LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC. PRUD'HOMMES SL
COUR DE CASSATION
Audience publique du 29 septembre 2010
Rejet
M. CHAUVIRÉ, conseiller le plus ancien faisant fonction de président
Arrêt n° 1786 F-D
Pourvoi n° R 09-41. 473
Statuant sur le pourvoi formé par M. José X..., domicilié...,
contre l'arrêt rendu le 20 février 2009 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'opposant à la société Sirva France Buc, société anonyme, aux droits de laquelle vient la sociéte Transeuro Desbordes World Wide relocation, dont le siège est 6 rue Morane Saulnier, 78530 Buc,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 6 juillet 2010, où étaient présents : M. Chauviré, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Geerssen, conseiller rapporteur, M. Lebreuil, conseiller, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Geerssen, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. X..., de la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat de la société Transeuro Desbordes World Wide relocation, venant aux droits de la société Sirva France Buc, et après en avoir délibéré conformément à la loi et arrêté la décision au 1er septembre 2010 ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 février 2009), que M. X..., engagé le 4 février 1971 en qualité de déménageur facteur super chauffeur par la société Huet déménagement devenue Sirva France aux droits de laquelle vient la société Transeuro Desbordes World Wide Relocation, promu contremaître le 1er janvier 1999, a été licencié pour faute grave le 8 novembre 2005 après mise à pied conservatoire ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de retenir sa faute grave et de le débouter en conséquence de ses demandes indemnitaires, alors, selon le moyen :
1° / que les griefs invoqués à son encontre, à savoir le transport non autorisé d'effets personnels et la non information de sa hiérarchie quant à l'infraction commise par son subordonné en matière de temps de travail, ne revêtent pas un degré de gravité suffisant pour justifier un licenciement pour faute grave ; qu'en qualifiant de faute grave les manquements allégués à l'encontre du salarié, la cour d'appel a méconnu les dispositions inscrites à l'article L. 1234-1 du code du travail ;
2° / qu'en s'abstenant de se prononcer sur le transport frauduleux de matériaux potentiellement dangereux (plaques d'éverite) imputé par l'employeur à son encontre, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 1234-1 du code du travail ;
3° / que la faute grave doit être analysée in concreto, au regard des antécédents disciplinaires du salarié ; qu'en jugeant que le défaut d'information de la direction quant aux manquements commis par son subordonné constituait une faute grave sans prendre en considération son exemplarité dans l'exécution de son travail durant ses 34 années de service, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions inscrites à l'article L. 1234-1 du code du travail ;
4° / qu'il faisait état de la tolérance de la hiérarchie quant au transport par les salariés de certains de leurs effets personnels lors des déménagements effectués par la société ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen pour juger que ce transport imputé au salarié constituait une faute grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1234-1 du code du travail ;
5° / que pour les mêmes raisons la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, que le salarié avait, à la faveur d'un déménagement effectué par un équipage dont il avait la responsabilité, fait transporter, sans autorisation, pour son propre compte, divers matériaux à sa résidence au Portugal et qu'il avait omis d'exiger la remise des disques à l'issue de cette mission alors même qu'il avait eu connaissance au cours de celle-ci de dépassements par ses subordonnés des temps de conduite autorisés ; qu'elle a pu décider, quelle que soit son ancienneté, que le comportement de l'intéressé rendait impossible son maintien dans l'entreprise et constituait une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. X... ;
MOYE UNIQUE DE CASSATION
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur X... de ses demandes tendant à obtenir son indemnité de préavis et les congés payés y afférents, son indemnité conventionnelle de licenciement et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
AUX MOTIFS QUE Monsieur X... a été licencié pour faute grave par lettre du 8 novembre 2005 rédigée comme suit :
« Les éléments qui nous ont conduits à prendre cette décision, qui vous ont été exposés lors de l'entretien préalable et que vous avez reconnus, sont les suivants.
Nous avons récemment découvert plusieurs infractions relatives tant à la durée du travail en matière de transports routiers qu'en matière de transport de matériaux potentiellement dangereux.
En effet, nous vous rappelons que vous exercez les fonctions de Responsable d'exploitation...
Nous avons constaté que l'un des salariés placés sous votre responsabilité, Monsieur Paul Y..., avait entrepris lors de l'accomplissement d'un déménagement se déroulant du dimanche 21 août au 26 août de la France (Paris) au Portugal (Cascals) n'avait pas respecté volontairement la durée de conduite applicable pour les chauffeurs grands routiers.
Or, ainsi que vous l'avez reconnu lors de l'entretien préalable, vous étiez parfaitement informé de cette situation, puisque vous avez reconnu avoir eu, à différentes reprises à l'occasion de l'accomplissement de cette prestation au téléphone.
A ceci, s'ajoute le fait que vous n'avez pas jugé utile de prévenir la direction de l'entreprise de ce que votre subordonné ne vous avait pas remis les disques ce contrôle du véhicule utilisé à l'occasion de l'accomplissement de cette prestation, de sorte que nous considérons, qu'outre le fait que vous n'avez pas cherché à faire respecter la réglementation applicable et ce nonobstant la mise en danger potentielle d'autrui, vous avez délibérément tenté de masquer les agissements de votre subordonné.
Après nous être longuement interrogés sur les raisons de votre comportement surprenant, eu égard à la confiance que nous placions en vous, et après avoir reçu Monsieur Y... en entretien préalable, nous avons compris les raisons pour lesquelles vous avez agi ainsi.
En effet, vous étiez parfaitement informé de ce que le camion accomplissant la prestation n'était pas seulement chargé des biens appartenant au client, mais effectuait un transport non déclaré.
Or nous constatons que ce n'est pas la première fois que vous accomplissez un transport clandestin puisque vous avez reconnu lors de l'entretien préalable avoir accompli un tel transport, la marchandise étant un matériel de surcroît dangereux : des plaques d'éverite.
Vous avez reconnu devant témoin que vous aviez subtilisés ces plaques avec la complicité d'un autre membre du personnel de l'entreprise, Monsieur B..., puis organisé leur transport jusqu'à votre domicile au Portugal.
Outre le fait que vous avez dérobé des matériaux qui ne vous appartenaient pas, nous vous reprochons de les avoir fait transporter frauduleusement par un véhicule de la société alors même que le transport de matériaux dangereux suppose préalablement le dépôt d'une déclaration spéciale auprès des autorités et l'utilisation d'une licence type APTH matières dangereuses que l'entreprise ne possède pas.
En procédant ainsi, vous avez en conséquence à nouveau délibérément potentiellement mis en danger la personne d'autrui en procédant à ce transport occulte » Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les limites du litige ;
Que la charge de la preuve des faits fautifs incombe à l'employeur ;
D'une part, il n'est aucunement contesté que l'employeur a eu connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits fautifs dans le délai de l'article L. 1332-4 du Code du travail ;
Qu'en outre, si aucun fait fautif ne peut plus donner « à lui seul » à une sanction au-delà du délai de 2 mois, l'employeur peut invoquer une faute normalement prescrite lorsqu'un nouveau fait fautif est constaté, s'agissant de fautes procédant d'un comportement identique ;
Attendu que d'autre part, Monsieur X... a fait l'objet d'une promotion en 1999 au sein de son entreprise, et a été nommé, par avenant au contrat de travail, signé par lui, contremaître d'exploitation chargé des fonctions suivantes : « organisation des journées de travail, suivi des chantiers des équipes, encadrement du personnel technique sous l'autorité de la direction générale, contrôle des véhicules et des matériels, contrôle des documents nécessaires à chaque déménagement aussi bien pour les équipes pour la marchandise » ;
Que Monsieur X... a organisé la mission de transport et déménagement programmé entre la France et le Portugal du 21 août aux 26 août 2005 et réalisé par Monsieur Y... ; que contrairement à ce que l'appelant soutient, il ne lui est point reproché d'avoir transgressé les règles afférentes au transport routier lors de l'organisation de cette mission ;
Que par contre, il avait une connaissance exacte du comportement fautif adopté par M. Y... durant l'exécution de cette mission reconnaissant, dans ses écritures déposées en cause d'appel, avoir eu Monsieur Y... au téléphone et lui avoir enjoint à plusieurs reprises de s'arrêter ;
Que Monsieur Y... le confirme en précisant avoir « effectué une nuit chez Monsieur X... sur sa demande expressive lors d'une communication téléphonique » ;
Que le chauffeur a d'ailleurs été licencié pour faute grave le 19 octobre 2005 pour notamment non respect du temps de conduite lors de l'exécution de cette prestation ;
Que Monsieur X... a omis d'informer sa direction générale des dépassements d'horaires de conduite effectués alors même qu'il ne pouvait obtenir de Monsieur Y..., à son retour de voyage, comme il est d'usage en entreprise, la remise de ses disques chrono tachygraphes ;
Que Monsieur C... dans une attestation régulière versée aux débats, confirme que Monsieur X... se devait de collecter les disques chrono tachygraphes pour les remettre au responsable des ressources humaines Monsieur D... ; que Monsieur X..., tout en reconnaissant lui-même avoir sollicité cette remise des disques « à de nombreuses reprises » à Monsieur Y..., affirme contradictoirement que cette mission ne lui incombait pas ;
Que l'absence des disques portant sur ce déplacement France Portugal n'a été découverte par l'employeur qu'en septembre 2005, Monsieur Y... ayant reconnu ultérieurement les avoirs détruits ;
Que Monsieur X..., pendant les 20 jours qui doivent s'analyser en un temps raisonnable, ayant suivi le retour du chauffeur fautif et précédant son départ en congés n'a nullement informé sa hiérarchie des problèmes posés par Monsieur Y... ;
Qu'il ne lui est point reproché de n'avoir point obtenu la remise des disques comme il le développe dans ses conclusions ;
Que l'explication de ce défaut d'information de l'employeur réside dans le fait que l'appelant, dans une attestation établie au profit de Monsieur Y..., reconnaît avoir confié à ce dernier de procéder « au transport de cinq rouleaux d'isolant et de cinq cartons » pour son propre compte » à son domicile portugais, pour lequel il n'avait sollicité ni obtenu l'autorisation préalable de son supérieur hiérarchique comme l'atteste d'ailleurs Monsieur C.... ;
Que la livraison d'objets durant ce voyage au domicile portugais de Monsieur X... est confirmée par les déclarations de Monsieur E..., coéquipier de Monsieur Y... ;
Que le fait que Monsieur X... se soit autorisé à se faire livrer à son domicile portugais, à l'insu de son employeur, à l'occasion d'un déménagement effectué pour un tiers des objets personnels, et omis de renseigner ses supérieurs hiérarchiques sur le non-respect par Monsieur Y... des horaires de conduite imposés en matière de transports routiers et n'ait aucunement alerté, notamment avant son départ en vacances, la direction sur l'absence de production par ce dernier des disques de contrôle, alors même qu'il avait connaissance des dépassements d'horaires de conduite effectuée lors du déménagement constitue, au regard de la fonction qui était la sienne qu'il qualifie lui-même de « poste à responsabilité », une faute grave qui rend impossible son maintien dans l'entreprise même pendant la durée du préavis ;
Que ce seul fait est constitutif d'une faute grave ;
Qu'il n'est point nécessaire d'analyser le deuxième grief de vols de matériels ;
Attendu que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;
ALORS QUE, d'une part, les griefs invoqués à l'encontre de Monsieur X..., à savoir le transport non autorisé d'effets personnels et la non information de sa hiérarchie quant à l'infraction commise par son subordonné en matière de temps de travail, ne revêtent pas un degré de gravité suffisant pour justifier un licenciement pour faute grave ; qu'en qualifiant de faute grave les manquements allégués à l'encontre du salarié, la Cour d'appel a méconnu les dispositions inscrites à l'article 1234-1 du Code du travail.
ALORS QUE, d'autre part, en s'abstenant de se prononcer sur le transport frauduleux de matériaux potentiellement dangereux (plaques d'éverite) imputé par l'employeur à l'encontre du salarié, la Cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 1234-1 du Code du travail ;
ALORS QUE DE TROISIEME PART, la faute grave doit être analysée in concreto, au regard des antécédents disciplinaires du salarié ; qu'en jugeant que le défaut d'information de la direction quant aux manquements commis par son subordonné constituait une faute grave sans prendre en considération l'exemplarité du salarié dans l'exécution de son travail durant ses 34 années de service, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions inscrites à l'article L. 1234-1 du Code du travail ;
ALORS QUE DE QUATRIEME PART, le salarié faisait état de la tolérance de la hiérarchie quant au transport par les salariés de certains de leurs effets personnels lors des déménagements effectués par la société ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen pour juger que le dit transport imputé au salarié constituait une faute grave, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1234-1 du Code du travail.
ET ALORS ENFIN et partant que pour les mêmes raisons, la Cour a entaché sa décision d'un défaut de motifs en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.