LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 2411-6 du code du travail ;
Attendu selon l'arrêt attaqué, que M. X..., employé depuis 1996 par la société Nord-Est bois, a, conjointement avec un syndicat, demandé par lettre du 10 mai 2004 l'organisation des élections des délégués du personnel ; que par jugement irrévocable du 15 juin 2004, le tribunal d'instance de Châlons-en-Champagne a dit que l'effectif de la société était inférieur à onze ; que M. X..., convoqué à l'entretien préalable au licenciement le 29 mai 2004, a été licencié pour motif économique par lettre du 5 juillet 2004 et a saisi le conseil de prud'hommes de diverses demandes ;
Attendu que pour débouter M. X... de sa demande de nullité du licenciement, la cour d'appel énonce que, s'il est constant que celui-ci a, par lettre du 10 mai 2004, sollicité de son employeur l'organisation d'élections des délégués du personnel pour lesquelles il a présenté sa candidature, il résulte du jugement du tribunal d'instance du 15 juin 2004 que le "seuil d'effectif" n'étant pas atteint dans la société, l'organisation des élections de délégués du personnel n'était pas obligatoire, et que le salarié, "en dépit de sa demande infondée" de l'organisation de ces élections, ne pouvait utilement revendiquer le bénéfice de la protection légale ;
Attendu cependant que, sauf si la demande est manifestement dépourvue de tout caractère sérieux, le salarié qui a demandé l'organisation des élections pour la mise en place des délégués du personnel bénéficie, lorsqu'une organisation syndicale intervient aux mêmes fins, de la protection de six mois prévue par l'article L. 2411-6 du code du travail ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'elle a constaté que l'entreprise, qui employait sept salariés, avait aussi plusieurs salariés mis à disposition de sorte que son effectif total s'établissait à 9,63 salariés, ce dont il résultait que M. X..., qui avait pu se méprendre sur la nécessité d'organiser des élections, devait bénéficier du statut protecteur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de ses demandes d'indemnité pour violation du statut protecteur et de dommages-intérêts en réparation du licenciement illicite, l'arrêt rendu le 25 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la société Nord-Est bois aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté monsieur X... de ses demandes tendant à voir prononcer la nullité du licenciement et condamner la société Nord Est Bois à lui payer 11 899,33 euros à titre d'indemnités pour violation du statut protecteur et 65.904,00 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE l'article L 2411-6 du code du travail prévoit que les salariés qui ont demandé à l'employeur d'organiser des élections de délégués du personnel ou d'accepter d'organiser de telles élections, sont protégés pendant une durée de 6 mois ; que l'article L 2312-2 du même code impose la mise en place des délégués du personnel pour les entreprises comptant plus de 11 salariés ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 2312-4 du code du travail, en sa rédaction applicable au jour du licenciement, pour les entreprises comptant moins de 11 salariés, les délégués du personnel peuvent être institués par convention collective ; qu'en l'espèce, il est constant que, par courrier daté du 10 mai 2006 lire 2004 , monsieur X... a sollicité de son employeur l'organisation d'élections de délégués du personnel, pour lesquelles il a présenté sa candidature ; que par jugement du 15 juin 2004, le tribunal d'instance de Châlons-en-Champagne a tranché que le seuil d'effectif n'était pas atteint dans la société Nord Est Bois ; que l'organisation d'élections de délégués du personnel n'était donc pas obligatoire ; que la convention collective applicable a retenu pour seuil d'effectif, le seuil légal ; qu'ainsi, au vu de la convention collective applicable, les élections de délégués du personnel n'étaient pas davantage envisageables ; qu'il s'ensuit qu'en dépit de sa demande infondée d'organisation d'élection de délégués du personnel, monsieur X... ne pouvait revendiquer le bénéfice de la protection qu'il sollicite ; qu'il sera donc débouté en sa demande visant à voir prononcer la nullité du licenciement dont il a fait l'objet, ainsi qu'en sa demande en paiement d'une indemnité fondée sur la protection des salariés demandant l'organisation d'élections.
1) ALORS QUE le salarié qui a demandé à l'employeur d'organiser les élections de délégués du personnel ou d'accepter d'organiser de telles élections est protégé pendant une durée de six mois ; qu'après avoir constaté que monsieur X... avait sollicité de l'employeur l'organisation d'élections de délégué du personnel, la cour d'appel a retenu que l'organisation de ces élections dans l'entreprise n'étant pas obligatoire compte tenu du seuil d'effectif, le salarié ne pouvait bénéficier de cette protection ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a ajouté une condition à la loi et violé l'article L. 2411-6 du code du travail ;
2) ALORS QUE l'autorisation de licencier un candidat aux élections des délégués du personnel est requise pendant six mois à compter de l'envoi de sa candidature par lettre recommandée ; qu'en décidant que monsieur X... ne bénéficiait pas du statut de salarié protégé au jour du licenciement notifié le 5 juillet 2004, quand elle constatait qu'il avait fait acte de candidature aux élections des délégués du personnel par un courrier du 10 mai 2004, la cour d'appel a violé l'article L. 2411-7 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté monsieur X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité pour violation de la procédure de licenciement ;
AUX MOTIFS QUE le licenciement pour motif économique se définit comme étant le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des incitations technologiques ; qu'il importe toutefois que le licenciement soit la seule issue à une impossibilité de reclasser le salarié visé notamment par la suppression de son poste ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement adressée à monsieur X... le 5 août 2004 rappelle l'incidence de la tempête de décembre 1999 sur le marché du bois, notamment sur le marché des particuliers ; que l'employeur justifie par la production aux débats de courriers émanant de la chambre syndicale du peuplier de France, d'une étude diligentée par le laboratoire économie et compétitivité du domaine de l'Etançon, mais aussi d'attestations établies par des exploitants forestiers locaux, que la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise rendait nécessaire sa réorganisation en réorientant notamment les achats vers les marchés publics ; que monsieur X..., affecté aux transactions avec les particuliers, a vu, de ce fait, son poste supprimé, ce que vise expressément la lettre de licenciement ; que, de plus, l'employeur justifie avoir fait à son salarié une proposition sérieuse de reclassement, lui proposant de créer un poste débardeur débutant, lui proposant une formation, tant interne qu'externe adéquate ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient monsieur X..., le licenciement économique dont il a fait l'objet, se trouve bien fondé ; que monsieur X... sera donc débouté en sa demande en paiement de dommages et intérêts ; qu'à défaut pour le salarié d'établir que la décision de le licencier était prise avant la tenue de l'entretien préalable, il sera débouté en sa demande en paiement d'une indemnité pour violation de la procédure.
1) ALORS QU'avant tout licenciement pour motif économique, l'employeur doit tenter de reclasser le salarié sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupait ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, sur un emploi d'une catégorie inférieure ; qu'en se bornant à retenir que la société Nord Est Bois avait proposé de reclasser monsieur X... sur un poste de « débardeur » débutant, de catégorie très inférieure à son ancien poste d'acheteur, sans vérifier s'il avait auparavant tenté de reclasser le salarié sur un poste relevant de même catégorie que celui qu'il occupait ou sur un emploi équivalent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
2) ALORS QU'en cas de refus d'une proposition de reclassement, l'employeur doit formuler de nouvelles propositions au salarié, sauf à en démontrer l'impossibilité ; qu'en se bornant à retenir que la société Nord Est Bois avait proposé à monsieur X... de le reclasser sur un poste de débardeur pour juger qu'elle avait respecté son obligation de reclassement, sans chercher si à la suite du refus du salarié de ce poste l'employeur avait tenté de le reclasser dans un autre emploi ou s'était retrouvé dans l'impossibilité de le faire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail.