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07/10/2010 | FRANCE | N°09-16829

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 07 octobre 2010, 09-16829


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique du pourvoi, qui est recevable :

Vu les articles 125, 150, 272, 544 et 545 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'un accident du travail survenu le 1er janvier 2004, Mme X... a bénéficié d'un arrêt de travail et a, ensuite, été reconnue par la caisse primaire d'assurance maladie de Privas (la caisse) atteinte d'une incapacité permanente partielle ; que le Centre hospitalier Sainte-Marie, employeur de la victime, a contesté la

date de consolidation de celle-ci devant une juridiction de sécurité sociale, l...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique du pourvoi, qui est recevable :

Vu les articles 125, 150, 272, 544 et 545 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'un accident du travail survenu le 1er janvier 2004, Mme X... a bénéficié d'un arrêt de travail et a, ensuite, été reconnue par la caisse primaire d'assurance maladie de Privas (la caisse) atteinte d'une incapacité permanente partielle ; que le Centre hospitalier Sainte-Marie, employeur de la victime, a contesté la date de consolidation de celle-ci devant une juridiction de sécurité sociale, laquelle a ordonné une expertise médicale en donnant à l'expert mission, notamment, de se faire communiquer par la caisse l'entier dossier médical de Mme X... ; que la caisse a interjeté appel de ce jugement ;

Attendu que pour déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par la caisse contre le jugement avant dire droit du tribunal des affaires de sécurité sociale et évoquer le fond de l'affaire, l'arrêt retient que l'appel de la caisse doit s'analyser comme un appel-nullité, le tribunal ayant commis un excès de pouvoir en ordonnant la communication par cette caisse à l'expert désigné de l'entier dossier médical de l'assurée, alors, d'une part, que la caisse n'en est pas dépositaire et ne peut donc procéder à sa communication, d'autre part, qu'elle est tenue à l'application des dispositions mettant en oeuvre le droit au respect de la vie privée de toute personne et au secret des informations la concernant ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la caisse n'était fondée à opposer ni l'impossibilité d'obtenir la production d'un pièce détenue par un tiers ni le respect du secret médical à une demande de communication d'un dossier médical à un médecin expert judiciaire, de sorte que la décision du premier juge, n'étant pas entachée d'excès de pouvoir, ne pouvait être frappée d'appel que sur autorisation du premier président de la cour d'appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juillet 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare l'appel irrecevable ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Privas aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de Privas ; la condamne à payer au Centre hospitalier Sainte-Marie la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de Centre hospitalier Sainte-Marie Privas.

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevable l'appel interjeté par la CPAM de PRIVAS contre le jugement avant dire droit du TASS de l'ARDECHE du 15 septembre 2008 et d'AVOIR évoqué l'affaire en s'estimant saisie par l'effet dévolutif de l'appel de l'ensemble du litige ;

AUX MOTIFS QUE « par jugement avant dire droit du 15 septembre 2008, le Tribunal des affaires de sécurité sociale de l'ARDECHE, saisi par le CENTRE HOSPITALIER SAINTE-MARIE DE PRIVAS de la contestation de la date de consolidation, fixée au 30 juin 2004 par le Médecin conseil de la CPAM de PRIVAS, des séquelles de l'accident du travail de sa salariée Madame X..., survenu le 1er janvier 2004, a : - ordonné une expertise médicale de Madame X... et désigné à cet effet le Docteur Y..., avec pour mission de déterminer la date de consolidation des séquelles de l'accident du travail survenu le 1er janvier 2004, - dit que l'expert se fera communiquer par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie l'entier dossier médical de Madame X... ; que selon l'article L. 141-1 du Code de la sécurité sociale les contestations d'ordre médical relatives à l'état du malade ou à l'état de la victime, et notamment à la date de consolidation en cas d'accident du travail et de maladies professionnelles, à l'exclusion des contestations régies article L. 143-1 du même Code, donnent lieu à une procédure d'expertise médicale dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ; que tel est le cas en l'espèce, s'agissant d'un litige relatif à la date de consolidation de blessures consécutives à un accident du travail ;
que cependant selon l'article R. 141-1 du Code de la sécurité sociale les contestations mentionnées à l'article susvisé sont soumises à un Médecin expert désigné, d'un commun accord, par le Médecin traitant et le Médecinconseil, que selon l'article R. 141-2, l'expertise prévue à l'article R.141-1 est pratiquée soit à la demande de la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, soit sur l'initiative de la Caisse Primaire ou de la Caisse Régionale d'Assurance-Maladie ; qu'il en résulte que la procédure spéciale de l'expertise technique ne peut être mise en oeuvre qu'à l'occasion des seuls rapports d'un assuré social avec la Caisse de Sécurité Sociale et ne peut, par suite, trouver application à l'occasion d'un différend qui, en l'absence de l'assuré oppose uniquement la Caisse à l'employeur ; que le CENTRE HOSPITALIER SAINTE-MARIE DE PRIVAS soulève l'irrecevabilité de l'appel de la caisse au motif que, la mesure d'expertise ordonnée par le premier juge ne répondant pas aux spécificités de l'expertise technique et étant soumise aux règles de droit commun du Code de procédure civile, l'appel de la décision avant dire droit est impossible indépendamment de l'appel de la décision statuant sur le fond du litige, sauf à respecter les dispositions de l'article 272 du Code de procédure civile ; que cependant l'appel de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de PRIVAS doit s'analyser comme un appel nullité, le Tribunal des affaires de sécurité sociale d'ARDECHE ayant commis un excès de pouvoir en ordonnant la communication par elle à l'expert désigné de l'entier dossier médical de l'assurée alors qu'elle n'en est pas dépositaire et ne peut donc procéder à sa communication, ce dossier étant en la possession de son service médical, indépendant des services administratifs de la Caisse Primaire et sous le contrôle de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS), organisme public ; qu'ensuite il résulte des dispositions de l'article L 161-31-1 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction de 2004, identique à l'article L. 1110-4 du Code de la santé publique, que toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant ; que, excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé, qu'il s'impose à tout professionnel de santé ainsi qu'à tous les professionnels intervenant dans le système de santé ; que la Caisse est tenue à l'application des dispositions susvisées mettant en oeuvre le droit au respect de la vie privée de toute personne et au secret des informations la concernant, couvrant l'ensemble des informations concernant la personnes venues à la connaissance de tout membre du personnel de l'organisme ; qu'en l'absence de dérogation légale applicable et de contestation de l'accord de l'assurée sur la levée du secret médical, peu important que cette dernière ait été appelée en la cause par le TASS, l'appel interjeté par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de PRIVAS n'est pas soumis aux dispositions de l'article 272 du Code de procédure civile et est recevable ; que la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel de l'ensemble du litige et investie de la plénitude de juridiction a le pouvoir et le devoir de garder la connaissance de l'affaire et d'apporter à celle-ci une solution au fond ; qu'il convient au préalable d'ordonner la réouverture des débats afin d'inviter les parties à s'expliquer sur le respect du secret professionnel et d'enjoindre à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de PRIVAS, appelante, d'appeler en cause d'appel la victime, celleci n'ayant pas expressément accepté la levée du secret médical et la communication de son entier dossier médical sur l'accident du travail survenu le 1er janvier 2004 » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE l'excès de pouvoir ne permet de déroger qu'à une règle interdisant un recours ; que l'article 272 du Code de procédure civile n'interdit pas l'appel contre un jugement ordonnant une expertise mais le soumet uniquement à une autorisation préalable du Premier Président de la Cour d'appel qui vérifie si l'appel immédiat est justifié par un motif grave et légitime ; que, dans une telle hypothèse, l'existence d'un excès de pouvoir est donc vérifiée par le Premier Président de la Cour d'appel, de sorte que l'invocation d'un excès de pouvoir ne dispense pas le justiciable d'obtenir l'autorisation préalable de faire appel contre une décision d'expertise ; qu'excède dès lors ses pouvoirs en violation de l'article 272 du Code de procédure civile, la Cour d'appel qui se fonde sur la commission d'un prétendu excès de pouvoir par le juge de première instance ayant ordonné une expertise pour écarter l'irrecevabilité de l'appel exercé par la CPAM de PRIVAS sans autorisation préalable du Premier président ;

ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE ni l'indépendance du service du contrôle médical vis-à-vis de la caisse ni les réserves émises par celle-ci sur le respect du secret médical ne peuvent exonérer les parties à la procédure du respect des principes d'un procès équitable ; que si le secret médical, institué dans l'intérêt des patients, s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi et lui fait obligation de protéger contre toute indiscrétion les documents médicaux concernant les personnes qu'il a soignées ou examinées, une expertise médicale qui, en ce qu'elle ressortit à un domaine technique échappant à la connaissance des juges, est susceptible d'influencer leur appréciation des faits, constitue un élément de preuve essentiel qui doit pouvoir être débattu par les parties ; qu'il en résulte que le secret médical ne saurait être opposé à un médecin-expert appelé à éclairer le juge sur les conditions d'attribution d'une prestation sociale, ce praticien, lui-même tenu au respect de cette règle, ne pouvant communiquer les documents médicaux examinés par lui aux parties et ayant pour mission d'établir un rapport ne révélant que les éléments de nature à apporter la réponse aux questions posées et excluant, hors de ces limites, ce qu'il a pu connaître à l'occasion de l'expertise ; qu'excède, dès lors, ses pouvoirs en violation des articles 272, 544 et 545 du Code de procédure civile, ensemble l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la Cour d'appel qui, pour déclarer recevable l'appel immédiat formé par la CPAM de PRIVAS contre un jugement avant dire droit ordonnant une expertise confiée à un médecin chargé de prendre connaissance des éléments médicaux concernant la salariée détenus par le service médical de la Caisse et de l'éclairer sur la date de consolidation des séquelles de Madame X..., estime que les premiers juges auraient commis un excès de pouvoir en ordonnant une telle mesure.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 09-16829
Date de la décision : 07/10/2010
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX - Contentieux général - Procédure - Appel - Décisions susceptibles - Décision d'avant dire droit - Dispositif ordonnant une expertise médicale - Conditions - Autorisation du premier président

APPEL CIVIL - Décisions susceptibles - Décision d'avant dire droit - Décision ordonnant expertise - Autorisation du premier président - Nécessité - Cas MESURES D'INSTRUCTION - Expertise - Décision ordonnant expertise - Appel - Autorisation du premier président - Nécessité - Cas

Saisi par un employeur qui contestait la date de consolidation de sa salariée victime d'un accident du travail, un tribunal des affaires de sécurité sociale a ordonné une expertise médicale en donnant à l'expert mission, notamment de se faire communiquer par la caisse primaire d'assurance maladie l'entier dossier médical de cette dernière. La caisse ayant interjeté appel de ce jugement, viole les articles 125, 150, 272, 544 et 545 du code de procédure civile la cour d'appel qui déclare cet appel recevable alors que cette caisse n'était fondée à opposer ni l'impossibilité d'obtenir la production d'une pièce détenue par un tiers ni le respect du secret médical à une demande de communication d'un dossier médical à un médecin expert judiciaire, de sorte que la décision du premier juge, n'étant pas entachée d'excès de pouvoir, ne pouvait être frappée d'appel que sur autorisation du premier président de la cour d'appel


Références :

articles 125, 150, 272, 544 et 545 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 07 juillet 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 07 oct. 2010, pourvoi n°09-16829, Bull. civ. 2010, II, n° 167
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, II, n° 167

Composition du Tribunal
Président : M. Loriferne
Rapporteur ?: M. Héderer
Avocat(s) : SCP Boutet, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.16829
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