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21/09/2010 | FRANCE | N°09-68534

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 21 septembre 2010, 09-68534


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Douai, 25 novembre 2008 et 23 avril 2009), que la société Institut français du textile et de l'habillement (la société IFTH) a donné en location à la société Télédiffusion de France (société TDF) un emplacement sur la terrasse de son immeuble pour l'installation d'antennes radio ; que la société TDF a chargé de la réalisation de cette installation la Société française d'étude et de réalisation d'équipement de radio diffusion (société Sofratev), qui

a sous-traité les travaux à la société Sogea Nord, aux droits de laquelle se trouv...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Douai, 25 novembre 2008 et 23 avril 2009), que la société Institut français du textile et de l'habillement (la société IFTH) a donné en location à la société Télédiffusion de France (société TDF) un emplacement sur la terrasse de son immeuble pour l'installation d'antennes radio ; que la société TDF a chargé de la réalisation de cette installation la Société française d'étude et de réalisation d'équipement de radio diffusion (société Sofratev), qui a sous-traité les travaux à la société Sogea Nord, aux droits de laquelle se trouve la société Sogea Nord hydraulique (société Sogea), qui les a, elle-même, sous-traité à la société Ayka TP ; que le 24 novembre 2003, lors du creusement d'une tranchée à proximité du transformateur appartenant à la société IFTH, la société Ayka TP a sectionné le câble alimentant les installations de la société IFTH, privant cette société de courant électrique; que la société Sogea a immédiatement loué des groupes électrogènes afin de permettre à la société IFTH de poursuivre son activité ; que les travaux de réparation, initialement prévus le 11 décembre 2003, ayant été refusés par la société IFTH, et une expertise ayant été ordonnée en référé le 17 décembre 2003, la réparation initialement envisagée a été réalisée le 22 décembre 2003 ; qu'après dépôt du rapport d'expertise le 4 janvier 2005, la société Sogea, qui avait fait l'avance de tous les frais occasionnés par le sinistre, a assigné la société IFTH, la société Sofratev, et M. X..., désigné en qualité de liquidateur judiciaire de la société Ayka TP ; que la société IFTH a, elle-même, assigné la société TDF ;
Sur le pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 25 novembre 2008 :
Attendu qu'aucun des moyens contenus dans le mémoire ampliatif n'étant dirigé contre cet arrêt, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi le concernant ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi dirigé contre l'arrêt du 23 avril 2009 :
Vu l'article 1732 du code civil ;
Attendu que, pour condamner la société TDF à payer à la société IFTH la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice, l'arrêt retient que l'existence d'une perturbation d'activité de la société IFTH sur trois jours est établie, que les documents analysés ne permettant toutefois pas de justifier des pertes de recettes invoqués par cette société à hauteur de plus de 77 000 euros, ce préjudice sera évalué à hauteur d'une somme forfaitaire de 15 000 euros ;
Qu'en procédant à une évaluation forfaitaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi dirigé contre l'arrêt du 23 avril 2009, qui ne serait pas de nature à permettre l'admission de ce pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 25 novembre 2008 ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société TDF à payer à la société IFTH la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 23 avril 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne la société IFTH aux dépens, sauf ceux exposés par la société Sogea, qui restent à la charge de la société TDF ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société TDF à payer à la société Sogea la somme de 2 500 euros, condamne la société IFTH à payer à la société TDF et à la société SOFRATEV , ensemble, la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société IFTH ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un septembre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Télédiffusion de France et la Société française d'étude et de réalisation d'équipements de radio diffusion.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société TDF à payer à la société IFTH la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,
AUX MOTIFS QUE la société IFTH sollicite la condamnation de son locataire TDF sur le fondement des dispositions du contrat de location, et notamment sur l'article 1732 du code civil au terme duquel le locataire répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance ; que l'existence de dégradations sur le bien donné en location est suffisamment établie par la rupture du câble d'alimentation du transformateur appartenant au bailleur ; que la responsabilité du locataire est ainsi engagée du fait de ces dégradations, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par la société TDF qui conteste uniquement la réalité du préjudice subi par le bailleur ; que la société IFTH chiffre son préjudice à la somme de 92.492,05 euros, se composant d'une part d'une perte de recettes externes (77.803 euros), et d'autre part de dommages matériels (matériel informatique et autres pour 19.238,81 euros), ce qui ferait un total de 97.041,81 euros (et non 92.492,05 euros) ; que dans son rapport, l'expert indiquait que la société IFTH produisait une évaluation de ses préjudices à hauteur de 110.620,49 euros ; qu'il a estimé que les justificatifs produits étaient insuffisants ; que le Tribunal de Commerce, estimant que cette évaluation apparaissait déraisonnable, a cependant partiellement fait droit à la demande de la société IFTH "au bénéfice du doute"(sic) ; que la Cour rappellera que le préjudice subi doit nécessairement être prouvé, et qu'il n'est pas possible de se fonder sur une impression ou sur des éléments incertains ; sur la perte de recettes externes, que pour justifier de la perte de recettes externes, la société IFTH produit uniquement aux débats les deux documents suivants : un tableau comparatif - réalisé sur papier libre - retraçant un chiffre d'affaires sur 3 mois de novembre 2002 à janvier 2003 (pièce n°20), une évaluation de perte financière établie sur papier à en tête de la société IFTH (recettes externes) (pièce n°21) ; que la Cour relève en premier lieu que ces deux documents comprennent des données chiffrés dont on ignore totalement la provenance, étant précisé que les documents comptables de la société IFTH n'ont pas été produits aux débats ; qu'en outre, ces documents ne comportent aucune certification extérieure à la société IFTH ; que la Cour note en outre qu'il n'existe aucune corrélation entre les deux documents produits, puisque l'évaluation de perte (pièce 21) retient des recettes externes de 3,7 millions d'euros sur 214 jours, alors qu'en tout état de cause le tableau comparatif ne porte que sur 90 jours (3 mois), avec des différences de chiffre d'affaires très notables selon les mois ; qu'il est donc impossible d'établir une corrélation entre les deux documents produits aux débats, leur force probante étant en outre insuffisante pour justifier des pertes invoquées par la société IFTH ; que la Cour retiendra au surplus que la société IFTH n'a subi que peu de perturbations dans son activité, puisqu'il résulte d'une télécopie échangée entre deux de ses salariés - datée du 27 Novembre 2003, soit 3 jours après le sinistre - que la société JFTH a été fermée le lendemain du sinistre, Mardi 25 Novembre, et que le fonctionnement de la société a été perturbé les mercredi 26 et Jeudi 27 Novembre ; que l'existence d'une perturbation d'activité sur 3 jours est ainsi établie, les documents analysés ne permettant pas toutefois de justifier d'une perte de recettes à hauteur de plus de 77.000 euros ; que la cour retiendra donc l'existence d'un préjudice à hauteur d'une somme forfaitaire de 15.000 euros pour ces 3 jours de perturbation d'activité ; que la société TDF sera donc condamnée à payer à la société IFTH la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,
1- ALORS QUE le droit de la responsabilité n'a vocation qu'à compenser les conséquences d'une atteinte à une personne ou à un patrimoine ; qu'en l'espèce, si la Cour d'appel elle a retenu l'existence d'une « perturbation d'activité », elle a elle-même constaté que les pièces produites par la société IFTH ne permettaient pas d'établir la moindre perte subie ou le moindre gain manqué, c'est à dire que cette perturbation n'avait eu aucune conséquence financière ; qu'en condamnant pourtant la société TDF à payer à la société IFTH la somme de 15.000 € en réparation de ses pertes de recettes externes, préjudice financier dont il était seul demandé réparation, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard du principe de la réparation intégrale et violé l'article 1732 du Code civil.
2- ALORS, en tout état de cause QUE les juges du fond ne peuvent pas procéder à une évaluation forfaitaire du dommage ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a indemnisé la société IFTH « à hauteur d'une somme forfaitaire de 15.000 € » ; qu'en statuant ainsi, elle a violé le principe de la réparation intégrale et l'article 1732 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'appel en garantie formé par la société TDF à l'encontre de la société SOGEA,
AUX MOTIFS QUE la société TDF sollicite la garantie de la société SOGEA pour toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, estimant que la société SOGEA, sous-traitante de la société SOFRATEV a failli à son obligation de résultat en confiant la réalisation des travaux à une société manifestement incompétente ; qu'en l'absence de tout lien contractuel entre la société TDF et la société SOGEA, cette dernière n'est tenue d'aucune obligation de résultat à son encontre ; qu'en outre, la simple affirmation de l'incompétence manifeste de la société AYKA TP, qui ne résulte ni des conclusions de l'expert ni d'aucun autre élément, ne suffit pas à démontrer l'existence d'une faute quasi-délictuelle imputable à la société SOGEA dans le choix de son sous-traitant ; que la société TDF sera donc déboutée de son appel en garantie à l'égard de la société SOGEA,
1- ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, la société SOGEA n'avait jamais soutenu qu'elle ne devait pas garantir la société TDF, faute d'être liée à cette société par un contrat et faute d'avoir commis une faute dans le choix de son sous-traitant ; qu'en relevant ce moyen d'office pour refuser de faire droit à l'appel en garantie de l'exposante, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.
2- ALORS, en tout état de cause, QUE la faute du sous-traitant engage la responsabilité de l'entrepreneur principal envers le maître de l'ouvrage ; que le sous-traitant de premier rang étant considéré comme entrepreneur principal en cas de sous-traitance en chaîne, la faute du sous-traitant de second rang engage la responsabilité du sous-traitant de premier rang envers le maître de l'ouvrage ; qu'en l'espèce, la faute de la société AYKA, sous-traitant de second rang, engageait donc la responsabilité de la société SOGEA, sous-traitant de premier rang, envers la société TDF, maître de l'ouvrage, de sorte qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.
3- ALORS, à tout le moins, QUE le sous-traitant est tenu d'une obligation de résultat en matière de réalisation des travaux commandés par l'entrepreneur principal ; que le tiers à un contrat pouvant, invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage, le maître de l'ouvrage peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, le manquement par le sous-traitant à son obligation de résultat si ce manquement lui a causé un dommage ; qu'en l'espèce, la société TDF, maître de l'ouvrage, pouvait donc se prévaloir du manquement de la société SOGEA, sous-traitant, à son obligation de résultat, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, de sorte qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a derechef violé l'article 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 09-68534
Date de la décision : 21/09/2010
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 23 avril 2009


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 21 sep. 2010, pourvoi n°09-68534


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.68534
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