LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la Banque de l'économie du commerce et de la monétique (la BECM) a délivré le 15 octobre 2008 à la SCI Les Demeures du Salève (la SCI) un commandement de payer valant saisie ; que la SCI a saisi le juge de l'exécution, avant l'audience d'orientation, d'un incident, en invoquant la nullité du commandement, pour avoir été délivré par un clerc assermenté ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de la débouter de cette contestation, alors, selon le moyen :
1°/ que les actes d'exécution forcée sont de la compétence exclusive des huissiers de justice et ne peuvent être signifiés par un clerc assermenté ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, la SCI soutenait que le commandement de payer valant saisie immobilière du 15 octobre 2008 était entaché d'une irrégularité de fond dès lors qu'il mentionnait que «cet acte a été remis par huissier de justice ou par clerc assermenté dans les conditions ci-dessous indiquées» et que la signature de l'huissier de justice ne figurait que sous la mention «visa de l'huissier de justice des mentions relatives à la signification», lequel est, aux termes de l'article 7, alinéa 2, de la loi du 27 décembre 1923, le simple visa par l'huissier de justice des mentions faites sur l'original de l'acte par le clerc assermenté ; qu'ainsi, en se bornant à affirmer que le commandement de payer valant saisie immobilière litigieux avait bien été signé par M. X..., huissier de justice, au-dessous de son nom, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la signature de M. X... ne figurait pas seulement sous le visa par celui-ci des mentions faites sur l'orignal de l'acte par le clerc assermenté qui l'avait signifié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6 de la loi du 27 décembre 1923, 18 de la loi du 9 juillet 1991 et 117 du code de procédure civile ;
2°/ que dans ses conclusions d'appel, la SCI contestait expressément la télécopie de l'huissier du 19 février 2009 versée aux débats par la BECM en guise d'attestation ; qu'elle faisait valoir que cette télécopie ne remplissait pas les conditions de validité des attestations exigées par l'article 202 du code de procédure civile et qu'elle ne faisait pas foi jusqu'à inscription de faux, contrairement à la mention contenue dans le procès-verbal de signification du commandement de payer portant «visa de l'huissier de justice des mentions relatives à la signification» qui, d'après l'article 7, alinéa 2, de la loi du 27 décembre 1923 est le visa par l'huissier des mentions faites sur l'original de l'acte par le clerc assermenté l'ayant délivré ; qu'en déclarant dès lors que M. X... affirmait avoir signé lui-même le commandement litigieux dans une attestation qui n'était pas contestée, de sorte que l'acte avait bien été signé par cet huissier de justice, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la SCI, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté que l'acte de signification du commandement valant saisie était signé par l'huissier de justice, en dessous de son nom et que celui-ci confirmait dans une attestation sur l'honneur, dont le juge a souverainement apprécié la force probante, avoir personnellement délivré l'acte, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a par ce seul motif légalement justifié sa décision ;
Mais sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu les articles 125 du code de procédure civile et 6 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 ;
Attendu qu'à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf disposition contraire, être formée après l'audience d'orientation, à moins qu'elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci ;
Attendu que pour confirmer le jugement, l'arrêt rejette la demande d'annulation de la procédure de saisie fondée sur le fait que la créance n'aurait pas été liquide et exigible ;
Qu'en statuant ainsi, alors que cette contestation n'avait pas été formée par la SCI, avant l'audience d'orientation et ne portait pas sur des actes postérieurs à celle-ci, de sorte qu'elle devait prononcer d'office son irrecevabilité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle a rejeté la contestation portant sur l'exigibilité de la créance, l'arrêt rendu le 30 juin 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
DIT l'y avoir lieu à renvoi ;
DECLARE irrecevable la demande tendant à la nullité de la procédure en raison de ce que la créance ne serait pas liquide et exigible ;
Condamne la SCI Les Demeures du Salève aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour la société Les demeures du Salève et M. Y..., ès qualités
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SCI LES DEMEURES DU SALÈVE de sa demande en nullité du commandement de saisie-immobilière ;
AUX MOTIFS QUE le commandement de payer valant saisie-immobilière délivré le 15 octobre 2008 à la SCI LES DEMEURES DU SALÈVE à la demande de la Société BECM a bien été signé par Maître X..., huissier de justice, au dessous de son nom ; que celuici l'affirme dans une attestation qui n'est pas contestée ; que la seule irrégularité réside dans le fait qu'il est indiqué que l'acte a été remis par huissier de justice ou par clerc assermenté, la seconde mention n'ayant pas été rayée ; qu'il s'agit là d'une irrégularité de forme ; que la SCI LES DEMEURES DU SALÈVE n'en subit aucun grief, l'acte ayant bien été délivré par l'huissier de justice ;
1) ALORS QUE les actes d'exécution forcée sont de la compétence exclusive des huissiers de justice et ne peuvent être signifiés par un clerc assermenté ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, la SCI LES DEMEURES DU SALÈVE soutenait que le commandement de payer valant saisie-immobilière du 15 octobre 2008 était entaché d'une irrégularité de fond dès lors qu'il mentionnait que «cet acte a été remis par huissier de justice ou par clerc assermenté dans les conditions ci-dessous indiquées» et que la signature de l'huissier de justice ne figurait que sous la mention «visa de l'huissier de justice des mentions relatives à la signification», lequel est, aux termes de l'article 7, alinéa 2, de la loi du 27 décembre 1923, le simple visa par l'huissier de justice des mentions faites sur l'original de l'acte par le clerc assermenté ; qu'ainsi, en se bornant à affirmer que le commandement de payer valant saisie-immobilière litigieux avait bien été signé par Maître X..., huissier de justice, au-dessous de son nom, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la signature de Maître X... ne figurait pas seulement sous le visa par celui-ci des mentions faites sur l'orignal de l'acte par le clerc assermenté qui l'avait signifié, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6 de la loi du 27 décembre 1923, 18 de la loi du 9 juillet 1991 et 117 du Code de procédure civile ;
2) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la SCI LES DEMEURES DU SALÈVE contestait expressément la télécopie de l'huissier du 19 février 2009 versée aux débats par la BECM en guise d'attestation ; qu'elle faisait valoir que cette télécopie ne remplissait pas les conditions de validité des attestations exigées par l'article 202 du Code de procédure civile et qu'elle ne faisait pas foi jusqu'à inscription de faux, contrairement à la mention contenue dans le procès-verbal de signification du commandement de payer portant «visa de l'huissier de justice des mentions relatives à la signification» qui, d'après l'article 7, alinéa 2, de la loi du 27 décembre 1923 est le visa par l'huissier des mentions faites sur l'original de l'acte par le clerc assermenté l'ayant délivré ; qu'en déclarant dès lors que Maître X... affirmait avoir signé lui-même le commandement litigieux dans une attestation qui n'était pas contestée, de sorte que l'acte avait bien été signé par cet huissier de justice, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions de la SCI LES DEMEURES DU SALÈVE, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il avait constaté que la créance de la BECM à l'encontre de la SCI LES DEMEURES DU SALÈVE s'élevait à la somme de 2.795.633,82 € en principal et intérêts arrêtés au 3ème trimestre 2008 et d'avoir, en conséquence, ordonné qu'à la poursuite et aux diligences de la BECM, il serait procédé à la vente forcée de l'immeuble saisi sur la mise à prix de 2.000.000 € ;
AUX MOTIFS QUE selon acte notarié en date du 21 février 2007, la BECM a consenti à la SCI LES DEMEURES DU SALÈVE une ouverture de crédit pour l'acquisition du terrain et le paiement de la TVA à hauteur de 2.088.000,00 €, ainsi qu'un crédit premières dépenses à hauteur de 500.000 €, soit un total de 2.588.000 € ; que la BECM a prononcé l'exigibilité immédiate du crédit le 21 mai 2008 en se prévalant d'un solde débiteur de 2.674.740,05 €, soit un dépassement de l'ouverture de crédit de 86.740,05 € que la SCI LES DEMEURES DE SALÈVE conteste ; mais que même en prenant en considération les contestations élevées par la SCI LES DEMEURES DU SALÈVE relatives à la commission du plus fort découvert, les commissions de compte, les agios au taux Euribor et la commission d'engagement, c'est une somme de 29.424 €, voire de 30.000 € que la SCI estime ne pas devoir, ce qui ne remet pas en cause l'existence d'un dépassement incontestable de l'ouverture de crédit autorisant la banque à prononcer l'exigibilité immédiate de sa créance ; qu'il n'y a donc pas lieu d'annuler la présente saisie-immobilière ; que le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions ;
1) ALORS QUE le créancier ne peut procéder à une saisieimmobilière que s'il est muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible ; que dans ses conclusions d'appel, la SCI LES DEMEURES DU SALÈVE contestait le caractère exigible de la créance de la banque, le crédit accordé par la BECM n'ayant pas été valablement dénoncé ; qu'elle faisait valoir en effet qu'au moment où la banque avait prononcé l'exigibilité immédiate du crédit, soit le 21 mai 2008, les sommes dont elle était redevable ne dépassaient pas le montant de 2.588.000 € autorisé, ladite banque lui ayant facturé des agios et commissions non-contractuellement prévus, et soutenait avoir fait sommation à celle-ci de produire la convention d'ouverture de compte liant les parties, qui seule permettait de déterminer le montant exact des agios qui auraient dû être facturés et, partant, de vérifier s'il existait un dépassement de l'ouverture de crédit au 21 mai 2008 ; que dès lors, en s'abstenant de procéder à la vérification demandée, fût-ce en enjoignant à la banque de produire aux débats l'ouverture de crédit litigieuse, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2191 du Code civil ;
2) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la SCI LES DEMEURES DU SALÈVE soutenait également que bien que lui ayant indiqué le 21 mai 2008 qu'elle dénonçait son concours, la banque avec laquelle elle recherchait alors, de concert, une solution amiable, avait par la suite confirmé le maintien de son crédit jusqu'au 10 octobre 2008, en lui facturant le 10 juillet 2008, la commission d'engagement ou de confirmation de crédit perçue d'avance chaque trimestre et dont la banque reconnaissait dans ses propres conclusions d'appel qu'elle était due «aussi longtemps que le concours est maintenu» ; que dès lors, en ne répondant pas à ce moyen essentiel, tiré de la renonciation par la banque à la dénonciation de son concours, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
3) ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; qu'en constatant en l'espèce qu'en prenant en considération les contestations élevées par la SCI LES DEMEURES DU SALÈVE quant aux modalités de calcul par la banque de la commission du plus fort découvert, des commissions de compte, des agios au taux Euribor et de la commission d'engagement, le montant de la créance de la banque pouvait être diminué d'une somme de 29.424 €, voire de 30.000 €, sur un solde débiteur visé par la Cour de 2.674.740,05 € tout en confirmant le chef de dispositif du jugement constatant que la créance de la BECM à l'encontre de la SCI LES DEMEURES DU SALÈVE s'élevait à la somme de 2.795.633,82 €, la Cour d'appel s'est contredite, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile.