevable.
Les dé...

COUR DE CASSATION
10 CRD 016

Audience publique du 20 septembre 2010 Prononcé au 18 octobre 2010

La commission nationale de réparation des détentions instituée par l'article 149-3 du code de procédure pénale, composée lors des débats de M. Breillat, président, M. Straehli, conseiller, Mme Leprieur, conseiller référendaire en présence de M. Charpenel, avocat général et avec l'assistance de Mme Bureau, greffier, a rendu la décision suivante :

INFIRMATION sur le recours formé par Z...
X..., contre la décision du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 5 février 2010 qui a déclaré sa requête irrecevable.
Les débats ayant eu lieu en audience publique le 20 septembre 2010, l'avocat du demandeur ne s'y étant pas opposé ;
Vu les dossiers de la procédure de réparation et de la procédure pénale ;
Vu les conclusions de Me Gaudon, avocat au barreau de Marseille, représentant M. X... ;
Vu les conclusions de l'agent judiciaire du Trésor ;
Vu les conclusions de M. le procureur général près la Cour de cassation ;
Vu la notification de la date de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au demandeur, à son avocat, à l'agent judiciaire du Trésor et à son avocat, un mois avant l'audience ;
Monsieur Z...
X... ne comparaît pas personnellement. Il est représenté à l'audience par Me Gaudon conformément aux dispositions de l'article R. 40-5 du code de procédure pénale ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Leprieur, les observations de Me Gaudon, avocat représentant le demandeur et celles de Me Couturier-Heller, avocat représentant l'agent judiciaire du Trésor, les conclusions de M. l'avocat général Charpenel, l'avocat du demandeur ayant eu la parole en dernier ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi, la décision étant rendue en audience publique ;
LA COMMISSION NATIONALE DE REPARATION DES DETENTIONS,
Attendu que, par décision du 5 février 2010, le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a déclaré irrecevable la requête en réparation formée par M. Z...
X... à raison d'une détention provisoire effectuée du 24 mars 2005 au 14 janvier 2009 pour des faits ayant donné lieu à un arrêt d'acquittement devenu définitif ;
Attendu que M. X... a formé un recours régulier contre cette décision pour obtenir l'allocation de la somme de 91 270 euros en réparation de son préjudice moral, ainsi que celle de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour déclarer la requête irrecevable, le premier président a retenu que le demandeur s'était accusé à tort pour faire échapper un tiers aux poursuites ; qu'en effet, lors d'une confrontation avec ses frères organisée par le juge d'instruction et en présence de son avocat, il avait reconnu avoir étranglé la victime en donnant des renseignements très précis sur le mobile et le déroulement du meurtre ; que ses faux aveux étaient destinés à dissimuler la participation de certains membres de sa famille à un trafic de stupéfiants et à l'homicide volontaire, objet de l'information ; que, s'il a rétracté par la suite ses aveux, ses déclarations ultérieures, contradictoires, ont rendu les investigations plus difficiles et contribué à la réalisation du préjudice ;
Attendu que le requérant fait valoir s'être accusé du crime dont il s'agit quatre mois après son placement en détention et seulement pendant dix jours, ce dont il se déduit que les conditions d'application du cas d'exclusion de l'article 149 du code de procédure pénale ne sont pas réunies, l'aveu n'étant pas le motif de sa détention ; sur le montant de l'indemnisation, il indique que, si les motifs ayant conduit à sa détention sont indifférents, il doit être tenu compte de la durée exceptionnellement longue de celle-ci, de son handicap visuel ayant rendu ses conditions de détention particulièrement difficiles et de la séparation d'avec sa famille, qu'il a vécu très douloureusement ;
Attendu que l'agent judiciaire du Trésor conclut à la confirmation de la décision entreprise, dont la motivation est selon lui exempte de toute critique ; qu'à titre subsidiaire, il fait valoir que l'indemnisation du préjudice moral devrait être fixée à de plus justes proportions, sans pouvoir excéder la somme de 59 150 euros proposée subsidiairement en première instance ;
Attendu que le procureur général considère également la décision d'irrecevabilité justifiée ;
Vu les articles 149 à 150 du code de procédure pénale :
Sur le droit à indemnisation :
Attendu qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral directement causé par la privation de liberté ; que, toutefois, aucune réparation n'est due lorsque cette personne a fait l'objet d'une détention provisoire pour s'être librement et volontairement accusée ou laissée accuser à tort en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites ;
Attendu en l'espèce que, d'une part, il résulte de l'ordonnance de mise en accusation devant la cour d'assises que M. X... a été écroué le 24 mars 2005 après avoir été mis en examen pour meurtre, alors qu'il ne reconnaissait pas sa participation à ce crime ; qu'il a reconnu les faits lors d'une confrontation avec deux de ses frères, le 10 juin 2005 ; qu'il est revenu sur ses aveux devant le magistrat instructeur le 1er juillet 2005 ; que, par la suite, il n'a cessé de varier dans ses déclarations, tout en persistant dans ses dénégations ; qu'il est resté détenu jusqu'à sa comparution devant la cour d'assises, en janvier 2009 ;
Attendu qu'ainsi, les aveux de M. X... sont intervenus deux mois et demi après son placement en détention et ont été maintenus pendant un temps très bref, soit vingt jours sur une détention d'une durée totale de mille trois cent quatre-vingt sept jours ;
Attendu que, d'autre part, selon l'ordonnance de mise en accusation, M. X..., interrogé par le magistrat instructeur, a expliqué ses aveux-mensongers-par l'effet d'un traitement médicamenteux ainsi que " les conseils de son avocate " ;
Attendu en conséquence qu'il ne résulte pas de ces éléments que M. X... a été placé sous mandat de dépôt pour s'être librement et volontairement accusé d'un meurtre en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites ; qu'ainsi, l'exclusion du droit à indemnisation n'étant pas justifiée, la décision critiquée sera réformée ;
Sur la réparation du préjudice moral :
Attendu que compte tenu de l'âge de l'intéressé au moment de son incarcération (27 ans), de la durée de celle-ci (trois ans, neuf mois et vingt-deux jours), de l'absence de passé carcéral, mais également du choc psychologique ressenti et de la rupture temporaire des liens familiaux, il convient de fixer à 80 000 euros l'indemnité réparatrice de l'intégralité du préjudice moral ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Attendu qu'il sera alloué à l'intéressé la somme de 1 500 euros à ce titre ;
PAR CES MOTIFS :
ACCUEILLE le recours de M. Z...
X..., et statuant à nouveau ;
DECLARE la requête en indemnisation recevable ;
ALLOUE à M. Z...
X... la somme de 80 000 euros (quatre-vingt mille euros) en réparation du préjudice moral et 1 500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
LAISSE les dépens à la charge du Trésor public ;

Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique le 18 octobre 2010 par le président de la commission nationale de réparation des détentions ;

En foi de quoi la présente décision a été signée par le président, le rapporteur et le greffier présent lors des débats et du prononcé.
Le président Le rapporteur M. Breillat Mme Leprieur

Le greffier Mme Bureau


Synthèse
Formation : Commission reparation detention
Numéro d'arrêt : 10-CRD016
Date de la décision : 18/10/2010
Sens de l'arrêt : Infirmation

Analyses

REPARATION A RAISON D'UNE DETENTION - Bénéfice - Exclusion - Cas - Personne qui s'est librement et volontairement accusée ou laissée accuser à tort en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites - Caractérisation - Défaut

Selon l'article 149 du code de procédure pénale, aucune réparation n'est due à une personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire pour s'être librement et volontairement accusée ou laissée accuser à tort en vue de faire échapper l'auteur des faits aux poursuites. Doit être réformée la décision du premier président qui a déclaré une requête en réparation irrecevable pour ce motif, alors, d'une part, que les aveux de la personne concernée étaient intervenus deux mois et demi après son placement en détention et avaient été maintenus pendant un temps très bref, et que, d'autre part, selon l'ordonnance de mise en accusation, le mis en examen avait expliqué ses aveux mensongers par l'effet d'un traitement médicamenteux ainsi que les conseils de son avocate


Références :

article 149 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 05 février 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Commission reparation detention, 18 oct. 2010, pourvoi n°10-CRD016, Bull. civ. criminel 2010, Com. nat. de réparation des détentions, n° 10
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles criminel 2010, Com. nat. de réparation des détentions, n° 10

Composition du Tribunal
Président : M. Breillat
Avocat général : M. Charpenel
Rapporteur ?: Mme Leprieur
Avocat(s) : Me Gaudon, Me Couturier-Heller

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:10.CRD016
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