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28/09/2010 | FRANCE | N°09-13708

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 28 septembre 2010, 09-13708


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 2222-4 du code du travail ;
Attendu, selon ce texte que, sauf stipulations contraires, la convention ou l'accord à durée déterminée arrivant à expiration continue à produire ses effets comme une convention ou un accord à durée indéterminée ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en vertu d'un accord relatif à la réduction du temps de travail destiné à éviter la suppression de postes, conclu le 6 décembre 1996 avec les organisation

s syndicales en application de la loi n° 96-502 du 11 juin 1996, la société Aigle ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 2222-4 du code du travail ;
Attendu, selon ce texte que, sauf stipulations contraires, la convention ou l'accord à durée déterminée arrivant à expiration continue à produire ses effets comme une convention ou un accord à durée indéterminée ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en vertu d'un accord relatif à la réduction du temps de travail destiné à éviter la suppression de postes, conclu le 6 décembre 1996 avec les organisations syndicales en application de la loi n° 96-502 du 11 juin 1996, la société Aigle international s'est engagée à verser à ses salariés des sommes compensant partiellement la baisse de salaire découlant de la réduction du temps de travail ; qu'elle a conclu, le 6 janvier 1997, une convention avec l'Etat ouvrant droit à un allégement de ses charges sociales, qui a pris fin le 31 décembre 2003 ; que l'Assedic Limousin Poitou-Charentes, devenu Pôle emploi Limousin Poitou-Charentes, a refusé de rembourser à la société Aigle international les cotisations d'assurance-chômage payées postérieurement au 31 décembre 2003 ;
Attendu que pour débouter la société Aigle international de sa demande en répétition de l'indu s'agissant des cotisations versées pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005, l'arrêt, après avoir relevé que l'accord du 6 décembre 1996, d'une durée initiale de trois ans prolongée, par avenants, jusqu'au 31 décembre 2003, stipulait que la non-application des réductions de charges patronales entraînera systématiquement sa renégociation, que la convention conclue avec l'Etat le 6 janvier 1997 ouvrant droit à l'allégement des cotisations sociales avait pris fin le 31 décembre 2003, et que ledit accord n'avait pas fait l'objet d'une renégociation postérieurement à cette date, énonce qu'il est devenu caduc le 1er janvier 2004 et que les sommes litigieuses avaient en conséquence la nature de salaire ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, qu'il n'était pas stipulé qu'à défaut de renégociation l'accord cesserait de produire ses effets, et, d'autre part, qu'il avait continué à être appliqué au sein de l'entreprise après le 31 décembre 2003, ce dont il résulte que ledit accord avait été tacitement reconduit, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne le Pôle emploi Limousin Poitou-Charentes aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Aigle international.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la Société AIGLE INTERNATIONAL de sa demande tendant à la condamnation du POLE EMPLOI du LIMOUSIN POITOU-CHARENTES à lui rembourser la somme de 30.458€ au titre des cotisations indument versées pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005 ;
AUX MOTIFS QUE « Pour débouter la société Aigle International de sa demande de remboursement de cotisations auprès de l'ASSEDIC Limousin Poitou Charentes, le premier juge a rappelé que, dans le cadre des dispositions de la loi du Il juin 1996, le bénéfice de l'allégement des charges sociales était réservé aux entreprises qui réalisaient une réduction collective de la durée du travail en vue de limiter les pertes de l'emploi. Il a pris en considération le fait qu'une convention entre la société Aigle International et l'Etat destinée à obtenir un allégement des charges et un accord collectif sur la réduction du temps de travail au sein de l'entreprise ont été signés de manière concomitante les 6 décembre, ces deux accords étant prévus pour trois ans et éventuellement renouvelables. Le premier juge a considéré que ces deux accords étaient liés et qu'il y aurait lieu à renégociation de l'accord avec les syndicats lorsque l'entreprise ne disposerait plus de l'allégement des charges sociales prévu avec l'Etat. Il a pris en compte le fait que l'allégement des charges ayant pris fin le 31 décembre 2003, l'accord collectif était devenu ineffectif et qu'en tout état de cause aucune autre convention n'avait été négociée. Il en a déduit que les sommes versées aux salariés devaient reprendre leur nature de salaire. Sont versés à la procédure :
- l'accord d'entreprise initial signé le 6 décembre 1996 qui était conclu pour une durée de trois ans à compter du 6 janvier 1997, soit jusqu'au 5 janvier 2000 et qui prévoyait que cet accord trouvant son origine dans la loi du Il juin 1996, serait systématiquement renégocié en cas de modification législative ou en cas de non-application des réductions de charges patronales
- la convention initiale entre l'Etat et la société Aigle International en date du 6 janvier 1997 qui organisait l'allégement des charges sociales sur une durée de trois ans
- un avenant à l'accord d'entreprise portant sur l'aménagement du temps de travail qui prévoyait que les modalités en étaient reconduites jusqu'au 31 décembre 2003
- deux avenants du 5 décembre 1997 et du 25 avril 2000 qui font état de ce que le dispositif d'allégement de charges est prolongé jusqu'au 31 décembre 2003.
Il est constant qu'à partir du 1er janvier 2004, il n'y a pas eu de nouvelles négociations tant entre les partenaires sociaux à l'intérieur de l'entreprise que entre l'Etat et la société Aigle International. L'appelante cherche à tirer argument des dispositions de l'article L. 132-6 du code du travail devenu L. 2222-4 qui dispose que « …Sauf stipulations contraires, l'accord conclu pour une durée déterminée arrivant à expiration continue à produire ses effets comme une convention ou un accord à durée indéterminée ». En l'espèce, il était clairement mentionné dans l'article 12 que toute modification des textes légaux et la non-application des réductions des charges patronales entraîneraient systématiquement la renégociation du présent accord. L'avenant n° 2 en date du 27 octobre 1997 qui prévoyait une durée de deux ans à compter du 1er janvier 1998 comportait également un article 12 rédigé de la même manière. L'avenant n° 3 du 8 décembre 1998 qui portait modification des articles 3 et 6 de l'accord initial fixait la durée de l'accord jusqu'au 31 décembre 2003 mais n'apportait pas de modification à l'article 12 de l'accord. De ce fait, l'employeur ne peut réclamer l'application de l'article L. 2222-4 alors que l'accord à durée déterminée avait clairement stipulé qu'en cas de disparition du système d'allégement des charges, il y aurait lieu systématiquement à renégociation. Il n'est pas contesté que la convention entre l'Etat et la société Aigle International a pris fin le 31 décembre 2003, événement qui aurait dû entraîner systématiquement une renégociation de l'accord susvisé qui ne trouvait son équilibre et sa raison d'être que dans le mécanisme particulier mis en place par la loi du 11 juin 1996. Aucune renégociation n'ayant eu lieu, cet accord est devenu caduc. Dès lors, à partir du 1er janvier 2004, les sommes versées aux salariés par l'employeur sont réputées avoir la nature de salaire, les sommes antérieurement versées au titre du différentiel de salaire en application de la réduction du temps de travail ne trouvant leur caractère indemnitaire qu'en application de l'accord d'entreprise. La loi du 19 décembre 2005 qui a énoncé que "la compensation salariale d'une perte de rémunération induite par une mesure de réduction du temps de travail est également considérée comme une rémunération qu'elle prenne la forme notamment d'un complément différentiel de salaire ou d'une hausse du taux de salaire horaire" n'implique pas qu'antérieurement ces sommes n'avaient pas une nature salariale, étant en outre observé que la société Aigle International a intégré à partir du 1er janvier 2004, la compensation différentielle dans le salaire. C'est par justes motifs que la Cour fait siens que le premier juge a débouté la société Aigle International de ses demandes et le jugement sera confirmé ».
AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE « L'article 2 de Ia loi n° 96-502 du 11 juin 1996 tendant à favoriser l'emploi par l'aménagement et la réduction conventionnels du temps de travail a inséré un article 39 1 dans la roi 0' 93-1313 du 20 décembre 1993 afin d'instituer un système d'aides aux entreprises qui réalisaient une réduction collective de la durée du travail en vue de favoriser l'emploi ou d'en limiter ses pertes. l'intention du législateur étant de mettre à la disposition des partenaires sociaux un instrument pour préserver ou accroître l'emploi et pour parvenir à une organisation du travail à la fois mieux adaptée aux attentes des salariés et plus productive. Les aides de l'Etat, qui prenaient la forme d'Un allégement des cotisations sociales à la charge de l'employeur, bénéficiaient aux entreprises ou établissements qui réduisaient la durée du travail afin d'éviter les licenciements prévus dans le cadre d'une procédure collective de licenciements économiques et qui s'engageaient à maintenir les effectifs couverts pour une durée déterminée. L'octroi des aides était subordonné à un accord entre partenaires sociaux suivi de la signature, entre l'Etat et l'entreprise ou l'établissement, d'une convention qui devait préciser, outre la réduction de l'horaire collectif de travail, le nombre de licenciements évités, le niveau d'emploi maintenu pour une durée déterminée et les conditions dans lesquelles les pertes de rémunérations induites par la réduction du temps de travail pouvaient faire l'objet d'une compensation salariale. C'est dans ce cadre légal qu'un accord collectif a été conclu le 6 décembre 1996 dans l'entreprise Aigle International et qu'une convention a été d'autre part passée entre la société Aigle International et l'Etat le 6 janvier 1997, tous deux pour une durée de trois ans reconduite jusqu'au 31 décembre 2003 par des avenants. L'article 10 de l'accord du 6 décembre 1996 stipulait que son entrée en vigueur était subordonnée à la « signature de fa convention aménagement/réduction du temps de travail avec les pouvoirs publics » et l'article 12 ajoutait Que toute modification de la loi du 11 juin 1996 et du décret d'application n° 96-721 du 14 août 1996 « et/ou la non-application des réductions de charges patronales entraînera systématiquement la renégociation » de cet accord. Dès lors. même si le dispositif de compensation salariale contenu dans l'accord du 6 décembre 1996 et la convention du 6 janvier 1997 n'engageaient pas les mêmes parties et pouvaient légalement être conclus de manière indépendante, il n'en reste pas moins que les partenaires sociaux avaient entendu lier l'exécution de l'accord à celle de la convention en prévoyant notamment une renégociation du volet relatif à la compensation des pertes de rémunérations induites par la réduction du temps de travail lorsque l'entreprise aura cessé de bénéficier de l'allégement des cotisations sociales. Il en résulte que, par une stipulation contraire au principe général posé par l'article L. 132-6 du Code du travail, l'accord du 6 décembre 1996 a été conclu à durée déterminée et est devenu caduc le 31 décembre 2003, date à laquelle la convention d'aide et d'aménagement et à la réduction du temps de travail est parvenu à son terme, légalement fixé à sept ans fixée par l'article 2 - IV du décret du 14 août 1996. Ainsi, à défaut de négociation d'un nouvel accord collectif pour la période postérieure au 31 décembre 2003, les dispositions de l'article 39-1 de la loi du 20 décembre 1993 modifiée par la loi du 11 juin 1996 ont cessé de s'appliquer au sein de l'entreprise Aigle International le 1er janvier 2004, si bien que les sommes que l'employeur a versées ensuite aux salariés sous forme de majorations des salaires ont perdu le caractère de dommages et intérêts attaché aux compensations accordées dans le cadre de l'application de ladite loi. La société Aigle International prétend cependant tirer profit du nouvel article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale issue de la modification apportée par l'article 14 II 1 de la loi n° 2005-179 du 19 décembre 2005. Mais en premier lieu, cette modification légale ne trouve à s'appliquer que dans le cadre d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail alors que pour la période litigieuse du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005 il n'y avait plus d'accord de ce type en vigueur au sein de l'entreprise Aigle International. En second lieu, et en tout état de cause, l'intention du législateur, en complétant l'article L. 242-1 du Code de la sécurité sociale avait été d'instituer des « dispositions interprétatives », selon les termes mêmes de l'exposé des motifs de l'article 13 du projet de loi n° 2575 de financement de la sécurité sociale pour 2006 (devenu l'article 14 de la loi), la finalité de cette disposition, initialement prévue pour être appliquée rétroactivement, étant de « revenir sur l'arrêt de la cour de cassation et de priver de fondement juridique les remboursement déjà effectués » (exposé des motifs, idem). Or, une loi interprétative n'institue pas une norme nouvelle qui infirmerait une disposition légale antérieure, mais elle se borne à reconnaître, sans en rien innover, un droit préexistant dont une définition imparfaite avait entraîné des divergences d'interprétation et il s'ensuit que le législateur de 2005 a voulu considérer que, dès son origine, l'article L. 242-1 assimilait à une rémunération la compensation salariale accordée sous la forme d'une hausse du taux de salaire horaire, même si pour des raison d'opportunité {cf. I'exposé de l'amendement n° 9 recto déposé par J-P. Dorr, rapporteur au nom de la Commission des affaires et sociales de l'Assemblée Nationale, à l'article 13 du projet de loi) le Parlement a finalement renoncé à l'application rétroactive de ce texte ». (Jugement p. 3-4).
ALORS, D'UNE PART, QU' en vertu de l'article L. 2222-4 du Code du travail, sauf stipulations contraires prévoyant que la convention ou l'accord cesseront de s'appliquer à la date de survenance du terme, la convention ou l'accord à durée déterminée arrivant à expiration continuent à produire leurs effets comme une convention ou un accord à durée indéterminée ; que la disposition conventionnelle prévoyant une renégociation de l'accord au moment de la survenance du terme ne fait pas obstacle à l'application de l'accord au-delà du terme ; qu'en considérant que l'accord collectif de réduction du temps de travail aurait cessé de s'appliquer à défaut d'avoir fait l'objet d'une renégociation entre les parties postérieurement au terme mentionné dans cet accord, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble les articles L. 2261-9 et L. 2261-14 du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'accord du 6 décembre 1996 a instauré une réduction de la durée hebdomadaire du travail ainsi qu'une nouvelle organisation de la durée du travail au sein de l'entreprise AIGLE INTERNATIONAL ; que s'il prévoyait une renégociation en cas de modification des textes législatifs et/ou de non-application du dispositif d'allégement de charges patronales, l'accord en question ne faisait pas de cet allègement une condition dirimante d'application ; qu'en déclarant l'accord de réduction du temps de travail caduc, à défaut d'avoir fait l'objet d'une renégociation entre les partenaires sociaux postérieurement à la disparition du dispositif d'allégement des charges conclu par l'entreprise avec l'état, sans rechercher si les dispositions de cet accord relatives à la durée du travail et à l'organisation du temps de travail continuaient à s'appliquer, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale, au regard de l'article 12 de l'accord du 6 décembre 1996 et des articles 1134 du Code civil et L. 2222-4 du Code du travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE le différentiel de rémunération a pour objet d'indemniser la perte de rémunération subie en raison de la diminution de la durée du travail et n'a pas pour objet de rémunérer un travail fourni par le salarié ; que, dès l'instant où la durée du travail des salariés restait inchangée une fois qu'est échu le terme initialement prévu par l'accord de réduction du temps de travail, la perte de salaire persistait et la somme versée aux salariés à titre différentiel conservait son caractère indemnitaire, peu important que l'accord collectif ait cessé de s'appliquer ; qu'en énonçant, pour débouter la Société AIGLE INTERNATIONAL que les sommes versées au titre du différentiel de salaire en application de la réduction du temps de travail ne trouvent leur caractère indemnitaire qu'en application de l'accord d'entreprise, la cour d'appel a violé les articles 1131 du Code civil et L. 242-1 du Code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 19 décembre 2005, ensemble les articles L. 5422-9 et L. 5422-14 L. 351-3-1 et L. 351-5 anciens du Code du travail ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QU' une mesure de réduction du temps de travail entraîne nécessairement, à défaut de compensation, une diminution de salaire ; qu'ont le caractère de dommages-intérêts les sommes destinées à compenser la perte de rémunération induite par une mesure de réduction du temps de travail décidée afin d'éviter des licenciements ; qu'elles doivent donc être exclues de l'assiette des cotisations sociales dès lors qu'elles ont été versées avant le 1er janvier 2006, la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 ayant prévu leur assujettissement à compter de cette date seulement ; qu'en l'espèce, l'accord collectif sur l'aménagement et la réduction du temps de travail pris en application de la loi du 11 juin 1996 prévoyait le versement d'un différentiel aux salariés dont la rémunération avait été réduite consécutivement à la réduction de leur durée du travail, intervenue afin de sauvegarder des emplois ; qu'il s'en induisait que ce différentiel avait le caractère de dommages-intérêts et, ayant été versé avant le 1er janvier 2006, devait donc être exclu de l'assiette des cotisations ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction en vigueur avant la loi n° 2005-1 579 du 19 décembre 2005, ensemble les articles L. 5422-9 et L. 5422-14 L. 351-3-1 et L. 351-5 anciens du Code du travail ;
ALORS, DE CINQUIEME PART, QUE le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l'article 6-1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales s'opposent à l'application immédiate d'un revirement de jurisprudence ne reposant pas sur des motifs impérieux d'intérêt général dans le cadre d'une instance introduite antérieurement au revirement de jurisprudence ; qu'en rejetant la demande de répétition de l'indu formée par l'exposante par application d'une solution posée par un revirement de jurisprudence intervenu le 19 juin 2008 -soit postérieurement à l'introduction de l'instance par l'exposante- et ne reposant pas sur des motifs impérieux d'intérêt général, la cour d'appel a privé la Société AIGLE INTERNATIONAL d'un procès équitable et a ainsi violé l'article 6.1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales ;
ALORS, DE SIXIEME PART, QUE si une personne peut être privée d'un droit de créance tiré d'une répétition de l'indu, c'est à la condition que soit respecté le juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens ; qu'en l'espèce, la Société AIGLE INTERNATIONAL pouvait au moment où elle a agi en justice, en l'état de la jurisprudence applicable et des dispositions de la loi du 19 décembre 2005 prévoyant que seules les compensations salariales versées à partir du 1er janvier 2006 dans le cadre d'accords collectifs réduisant la durée du travail conclus à compter du 1er octobre 1996 devaient être considérées comme des rémunérations au sens de l'article L. 242-1 alinéa 1er du Code de la Sécurité Sociale, légitimement espérer que son action en répétition de l'indu serait accueillie ; qu'entraîne donc une privation d'un bien protégé par l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention Européenne des Droits de l'Homme, l'application rétroactive par la cour d'appel dans le litige auquel l'exposante était partie du revirement de jurisprudence intervenu le 19 juin 2008 et selon lequel la compensation des pertes de rémunération induites par la réduction du temps de travail, n'avait pas le caractère de dommages-intérêts mais d'une rémunération et devait dès lors être intégrée dans l'assiette des cotisations sociales ; que cette privation ne repose sur aucun motif d'intérêt général justifiant une telle restriction au droit au respect des biens de l'exposante ; qu'en conséquence, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier Protocole additionnel de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, ensemble les articles L. 242-1 du Code de la sécurité sociale, L. 5422-9 et L. 5422-14 L. 351-3-1 et L. 351-5 anciens du Code du travail ;
QU'AU SURPLUS, en application de l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention Européenne des Droits de l'Homme, « nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international » ; que ce texte pose un principe de légalité impliquant que toute restriction apportée au droit au respect des biens résulte de normes de droit interne suffisamment accessibles, précises et prévisibles ; qu'en l'espèce, pour tenir en échec le droit de la Société AIGLE INTERNATIONAL au respect de son bien consistant dans l'espérance légitime d'une répétition de l'indu justifiée notamment par la position prise par la Cour de Cassation dans son arrêt du 20 janvier 2004, la cour d'appel a fait application d'un revirement de jurisprudence intervenu après que l'exposante eut engagé son action en justice, en dépit des dispositions de la loi du 19 décembre 2005 prévoyant que seules les compensations salariales versées à partir du 1er janvier 2006 dans le cadre d'accords collectifs réduisant la durée du travail conclus à compter du 1er octobre 1996 devaient être considérées comme des rémunérations au sens de l'article L. 242-1 alinéa 1er du Code de la Sécurité Sociale ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a de plus fort violé l'article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09-13708
Date de la décision : 28/09/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Dispositions générales - Application - Application dans le temps - Convention ou accord conclu pour une durée déterminée - Expiration - Prorogation - Conditions - Détermination - Portée

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Conventions et accords collectifs - Dispositions générales - Application - Application dans le temps - Convention ou accord conclu pour une durée déterminée - Caducité - Défaut - Conditions - Tacite reconduction - Caractérisation - Cas - Accord relatif à la réduction du temps de travail TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL - Réduction - Accord collectif - Accord conclu en application de la loi du 11 juin 1996 tendant à favoriser l'emploi - Caducité - Défaut - Applications diverses

Viole l'article L. 2222-4 du code du travail une cour d'appel qui énonce qu'un accord relatif à la réduction du temps de travail stipulant que la non-application des réductions de charges patronales entraînera systématiquement sa renégociation est devenu caduc, faute d'une renégociation à la date à laquelle a pris fin la convention conclue avec l'Etat ouvrant droit à l'allégement des cotisations sociales, alors, d'une part, qu'il n'était pas stipulé qu'à défaut de renégociation, l'accord cesserait de produire ses effets, et, d'autre part, qu'il avait continué à être appliqué au sein de l'entreprise postérieurement à la date à laquelle avait pris fin la convention conclue avec l'Etat, ce dont il résulte que ledit accord avait été tacitement reconduit


Références :

article L. 2222-4 du code du travail

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 24 février 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 28 sep. 2010, pourvoi n°09-13708, Bull. civ. 2010, V, n° 199
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, V, n° 199

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : M. Foerst
Rapporteur ?: Mme Ducloz
Avocat(s) : SCP Boullez, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.13708
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