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13/10/2010 | FRANCE | N°10-60103;10-60116

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 octobre 2010, 10-60103 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité joint les pourvois n°s M 10-60.103 et A 10-60.116 ;
Sur le moyen unique commun aux pourvois :
Vu les articles L. 2141-1 du code du travail, 13 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 et 1315 du code civil ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que le syndicat CFDT Construction et bois Le Havre a notifié le 12 février 2009 à la société CIFN Dialoge, la désignation de M. X... en qualité de délégué syndical ; que celle-ci a été contestée par requête du 26 février 2009 ;
Attend

u que pour annuler la désignation de M. X..., le tribunal retient d'abord qu'une précé...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité joint les pourvois n°s M 10-60.103 et A 10-60.116 ;
Sur le moyen unique commun aux pourvois :
Vu les articles L. 2141-1 du code du travail, 13 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 et 1315 du code civil ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que le syndicat CFDT Construction et bois Le Havre a notifié le 12 février 2009 à la société CIFN Dialoge, la désignation de M. X... en qualité de délégué syndical ; que celle-ci a été contestée par requête du 26 février 2009 ;
Attendu que pour annuler la désignation de M. X..., le tribunal retient d'abord qu'une précédente désignation de M. X... du 3 mars 2008 a été annulée par un jugement du 25 septembre 2008 devenu définitif, au motif d'une concomitance troublante entre cette désignation et la notification au salarié de reproches sur son travail préalable à une procédure de licenciement clairement envisagée à son encontre et que quelques semaines seulement après l'expiration du délai pour former pourvoi, le syndicat a procédé à une nouvelle désignation ; qu'il relève ensuite que l'existence de la section syndicale dans l'entreprise n'est établie que par l'existence de deux adhérents selon la fiche signalétique d'un salarié qui a adhéré au syndicat le 22 janvier 2009, soit quelques jours seulement avant la désignation de l'intéressé, et celle de ce dernier en date du 1er février 2008 ; qu'il est troublant de constater que la fiche du second adhérent est produite en double, alors qu'il s'agit d'une seule et même personne et qu'en ce qui concerne ce salarié qui n'est pas précisément dénommé, il doit être considéré que son adhésion a été induite ou en tout cas dûment enregistrée avec une précipitation troublante par rapport à la désignation litigieuse du 12 février 2009 ; qu'il retient enfin que toutes les marques tangibles d'intérêt de M. X... pour la cause syndicale sont postérieures à sa désignation du 12 février 2009 et que les données ainsi soumises à son appréciation apportent des éléments de conviction suffisants pour juger que la désignation de M. X... est intervenue frauduleusement dans des conditions qui jettent une suspicion certaine sur l'authenticité et l'exclusivité de ses intentions de défense des intérêts collectifs des salariés ;
Attendu cependant, d'abord, que la contestation d'une nouvelle désignation n'ayant pas le même objet que celle portant sur une précédente désignation qui a été annulée, c'est à la date de la nouvelle désignation que le juge doit se placer pour en apprécier la régularité, compte tenu des éléments nouveaux intervenus à cette date ;
Et attendu ensuite, qu'en se fondant sur une suspicion de fraude alors que la bonne foi est toujours présumée, le tribunal, qui a renversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 28 janvier 2010, entre les parties, par le tribunal d'instance du Havre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Dieppe ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société CIFN Dialoge à payer à M. X... et au syndicat CFDT Construction et Bois Le Havre la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen commun aux pourvois n°s M 10-60.103 et A 10-60.116 produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour le syndicat CFDT Construction et Bois Le Havre et M. X....
Le moyen reproche au jugement attaqué d'AVOIR annulé comme frauduleuse la désignation de Monsieur X... en qualité de délégué syndicat CFDT au sein de la SA DIALOGE du 12 février 2009 ;
AUX MOTIFS QU'il convient de rappeler que par Jugement du 25 septembre 2008 le Tribunal de céans avait annulé comme frauduleuse, la désignation de Monsieur Pascal X... en qualité de délégué syndical CFDT intervenue le 3 mars 2008, après avoir constaté la concomitance troublante entre une telle désignation, et la notification, au salarié concerné, de reproches précis concernant l'exécution de son travail dans l'entreprise, préalable, clairement annoncé à l'intéressé, d'une procédure de licenciement envisagée à son encontre ; seulement quelques semaines après l'expiration du délai pour former pourvoi contre cette décision, le syndicat procédait, dès le 12 février 2009, à une nouvelle désignation de Monsieur Pascal X... en qualité de délégué syndical ; en second lieu, l'existence d'une section syndicale CFDT dans l'Entreprise, n'est attestée au dossier que par la fiche signalétique "...602 D 00578"désignant un salarié, adhérent audit syndicat le 22 janvier 2009 soit quelques jours seulement avant la désignation présentement contestée (12 février), ainsi que par la fiche de Monsieur Pascal X..., qui, lui-même, n'est adhérent à ce syndicat que depuis le 1er février 2008 (un mois avant la date de sa première désignation en qualité de délégué syndical, qui fut annulée par le premier Jugement de ce Tribunal) ; il est donc ainsi à relever que l'existence de la section syndicale est ainsi attestée par l'existence de seulement deux adhérents, dont celle du salarié concerné par le présent litige; il est troublant de constater, à la lecture minutieuse de la fiche signalétique de l'adhérent "602 D 00578", que celleci est produite en double, alors qu'il s'agit d'une seule et même personne, dont les coordonnées téléphoniques sont identiques et la date de naissance également, même si celle-ci est occultée par un procédé chimique ; précisément, en ce qui concerne ce salarié non clairement dénommé, il doit être considéré que son adhésion a été induite ou, en tout cas, dûment enregistrée, avec une précipitation troublante (le 22 janvier 2009) par rapport à l'événement juridique dont est saisi le Tribunal (12 février 2009) ; le Tribunal constate, en outre, que toutes les marques tangibles d'intérêt de Monsieur Pascal X... pour la cause syndicale CFDT, sont postérieures à sa désignation du 12 février 2009, ainsi qu'au dépôt de la requête en annulation de ladite désignation (26 février ) ; à la lumière des données ainsi soumises à son appréciation, le Tribunal estime disposer des éléments de conviction suffisants pour juger que la désignation de Monsieur Pascal X... le 12 février 2009 est intervenue frauduleusement, dans des conditions qui jettent une suspicion certaine sur l'authenticité et l'exclusivité de ses intentions de défense des intérêts collectifs des salariés de l'Entreprise ; il suit d'une telle appréciation faite par le Tribunal, que la désignation critiquée, sera, ci-après, annulée ;
ALORS QUE la désignation d'un salarié en qualité de délégué syndical ne peut être jugée frauduleuse que s'il est établi qu'elle est intervenue dans le but exclusif d'assurer au salarié une protection contre une mesure de licenciement ou contre une sanction disciplinaire et en tout cas dans un intérêt personnel ; que le Tribunal n'a pas constaté qu'à la date de la désignation du 12 février 2009, Monsieur X... ait été menacé par un licenciement ou même par une sanction disciplinaire ni a fortiori qu'il aurait eu connaissance d'une telle menace; qu'en annulant néanmoins la désignation de Monsieur X..., le Tribunal n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L 2143-3 du Code du Travail (anciennement L. 412-11 ) ;
ALORS surtout QUE c'est à la date de la désignation litigieuse qu'il convient de se placer pour déterminer si elle est frauduleuse ; que le Tribunal s'est référé à des éléments contemporains de la précédente désignation datant du 3 mars 2008 pour juger frauduleuse la nouvelle désignation en date du 12 février 2009 ; qu'en statuant comme il l'a fait, le Tribunal a violé l'article L. 2143-3 du Code du Travail (anciennement L. 412-11 ) ;
QU'en se fondant au demeurant sur le fait que la désignation serait intervenue seulement quelques semaines après l'expiration du délai pour former pourvoi contre la décision annulant la première désignation quand il a constaté qu'elle a été faite le 12 février 2009, et que le jugement d'annulation était en date du 25 septembre 2008, le tribunal a statué par des motifs contradictoires et violé l'article 455 du Code de procédure civile.
ALORS QUE le fait que le salarié ait manifesté de l'intérêt pour un syndicat antérieurement à sa désignation en qualité de délégué syndical n'est pas nécessaire à la validité de la désignation ; qu'en exigeant, sous couvert de fraude, la manifestation ancienne de l'intérêt du salarié et en se fondant sur un tel motif pour annuler la désignation, le Tribunal a violé l'article L 2143-3 du Code du Travail (anciennement L. 412-11) ;
ALORS surtout QUE le Tribunal, après avoir constaté que Monsieur X... avait adhéré au syndicat CFDT le 1er février 2008 a relevé « que toutes les marques tangibles d'intérêt de Monsieur Pascal X... pour la cause syndicale CFDT, sont postérieures à sa désignation du 12 février 2009, ainsi qu'au dépôt de la requête en annulation de ladite désignation (26 février ) » ; que le Tribunal, qui a statué par des motifs contradictoires et inopérants, a violé l'article 455 du Code de Procédure Civile ;
ALORS encore QUE l'existence d'une section syndicale résulte du regroupement d'au moins deux salariés ; qu'il suffit qu'une section syndicale soit constituée à la date de la désignation sans qu'il y ait lieu de communiquer le nom des adhérents; qu'en déduisant du fait que l'adhérent « non clairement dénommé » dont la fiche est produite n'a adhéré que peu de temps avant la désignation, proximité qualifiée de « précipitation troublante » que la désignation serait frauduleuse, le Tribunal a violé l'article 6 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 9 du code civil et les articles L. 2141-4 et L. 2141-5 et L. 2142-1 du code du travail ;
ALORS en définitive QUE la fraude doit être prouvée par celui qui l'allègue, les juges ne pouvant se contenter de simples suspicions ; que le Tribunal qui ne s'est fondé que sur des éléments inopérants en affirmant qu'ils jetaient « une suspicion certaine sur l'authenticité et l'exclusivité (des) intentions (du salarié) de défense des intérêts collectifs des salariés de l'Entreprise » et n'a pas retenu que soit rapportée par l'employeur la preuve d'un fait tangible pertinent de fraude a violé les articles 1315 du code civil et L 2143-3 du Code du Travail (anciennement L. 412-11 ) ;
ET ALORS en tout état de cause QUE le juge doit en toutes circonstances respecter une obligation d'impartialité ; que le Tribunal s'est prononcé par des motifs révélant une suspicion à l'égard de la désignation de Monsieur X... ; qu'en statuant comme il l'a fait, le Tribunal a violé l'article 1315 du Code Civil et l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10-60103;10-60116
Date de la décision : 13/10/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance du Havre, 28 janvier 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 oct. 2010, pourvoi n°10-60103;10-60116


Composition du Tribunal
Président : Mme Morin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Ghestin, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:10.60103
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