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06/10/2010 | FRANCE | N°09-68962

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 octobre 2010, 09-68962


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 25 juin 2009), que les époux X... ont créé le 22 mai 1987 la société Etablissements X..., chacun des époux apportant un fonds de commerce qu'il avait créé précédemment, le mari, un fonds de commerce de travaux publics et l'épouse, une entreprise de transport ; que Mme X..., associée à 50 %, a été désignée comme gérante, le mari, associé à 25 % , étant contrôleur de travaux, moyennant un salaire de 5 152,78 euros par mois qui a

été réduit à 3 000 euros en février 2004 ; qu'après le divorce des époux prononcé le...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 25 juin 2009), que les époux X... ont créé le 22 mai 1987 la société Etablissements X..., chacun des époux apportant un fonds de commerce qu'il avait créé précédemment, le mari, un fonds de commerce de travaux publics et l'épouse, une entreprise de transport ; que Mme X..., associée à 50 %, a été désignée comme gérante, le mari, associé à 25 % , étant contrôleur de travaux, moyennant un salaire de 5 152,78 euros par mois qui a été réduit à 3 000 euros en février 2004 ; qu'après le divorce des époux prononcé le 17 octobre 2005, M. X... a été licencié pour faute grave le 19 décembre 2007 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que la société Établissements X... fait grief à l'arrêt de dire qu'il y avait un contrat de travail entre M. X... et elle-même et de la condamner à lui payer une somme à titre de salaire, congés payés inclus, alors, selon le moyen :

1°/ que l'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles la prestation de travail est fournie ; qu'en particulier, le juge ne peut retenir la qualification de contrat de travail sans caractériser l'existence d'un lien de subordination révélé par la délivrance d'instructions, le contrôle de l'exécution du travail et la sanction des manquements ; qu'en l'espèce, il ne résulte pas des constatations de l'arrêt que M. X... exerçait ses fonctions de conducteur de travaux suivant les directives et sous le contrôle de la gérante qui était sa propre femme ; qu'en retenant cependant l'existence d'un contrat de travail pour faire droit à sa demande de rappel de salaire, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil ;

2°/ qu'il résulte des constatations de l'arrêt que M. X..., époux de la gérante et associé à parts égales avec elle, avait la signature sur les comptes bancaires de la société, s'était porté caution à trois reprises des engagements pris par celle-ci et engageait l'entreprise sans limitation et sans rendre de compte ; qu'en refusant de déduire de ces éléments que l'intéressé avait la qualité de gérant de fait exclusive de tout lien de subordination, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'inféraient de ses propres constatations en violation des articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil ;

3°/ que les conventions s'exécutent de bonne foi et que prive sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail la cour d'appel qui s'abstient de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le fait que M. X... n'ait jamais réclamé un complément de salaire à compter de février 2004, ne signifiait pas qu'il avait accepté la modification de son salaire ;

4°/ que la volonté du salarié d'accepter une modification de son contrat de travail peut se déduire d'un ensemble d'éléments distincts de la seule poursuite du contrat ; qu'en l'espèce, la société Établissements X... soutenait que la modification de la rémunération de M. X... en février 2004 correspondait à un rééquilibrage des revenus entre M. et Mme X... dans le cadre de leur séparation, pour tenir compte, notamment, de la charge de loyer que Mme X... devait désormais supporter puisque M. X... conservait la jouissance du domicile conjugal ; qu'en s'abstenant de rechercher si ces circonstances n'étaient pas de nature à caractériser l'accord de M. X... à la modification de sa rémunération, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 du code civil, L. 1221-1 et L. 1222-1 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, qu'après avoir exactement rappelé qu'en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui en conteste l'existence ou invoque son caractère fictif d'en administrer la preuve, la cour d'appel qui a constaté, par motifs propres et adoptés, que M. X... avait assuré pendant vingt ans des fonctions techniques de conducteur de travaux moyennant un salaire, que les bulletins de paye avaient été remis et les cotisations sociales payées à l'URSSAF, que s'il avait la signature sur les comptes bancaires de la société et s'il s'était porté caution des engagements de la société à trois reprises, il avait pu le faire aussi bien en sa qualité d'associé à 25 % qu'en sa qualité de conducteur de travaux, qu'il lui était reproché de s'absenter sans prévenir et de ne demander aucune autorisation pour se rendre à la chasse des journées entières, qu'il avait fait l'objet d'une mise à pied conservatoire pour insubordination à l'égard de son employeur et qu'il n'était enfin pas prouvé qu'il avait pu s'octroyer la plus grande liberté dans ses heures de travail sans réaction de la gérante, a pu en déduire qu'il n'était nullement établi que le contrat de travail apparent ait été fictif ;

Et attendu, ensuite, qu'après avoir rappelé que la rémunération est un élément du contrat qui ne peut être modifié qu'avec l'accord du salarié et que l'absence de contestation même pendant plusieurs années ne saurait faire la preuve de l'acceptation, la cour d'appel, procédant à la recherche prétendument omise, a constaté qu'il n'était nullement établi que l'intéressé ait donné son accord à la diminution de son salaire ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Établissement X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Établissements X... à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour la société Établissement X...

- PRIS DE CE QUE l'arrêt attaqué a dit qu'il y a un contrat de travail entre Monsieur Guy X... et la SARL ETABLISSEMENTS X... et d'avoir en conséquence condamné la SARL ETABLISSEMENTS X... à payer à Monsieur X... la somme de 99.027,88 € à titre de salaire, congés payés inclus ;

AUX MOTIFS QUE «la compétence du conseil de prud'hommes dépend de l'existence d'un contrat de travail, caractérisé par trois éléments cumulatifs : une activité, un lien de subordination, la convention d'une rémunération ; que le lien de subordination est défini comme l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que toutefois, lorsque celui qui se prétend salarié peut se prévaloir d'un contrat de travail apparent, c'est à son adversaire d'en démontrer le caractère fictif ; que tel est le cas lorsque l'intéressé : présente un contrat de travail écrit, ou bien a perçu un salaire et a reçu des bulletins de paie, les cotisations correspondantes étant versées à l'URSSAF ; que Monsieur X... prétend qu'il était conducteur de travaux depuis 1987 ; que s'il ne dispose d'aucun contrat écrit, il a perçu un salaire, et s'est vu remettre des bulletins de paie, mentionnant qu'il était conducteur de travaux ; que les cotisations sociales ont été payées à l'URSSAF ; qu'il peut donc se prévaloir d'un contrat de travail apparent ; qu'il produit des attestations de salariés et d'autres entrepreneurs selon lesquelles il assurait effectivement des fonctions d'un conducteur de travaux, qui n'étaient donc pas fictives ; que s'il avait la signature sur les comptes bancaires de la société, et si, à trois reprises, il s'est porté caution des engagements de celle-ci envers le Crédit Agricole, il a pu le faire aussi bien en qualité d'associé à 25 % que de conducteur de travaux ; que par ailleurs, si à plusieurs reprises il a signé des bons de commande pour divers matériels de travaux publics, dont les montants étaient importants, c'était en tant que spécialiste de l'activité travaux publics de la société, et nécessairement avec l'accord de la gérante, que cet élément ne peut suffire à en faire un dirigeant de fait ; que concernant la liberté sur les horaires, Madame Y..., secrétaire comptable, indique que : -il ne venait que très irrégulièrement au travail, ne faisant une apparition que vers 13 heures 30, cet absentéisme posant rapidement de gros problèmes d'organisation, -il était consulté tous les jours sur le planning et sur son emploi du temps, qui ne lui était pas imposé ; que toutefois Madame Y... commençait elle-même à 13 heures 30 ; qu'elle ne pouvait donc pas voir s'il venait le matin, et des tâches de conducteur de travaux impliquent une présence plus importante sur les chantiers qu'au bureau ; qu'en outre ce témoignage est dans une certaine mesure contredit par celui de Monsieur Z..., selon lequel Monsieur X... lui donnait des ordres sur les chantiers «jusqu'à la reprise par Jean-François (son fils) du planning aux environs de 2005» ; que l'on ne sait donc si cette reprise du planning était justifiée par son absentéisme ou s'il était une manifestation de la «mise au placard», en raison du divorce, dont il se plaint, sans que l'absence de prise d'acte de la rupture soit de nature à la rendre invraisemblable, l'intéressé pouvant ainsi bien avoir voulu conserver son contrat plutôt que se retrouver sur le marché de l'emploi à 58 ans ; qu'il n'est donc pas prouvé que, de son propre chef, il a pu s'octroyer la plus grande liberté dans ses horaires sans réaction de la gérante, une certaine souplesse dans ceux-ci n'étant d'ailleurs pas incompatible avec un contrat de travail ; que comme il sera indiqué ci-après, son salaire de 5.152,78 euros par mois a été réduit à 3.000 euros en février 2004, sans preuve de son accord, ce dont il résulte que cette diminution lui a été imposée, et ce qui constitue une manifestation de l'autorité de celle-ci ; qu'enfin, le licenciement constitue un élément supplémentaire en faveur du lien de subordination ; qu'en l'état de ces considérations, Monsieur X... ne prouve pas que le contrat de travail apparent ait été en réalité fictif, et le Conseil de Prud'hommes était bien compétent ; que la rémunération est un élément du contrat qui ne peut être modifié qu'avec l'accord du salarié ; que s'il n'est pas nécessairement écrit, il doit néanmoins être prouvé ; que rien ne démontre que c'est en accord avec son épouse et ses deux enfants (qui avaient remplacé le frère et la soeur comme associés) qu'il a été décidé que chacun aurait un revenu de 3.000 euros par mois, et qu'ainsi il n'aurait plus que 3.000 euros au lieu de 5.152,78 euros ; que si, lors de l'assemblée générale du 29 décembre 2004, il a approuvé les comptes annuels 2004, il n'a pas participé au vote sur les conventions spéciales, et notamment sur celle traitant de sa rémunération ; qu'il ne peut donc en être déduit qu'il était d'accord avec la diminution de celle-ci, et, de même, son absence de contestation, même pendant plusieurs années, ne saurait faire la preuve de celle-ci ; qu'en conclusion, cette diminution lui a été imposée, ce qui n'était pas possible, et il est bien fondé à réclamer le rappel en découlant, dont le montant est justifié et non contesté».

-ALORS, DE PREMIÈRE PART, QUE l'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles la prestation de travail est fournie ; qu'en particulier, le juge ne peut retenir la qualification de contrat de travail sans caractériser l'existence d'un lien de subordination révélé par la délivrance d'instructions, le contrôle de l'exécution du travail et la sanction des manquements ; qu'en l'espèce, il ne résulte pas des constatations de l'arrêt que Monsieur X... exerçait ses fonctions de conducteur de travaux suivant les directives et sous le contrôle de la gérante qui était sa propre femme ; qu'en retenant cependant l'existence d'un contrat de travail pour faire droit à sa demande de rappel de salaire, la cour d'appel a violé les articles L.1221-1 du Code du Travail et 1134 du Code Civil ;

-ALORS, DE DEUXIÈME PART, QU'il résulte des constatations de l'arrêt que Monsieur X..., époux de la gérante et associé à parts égales avec elle, avait la signature sur les comptes bancaires de la société, s'était porté caution à trois reprises des engagements pris par celle-ci et engageait l'entreprise sans limitation et sans rendre de compte ; qu'en refusant de déduire de ces éléments que l'intéressé avait la qualité de gérant de fait exclusive de tout lien de subordination, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'inféraient de ses propres constatations en violation des articles L.1221-1 du Code du Travail et 1134 du Code Civil ;

-ALORS, DE TROISIÈME PART ET DE TOUTE FACON, QUE les conventions s'exécutent de bonne foi et que prive sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L. 1221-1 du Code du travail la Cour d'appel qui s'abstient de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le fait que Monsieur X... n'ait jamais réclamé un complément de salaire à compter de février 2004, ne signifiait pas qu'il avait accepté la modification de son salaire ;

-ALORS, ENFIN EN TOUT ETAT DE CAUSE la volonté du salarié d'accepter une modification de son contrat de travail peut se déduire d'un ensemble d'éléments distincts de la seule poursuite du contrat ; qu'en l'espèce, la société ETABLISSEMENTS X... soutenait (conclusions, p.5, al.11) que la modification de la rémunération de Monsieur X... en février 2004 correspondait à un rééquilibrage des revenus entre Monsieur et Madame X... dans le cadre de leur séparation, pour tenir compte, notamment, de la charge de loyer que Madame X... devait désormais supporter puisque Monsieur conservait la jouissance du domicile conjugal ; qu'en s'abstenant de rechercher si ces circonstances n'étaient pas de nature à caractériser l'accord de Monsieur X... à la modification de sa rémunération, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 du code civil, L.1221-1 et L.1222-1 du Code du Travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-68962
Date de la décision : 06/10/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 25 juin 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 oct. 2010, pourvoi n°09-68962


Composition du Tribunal
Président : Mme Mazars (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Le Bret-Desaché

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.68962
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