LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, que M. X..., avocat au barreau de Paris, a été chargé au début de l'année 2000 par Mme Y... d'une action en indemnisation de troubles de jouissance dans un litige l'opposant à un syndicat de copropriétaires et à un syndic ; que reprochant ensuite à M. X... de n'avoir pas limité la procédure et l'exécution à ce dernier, Mme Y... a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats à la cour d'appel de Paris d'une action en contestation de ses honoraires ;
Sur le premier moyen, tel que reproduit en annexe :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'ordonnance de fixer à la somme déjà versée de 15 364, 80 euros HT le montant total des honoraires dus et de rejeter, en conséquence, sa demande en restitution des honoraires indûment perçus pour actes inutiles, frustratoires et non justifiés ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que le premier président, par une décision motivée, sans méconnaître les termes du litige et sans être tenu de s'expliquer sur chacun des critères de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, a évalué les honoraires dus à M. X... au montant qu'il a retenu, justifiant ainsi légalement sa décision ;
Mais sur le second moyen, pris en sa cinquième branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour la condamner à payer à M. X... des dommages-intérêts, l'ordonnance énonce que les réclamations de Mme Y..., qui n'indique pas le montant des honoraires qui serait trop perçu, paraissant estimer que son avocat n'aurait dû percevoir aucune rémunération pour le travail qu'il a réalisé et les sommes importantes qu'il lui a permis d'obtenir, relèvent d'une intention de nuire manifeste ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser un abus de Mme Y... du droit d'agir en justice, le premier président a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'elle porte condamnation de Mme Y... à des dommages-intérêts pour procédure abusive, l'ordonnance rendue le 14 mai 2009, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance partiellement cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Brouchot, avocat aux Conseils pour Mme Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR confirmé la décision du Bâtonnier du 11 mars 2008, en ce que, saisi d'une demande de Madame Y... en contestation des honoraires versés à Maître X..., il avait fixé à la somme de 15. 364, 80 euros HT le montant total des honoraires dus sous déduction de la provision à hauteur de 15. 364, 80 euros soit un solde d'honoraires nul, d'AVOIR constaté le règlement intégral de ladite somme outre la TVA y afférente et d'AVOIR en conséquence débouté Madame Y... de sa demande en restitution de ces honoraires indûment perçus pour actes inutiles, frustratoires et non justifiés ;
AUX MOTIFS QU'il ressort des pièces et documents régulièrement versés aux débats que Madame Y..., propriétaire d'un appartement à PARIS dont la terrasse était inutilisable par temps de pluie en raison d'une contrepente, a confié à Maître X..., avocat, la représentation de ses intérêts afin d'obtenir l'indemnisation de son trouble de jouissance et la prise en charge par la copropriété des travaux nécessaires pour remédier aux désordres affectant cette terrasse ; que par arrêt définitif en date du 5 mars 2003, cette Cour a condamné solidairement le syndicat des copropriétaires et le syndic à verser à Madame Y... les sommes de 9. 199, 20 euros au titre des remboursement de travaux, 30. 000 euros en réparation de son trouble de jouissance et de 6. 000 euros en remboursement de frais ; que fin 2005, Madame Y... donnait instruction à son conseil de mettre à exécution cet arrêt ; qu'ensuite, elle reprochait à ce dernier d'avoir diligenté la procédure et l'exécution contre le syndicat et de ne pas l'avoir limitée au syndic, et contestait les honoraires qui lui avaient été réclamés ; que c'est dans ces conditions qu'a été rendue la décision déférée dont le dispositif a été précédemment rappelé ; qu'il doit être rappelé que la procédure prévue par les articles 174 et suivants du décret 91-1197 du 27 novembre 1991 concerne exclusivement les contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires d'avocat ; que tant le bâtonnier que le premier président en appel sont incompétents pour se prononcer sur les fautes imputées à l'avocat ou à une juridiction, leur rôle se limitant à la fixation du montant des honoraires en fonction des diligences accomplies ; qu'en conséquence, les reproches adressés par Madame Y... à son avocat concernant la conduite du procès et l'exécution de la décision prononcée par la Cour d'appel de PARIS ne relèvent pas de la compétence du magistrat taxateur ; qu'en l'espèce, il n'existe pas de convention d'honoraires ; qu'à défaut de convention entre les parties, les honoraires sont fixés conformément aux dispositions de la loi du 31 décembre 1971, modifiée par la loi du 10 juillet 1991 en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ; qu'au regard des difficultés rencontrées par l'avocat au cours de la procédure diligentée à la demande de Madame Y..., notamment en ce qui concerne le problème de la prescription, de l'ancienneté et de la compétence particulière de ce conseil, il convient de confirmer le taux horaire de 280 euros HT retenu par le Bâtonnier ; que Madame Y... s'est toujours acquittée des factures émises par Maître X..., pour un montant de 8. 313, 14 euros HT sans élever la moindre contestation ; qu'il convient d'observer que les réclamations ne sont apparues qu'après que cette dernière ait rencontré des difficultés relationnelles avec les membres du syndicat de copropriété à la suite de la mise à exécution de la condamnation ; qu'en ce qui concerne le " travail sur dossier ", au regard des exigences de Madame Y... rendant nécessaire des examens fréquents du dossier, des communications téléphoniques, des correspondances et des audiences de procédure, il y a lieu de confirmer la somme de 7. 000 euros HT fixée par le Bâtonnier ; qu'en conséquence, le montant total des honoraires de Maître X... fixé par le Bâtonnier à 15. 364, 80 euros HT sera confirmé ;
ALORS D'UNE PART QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties tels qu'explicitées par les moyens développés dans leurs écritures ; que dans ses conclusions d'appel, Madame Y... avait clairement fait valoir que l'action dirigée contre Maître X... avait pour cause et pour objet, une action en contestation d'honoraires pour diligences inutiles et frustratoires et non une action en responsabilité professionnelle pour faute dans l'exécution de son mandat ; qu'en se déclarant incompétent pour connaître de fautes reprochées à Maître X... le Premier Président de la Cour d'appel qui, en conséquence, ne s'est pas prononcé sur l'utilité des diligences facturées, a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
ALORS D'AUTRE PART QUE tout avocat, demandeur au paiement d'honoraires, doit justifier non seulement de leur réalité sur un plan matériel mais aussi de leur utilité, objective et subjective, dans l'intérêt de son client ; qu'en se dispensant de procéder à la recherche clairement demandée par Madame Y... sur l'inutilité de l'exécution d'un arrêt portant condamnation solidaire d'un syndic et d'un syndicat des copropriétaires à l'encontre de ce seul dernier, ce qui avait entraîné par voie de conséquence un accroissement de ses propres charges de copropriété, au motif erroné pris de son incompétence pour se prononcer sur des fautes reprochées à Maître X..., le Premier Président de la Cour d'appel a privé son ordonnance de base légale au regard des articles 10 de la loi du 10 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée par la loi du 10 juillet 1991 et 11 du Code de déontologie des avocats ;
ALORS ENSUITE QUE le règlement par le client des sommes réclamées par l'avocat ne le prive pas de son droit de les contester ultérieurement à l'appui d'une action en contestation d'honoraires devant le Bâtonnier ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante du paiement sans contestation par Madame Y... d'une partie des honoraires facturés par Maître X..., le Premier Président de la Cour d'appel n'a pas légalement justifié son ordonnance de rejet de sa demande de restitution des honoraires non justifiés, indûment versés, au regard des articles 10 de la loi du 10 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée par la loi du 10 juillet 1991 et 11 du Code de déontologie des avocats ;
ALORS ENFIN QUE subsidiairement, en l'absence de convention d'honoraires, tout avocat doit justifier avec précision des diligences utiles effectivement fournies dans l'intérêt de son client ; que tout en constatant que 78 des 102 factures émises par Maître X... ne portaient que la mention elliptique et imprécise du " travail sur dossier ", sans indication du taux horaire, le Premier Président de la Cour d'appel qui, pour débouter Madame Y... de sa demande de restitution des honoraires indûment versés, a cependant considéré péremptoirement, en suppléant la carence probatoire de Maître X..., que ce travail devait correspondre aux exigences de celle-ci rendant nécessaires des examens fréquents du dossier, des communications téléphoniques, des correspondances et des audiences de procédure, n'a pas caractérisé précisément les diligences accomplies par cet avocat pour justifier ses honoraires au regard de l'article 245 du décret du 27 novembre 1991 repris à l'article 11. 7 du Code de déontologie
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'AVOIR condamné Madame Y... à payer à Maître X... la somme de 1. 500 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE les réclamations présentées et maintenues par Madame Y..., qui n'indique pas le montant des honoraires qui serait trop perçu, paraissant estimer que son avocat n'aurait dû percevoir aucune rémunération pour le travail qu'il a réalisé et les sommes importantes qu'il lui a permis d'obtenir, relèvent d'une intention de nuire manifeste ;
ALORS D'UNE PART QUE la cassation à intervenir de la disposition de l'ordonnance fixant à la somme de 15. 364, 80 euros HT le montant des honoraires dus à Maître X... par Madame Y... entraînera, par voie de conséquence, celle de la disposition portant condamnation de Madame Y... au paiement de dommages et intérêts pour intention de nuire, par application de l'article 625 du Code de procédure civile ;
ALORS D'AUTRE PART QU'est privée de motifs toute décision qui repose sur des motifs dubitatifs ou hypothétiques ; qu'en affirmant que Madame Y... paraissait estimer qu'elle ne devrait aucune rémunération à Maître X..., le Premier Président de la Cour d'appel s'est fondé sur un motif hypothétique, violant ainsi l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE subsidiairement, en affirmant que dans ses écritures, Madame Y... avait paru estimer que Maître X... n'aurait dû percevoir aucune rémunération pour le travail réalisé et les sommes importantes qu'il lui avait permis d'obtenir, le Premier Président a dénaturé ces conclusions dans lesquelles Madame Y... demandait de déclarer sans fondement les prétentions de l'avocat sauf dans la mesure où il pourrait justifier de sa réclamation dans les termes de la loi et de fixer la créance d'honoraires dans les limites des justifications précises et légalement recevables qu'il incombe à l'avocat de rapporter quant à la nature et à l'utilité des actes pour lesquels il demande à être rémunéré ce qui sous tendait sa reconnaissance du droit de Maître X... à la perception d'un honoraire à la condition de sa justification réelle et précise des diligences accomplies de manière utile et non la dénégation en bloc de tout droit de celui-ci à un honoraire, en violation des articles 1134 du Code civil, 4 et 6 du Code de procédure civile ;
ALORS ENCORE QU'en se déterminant comme il l'a fait, le Premier Président de la Cour d'appel a privé son ordonnance de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
ALORS QUE très subsidiairement, l'abus de droit n'est caractérisé qu'en cas de dégénérescence du droit pour toute partie de développer ses prétentions à l'appui de ses demandes ou de formuler ses observations tendant au rejet des demandes adverses dans le cadre de la défense de ses intérêts légitimes ; qu'il ressort des éléments du débat que Madame Y... avait été déclarée recevable et fondée partiellement en sa demande de contestation des honoraires fixés par Maître X... à la somme de 16. 514, 80 euros HT par le Bâtonnier qui les avait réduits à la somme de 15. 364, 80 euros HT déjà versés ; qu'en retenant une intention de nuire à l'encontre de Madame Y... dans l'exercice de son action, pourtant partiellement accueillie, sans caractériser en quoi son droit à ester en justice avait dégénéré en abus nuisible, le Premier Président de la Cour d'appel a privé son ordonnance de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.